Le magistère catholique sur l'enfer

« Assurément, il est grand le mystère de notre religion : c'est le Christ ! » (1Tm 3.16)
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Re: Le magistère catholique sur l'enfer

Message non lu par Voyageur » mar. 04 sept. 2018, 19:51

Très inspirant Cinci !
Surtout votre "astérisque".

Merci.

Oui, je prends de la place inutilement.
Mais c'est pour marquer l'attention que j'ai porté à votre message.

SATOR a écrit :"Ange" est décalqué du le latin "angelus", lui-même décalqué du grec "aggelos" qui traduit l'hébreu "maleak" qui signifie messager.
Et bien ?! ...

Je vous trouve pinailleur soudainement. Affirmeriez-vous également que la "face de DIEU" fait référence à son visage, aussi formel que le votre ou le mien ?! Je doute. Dès lors, pourquoi ne pas percevoir les "messagers" pour ce qu'ils sont : des extensions divines. N'est-il pas dit que Jacob a lutté avec DIEU ?
Tu m'as montré les chemins de la vie,
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Re: Le magistère catholique sur l'enfer

Message non lu par Cinci » mar. 04 sept. 2018, 22:07

Oui, je prends de la place inutilement.
:!:

Vous ne vous doutiez pas du plaisir que j'avais à retrouver votre présence sur ce forum alors ... Il est vrai qu'il reste difficile d'avoir accès à l'intimité des autres, et encore plus dans le domaine virtuel.


Et bien ?! ...
Quoi ? Que le terme français "ange" est dérivé d'un mot latin et qui serait lui-même repris du Grec et pour trouver un équivalent à une expression hébraïque ? C'est sûr.

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Re: Le magistère catholique sur l'enfer

Message non lu par Cinci » mar. 04 sept. 2018, 22:12

Je vous trouve pinailleur soudainement. Affirmeriez-vous également que la "face de DIEU" fait référence à son visage, aussi formel que le votre ou le mien ?! Je doute. Dès lors, pourquoi ne pas percevoir les "messagers" pour ce qu'ils sont : des extensions divines. N'est-il pas dit que Jacob a lutté avec DIEU ?
:?:

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Re: Le magistère catholique sur l'enfer

Message non lu par PaxetBonum » jeu. 06 sept. 2018, 15:21

Voyageur a écrit :
mar. 04 sept. 2018, 19:51
Dès lors, pourquoi ne pas percevoir les "messagers" pour ce qu'ils sont : des extensions divines. N'est-il pas dit que Jacob a lutté avec DIEU ?
Les prêtres sont à leurs façon des messagers de Dieu, sont-ils des anges ? des extensions de Dieu ?
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Re: Le magistère catholique sur l'enfer

Message non lu par Voyageur » jeu. 06 sept. 2018, 19:59

Bonsoir PaxetBonum,


J'ai l'impression que vous vous méprenez sur mes propos. C'est SATOR qui affirmait que les "anges" de la Bible sont en fait des humains, alliés de DIEU. Avec la suppression systématique de ses messages, je comprends que vous puissiez être perdu.


Cependant, puisque vous me posez deux questions...

Oui, en certaines occasions, les prêtres sont des "extensions" de DIEU.
Tout homme s'affilie au Père lorsqu'il fait Sa volonté et se place sous Son joug.

Est-ce qu'un homme est un ange : non.
J'ai déjà affirmé plus avant qu'Ils sont des êtres spirituels qui inspirent l'homme.
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Re: Le magistère catholique sur l'enfer

Message non lu par Carolus » jeu. 06 sept. 2018, 21:24

Voyageur a écrit :
mar. 04 sept. 2018, 19:51
Voyageur :

N'est-il pas dit que Jacob a lutté avec DIEU ?
Vous avez raison, cher Cinci. Il est " dit que Jacob a lutté avec DIEU ".
Gn 32, 29 " Et il dit : " Ton nom ne sera plus Jacob, mais Israël, car tu as combattu avec Dieu et avec des hommes, et tu l'as emporté. "
Il s'agit là-dessus d'une Théophanie (manifestation de Dieu).
CEC 707 Les Théophanies (manifestations de Dieu) illuminent le chemin de la promesse, des patriarches à Moïse et de Josué jusqu’aux visions qui inaugurent la mission des grands prophètes. La tradition chrétienne a toujours reconnu que dans ces Théophanies le Verbe de Dieu se laissait voir et entendre, à la fois révélé et " ombré " dans la Nuée de l’Esprit Saint.
Cette Théophanie particulière a illuminé le chemin de la promesse au patriarche Jacob.

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Re: Le magistère catholique sur l'enfer

Message non lu par Cinci » dim. 24 nov. 2019, 18:34

Faut-il croire à l'enfer ?


Jean Delumeau a consacré toute une étude à la place faite à l'enfer dans la prédication des siècles derniers. Et il pense qu'à une religion de la peur est en train de se substituer enfin une religion beaucoup plus authentique, une religion essentiellement centrée sur l'amour de Dieu. Beaucoup de chrétiens sont ravis de trouver dans les ouvrages de Jean Delumeau une confirmation de leur conviction intime : il est grand temps que l'Église prêche un Évangile débarrassé de ce mythe de l'enfer. Nos ancêtres n'avaient pas osé le faire, parce qu'ils n'avaient pas encore pris conscience de la nouveauté radicale de l'Évangile apporté par le Christ : Dieu n'est que miséricorde. Comment le Père que Jésus ne cesse de nous présenter dans l'Évangile comme un Père plein de tendresse pour tous les pécheurs pourrait-il supporter que l'une de ses brebis se perde ?

A l'inverse de la mentalité craintive de jadis, se développerait de plus en plus chez les chrétiens d'aujourd'hui une mentalité libérée de toute peur, mentalité qui pourrait se résumer dans le raisonnement suivant :

Dieu n'est que miséricorde
Donc il n'y a pas d'enfer
Donc je ne dois pas ... m'en faire !

Nous voudrions montrer ici, en nous appuyant non pas sur des études historiques ou des statistiques sociologiques, mais sur la pensée officielle de l'Église, que telle n'est pas la Bonne Nouvelle apportée par Jésus.

Ici, comme ailleurs, la Bible nous oblige à affirmer deux vérités apparemment contradictoires mais aussi vraies l'une que l'autre :

- Dieu veut vraiment le salut de tous les hommes et leur donne sans cesse tous les moyens d'y parvenir.
- Mais il nous avertit aussi que nous sommes tellement bêtes et méchants - ou plutôt tellement orgueilleux - que nous pourrions ne pas recevoir en héritage la vie éternelle.

Les phrases très claires de l'Évangile sur la réalité de Satan et de l'enfer me révèlent que je suis vraiment en danger, que je suis beaucoup plus vulnérable que je ne l'imagine spontanément. Raison de plus pour me défier de moi-même et me précipiter comme un tout petit enfant sur les épaules du Bon Pasteur ! Là - et là seulement - je n'ai plus peur !

La réalité d'un enfer éternel
"Si ta main est pour toi une occasion de chute, coupe-là : mieux vaut pour toi entrer mutilé dans la vie que d'aller, avec tes deux mains, dans la géhenne, dans le feu inextinguible, là ou le feu ne s'éteint pas" (Mc 9,43)
Nous ne pouvons évaluer le nombre de personnes que Satan a réussi à entraîner dans son malheur éternel, mais nous savons clairement par l'Évangile - tel que l'Église n'a cessé de le lire au cours des siècles - que chacun de nous doit prendre au sérieux la possibilité réelle qu'il a d'être malheureux pour toujours en allant dans un lieu que le Nouveau Testament nomme de multiples manières : l'Hadès (Luc 16,23), la géhenne (Mc 9,44; Mt 5,22-29; 18, 9), la fournaise de feu (Mt 13, 42-50), l'étang de feu et de soufre (Ap 19,20; 20, 9-15; 22,8), le feu éternel (Mt 18, 8; 25,41), le feu (ce mot revient souvent dans les paroles de Jésus), l'abîme (Luc 8,21; Ap 9, 11; 20, 1), les ténèbres extérieures (Luc 16, 28), le Tartare (2 P 2,4)

Les affirmations bibliques

Les livres de l'Ancien Testament nomment "schéol" l'endroit ou vont les morts, et les traducteurs alexandrins de la Bible ont presque toujours rendu le terme hébreu par le mot grec "Hadès". C'est un lieu souterrain (Gn 37,35) [...] Le défunt descend dans une terre de silence (Ps 94, 17); un royaume d'ou l'on ne revient pas (Job 7,9) et fermé comme une prison (Is 24,22). Mais on y retrouve ses aïeux (Gn 25, 8; 49.33). C'est l'antithèse de la terre des vivants (Is 38, 11; Jr 11,19) Dans la mort on ne loue plus le Seigneur (Ps 95, 17; Is 38, 18). Bref, pour les premiers livres de la Bible, la survie ne fait pas de doute, mais cette survie n'est pas très gaie !

Peu à peu les Juifs en viennent à concevoir une différenciation dans les fins dernières. La nation d'Israël ressuscitera, annonce Ézéchiel (37, 1-14), tandis que ses ennemis seront précipités dans le schéol (31,16).

Dans cette nouvelle perspective, on distingue un lieu particulier pour la punition des méchants. On lui donne le nom de géhenne, emprunté au vallon de Ben-Hinnon, ou avaient lieu les crémations d'enfants sacrifiés à Moloch et ou l'on brûlait les immondices de Jérusalem, avec parfois des cadavres. Les vers de cette pourriture et le feu qui la consumait composaient un symbole du châtiment promis aux hommes qui se révoltaient contre Dieu : "Leur ver ne mourra point, leur feu ne s'éteindra point et ils seront en horreur à toute chair" (Is 66,24). Le livre de Judith précise : "Le Seigneur livrera leur chair au feu et aux vers afin qu'ils brûlent et le ressentent éternellement" (16,21).

Avec Daniel s'affirme la résurrection individuelle. Elle sera générale et donnera aux uns une vie éternelle, aux autres un opprobre éternel (12,2; cf 2 Mac 7).

D'allure plus philosophique, le livre de la Sagesse insiste davantage sur le caractère imprévu du châtiment des impies que sur leur peine éternelle. Le jugement final nous les montrera stupéfaits devant le triomphe du juste et en proie à la "colère inexorable" du Créateur (4, 20-5).

Le Nouveau Testament

Les livres du Nouveau Testament ne donnent pas des descriptions circonstanciées de l'enfer, comme le font les apocalypses juives de l'époque (Jubilés, Baruch, Psaumes de Salomon), mais Jésus reprend les images scripturaires les plus violentes ("les pleurs et les grincements de dents dans la fournaise ardente") pour parler du sort réservé à l'ivraie (Mt 13,42). Et il vaut mieux entrer borgne dans le Royaume de Dieu que d'être jeté avec ses deux yeux dans la géhenne (Mc 9,47). C'est pourquoi Jésus nous dit de craindre "Celui qui peut perdre dans la géhenne à la fois le corps et l'âme" (Mt 10, 28).

Jésus ne parle pas seulement de l'enfer comme d'une réalité menaçante; il annonce que le Fils de l'homme lui-même enverra ses anges jeter dans la fournaise ardente les fauteurs d'iniquité (Mt 13,41) et prononcera la malédiction : "Loin de moi, maudits, au feu éternel " (Mt 25, 41)

Paul dira la même chose, insistant sur le juste jugement de Dieu menaçant celui dont l'injustice appelle la colère divine (Ro 2,5). Par deux fois l'apôtre énumère les péchés dont les auteurs "n'hériteront pas du Royaume de Dieu" (1 Co 6,9-10; Ga 5,21) L'épitre aux Hébreux déclare qu'il est "effroyable de tomber entre les mains du Dieu vivant" (10,31) L'avant-dernière page de l'Apocalypse nous parle de l'étang de feu du diable, ou sont la bête et les faux prophètes tourmentés jour et nuit dans les siècles des siècles (20, 9)


Un dogme défini par l'Église

L'Église a toujours demandé aux chrétiens de prendre au sérieux les paroles très claires de l'Évangile sur l'enfer. La formule dite Fides Damasi (V e siècle) affirme la foi en une double issue pour la vie terrestre : "La vie éternelle comme récompense du bon mérite ou la peine du supplice éternel pour les péchés." A la même époque, le symbole dit d'Athanase exprime la même certitude : "Ceux qui auront fait le bien iront dans la vie éternelle; ceux qui auront commis le mal iront au feu éternel." Vérité réaffirmée au IVe concile du Latran (1215), au 2e concile de Lyon (1274) et au concile de Florence (1441).

Quant à l'éternité des peines de l'enfer, elle a été plus spécialement affirmée contre les Origénistes par le Synode de Constantinople (543), dont les décisions furent approuvées par de nombreux évêques et par le pape Vigile. Le damné subit-il sa peine aussitôt après sa mort ou seulement lors du jugement dernier ? La question a reçu une réponse définitive en 1274, au 2e concile de Lyon : "Les âmes de ceux qui meurent en état de péché mortel ... descendent aussitôt en enfer."

L'existence d'un enfer éternel fait donc partie des dogmes auxquels l'Église nous demande de croire - sur la parole de l'Écriture. Un dogme que les chrétiens ont toujours été tentés de nier, tant il nous paraît incroyable, mystérieux. Incroyable ... mais vrai !

L'Église s'est toujours opposée à la thèse de la disparition progressive des peines de l'enfer et elle a supprimé de ses livres liturgiques toute formule de prière pour les damnés.


Spontanément, les hommes estiment que Dieu ne devrait jamais condamner à une peine éternelle des êtres humains dont les fautes, pour horribles qu'elles soient, ne sont que des fautes limitées dans le temps.

[Sauf que dans l'authentique spiritualité catholique ...]

Ceux qui au contraire prennent tout à fait au sérieux les paroles de l'Évangile supplient le Seigneur de les "délivrer du Malin". Plus ils se défient de Satan, plus ils se confient en Dieu. Comme le dit excellemment le Père Molinié, la véritable confiance en Dieu suppose "le courage d'avoir peur". L'enseignement de Thérèse de Lisieux, l'enseignement de l'Évangile - et bien entendu le mystère de la Croix ... tout cela n'a rigoureusement aucun sens si l'enfer n'existe pas ou si le danger qu'Il nous fait courir est pratiquement nul.

Ceux qui ne croient pas à l'enfer prient plus ou moins de la façon suivante : "Seigneur, je ne crains rien ! Au moment de la mort, je ferai le bon choix. Compte sur moi !"




Priez pour nous à l'heure de notre mort

Nous prions la Vierge Marie de nous aider très spécialement lorsque nous aurons à poser l'acte ultime de notre liberté. Habitués de longue date au combat spirituel, les saints ont une conscience aiguë qu'ils seront alors plongés dans une véritable agonie - un mot qui signifie combat - qu'ils seront en danger. Le 25 août 1897, sainte Thérèse de Lisieux conjurait ses soeurs de prier et de faire prier pour elle : "Oh ! comme il faut prier pour les agonisants ! Si on savait !" Même si nous ne sommes pas aux prises avec d'atroces souffrances, même si nous avons le privilège d'être alors entourés de vrais amis, nous aurons à surmonter l'ultime tentation de notre vie, celle du désespoir. En étant tout à coup aveuglés par la profondeur de notre misère, nous devrons ne pas désespérer de la miséricorde de Dieu.

Trop de chrétiens se rassurent bien vite en pensant : "A ce moment-là je comprendrai toute la bonté de Dieu et je ne pourrai que lui demander pardon avec un coeur d'enfant." Dangereuse illusion [...] Mais n'allons pas imaginer que nous verrons le film de notre vie, confortablement installés dans un fauteuil d'orchestre, en possession d'une simplicité et d'une humilité enfin retrouvés ! Non ! C'est un coeur pécheur, encore marqué par l'orgueil, qui devra s'ouvrir à l'invasion définitive de l'amour !

Saint François-Xavier, qui avait failli mourir en 1549 lors de sa traversée de Malacca au Japon, écrivait à ses frères de Goa : "Ô mes frères, qu'en sera-t-il de nous à l'heure de notre mort si, durant notre vie, nous ne nous préparons pas et ne nous disposons pas à la science de l'espoir et de la confiance en Dieu, car, à ce moment-là, nous nous trouverons en plus grandes tentations, souffrances et épreuves que jamais, aussi bien pour l'esprit que pour le corps." (Lettres spirituelles)

Signé : l'abbé Pierre Descouvemont (Guide des difficultés de la foi catholique, p. 568)

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Re: Le magistère catholique sur l'enfer

Message non lu par Carolus » lun. 25 nov. 2019, 21:41

Cinci a écrit :
dim. 24 nov. 2019, 18:34
Cinci :

Les phrases très claires de l'Évangile sur la réalité de Satan et de l'enfer me révèlent que je suis vraiment en danger, que je suis beaucoup plus vulnérable que je ne l'imagine spontanément. Raison de plus pour me défier de moi-même et me précipiter comme un tout petit enfant sur les épaules du Bon Pasteur ! Là - et là seulement - je n'ai plus peur !
Vous avez raison, cher Cinci. :)

Précipitons-nous donc "comme un tout petit enfant sur les épaules du Bon Pasteur !" :oui:

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Re: Le magistère catholique sur l'enfer

Message non lu par Cinci » dim. 01 déc. 2019, 14:24

"Si nous n'acceptons pas d'avouer qu'en un sens notre salut éternel n'est pas assuré, c'est que nous refusons d'avoir confiance. S'il est devenu presque impossible de parler de l'Enfer aux chrétiens, ce n'est pas parce qu'ils ont peur, mais parce qu'ils ne veulent pas avoir peur. Ils ne peuvent plus supporter ce dogme parce qu'ils n'ont pas confiance : n'ayant pas confiance, s'ils croyaient à l'Enfer, ils seraient perdus.

Ce que j'appelle le "courage d'avoir peur", c'est tout simplement le courage de croire à l'Enfer. Et je dis que le refus de ce courage est un refus de confiance, donc un très grand danger d'y aller ... en un sens le seul. S'il y a un point ou la génération actuelle est en danger, c'est celui-là.

Pendant dix-huit siècles, la plupart des Pères et des théologiens (grecs et latins) ont enseigné couramment la doctrine du petit nombre des élus ... et ceux qui enseignaient cela étaient parfois des saints brûlants de charité. Depuis le XIXe siècle, l'enseignement bouge à ce sujet dans l'Église latine, à une vitesse telle que l'Enfer apparaît aujourd'hui comme une invention du Moyen Âge dont il n'y aurait pas trace dans l'Évangile bien interprété ... "

- Père Molinié, Le Courage d'avoir peur, Éd. du Cerf, 2003, p. 182

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Re: Le magistère catholique sur l'enfer

Message non lu par Cinci » dim. 01 déc. 2019, 16:08

De quelques raisons montrant que l'existence de l'enfer n'est pas absurde

1. Dans la métaphysique judéo-chrétienne, le temps est irréversible : il y a commencement, et jamais retour au néant. Le temps inhérent à l'avènement de ce qui n'était pas est vectoriel et non pas cyclique. C'est la raison du drame incompréhensible de l'existence humaine, le néant n'est plus possible pour la créature humaine, elle est condamnée à la vie, à la mort, à l'éternité ... et donc possiblement aussi à une éternité de malheur.

2. Si l'anéantissement des pécheurs était préféré à leur damnation, comme certains le plébiscitent, alors l'oeuvre de Dieu serait soustraite en eux à la Bonté divine qu'ils insulteraient ainsi à jamais, Elle qui les a tirés du néant, non pour qu'ils y retournent, mais pour qu'ils soient ... Si Dieu acceptait l'anéantissement de ses créatures, que Lui resterait-il sinon le ridicule, la honte d'un acte manqué, et l'injure de voir sa bonté méprisée ?

3. Que la vie d'ici-bas soit un don que le bénéficiaire peut refuser ne peut pas pour autant reconduire celui qui fait ce choix au néant d'ou il a été tiré, car la bonté de son existence ne dépend pas de lui. Il est évident que les choses qui se corrompent ont quelque bonté. En effet, si elles étaient souverainement bonnes, elles seraient incorruptibles; et si elles étaient sans quelque bonté, il n'y aurait rien en elles qui puisse se corrompre. La chose est-elle privée de tout ce qui est bon en elle, elle n'existerait plus du tout. Donc la privation de tout bien, c'est le néant. Ainsi, tant qu'un chose existe, elle est bonne. (Saint Augustin, Les Confessions, VII 7,12) L'existence des damnés, comme celle de tout ce qui existe, est donc en soi une bonne chose.

4. Si Dieu, absolument bon et tout-puissant, est capable se supporter en ce monde l'expérience multiforme du mal, pourquoi ne pourrait-il pas la supporter dans l'éternité ? Ce que dans son principe Dieu accepte dans le temps, il peut pareillement l'accepter dans l'éternité, puisque pour Lui ce n'est pas la quantité qui compte mais la qualité ,,, en sorte "qu'un jour est comme mile ans et mille ans comme un jour" (2 P 3,8; Ps 90.4) C'est ainsi que l'existence multiforme du malheur en ce monde nous donne une preuve analogique de la capacité de Dieu à souffrir le péché et ses conséquences dans l'éternité. S'il était vrai que Dieu ne puisse accepter l'existence de l'Enfer post-mortem, comment rendre compte du fait qu'il l'accepte ante-mortem ?

5. La damnation aurait représenté pour Dieu un échec s'Il avait décidé de nous sauver sans condition, mais ce n'est pas le cas (Mt 7,21; He 5,9)

6. S'Il est vrai que Dieu ne nous ayant pas faits pour que nous l'offensions, nous l'offensons cependant, pourquoi faudrait-il nous étonner que quoi qu'il ne nous ait pas faits pour l'Enfer, nous nous damnions ?

7. Dieu n'est pas moins glorifié que les âmes se sauvent ou qu'elles se perdent si l'on en juge à l'aune du principe de leur création ayant posé que la dignité des âmes reposait sur leur liberté, laquelle glorifie donc Dieu du seul fait qu'elle est, indépendamment de ses choix.

8. Pardonner à qui ne demande pas pardon serait une insulte à la Vérité, un blasphème envers la Divinité, un sacrilège envers le Sang du Christ, une injustice envers les créatures restées fidèles ou devenues pénitentes, une transgression des lois données par Dieu.

9. Si la sainteté est l'ordre moral en sa sublime et parfaite réalisation, ou encore la nécessité pour tout être libre de ne glorifier que le Bien, alors, en ne permettant pas que le pécheur se glorifie du mal et jouisse de son désordre, Dieu maintient inviolable le principe selon lequel le Bien seul est bon et béatifiant, et il révèle Sa sainteté.

10. Si dans l'Histoire Sainte, celle du peuple élu, qui nous a été donné en exemple pour que nous puissions y lire celle de l'humanité, Dieu n'a pas hésité à accomplir ses menaces de châtiments, à commencer par celle du bannissement du Paradis terrestre, pourquoi faudrait-il penser qu'il fera une exception pour celle de l'Enfer ?

11. Le doux Jésus, dont Jean le Baptiste a annoncé qu'il consummerait "les bales de son aire au feu qui ne s'éteint pas" (Mt 3.12), peut signaler "Quant à mes ennemis, ceux qui n'ont pas voulu que je régnasse sur eux. amenez-les ici, et égorgez-les en ma présence' (Luc 19,27); "Je leur dirai; jamais je ne vous ai connus." (Mt 7,23); "Allez-vous en dans le feu éternel !" (Mt 25,41); "Ne craignez rien de ceux qui tuent le corps, mais ne peuvent tuer l'âme; craignez plutôt Celui qui peut perdre à la fois l'âme et le corps en Enfer." (Mt 10,28) Jésus rappelle que Dieu a envoyé le Déluge sur les habitants de la terre pour les faire tous périr (Lc 17,27), et que "sur les habitants de Sodome Dieu fit pleuvoir du ciel du feu et du soufre pour les faire tous périr." (Luc 17,26), pour révéler ce qui va se passer à son retour : "De même en sera-t-il le Jour ou le Fils de l'homme doit se révéler." (Luc 17,30; Mt 10.15) ... que Jésus veuille donc aujourd'hui "nous délivrer de la colère qui vient" (1 Th 1,10) ne l'empêchera pas au dernier Jour de partager la colère de son Père (Ap 6, 16-17) contre ceux qui auront résisté à l'appel de sa miséricorde (Col. 3,16).

12. Nous ne trouvons pas dans les livres liturgiques de l'Église de formules de prières pour les damnés, ce qui rejette toute idée de foi en une mitigation progressive des peines de l'Enfer allant jusqu'à la libération définitive obtenue par les prières de l'Église. D'ailleurs, dans le cas contraire, on ne voit pas quelle serait la différence entre l'Enfer et le Purgatoire.

13. Si. étant donné la puissance de leur intelligence qui leur a permis sitôt leur création de faire le choix unique et irrévocable contre Dieu, les démons ont voulu pour eux-mêmes l'Enfer éternel, on ne voit pas pourquoi il en irait différemment pour les hommes une fois fini pour eux le temps de choisir.

14. La pratique de l'exorcisme témoigne en faveur de l'existence de l'Enfer et des damnés.

15. Dieu a permis la peine des damnés pour faire davantage resplendir la gloire des élus méritée par l'exercice de leur liberté victorieuse du Démon.

16. Du péché la sanction annoncée par Dieu est l'Enfer "tout arbre qui ne donne pas de bons fruits, on le coupe et on le jette au feu." (Mt 7,19) Au Jour du Jugement dernier les anges de Dieu fermeront les portes de l'Enfer sur les démons et les damnés et ces portes resteront fermées pour toujours (Ap. 20.10; 14,11), mais d'ici là les démons et les damnés peuvent se consoler en nuisant encore aux vivants et se réjouir d'entraîner d'autres âmes en Enfer ...

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Re: Le magistère catholique sur l'enfer

Message non lu par Cinci » dim. 01 déc. 2019, 20:03

Le contre-Balthasar ... contre les arguments de Hans Urs von Balthasar en particulier.


Tout d'abord

Balthasar remarque que l'Écriture offre deux séries d'affirmations. L'une d'elle énonce la possibilité de l'Enfer et évoque sa réalité (série A), l'autre rend compte de l'universalité du salut chrétien (série B). Pour Balthasar, leur dialectique ne peut se résoudre en une synthèse unifiée. Il craint que si nous faisions de la série A des faits objectifs, la seconde perdre tout sens et toute force.

L'argument majeur pour refuser le dogme de la damnation des réprouvés est tiré du fait qu'étant "sous le jugement", nous ne pourrions rien savoir encore de ce qui le suivra, en sorte qu'affirmer l'existence de l'Enfer serait illégitime ... Voilà le raisonnement de Balthasar pour justifier son refus de croire à l'Enfer et fonder son espérance dans le salut de tous. Comme s'il n'était pas facile de comprendre que la volonté de salut de la part de Dieu ne peut être que relative du fait qu'elle implique la liberté de l'homme (Dieu ne nous sauvera pas sans nous), et que la volonté de salut de la part de l'homme ne peut qu'être absolue du fait qu'il s'engage lui-même, et même nécessairement totalement lorsque la mort vient apposer un sceau définitif sur son choix ultime !

Pour Balthasar, la connaissance anticipative du Jugement est synonyme de présomption, c'est à dire de désespoir, "puisqu'elle sait par avance qu'à la fin, il y aura le désespoir". Comme telle elle serait donc "la grande ombre jetée sur l'histoire de l'Église et de la théologie à partir d'une certaine époque".




Les trois raisons principales

Trois raisons majeures vont être présentées par Urs von Balthasar pour asseoir son espérance pour tous sur des bases telles qu'un prétendu "savoir certain" ne saurait sans plus la remettre en cause et encore moins l'effacer.

1) L'existence de l'Enfer et de ses occupants demeurent hors d'atteinte pour notre pensée, "Augustin et tous ceux qui se réclament de son autorité" sont hors jeu par le seul fait que, dans leur outrecuidance, ils osent prétendre savoir ce qui n'est pas encore. D'ailleurs, n'est-il pas vrai que l'Écriture n'a aucune certitude que tous ne seront pas sauvés ? Cela suffit bien pour espérer que le salut de tous ne soit pas en contradiction avec la Parole de Dieu.

2) A cette raison existentielle s'ajoute une raison théologique : "Puisque Dieu exprime sa volonté que tous les hommes soient sauvés et qu'il demande à l'Église de prier pour tous les hommes", comment pourrait-il y avoir des damnés ? "En effet, qui résiste à Sa volonté ?" (Rm 9, 19) Et ce ne sont pas les arguments de la série A qui pourront désavouer la confiance dans le salut de tous les hommes, puisque Balthasar a fourbi à leur encontre son imparable herméneutique aiguisée tout exprès pour l'occasion : "Mais pourquoi les paroles de Dieu ne seraient-elles pas de pures et simples menaces ?" La preuve ? Les Ninivites !

3) Une troisième raison d'ordre théologale militerait en faveur de l'espérance pour tous. Il s'agit de l'amour du prochain par lequel chacun peut espérer et souhaiter pour l'autre ce qu'il espère pour lui-même, amour qui ne peut se fonder que sur l'invocation à l'Unique. De la nature expansive de l'amour découle l'universalité de l'espérance. Balthasar se rangeant lui-même parmi les compatissants, son langage entend révéler sa pitié pour les damnés, tandis que les tenants d'une justice éternelle lui paraissent n'avoir du double jugement de Mt 25 qu'une interprétation tout simplement littérale.

De cette triple argumentation il ressortirait donc que l'Enfer, selon "le christianisme authentique" (sic !) ne serait rien d'autre qu'une conséquence possible, et pas plus. Il ne s'agirait que d'une possibilité. Et même si par Balthasar la part de l'aléatoire est justement reconnue, elle qui ne rend pas automatique le salut mais laisse à chacun le soin de se l'approprier, cette conséquence possible ne saurait jamais cependant devenir réalité ... car : "la possibilité du "Non" conscient de la créature face à Dieu ne doit pas être comprise comme une possibilité de la liberté ayant une puissance ontologique équivalente à celle du "OuI" de Dieu."

Balthasar consacre tout un chapitre dans son oeuvre à l'apocatastase, pour la légitimité de laquelle deux raisons majeures sont évoquées a) la première a trait à l'Amour de Dieu en Christ qui l'emporte sur tout ce qui lui résiste : "Est-il possible que la dernière des brebis perdues de son troupeau manque à Dieu ? Cette brebis n'est-elle pas la créature pour qui Il a répandu Son sang et souffert l'abandon par le Père ? Ainsi l'espoir d'un tel retour à Dieu n'est pas vain b) la deuxième raison s'adosserait à la phrase de saint Paul qui va jusqu'à souhaiter être séparé du Christ au profit de ceux qui lui tiennent tant à coeur. De sorte qu'aujourd'hui encore il est permis de nourrir cette espérance, à condition de présupposer que la solidarité avec tous les hommes exprimée par cette espérance soit objet d'effort, de lutte, de passion.

Cinci
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Re: Le magistère catholique sur l'enfer

Message non lu par Cinci » dim. 01 déc. 2019, 21:43

Critique

Contre la première raison

Puisque le Jugement Dernier n'a pas encore eu lieu, nous (les hommes) serions encore "sous le jugement", et que dès lors nous ne connaissons ni ne pouvons annoncer quel sera son verdict.

Réponse :

Si cela est vrai pour nous, cela ne l'était pas pour Jésus, qui, étant Dieu, connaissait de par son intelligence Divine toutes choses, passées, présentes et futures, en sorte qu'il a pu annoncer infailliblement ce qui pour nous ne l'était pas encore.

Comment Balthasar peut-il vouloir croire que la volonté divine du salut de tous les hommes (1 Tm 2,4) s'accomplira infailliblement, alors qu'elle est liée à l'exercice de leur liberté ? Dieu ne voulait-il pas qu'Adam et Ève ne pèchent pas ? Et pourtant, n'ont-ils pas péché ? Ayant péché, la menace de leur châtiment ne s'est-elle pas accomplie ? N'y a-t-il donc pas en cet exemple de quoi invalider l'espoir que tous les hommes seront sauvés du seul fait que Dieu le veut ?

Cela n'est pas vrai non plus ("ne pas savoir") pour l'Esprit Saint (qui n'est pas sous le jugement) que le Seigneur a donné à son Église pour qu'il lui enseigne "tout".

Dieu peut également nous instruire de tout ce que bon lui semble par l'intermédiaire de révélations privées accordées aux saints vivant encore sur cette terre, comme il le fit par sainte Catherine de Sienne, Docteur de l'Église, et par tant d'autres ... mais aussi par le truchement de saints déjà en Paradis, jouissant sans entrave de la Vérité, et qui ont toute liberté, dans la volonté divine et la communion des saints, de nous révéler quelque chose du Jugement Dernier; ainsi de la sainte Vierge Marie en ses nombreuses apparitions, notamment à Fatima.

Et puis :
Sainte Thérèse de Lisieux (Docteur de l'Église) :

"Céline, durant les brefs instants qui nous restent, ne perdons pas de temps ... sauvons les âmes ... car les âmes se perdent comme des flocons de neige en hiver; Jésus pleure et nous ne pensons qu'à notre douleur sans consoler notre Époux. Oh ! Chère Céline, vivons pour les âmes des prêtres; ces âmes devraient être plus transparentes que du cristal. Hélas ! Combien de mauvais prêtres et combien de prêtres qui ne sont pas saints comme ils devraient l'être !" (Lettre à Céline du 14 juillet 1889, in [Oeuvres Complètes, Cerf, 1992, p. 396)
Cette réponse fait corps avec la foi vécue de l'Église telle qu'elle s'exprime non seulement dans ses formulations dogmatiques, mais encore son art et son culte. En effet, s'il était vrai qu'un mur infranchissable se dressait entre cette vie et l'au-delà de sorte "qu'étant sous le jugement" nous ne puissions rien savoir de ce qu'il en sera après celui-ci, alors, nous posons la question : comment est-il possible à l'Église, lorsqu'elle canonise un de ses enfants, d'affirmer connaître l'après-Jugement pour cet élu ? La praxis de l'Église révèle que celle-ci connaît, dans une certaine mesure, l'après-Jugement.

Il est vrai que l'Église ne se préoccupe pas de savoir si la possibilité de damnation est devenue réalité pour quelqu'un en particulier, car cela pourrait conduire à arracher le blé avec l'ivraie (Mt 13,29) Mais cela ne veut certainement pas dire que la chose lui serait impossible, aussi vrai que l'Église est capable de reconnaître l'oeuvre de sanctification définitivement accomplie en tel ou tel de ses enfants lorsqu'elle le canonise. En communion avec son Maître, l'Église sait que le bon larron est au Ciel, et que Judas n'y est pas. Elle sait aussi que ses élus siégeront à côté du Christ pour juger eux-mêmes non seulement les peuples de la terre, qui sont tous ordonnés à devenir le peuple de Dieu, mais encore les anges !

En effet, de même que l'Église est sûre de la présence au Ciel des saints et des Bienheureux grâce aux miracles qu'elle obtient par leurs intercessions, de même, pour s'assurer de la présence en Enfer d'une âme devrait-elle traiter avec le Diable. Or, cela, elle ne peut le vouloir : "Quel rapport en effet entre la justice et l'impiété ? Quelle union entre la lumière et les ténèbres ? Quelle entente entre le Christ et Satan ? Tenez-vous à l'écart dit le Seigneur. Ne touchez rien d'impur, et Moi je vous accueillerai (2 Co 6,14) "Je ne veux pas que vous entriez en communication avec les démons" (1 Co 10, 20)

Enfin

S'Il était vrai qu'étant "sous le Jugement" nous ne puissions rien savoir de ce qui le suivra, alors nous ne pourrions pas même croire qu'il y a actuellement des sauvés, et l'Église serait dans le mensonge et l'exploitation de la crédulité en demandant que l'on rende un culte aux saints ! L'espérance elle-même reposerait non sur la foi en l'existence du Ciel, mais sur sa seule hypothèse ! Le Ciel ne serait qu'une possibilité, mais pas plus. Autrement dit, la foi ne serait plus la foi, elle qui est "la garantie des biens que l'on espère et la preuve des réalités que l'on ne voit pas" (He 11,1) L'espérance ne serait plus cette "ancre de notre âme, sûr autant que solide, pénétrant par-delà le voile" (He 6,11)

Il est donc FAUX d'affirmer comme le fait von Balthasar que nous sommes uniquement sous le Jugement de sorte que nous ne puissions rien savoir de ce qui le suivra.



Contre la deuxième raison

"Puisque Dieu exprime sa volonté que tous les hommes soient sauvés et qu'il demande à l'Église de prier pour tous les hommes", comment pourrait-il y avoir des damnés ?



A la question des disciples : "Seigneur, n'y aura-t-il que peu de gens à être sauvés ?" (Luc 13,23), Jésus répond en exhortant à entrer par la porte étroite. A la question de savoir si peu de gens seront sauvés, Jésus ne se contente pas d'exhorter à faire effort pour être sauvé, mais affirme encore, et sans ambages, que "BEAUCOUP chercheront à entrer et ne le pourront pas" Si donc beaucoup chercheront à entrer et ne le pourront pas, c'est que peu finalement le seront en proportion. Jésus répond exactement à la question qui lui a été posée. Mais Balthasar ne veut pas de la réponse de Jésus, aussi ne craint-il pas d'en faire fi ! Comment continuer à lire Balthasar après qu'il s'est montré capable d'une telle forfaiture ?

(à suivre)

Cinci
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Re: Le magistère catholique sur l'enfer

Message non lu par Cinci » dim. 01 déc. 2019, 23:14

(suite)

Un autre texte auquel fait référence Balthasar pour affirmer une rédemption de tous est Jn 12, 32 : "Et moi, une fois élevé de terre, j'attirerai tout à moi." Jésus n'est-il pas venu pour que les hommes aient la vie et l'aient en surabondance (Jn 10,10) ? Or, telle n'est pas l'interprétation indiquée par le contexte dans lequel Jésus annonce l'heure de sa mort (12,27) coïncidant précisément avec celle du jugement.

En effet, la Croix du Christ manifeste au grand jour l'évidence du péché qui gouverne ce monde : Lui, l'innocent, le Saint, a été condamné ! Devant cette monstrueuse injustice, le déicide, il n'est plus possible de nier que le monde soit pécheur, et que, participant de ce monde, nous soyons nous-mêmes pécheurs, appelant si souvent bien ce qui est mal et mal ce qui est bien. Du haut de cette Croix, le Christ implore notre pardon. Il est donc possible de ne pas désespérer : en Jésus, Dieu se réconcilie les pécheurs ! C'est ainsi que la Croix manifeste le jugement du monde : chacun est appelé à venir y reconnaître son péché et en recevoir le pardon, ou bien à continuer à insulter l'amour crucifié et miséricordieux (Lumière qui éclaire tout homme en ce monde, etc.). Jésus attire tous les hommes passés, présents et à venir, pour le Jugement (Jn 3,19), pour rendre à chacun selon ses oeuvres (Ap. 20.12), à chacun selon ce qu'il aura fait quand il était dans son corps, soit en bien soit en mal (2 Co 5,10) Jésus attire tout à Lui, certes, mais pour le Jugement (Mt 25,32).

Lorsque von Balthasar lit que saint Paul demande à l'Église de prier pour tous les hommes (1 Tm 2,1), aussitôt il flashe à nouveau sur le mot "tous" et l'exhibe bien haut comme de sa thèse la preuve, et de son combat le trophée de la victoire : l'on ne saurait exiger de l'Église quelque chose de contradictoire en lui demandant de prier pour tous si l'espérance que tous puissent être sauvés n'était pas possible !

Il oublie seulement de considérer que saint Paul ne précise pas l'objet de cette prière ... si ce n'est que dans la suite il demande la prière pour "les rois et tous les dépositaires de l'autorité", et cela afin que nous puissions mener une vie calme et paisible en toute piété et dignité; et que Dieu veuille que tous les hommes soient sauvés (1 Tm 2,2), saint Paul souhaite voir l'ordre politique et social se conformer aux lois divines. Ainsi les chrétiens menant une vie calme et paisible en toute piété et dignité pourront-ils faire leur salut sans trop de difficultés (1 Tm 2,3). Le mot "tous" signifiant simplement que personne n'est exclu a priori de la prière de l'Église, pas même ceux qui refusent leur salut, eux pour qui elle demande ici la grâce de laisser au moins vivre en paix les croyants. La prière de l'Église s'étend ici jusqu'au bénéfice de ses ennemis demandant à ce que leur prochain châtiment ne soit pas aggravé par des actions répréhensibles à l'égard des chrétiens. L'Église prie bien pour tous, y compris les futurs damnés. Prier pour tous ne signifie donc pas, comme l'imagine Balthasar, qu'il faille nécessairement espérer que tous les hommes seront sauvés.

Balthasar cherche encore une raison d'espérer que tous les hommes seront sauvés en invoquant l'autorité de l'Apôtre qui se sait en droit d'écrire, à titre de conclusion : "Tout Israël sera sauvé". Il oublie de considérer que pour saint Paul : tous les descendants d'Israël ne sont pas Israël (Rm 9,6) ... Et que "Ce que recherche Israël, il ne l'a pas atteint; mais ceux-là l'ont atteint qui ont été élus. Les autres, ils ont été endurcis (Rm 11,7). Lorsque saint Paul prophétise que tout Israël sera sauvé (Rm 11,26), il ne veut pas dire que la nation juive finira par reconnaître en Jésus de Nazareth le Messie, mais que s'accomplira le salut pour le vrai Israël , qui est l'Église (1 Co 6,18; 2 Co 6, 16; Ga 6,16, Ph 3,3; He 3,6) D'ailleurs, le Christ a-t-il annoncé autre chose que l'endurcissement d'Israël dans l'incrédulité et qu'Israël ne le reconnaîtra que lors de sa venue pour le Jugement Dernier (Mt 26, 64) ?

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Re: Le magistère catholique sur l'enfer

Message non lu par Cinci » lun. 02 déc. 2019, 1:40

(poursuivons avec la deuxième raison)

"Mais pourquoi les paroles de Dieu ne seraient-elles pas de pures et simples menaces ?" La preuve ? Les Ninivites !


Imagine-t-on vraiment Dieu prononcer des menaces sans fondement dans l'être, Lui qui est l'être, dire des paroles vaines, Lui qui condamnera les auteurs de paroles vaines (Mt 12, 36) ? Peut-on imaginer que Dieu ait parlé gratuitement de l'Enfer pour nous faire peur ? Mais cela serait-il digne de Lui et de l'homme ? Comment une menace à l'exécution incertaine pourrait-elle être efficace ? Serait-il encore le Dieu unique et vrai ? Saint Jean Chrysostome se serait-il trompé en condamnant comme satanique l'affirmation selon laquelle les textes scripturaires ne seraient que des menaces ? A moins qu'il faille reconnaître que l'Évolution nous a fait aujourd'hui si intelligents que le Christ ne peut plus nous parler comme il le faisait à nos ancêtres, en sorte qu'il doive aujourd'hui nous dire la vérité telle que nous nous savons devoir l'entendre ? En quoi le fait que la Bible contienne effectivement des menaces de l'Enfer purement comminatoires en raison de la possibilité qu'ont les pécheurs de se convertir, empêcherait-il qu'elle présente l'Enfer comme un fait, non pas hypothétique, mais réel (Mt 25) ?

La plupart des textes du Nouveau Testament évoquant l'Enfer ne signalent pas une simple menace, un décret purement comminatoire, mais un décret absolu ayant déjà reçu son exécution aux yeux de Celui qui, étant éternel, voit tout, en même temps ... C'est pourquoi Dieu nous annonce l'Enfer aussi bien comme une éventualité pour ceux qui cheminent encore ici-bas que comme une réalité existante pour certains d'entre eux.

Les NInivites, étant dans le temps, ils avaient la possibilité de se repentir ... mais les damnés n'en n'ont plus le loisir ... C'est pourquoi leur comparaison est fallacieuse. Que la parole de Dieu dans le cas des Ninivites ne se soit pas accomplie ne signifie donc pas qu'il pourrait en être de même pour les damnés ! Que si la mort surprend quelqu'un dans le péché, le comminatoire devient décret absolu, les menaces divines se réalisant alors de par la volonté humaine donnant libre cours à leur exécution.



Touchant l'espérance

Et à ce propos, mais concernant le rapport entre la justice, la miséricorde et l'espérance chez Balthasar : "Seule l'espérance est à la hauteur de la réalité de Dieu, qui réconcilie tous les contraires. Sa miséricorde est Sa justice et Sa justice est Sa miséricorde", écrivait-il dans Espérer pour tous.

Il faut dire que ce qui ne manque pas d'étonner dans cette phrase est non seulement que Dieu réconcilierait des contraires comme la justice et la miséricorde, alors qu'il est tout de même venu mettre la division (Luc 12,51. Mt 12,30), mais encore que soit attribué à l'espérance la capacité de résoudre un problème relatif à l'être de Dieu, que pourtant seule la foi peut résoudre, parce que cette dernière est la seule vertu attachée à l'intelligence, en laquelle seule la certitude peut se trouver de manière essentielle. L'espérance n'étant pas la vertu ordonnée à l'intelligence, mais à la mémoire, elle ne désire et n'a de certitude qu'éclairée par la foi. 'L'espérance tend à sa fin avec certitude, comme participant de la certitude de la foi" (saint Thomas d'Aquin).

Parce que "les choses dernières sont et doivent rester cachées", Balthasar ne veut pas d'un savoir, auquel il préfère l'espérance chrétienne. Mais si Balthasar ne veut pas du savoir que donne la foi, que pourra-t-il espérer ? Car si l'espérance ne sait pas ce qu,elle doit espérer, comment pourrait-elle l'espérer ? Le rapport de la foi et de l'espérance est celui qui révèle analogiquement celui de l'intelligence et de la volonté, entre lesquels il n'y pas opposition mais complémentarité.

On rejoindra ici la troisième des raisons de Balthasar.

Il s'agit de l'amour du prochain par lequel chacun peut espérer et souhaiter pour l'autre ce qu'il espère pour lui-même, amour qui ne peut se fonder que sur l'invocation à l'Unique. De la nature expansive de l'amour découle l'universalité de l'espérance. Balthasar se rangeant lui-même parmi les compatissants, son langage entend révéler sa pitié pour les damnés


Lorsque Hans Urs von Balthasar écrit que :
"... rien empêche celui qui prie de le faire pour que ceux qui ont rejeté le Christ puissent ne pas l'être à leur tour, pour que leur histoire d'amour avec Dieu puisse se poursuivre dans l'éternité et pour que l'amour éternel qui ne connaît pas de limites ne soit pas tenu en échec devant eux" (Balthasar, Espérer pour tous, p. 37)
il va directement contre l'avis de saint Jean affirmant qu'il y a un péché pour lequel il ne faut pas prier (1 Jn 5,16). Le péché d'apostasie est-il donc un péché comme les autres ? "Celui qui m'aura renié devant les hommes, à mon tour je le renierai devant mon Père qui est dans les Cieux !", annonce Jésus (Mt 10, 33)

Et il est si vrai que l'on ne peut pas espérer le salut de tous indistinctement (et a fortiori de celui qui a rejeté le Christ !) que l'Église interdit au fidèle de prétendre gagner une indulgence plénière pour un vivant autre que lui-même. Que s'il était possible à l'Église d'obtenir par sa prière le salut de tous, à plus forte raison lui serait-il possible de donner une indulgence plénière pour tous.

Quant à penser que l'amour éternel soit tenu en échec par la damnation d'une de ses créatures, c'est oublier que Dieu est Dieu, se suffisant à Lui-même. Que s'il y a un échec, il n'est que pour ses ennemis. Dieu ne saurait jamais faire plus pour leur salut qu'Il n'a déjà fait. Aimer ses ennemis, comme le fait Dieu, ne veut pas dire nier qu'ils soient ce qu'ils sont. Il faut cesser de penser Dieu trop puissant ou trop bon pour avoir des ennemis ! Toute l'Écriture et l'actualité ne montrent-elles pas assez le contraire ?

Certes, on peut espérer pour autrui la béatitude éternelle en tant qu'on lui est uni par l'amour. Et de même que c'est l'unique vertu de charité qui nous fait aimer Dieu, nous-même et le prochain. de même aussi c'est par une seule vertu d'espérance qu'on espère pour soi-même et pour autrui. Mais parce que la charité est précédée par l'espérance, qui est elle-même précédé par la foi, la charité ne peut pas espérer le salut de tous puisque la foi dit à l'espérance qu tous ne seront pas sauvés.

Bref, c'est la foi catholique qui dit que tous ne seront pas sauvés. On peut se reporter plus haut à la citation de sainte Thérèse de L'Enfant-Jésus (la "petite Thérèse").

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Re: Le magistère catholique sur l'enfer

Message non lu par Cinci » lun. 02 déc. 2019, 2:21

A propos de Julienne de Norwich ...


Dans les propos de Jésus à sainte Julienne de Norwich "L'humanité sauvée inclut tout ce qui est est, tout ce qui a été crée et le Créateur de tout, car Dieu est dans l'homme et donc l'homme inclut toute chose ...", Balthasar semble ne pas se rendre compte que l'humanité dont parle Jésus est l'humanité "sauvée", et non pas toute l'humanité ! Si Lady Julian prend la peine de qualifier l'humanité dont elle parle de "sauvée", c'est qu'elle entend la distinguer avec celle qui n'est pas sauvée ... C'est si vrai que dans la phrase qui précède, Jésus dit : "Quiconque aime tous ses frères chrétiens, aime tout ce qui est." Autrement dit : il n'y a rien à aimer en dehors du Christ, avec qui les chrétien ne font qu'un, car "la réalité, c'est le corps du Christ" (Col 2,17).

De plus, le propos de sainte Julienne montre que Jésus aurait pu mourir pour le salut d'un seul ... puisque "Dieu est dans l'homme et donc l'homme inclut toutes choses" Ainsi, si la volonté salvatrice du Sauveur vise bien la totalité des hommes, force est cependant de reconnaître qu'elle est parfaitement accomplie, dans l'absolu, par le salut d'un seul ... lequel est le Christ, mort et vraiment ressuscité.

Mais comment Hans Urs von Balthasar peut-il espérer trouver secours auprès de sainte Julienne de Norwich, qui professe la pure foi catholique au sujet de l'Enfer, que lui-même s'emploie à combattre ?

En effet, elle écrit, et magistralement :
Sainte Julienne de Norwich :

"La foi nous enseigne que beaucoup d'âmes seront condamnées, comme le furent les anges qui, par orgueil, tombèrent du Ciel et sont maintenant des démons; beaucoup d'hommes, sur la terre, meurent en dehors du giron de l'Église, c'est à dire en païens, et beaucoup aussi, parmi les baptisés, ne vivent pas en chrétiens et ne meurent pas en union avec Dieu. Tous ceux-là sont condamnés au feu éternel, comme la sainte Église enseigne à le croire."

(Dom Paul Renaudin, Mystiques anglais, Paris, 1956, p. 80 cité in Georges Huber, Le cours des événements, hasard ou providence, Téqui, 2001, p. 181)
Qui est encore capable aujourd'hui de proclamer cela sans rougir ?

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