Aperçu sur la mystique chrétienne

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lmx
Barbarus
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Aperçu sur la mystique chrétienne

Message non lu par lmx » lun. 24 janv. 2011, 23:35

Voici un bref aperçu sur la mystique chrétienne comportant sans doute de nombreuses approximations.
J’ai aussi parfois combiné les points de vues, car il me semble pense que les mystiques chrétiens s'éclairent et se complètent tous.
J’espère surtout que ce texte pourra profiter aux nouveaux chrétiens qui visitent le forum, c'est pourquoi j'ai inclus le maximum de références possibles. Le christianisme comporte beaucoup de thèmes fascinants et il serait donc dommage de le réduire à une simple morale.


[+] Texte masqué
I Le monde comme théophanie
Catéchisme de l'Eglise Catholique : article 1147 a écrit : Dieu parle à l’homme à travers la création visible. Le cosmos matériel se présente à l’intelligence de l’homme pour qu’il y lise les traces de son Créateur (cf. Sg 13, 1 ; Rm 1, 19-20 ; Ac 14, 17). La lumière et la nuit, le vent et le feu, l’eau et la terre, l’arbre et les fruits parlent de Dieu, symbolisent à la fois sa grandeur et sa proximité.
Selon la théologie catholique le monde est un symbole de Dieu, il en est sa trace, "tout effet est un signe de sa cause, toute copie un signe de son modèle" St Bonaventure It. de l'âme vers Dieu
En effet, le monde a été créé par le Verbe en qui sont les archétypes incréés de toutes choses, ce qui signifie que le monde se présente comme un déroulement de la pensée divine, comme le développement de ce qui était enveloppé dans l‘Unité.

Chaque objet de la création correspond donc à un idéal divin ; c'est un signe de la pensée divine, c'est un hiéroglyphe qui tient à la langue du ciel. Mgr Landriot, Le Symbolisme, p15 (livre consultable sur google)

Ainsi, St Augustin voit-il dans le premier chapitre de la Genèse la création dans le Principe, c'est à dire la création éternelle des archétype dans le Verbe, puis dans les chapitres suivant, la sortie des archétypes, leur passage à l'existence (ex- sistere : se tenir hors de sa cause).
Par conséquent il est aisé de comprendre que le monde étant un « livre » , une théophanie, un miroir en qui se reflète de façon dégradée la Lumière divine, la théologie mystique fasse de ce miroir un objet de contemplation permettant l’ascension de l’intellect vers Dieu :


nous placerons le premier degré d'élévation au point le plus inférieur en offrant à notre contemplation ce monde sensible tout entier comme un miroir qui nous fera arriver au Dieu suprême qui l'a créé
… St Bonaventure Itinéraire de l’âme vers Dieu


Si votre coeur était droit, alors toute créature vous serait un miroir de vie et un livre rempli de saintes instructions ... Il n'est point de créature si petite et si vile qui ne présente quelque image de la bonté de Dieu
Thomas A Kempis L’imitation de Jésus Christ Livre II,4


toute créature est pleine de Dieu et est à elle seule un livre Maitre Eckhart, sermon 9 (trad A de Libera)


l'universalité des choses est une échelle destinée à nous faire monter vers Dieu … St Bonaventure Itinéraire de l’âme vers Dieu


Cependant cette grande variété de formes, et ce nombre presque infini d'espèces différentes, qui se trouvent dans les créatures, qu'est-ce autre chose en quelque sorte que des rayons de la Divinité, qui montrent que celui de qui elles tiennent l'être est vraiment, mais qui ne font pas voir absolument ce qu'il est? C'est pourquoi vous voyez quelque chose de lui, mais vous ne le voyez pas lui-même. Et lorsque vous voyez quelque chose de celui que vous ne voyez pas, vous êtes assuré de son existence, et cela doit vous porter à le chercher; celui qui la cherche en recevra des récompenses et des grâces, mais celui qui néglige de le chercher ne saurait trouver une excuse dans son ignorance. Mais cette façon de le voir est commune. Car il est aisé, selon l'Apôtre, à tous ceux qui ont l'usage de la raison, « de contempler les perfections invisibles de Dieu dans les beautés visibles des créatures (Rom. I, 20). » St Bernard Sermon XXXI sur le Cantique des Cantiques.


Dans la vie présente, nous connaissons Dieu de la troisième manière, en tant que ses perfections invisibles nous sont manifestées par les créatures, comme il est dit dans l’épître aux Romains (I, 20). Ainsi donc toute créature est pour nous comme un miroir parce que de l’ordre, de la beauté et de la grandeur que Dieu a fait éclater dans la création nous remontons à la connaissance de la sagesse, de la bonté et de la grandeur éminente de Dieu. C’est de cette connaissance que saint Paul dit : Nous voyons comme dans un miroir.
(....)
Quand donc nous connaissons les perfections invisibles de Dieu par les créatures, on dit que nous voyons dans un miroir ; mais en tant que ces perfections invisibles nous sont cachées, nous voyons en énigmes. St Thomas d'Aquin, Commentaire de l'épître au Romain (1 Co XIII, 12- 13)


A ) le statut paradoxal du créé

Le créé est sous un certain rapport un néant qui doit être rejeté comme le disent souvent les mystiques, mais il s’agit en réalité de le perdre pour le retrouver en Dieu, là où il acquière sa pleine signification, là où il redevient un reflet de Dieu, un symbole. En effet, puisque rien n’existe en dehors de sa relation en Dieu, couper le symbole de son sens qui le fonde et qui le justifie, c’est le prendre dans sa face obscure, car le symbole ne sert à rien s’il ne remplie pas son rôle de signifiant et donc s‘il réfère ailleurs que ce vers quoi il doit pointer (Dieu).
Il s’agit donc de considérer les choses autrement, de manière spirituelle, car tout dépendant de Dieu, c’est en Lui que la création doit être considérée (1). C'est, comme l'écrit St Augustin, prise dans leur rapport à Dieu que les choses se "fixent" et se stabilisent. (2)
"Si les âmes te plaisent, aime les Dieu, car elles aussi sont sujettes au changement et c'est en se fixant en lui qu'elles se stabilisent ; autrement elles passeraient et périraient. Que ce soit donc en lui que tu les aimes ..."
plus loin dans le même chapitre
"Le bien que vous aimez viens de lui ; mais ce n'est que dans son rapport à lui qu'il est bon et suave"
(trad. Joseph Trabucco)

Loin donc d'être dévaluée, la création acquérant un caractère sacramentel, l’amour de la création peut-il donc conduire à l’amour de Dieu. Et c’est je pense ce que montre l’exemple de mystiques comme St François D’assise dont la charité s’étendait même aux animaux.
"Qu'est ce que le coeur charitable. C'est un coeur qui s'enflamme de charité pour la création toute entière, pour les hommes, pour les oiseaux, pour les bêtes ..." affirme St Isaac le Syrien pour qui la compassion devrait en effet s'étendre à la souffrance de toute créature. (3)

Au final, on peut donc considérer la création sous deux aspects : « soit pour autant qu’elle émane sous mode de disparité » et en ce sens « la créature fait obstacle à la connaissance de Dieu », « soit sous la raison de vestige en tant qu’elle conduit vers Dieu » ; (4)


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(1) Maitre Eckhart : La mesure de l’amour Sermons Parisiens (Introduction d’Eric Mangin) p41-42
(2) St Augustin, Les confessions (Livres IV, ch2)
(3) V. Lossky, Essai sur la théologie mystique de l'Eglise d'Orient (orthodoxe), cerf, p105
(4) St Albert le Grand, Commentaire de la « théologie mystique » de Denys le pseudo aréopagite, cerf, p125



II Le nouvel homme


Selon la conception tripartite de l’homme, l‘être humain est composé de trois parties: le corps (soma), l’âme (psyche) et l’esprit (pneuma) (1Th5:23) .
Le corps et l’âme (étant par ailleurs totalement un) forment l’homme naturel, l’homme psychique. Là est le domaine du moi, des passions, des sensations, de la connaissance discursive, de tout ce qui touche au temps et à l’espace.
« L’homme extérieur est l’homme ennemi (1) ».

Au plan supérieur, il y a le domaine spirituel avec l’esprit, la pointe (ou fond) de l’âme, « qui regarde et communique avec Dieu » (MC III, 26, 4) c’est là le siège de l’homme spirituel. Là, l‘âme touche l‘éternité, et c'est ce qui rend possible une connaissance sans forme sans image et un amour purement spirituel dénué de toute passion; là donc l’homme tressaillit de joie en Dieu (Luc 1:47) , et aime Dieu en esprit et en vérité, c’est-à-dire, dans l‘Esprit et dans le Fils.

« L’esprit (noûs) partie suprême de l’être humain est la faculté contemplative par laquelle l’homme tend vers Dieu … .Partie la plus personnelle de l’homme on peut dire, principe de sa conscience et de sa liberté, l’esprit correspond le plus à la personne humaine … on peut dire qu’il est le siège de la personne, de l’hypostase humaine qui contient en elle l’ensemble de la nature - esprit, âme et corps. C’est pourquoi les Pères grecs sont souvent prêts à identifier le noûs avec l’image de Dieu dans l’homme …» (2)

Aussi , « le spirituel (‘pneumatique ’ , gratifié du don de l’Esprit) est donc celui qui, grâce à l’Esprit Saint peut juger spirituellement, des réalités spirituelles et les reconnaître. Au contraire de l’homme psychique (‘psychikos’ naturel, charnel) qui ne peut accueillir les réalités spirituelles (de l’Esprit de Dieu), ni les reconnaître … ». (3)


Il n’y a pas ici pas de dualisme corps/âme. Le corps étant un avec l’âme participe donc aux évènements de l’âme (4), ainsi est-il psychique si l’âme est psychique, et spirituel si l’âme est spirituelle. (St Paul parle bien de corps psychique (charnel) et de corps pneumatique (spirituel) 1 co 14:13).
L’esprit considéré comme le siège de la personne (cf Gn 2:7 le souffle de vie qui institue Adam comme une personne), c’est a fortiori là qu’il faut s’efforcer de s’établir afin de progresser et de s’élever au dessus de la sphère psychique (pour la maîtriser) où sont le « moi » et les passions. Il s’agit en s’établissant dans l’esprit de s’efforcer d’effacer l’individuel qui veut exister pour lui-même (5) (6) et s’affirmer (parfois au détriment des autres), pour s'accomplir comme « personne » dans le don d’elle même à Dieu, de même que les Personnes de la Trinité sont toutes entières don.
(ajout 2 fév 2011)
Il n'y a pas absorption de l'homme en Dieu purement et simplement, mais l'homme reste, selon la terminologie chrétienne, une « personne », en grec une hypostase, mais il n'est plus un « individu ». (7)

La théologie mystique chrétienne diffère donc ici des mystiques naturalistes ou orientales en ceci : le but n'est pas l'anéantissement d'une conscience vécue comme une déchéance dans l'Un impersonnel ou dans la nature, mais l'accomplissement personnel par le rétablissement de l'image obscurcie dans l'âme.
On comprend donc que la mortification chez les mystiques chrétiens n'est pas fruit de la culpabilité. C'est parce qu'il y a conscience de la noblesse intrinsèque de leur être, d'être fait à l'image de Dieu comme aucune autre créature, qu'ils cherchent à le libérer de ce qui le dévalue pour le rendre ressemblant au Modèle dont il est à l'image.

"Bernard veut dire que l'âme se dépouille de ce faux moi, de se vouloir propre que le pêché à introduit en elle. En se dépouillant bien loin de s'annihiler, elle se rétablit dans sa nature. C'est un masque qui tombe pour laisser voir le vrai visage d'une âme dont la nature est d'être faite à l'image de Dieu." (8)



L'âme créée à l'image de Dieu a perdue la ressemblance. Elle est devenu dissemblante.
Il lui faut donc commencer par reconnaitre la noblesse de son âme:

O mon âme, si tu veux que le Seigneur t'aime, rétablis en toi son image et il te chérira : réforme-toi selon sa ressemblance et il désirera venir à toi. D'après le conseil de la sainte Trinité, ton créateur t'a formée à son image et à sa ressemblance : ce qui n'a eu lieu pour aucune autre créature, dans le but que tu l'aimes avec d'autant plus d'ardeur que tu trouverais plus merveilleux l'honneur d'une telle condition.

Considère donc ta noblesse : de même que Dieu est tout en tous lieux, donnant à tous les êtres la vie et le mouvement, et les gouvernant tous de même, tu es tout entière en toutes les parties de ton corps, le vivifiant, le mouvant et le gouvernant. Et comme Dieu est, vit et aime ; ainsi, toi aussi, selon la capacité , tu es , tu vis et tu aimes. Et aussi bien qu'en Dieu sont trois personnes, le Père, le Fils et le Saint-Esprit , pareillement en toi,
il y a trois forces, l'intelligence, la mémoire et la volonté
. (9)

Là, sur la face de notre âme, comme sur un candélabre, brille la lumière de la vérité , et l'image de la Trinité bienheureuse apparaît avec splendeur. St Bonaventure It. de l'âme vers Dieu Ch III

C'est donc finalement parce que l'âme est créée à l'image et à la ressemblance de Dieu, que Dieu se reflète en elle, qu'elle peut s'unir à Lui.

St Bernard juge l'union de l'âme à Dieu possible, en raison de la spiritualité absolue de Dieu et de la spiritualité de l'âme humaine elle même. C'est parce qu'il s'agit de deux esprits que leur contact, leur union, leur fusion même est possible ... (10)

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Ainsi donc l’âme devrait rassembler ses facultés et les soumettre à l'esprit afin de devenir spirituelle:

L’âme dont les sens sont purifiés et soumis à l’esprit, tire de toutes choses sensibles, même de leurs premières impressions, les délices d’une savoureuse présence de Dieu et d’une très douce contemplation. St Jean de la Croix


1 Maitre Eckhart, Traités et Sermons, trad A. de Libéra 1993 p174
2 V. Lossky Essaie sur la théologie mystique de l’Eglise d’orient p198
3 Gabriel Bunge, Vases d’Argile La pratique de la prière suivant la traditions des St Pères, Abbaye Bellefontaine p34-38
4 H. Vlachos, Entretiens avec un ermite de la sainte Montagne sur la prière du cœur, points sagesses, p122 et La voie de l’esprit p226
5 H. Vlachos, Entretiens avec un ermite de la sainte Montagne sur la prière du cœur, points sagesses, p70
6 V. Lossky Essai sur la théologie mystique de l’Eglise d’orient p117-119

7 Placide Deseille, Lumière du Thabor n°18, juin 2004

8 Etienne Gilson, La théologie mystique de St Bernard, Vrin, 2006 p151
9 St Bernard, Traité de la maison intérieure ou de l'édification de la conscience. Ch XXXVIII. (consultable sur internet : http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saint ... /index.htm
10 Etienne Gilson, La théologie mystique de St Bernard, Vrin, 2006 p114


A ) La déification (theôsis)


Jésus lui répondit: Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera; nous viendrons à lui, et nous ferons notre demeure chez lui.

Dieu nous est présent, sa présence enveloppe tout, Il est la "Lumière qui éclaire tout homme". Transcendant il n‘est limité par rien. Immanent il est présent à tout, et est particulièrement présent dans le fond de l’âme du baptisé car ce sacrement incorpore la personne dans le Fils (Catéchisme art 1265 ...)

Mais celui qui veut trouver le Fils de Dieu doit savoir que le Verbe est absolument caché, avec le Père et le Saint-Esprit, dans le centre le plus intime de l'âme; et conséquemment l'âme qui le cherche doit sortir des créatures par le détachement de sa volonté, et entrer dans son fond le plus intérieur. C'est pourquoi je vous ai cherché, disait autrefois saint Augustin à son Créateur, courant par les rues et par les places de la grande cité de ce monde, et je ne vous ai pas trouvé ; car je cherchais dehors, mal à propos, ce qui était dans moi-même
Puis donc qu'il se cache en l'âme, le contemplatif l'y doit chercher
. St Jean de la Croix , Cantiques Spirituels 1er cantique.

Il faut remarquer ici que Dieu étant cette fontaine de vie et ce resplendissant soleil qui demeure au centre de l'âme, rien n'est capable de ternir sa beauté ni d'obscurcir l'éclat de sa lumière. Mais l'âme ne laisse pas d'être toute ténébreuse par le péché; car le péché arrête et intercepte tout rayon du Soleil de justice, de même qu'un voile très noir placé sur un cristal exposé au soleil, empêche de recevoir et de réfléchir la lumière de cet astre. Ste Thérèse d'Avila, Le Château Intérieur Demeure I



Le chemin de la déification, l'assimilation à Dieu (chemin sans terme), suppose le passage par une phase purgative. Une pièce pour être lumineuse doit être aérée, nettoyée, entretenue, et parfois voir sa peinture refaite.
Il en va de même pour l’âme "lieu où nul part Dieu n'est plus proprement Dieu" (1) selon la parole de Maitre Eckhart, et qui donc pour recevoir Dieu comme il convient, doit être "sevrée" et apprendre à se défaire de ses appuies sensibles, c'est à dire, de tout ce qui est se pose en intermédiaire entre Dieu et elle. L’"homme charnel" doit mourir crucifier afin que le "nouvel homme" puisse naître.
Je suis venu pour jeter le feu dans la terre; et que désiré-je, sinon qu’il s’allume (Luc 12:49). Ce que Dieu veut c’est tout embraser, or l’homme extérieur, l’homme ennemi, l’en empêche.
Il faut que le moi meurt et que le Christ vive en nous (Ga 2:20), lui qui est la Voie la Vérité et la Vie, le chemin conduisant au Père. Ce sacrifice est tout sauf une déchéance car ayant tout laissé, l’homme regagne tout, possédant Dieu. Ayant réalisé l’identification avec son Principe (identité par grâce et non de nature), vivant dans le Christ qui contient son exemplaire incréé, l’homme s’accomplit totalement. Il a réalisé son essence d‘être créé à l‘image et à la ressemblance de Dieu et donc sa vocation.


« il (le troisième homme/l'homme intérieur) peut revenir à son origine et à son état d’incréé, dans lequel il a été de toute éternité ; et il se tient là sans le secours d’images et de formes particulières, dans une parfaite passivité » Jean Tauler, Sermons, cerf, sermon 63 p513.

Ainsi les âmes possèdent par participation ces mêmes biens que Lui par nature ; par là elles sont véritablement dieux par participation, les égaux et les compagnons de Dieu. St Jean de la Croix CS Couplet 39


La déification consiste dans le dépassement des contradictions (2), du charnel et du spirituel, du terrestre et du céleste, de l’intelligible et du sensible, des dualités temporels qui attendent d‘être résorbées dans l‘Unité.
L’homme déifié redevenu Roi de la création est une sorte de « libéré vivant » qui étant sorti du cycle infernal du monde qui est dispersion a fait retour dans l’Unité de la Croix. Ne faisant alors qu’un avec Dieu, « il monte au ciel d’une montée secrète, et en calme et en silence, il survole toute la création »(3), car de même que l’Esprit souffle où il veut, celui qui est née d’en haut va où il veut (Jean 3:8).
Et cela est possible car le Fils est venu pour que l’homme puisse devenir par grâce ce que Dieu est par nature selon l’adage patristique rappelé par le catéchisme (art 460).


Etre déifié, c’est faire naître Dieu en soi ; personne, par conséquent, ne saurait comprendre, ni moins encore ni moins encore mettre en pratique les Vérité reçues de Dieu s’il ne lui a été donné d’abord de subsister divinement. Pseudo Denys La hiérarchie ecclésiastique ch2


« Mode divin de subsistance » donné par le baptême, et dont il appartient au chrétien d’en actualiser toutes les possibilités en s’unissant toujours plus au Christ, en allant « là où il est » (Jn 12 26: Là où je suis, là aussi sera mon serviteur) ; dans ce « où » qui, selon le bienheureux Henri Suso, désigne la lumière suressentielle de la Trinité : « Tel est le but suprême, le 'où' infini où arrive la spiritualité de tout esprit : se perdre là à jamais tel est la suprême béatitude … C’est là vers ce 'où' suressentiel, que monte l’esprit qui a reçu l’Esprit, et cette hauteur est tellement infinie qu’à la fois il vole et est emporté dans une profondeur sans fond … » (3)



(1) A de Libera, Eckhart Suso Tauler ou la divinisation de l’homme , Bayard éditions, p175
(2) H. Vlachos, Entretiens avec un ermite de la sainte Montagne sur la prière du cœur, points sagesses p129
(3) ibid. p28-29
(4) A de Libera, Eckhart Suso Tauler ou la divinisation de l’homme , Bayard éditions, p50



1) les 3 étapes de l’union



La tradition mystique, dans le chemin de la déification, distingue trois phases : la purgation, l’illumination, et union/contemplation.

La première étape est celle du repentir, de la métanoia, qui signifie littéralement « changement de pensée » et « transformation de l’esprit » (1). Plus qu'un repentir cette étape vise donc à l'anéantissement de la vie spirituelle que l'âme entretenait par l'exercice de ses facultés naturels, comme l'écrit le chanoine Louis Llalement.(2)
Aussi, chez St Jean de la Croix (3) l’âme doit-elle, toujours sous la conduite du St Esprit, passer par des nuits (spirituelles). Car pour contempler « de pur esprit à esprit pur », et pour que Dieu puisse l‘investir et l’illuminer de sorte qu'elle puisse devenir par grâce ce qu'Il est par nature, les taches du vieil homme qui la salisse doivent être lavées, et la volonté corrigée afin de pouvoir être capable d’aimer Dieu purement et simplement.
Il doit aussi falloir à un moment s’efforcer de bannir toute image de la prière car comme le rappel le Saint « l'âme, pour s'unir à Dieu, ne doit pas être assujettie à une forme ou connaissance particulière ». (MC II,14)

Toutefois, l’intellect n’est pas disqualifié par les mystiques, il l’est seulement si l’on croit que le raisonnement discursif constitue sa plus haute activité, alors qu’il a « puissance pour le surnaturel » (MC II,3,I) c'est à dire qu'avec l’aide de la grâce il a donc capacité pour le supra conceptuel. Il s’agit pour le contemplatif de s’établir dans un mode supérieur de connaissance, dans la connaissance par inconnaissance où c’est « véritablement voir et connaître et célébrer suressentiellement le Suressentiel » (Pseudo Denys Traité de la théologie mystique).


Dans l’orthodoxie, la Prière de Jésus, dite sans forme et sans image, permet cette pacification de l'âme et se maintient de l’esprit (4), car elle simplifie et unifie la vie spirituelle (5). Le Nom qui contient la présence de Dieu imprègne l’âme (6) et la lave. En outre St Bernard compare justement le Nom à de l’huile qui éclaire, nourrit, et oint. (7)
Pour les orthodoxes, toute image dans la prière est mauvaise car elles "s'opposent au silence, condition de la prière" (8)
Il faut donc en effet pouvoir quitter la « sphère psychique » où l’esprit encore en mouvement (9) ne prie pas encore purement, car comme le dit M. Eckhart " tant que l'homme reste lié au temps, à l'espace et au nombre, à la multiplicité et à la quantité, il ne se comporte pas droitement et pour lui Dieu reste lointain" (10) L'ascèse des images (entbildung) doit permettre à l'intellect nu, dépouillé de tout voile, de toute connaissance, de contempler dans un mode sans mode Celui qui est sans mode.




« Les Pères enseignent que la montée en soi même est liée à la montée en soi même. Plus nous approfondissons notre prière au fond de l’âme, plus nous découvrons ses secrets : avec la conversion, le Royaume des cieux descend dans le cœur et se transforme en paradis, en ciel intérieur » (11)

Les deux premières phases (purgation/illumination) peuvent donc être considérées comme étant un seul et même double mouvement ascendant et descendant. Car plus l’homme s’abaisse, plus il s’élève, ceci étant d’ailleurs souvent répéter dans le NT : celui qui veut devenir l’ami de Dieu et renaître d’en haut doit devenir le dernier (Matt 23:11-12). Quiconque s'élève sera abaissé, et quiconque s'abaisse sera élevé. (Luc 14:41)
C’est pourquoi chez Maitre Eckhart l’homme pauvre est-il aussi l’homme noble.
Et l’homme pauvre, l’homme pauvre en esprit, est celui qui détaché de tout, du créé comme du moi, est absolument libre à l’égard de toute chose y compris de lui même. Ainsi, le rhénan met-il particulièrement l’accent sur le « délaissement/détachement » (gelâzenheit) que A. de Libera (12) définit comme un « état de libre vacuité ». C’est, dit-il encore, « la condition suprême de la vie spirituelle ». Le détachement permet à l’âme de se simplifier, de s‘unifier, et s’étant libérée de tout, de s’élever au dessus d’elle-même et de s'échouer en Dieu (13).
Ceux qui s'établissent en un tel état dit Suso : ne s'étonnent de rien, car la vérité les a pénétrés ... n'être rien ce serait en tous les modes de l'être, en tout état, avec tout le prochain, une paix totale, une paix véritable, essentielle, perpétuelle (14) , en d'autres termes, il faut diminuer pour que le Christ croisse en nous (Jn 3:30).
La pratique des vertus et la vie sacramentelle n'est pas pour autant oubliée, car la charité doit "l'emporter sur le sentiment des grâces dont on est comblé dans le détachement" écrit A. de Libera. Et en effet M. Eckhart explique "quelqu'un serait-il dans le ravissement, comme jadis St Paul, s'il apprenait qu'un malade a besoin d'un peu de soupe qu'il pourrait lui donner, j'estime qu'il ferait bien mieux de renoncer par charité, à son ravissement et de servir l'indigent avec plus d'amour." (15)

Le détachement n’est jamais pris comme une fin en soi et le détachement aussi doit être d’une certaine façon délaissé (Tauler Sermon 25), le but étant de se libérer intérieurement de tout pour que Dieu puisse s’y diffuser totalement. En effet, le don du St Esprit augmente à la mesure du détachement (16): « le St Esprit a deux opérations dans l’homme, premièrement il vide, deuxièmement il remplit le vide à proportion où il le trouve … »


En résumé, il s’agit durant ces « premières phases » de rectifier son âme en soumettant ses passions, et en purifiant sa volonté (d’où résulte l’amour) par laquelle elle entre en relation avec Dieu, ce qui signifie donc (notamment) rompre toute relation charnelle basée sur l’espérance de consolations spirituelles. « Il faut offrir à Dieu la partie passionnée de l’âme, vivante et agissante afin qu’elle soit un sacrifice vivant (17)»
Toutefois la méditation qui fait intervenir la partie imaginative de l’âme correspond aux premiers temps :
"comme il est convenable, pour aller à Dieu, de laisser en temps opportun les actes discursifs et l’exercice de la méditation, qui seraient alors pour l’âme un obstacle; il faut aussi ne pas abandonner trop tôt la méditation, sous peine de retourner bien vite en arrière". St Jean de la Croix

Sur ce point il y a encore accord entre ces deux Docteurs :

Ici s'achève la purification de l'âme par le moyen de la méditation, car toute conscience pure est heureuse et joyeuse. Qui donc veut se purifier, qu'il exerce de la manière indiquée l'aiguillon de sa conscience. Note néanmoins que la méditation peut commencer par l'un ou l'autre des sujets proposés et passer de l'un à l'autre, ou demeurer fixée sur l'un ou sur l'autre, à son gré, jusqu'à ce qu'elle ait trouvé ce qu'elle cherche. Car le but de la méditation est d'atteindre et de goûter la PAIX, soit cette tranquillité, cette sérénité d'où sourd la JOIE spirituelle. Cette paix obtenue, l'esprit est prêt et prompt à tendre plus haut. Cette voie donc, où l'on entre poussé par le remords de la conscience, conduit au sentiment de spirituelle allégresse : on la parcourt dans la douleur, et dans l'amour on s'y consomme. St Bonaventure La triple voix ch 1 (les 3 autres chapitres traitent de l'illumination et de la contemplation)


Le processus est exigeant mais comme le rappel St Jean de la Croix qui a sans doute lu Jean Tauler et Eckhart, Dieu ne veut rien d’autre qu’accomplir sa part, c’est à dire de se diffuser dans l’âme :

l'âme privée ainsi de toutes les choses, arrivant à être vide et désappropriée à leur égard, qui est, comme nous avons dit, ce que l'âme peut faire de sa part, il est impossible quand elle fait ce qui est de sa part, que Dieu manque de faire ce qui est de la sienne, en se communiquant à elle, au moins en secret et en silence. Cela est plus impossible que le rayon du soleil manque de donner en un lieu clair et découvert ; car ainsi que le soleil se lève à l'aube et donne en ta maison pour entrer si tu ouvres la fenêtre ainsi Dieu, qui pour garder Israël, ne sommeille (Ps 120,4) ni encore moins ne dort, entrera en l'âme vide et la remplira de biens divins. Vive flamme d’amour, Couplet 3


Enfin la dernière phase, l’état de mariage spirituel, la transmutation complète de l’être :

La paix intérieur qui règne en l’état de mariage spirituel consommé signifie donc qu’a été surmonté dans l’être humain l’antagonisme entre le spirituel et le charnel, dont l’unification constitue la vocation de l’homme au sein de la création ; chez le contemplatif est alors réalisé ce à quoi visaient les mystiques rhénans du XIVe quand ils disaient que l’âme doit devenir tout entière esprit. (18)

L'état "suprême" s'accompagne du don de l’impassibilité (apatheia), qui, précise V. Lossky (19), n’est pas un état passif mais qui est l’état de l’esprit qui a recouvrer son intégrité et qui ne "subit" plus. A ce moment là l'homme n'est véritablement plus du monde, il est transformé par l'éternité de Dieu (20), quoique vivant encore dans le monde. Cela est d'autant plus compréhensible qu'à ce stade la vie de l’âme est la vie même de la Trinité : « l’assimilation concrète au Christ comporte en permanence une communication éminente de l’Esprit Saint, en vertu duquel on se trouve intégré dans les échanges d’amours qui unissent le Fils au Père. (21).



(2 fév) Finalement comme l'explique St Jean de la Croix dans l'état de "mariage spirituel" l'âme déifiée, transformée en Dieu par grâce, participe à la vie Trinitaire :

Et dans la transformation que l'âme a en cette vie passe cette même spiration de Dieu à l'âme et de l'âme à Dieu avec beaucoup de fréquence, avec une délectation d'amour très élevée dans l'âme, bien qu'en un degré non évident ni manifeste, comme en l'autre vie. Car je comprends que c'est ce qu'a voulu peut-être signifier saint Paul quand il dit : Pour autant que vous êtes enfants de Dieu, Dieu a envoyé en vos coeurs l'esprit de son Fils, clamant vers le Père (Ga 4,6) ; ce qui est dans les bienheureux de l'autre vie et dans les parfaits de celle-ci dans les manières susdites. Et il n'y a pas à tenir pour impossible que l'âme puisse une chose si élevée qu'elle spire en Dieu comme Dieu spire en elle par mode participé, car étant donné que Dieu lui fait la faveur de l'unir en la Très Sainte Trinité, en quoi l'âme se fait déiforme et Dieu par participation, quelle incroyable chose est-ce qu'elle opère elle aussi son oeuvre d'entendement, de connaissance et d'amour, ou, pour mieux dire, qu'elle la trouve accomplie en la Trinité ensemble avec elle comme la Trinité même, mais par mode communiqué et participé, Dieu l'opérant en l'âme même ? Car cela est être transformé dans les trois Personnes en puissance et sagesse et amour, et en cela l'âme est semblable à Dieu, et afin qu'elle puisse arriver à cela Dieu la créa à son image et ressemblance (Gn 1,26). Cantique Spirituel B explication du couplet 39


Ste Thérèse décrit cet état de façon plus classique :

Dans cette autre faveur du Seigneur, non : l'âme demeure en ce centre avec son Dieu. On peut comparer l'union à deux cierges de cire qui s'uniraient si étroitement que leurs lumières ne feraient qu'une, ou que la mèche, et la lumière, et la cire, ne sont qu'une même chose ; on peut toutefois séparer les cierges l'un de l'autre, et il reste deux cierges, comme on peut séparer la mèche de la cire. Ici encore, il en est comme de l'eau du ciel qui tombe dans une rivière ou dans une fontaine, tout se confond en une eau unique, jamais on ne pourra séparer ni trier l'eau de la rivière de l'eau tombée du ciel ; de même, si un petit ruisseau se jette dans la mer, il n'y aura nul moyen de l'en séparer ; et dans une pièce percée de deux fenêtres par où pénètre une vive clarté, les deux clartés, divisées à l'arrivée, se fondent en une seule. Chateau Intérieur 7è Demeure



Efforçons-nous donc de parvenir à ces trois états, par trois degrés, selon la triple voie : purgative, où l'âme expulse le péché; illuminative, où l'âme imite le Christ; unitive, où l'âme accueille l'Époux. St Bonaventure La triple voie



Au final, la voie mystique conduisant à la déification ne semble consister en rien d'autre qu'à répéter spirituellement le cheminement du Christ : calvaire, mort, résurrection, ascension.


1 V. Lossky, La théologie mystique de l’Eglise d’Orient, cerf, p201

2 Louis Llallement La voie de l’esprit, Albin Michel, p40
3 ibid, p59


4 H. Vlachos, Entretiens avec un ermite de la sainte Montagne sur la prière du cœur p53

5 La prière de Jésus, un moine de l’Eglise d’Orient (Lev Gillet), ed Chevetogne p73
6 ibid., p76
7 ibid., p96

8 Michel Laroche, La voie du silence, Albin Michel, p184)

9 V. Lossky, La théologie mystique de l’Eglise d’Orient, cerf, . p204
10 A de Libera Maitre Eckhart Traités et Sermons GF Flammarion (1993) p512.
11 H. Vlachos, Entretiens avec un ermite de la sainte Montagne sur la prière du cœur, p64

12 A de Libera, Eckhart Suso Tauler ou la divinisation de l’homme , Bayard éditions, p50
13 ibid. p107-108
14 ibid. p138
15 ibid. 106
16 ibid. p108


17 Grégoire Palamas in St Grégoire Palamas et la mystique orthodoxe Jean Meyendorff, points sagesses, p82
18 Louis Llallement, La voie de l’esprit , Albin Michel, p189
19 V. Lossky, La théologie mystique de l’Eglise d’Orient, cerf, p201
20 Maitre Eckhart, Traités et Sermons, GF Flammarion, 1993, trad A. de Libéra p178
21 Louis Llallement, La voie de l’esprit , Albin Michel, pp216

Cf aussi « Lumière de la théologie mystique » de Jean Borella pour un résumé complet de la théologie du Pseudo Denys et de Maitre Eckhart.

Le Catéchisme de l'Eglise Catholique
http://www.vatican.va/archive/FRA0013/__P33.HTM

Textes de St Jean de la Croix, St Bonaventure, St Thomas d'Aquin et St Bernard consultables ici :
http://www.abbaye-saint-benoit.ch/bibliotheque.htm
http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/fr/index.htm
http://docteurangelique.free.fr/
Dernière modification par lmx le lun. 05 sept. 2011, 13:14, modifié 15 fois.

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Re: Aperçu sur la mystique chrétienne

Message non lu par SYLVAIN L. » mer. 26 janv. 2011, 20:28

Merci pour cet article interessant !

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Re: Aperçu sur la mystique chrétienne

Message non lu par archi » mer. 26 janv. 2011, 21:28

Oui, beau travail de synthèse sur un sujet pas facile.

lmx, avez-vous lu "Le Nouvel Homme" de Thomas Merton? Je dis ça parce que c'est ce que je suis en train de lire, et en lisant votre § II j'ai cru que vous aviez puisé dedans (il y a le titre mais aussi la notion du tripartisme).

In Xto,
archi.
Nous qui dans ce mystère, représentons les chérubins,
Et chantons l'hymne trois fois sainte à la vivifiante Trinité.
Déposons maintenant tous les soucis de ce monde.

Pour recevoir le Roi de toutes choses, Invisiblement escorté des choeurs angéliques.
Alléluia, alléluia, alléluia.

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Re: Aperçu sur la mystique chrétienne

Message non lu par lmx » mer. 26 janv. 2011, 22:20

Je ne me suis appuyé que sur les livres cités.

Je n'ai jamais lu T. Merton du fait d'un a priorio négatif sur lui, mais je le lirais car je ne veux pas me fier à une impression. J'avais aussi un a priori négatif sur J. Borella car j'avais même lu les bêtises de certains groupes qui en réalité l'attaquaient plus sur ces fréquentations et sur ces influences qu'autre chose, ce qui revient à reprocher aux docteurs de l'église d'avoir lu les païens, mais maintenant que je l'ai lu je dois dire que certains de ces livres m'ont franchement ébloui comme le thomisme vu par E. Gilson.

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Re: Aperçu sur la mystique chrétienne

Message non lu par Epsilon » mer. 26 janv. 2011, 22:51

Cher Lmx

Je reviendrais vers vous ce WE ... j'espère.

Le problème du symbolisme (et autre ésotérisme) chrétien c'est de savoir où il s'arrête !!! on "devine" le début mais la fin est "fonction" de considérations qui ne sont, à mon avis, pas tellement chrétiennes.

Pour ce qui me concerne il est éssentiel que tous soient clairs à tous (ou pour tous) ... et non la "propriété" d'un groupe d'initiés ... n'est chrétien (du moins catholique ... car le mot chrétien se retrouve souvent à toutes les sauces) que ce qui est universel.

Mais bon pour l'instant merci pour cet exposé.


à+, Epsilon

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Re: Aperçu sur la mystique chrétienne

Message non lu par archi » mer. 26 janv. 2011, 23:04

Epsilon a écrit :Le problème du symbolisme (et autre ésotérisme) chrétien c'est de savoir où il s'arrête !!! on "devine" le début mais la fin est "fonction" de considérations qui ne sont, à mon avis, pas tellement chrétiennes.

Pour ce qui me concerne il est éssentiel que tous soient clairs à tous (ou pour tous) ... et non la "propriété" d'un groupe d'initiés ... n'est chrétien (du moins catholique ... car le mot chrétien se retrouve souvent à toutes les sauces) que ce qui est universel.
Avons-nous lu le même texte? Je vois un exposé sur la mystique et les conceptions patristiques. Où est-il question d'initiés et autres, d'ésotérisme, et même de symbolisme?

J'ai l'impression que vous avez vu lmx citer Jean Borella, et posé l'équation trop souvent répétée Borella = Guénon = ésotérisme = gnose = pas bien (c'est d'ailleurs ce à quoi faisait allusion lmx).

Sauf que si vous lisez "Esotérisme guénonien et Mystère chrétien", Borella réfute justement très clairement ces notions d'"initiés" et d'"ésotérisme chrétien" réservé à une élite.

Quant à tous les autres auteurs cités, à Lossky, à St Bonaventure, à St Albert le Grand, à St Jean de la Croix... je ne vois vraiment pas le rapport avec ce que vous dites... :sonne:

Peut-être ai-je mal compris?

In Xto,
archi.
Nous qui dans ce mystère, représentons les chérubins,
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Re: Aperçu sur la mystique chrétienne

Message non lu par Epsilon » mer. 26 janv. 2011, 23:16

Non non ... mais peut-être ai-je lu trop vite ???

Il est indéniable que j'ai un réflexe pavlovien dés que je vois Borella ;) ... mais bon je me donne le WE pour approfondir.


Epsilon

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Re: Aperçu sur la mystique chrétienne

Message non lu par lmx » jeu. 27 janv. 2011, 0:19

on "devine" le début mais la fin est "fonction" de considérations qui ne sont, à mon avis, pas tellement chrétiennes.

Le sens symbole, existe encore chez les orthodoxes et pour eux cela n'a absolument rien "d'ésotérique" pas plus que la theôsis comme cela peut l'être dans un occident rationaliste. Si on prêtait encore quelque intention aux pères de l'église et à nos grands docteurs il en serait peut être encore de même.

N'importe quel orthodoxe vous dira qu'une icône est véritablement une fenêtre sur la transcendance et pas un simple "symbole" pris au sens moderne, car comme l'écrit V. Lossky le symbole sacrée est un "centre matériel de la présence divine". Pour cela il faut encore comprendre l'analogie.

Et si certains poussent les analogies à l'extrême de manière à ne plus voir qu'une seule religion qu'est ce que cela nous importe ?

L'usage du monde comme symbole de Dieu ce n'est pas moi qui l'ait inventé. St Bonaventure en parle dans son itinéraire de l'âme vers Dieu. Un métaphysicien tel que E. Gilson conscient de ce que d'une part Dieu est présent en toute chose, et d'autre part que l'essence des choses est un reflet de l'Essence divin parle aussi du caractère sacré du monde chrétien dans ses pages.

Or, les choses du monde sensible sont un signe des choses invisibles en Dieu , d'abord parce que Dieu est le principe, le modèle et la fin de toute créature,
et que tout effet est un signe de sa cause, toute copie un signe de son modèle, et toute voie un chemin qui conduit à sa fin.




La secte du libre esprit a abusé de la notion de déification , en effet, sous couvert d'avoir l'Esprit et d'être libre comme l'Esprit ils ont cru pouvoir s'élever au dessus des règles élémentaires de la morale. Cela signifiait-il qu'il fallait abandonner cette notion ?

Pour ce qui me concerne il est éssentiel que tous soient clairs à tous (ou pour tous) ... et non la "propriété" d'un groupe d'initiés ... n'est chrétien (du moins catholique ... car le mot chrétien se retrouve souvent à toutes les sauces) que ce qui est universel.
je ne comprends pas pourquoi vous dites cela ? Si j'écris cela c'est parce que je pense que cela concerne tous les catholiques et même tous les chrétiens en général.
Je vois un exposé sur la mystique et les conceptions patristiques.
Il n'est pas étonnant que des gens comme Lev Gillet, Jean Claude Larchet (qui a sorti un livre de 700 pages sur la déification de l'homme chez St Maxime le confesseur) ou plus récemment Gabriel Bunge (ancien moine bénédictin) soient passés à l'orthodoxie. Ces choses là qui sont sa Tradition deviennent tendent à devenir étrangère au catholicisme. Alors si en plus des ésotéristes s'en saisissent il faut tout de suite les abandonner !

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Re: Aperçu sur la mystique chrétienne

Message non lu par Epsilon » dim. 30 janv. 2011, 23:45

Cher lmx

Loin de moi de dénigrer les « mystiques chrétiens » … mon propos est uniquement de montrer que « LA mystique chrétienne » en tant que voie « royale » pour accéder à Dieu ne peut conduire au meilleur des cas qu’au panthéisme.

Je réponds en deux parties … un topo sur la mystique et, ultérieurement, une « critique » de votre texte.

A) Mystique
[+] Texte masqué
Dans le christianisme (et les Ecritures) le sens premier de « mystique » prenait la forme d’une « vision » permettant d’appréhender la connaissance de l’amour de Dieu … ce « savoir » ou cette « vision » peut être qualifiée d’« union » avec Dieu … mais le terme le plus adéquat pour décrire cette « expérience mystique » était « la contemplation » … mais depuis « la mystique » est devenu une connaissance (un savoir) « expérimentale » qui petit à petit s’est détaché de la théologie et par là des instances ecclésiales … elle se caractérise par une conscience (acquise ou reçue) d’une passivité où le « moi » se perd en Dieu.

Maintenant n’est « mystique » que ce qui s’écarte de la voies « normales/ordinaire » (ou traditionnelle) … ce qui s’écarte aussi d’une Foi/croyances ou de références religieuses … mais reste en « marge » d’une société de plus en plus laïque … ou nous avons simultanément la forme de faits extraordinaires/étranges et la relation avec un Dieu caché (mystique signifiant « caché » en grec).

D’où le paradoxe dans lequel se trouve « la mystique » qui est une opposition entre des phénomènes particuliers/exceptionnels et le sens « universel » qui doit en être donné … ainsi ces « faits étranges » sont objet de curiosité, de dévotion en tout genre … à contrario d’un Absolu qui lui est rejeté dans l’invisible et partant dans une dimension obscure.

A partir de là « la mystique » cherche sa place au soleil … elle constitue donc son « histoire » et pour cela il faut commencer par construire une « tradition » qui lui soit propre … on évoquera toute une « généalogie » : d’auteurs anciens (voire patristique) soit de l’ensemble de leur œuvre soit uniquement de fragments voire de bouts de fragments … il en sera de même de la Bible en sélectionnant/interprètent tel ou tel verset … ceci permettant d’asseoir une « autorité » construite à partir de celle des Ecritures … dans tous les cas il faudra faire la sélection de ce qui relève (ou non) de « la mystique » … cette « histoire » avec moult références donnera au fil du temps naissance à la « tradition mystique » … « tradition » qui s’éloignera de plus en plus des critères d’appartenance ecclésiale.

Il y a dans le NT des versets qui peuvent être qualifiés de « mystiques » … c’est, notamment chez, Jean qu’ils sont les plus probants avec … tout ce qui touche au « Logos » ; dans les images véhiculées dans « le cep et les sarments » en Jn (15) voire « la prière de Jésus » en Jn (17).

De même chez Paul avec les « visions au troisième ciel » en II Cor (12,1-4) … et aussi les mentions de la « vie cachée avec le Christ en Dieu » en Col (3,3).

Dans l’AT nous avons, les plus importants, notamment … les « visions » de Moïse ; le « reflet de la Gloire de Dieu » en Ex (34,29,35) et son parallèle en II Cor (3,7) … les allégories du « mariage spirituel » dans le Cantique des cantiques.

Mais un « détournement » de sens de Gn (1,26) avec « à l’image/ressemblance » avec Dieu … sera le thème majeur de « l’union mystique » qui sera vue comme une « restauration » de cette « image/ressemblance » qui aurait été « déformée » par la Chute (déformée mais non détruite) … cette « image » est vue comme une « étincelle de la divinité » dans l’âme humaine … et est, pour la mystique, la porte ouverte à la déification de l’homme.

Ainsi bien que le « vocabulaire religieux » (dans son ensemble Bible comprise) continue à circuler … sa signification première en sera progressivement détachée au profit d’images, de symboles, de légendes, d’exégèses etc qui seront re-utilisés par « la mystique » à des emplois métaphoriques qui lui appartiendront en propres.

Cette « expérience/phénomène mystique » se traduit par :

a) elle est individuelle/personnelle et non collective … ttfois un milieu collectif (comme la vie monastique) peut servir de base à l’émergence de cette « union » … il n’en reste pas moins vrai qu’elle demeure individuelle,

b) elle est immédiate pour celui qui en est le témoin,

c) les « connaissances » transmises par le sujet se suffisent en elles mêmes … elles ne nécessitent aucune justification et/ou preuve,

d) de toute façon « l’expérience » en elle-même ne peut s’exprimer (être comprise) en dehors d’elle-même … la mystique tire son essence de vouloir « parler de qqchose » qui ne peut se dire/comprendre avec des mots (le tout « indicible ») … « l’expérience » est décrite d’une manière imparfaite à travers d’images et de métaphores.

Le mystique nous apparaît donc sous des formes paradoxales … il penche tantôt dans un extrême et tantôt dans l’autre … ainsi d’un coté il est dans « l’anormal » ou une rhétorique de « l’étrange » et de l’autre il est du coté d’un « essentiel » que son discours annonce sans pouvoir l’énoncer … la littérature « mystique » est souvent confuse/verbeuse car c’est pour parler de ce qui ne peut ni se dire ni se savoir.

Même le mot « phénomène mystique » fait cohabiter deux contraires … est « phénomène » ce qui est visible et est « mystique » ce qui demeure secret/invisible … c’est donc à la fois fascinant et irritant … et nous trouvons sous la plume de Maître Eckhart : « Et moi je dis, Dieu n'est ni être ni raison, ni ne connaît ceci ou cela. C'est pourquoi Dieu est vide de toutes choses et c'est pourquoi il est toutes choses. » !!!

Un des maîtres à penser est incontestablement Pseudo-Denys qui fait la part des choses en distinguant le « savoir rationnel » du « savoir mystique » … dans le premier nous connaissons Dieu non par sa nature mais à travers ses merveilles (ordre de l’univers notamment) … il ajoute qu’il y a ttfois une plus parfaite connaissance de Dieu au-delà de l’acquis même de la raison éclairé par la foi … ceci par l’intermédiaire de l’âme qui contemple directement les mystères de la lumière divine.

Maître Eckhart dans son « Opus tripartitum » enseigne une « déification » de l'homme et une assimilation de la créature dans le Créateur par la contemplation.
Critiques :
[+] Texte masqué
Il est indéniable (et naturel) que l’âme humaine cherche une aspiration à la Vérité suprême, la Vérité absolue, c’est « humain » voire universel … car la connaissance sensible des choses ne saurait nous donner l’entière satisfaction à nos désirs/aspirations … ainsi nous recherchons à travers notre âme cette capacité un plus de Vérité et de perfection … que ne peut nous donner la connaissance des choses crées.

Mais nous ne sommes QUE des Hommes … et nos petites connaissances même les plus nobles ne sont, dans la recherche de « l’expérience mystique », que de l’autosatisfaction … cet effort de notre intelligence trouve ici sa limite … car aussi louable est « l’expérience mystique » spontanée rien nous autorise à croire qu’il existe une voie vers une « union » intime avec Dieu ... et qui nous apprendrait plus qu’une connaissance que nous possédons à travers les choses crées.

Aussi quand la raison ne peut répondre … la place est cédée aux sentiments et à l’imagination … le « rêve » d’une contemplation directe/immédiate avec Dieu … de là à imaginer une notion de l’univers et de la nature humaine rendant possible une telle « union » à volonté il n’y avait qu’un pas vite franchi … cela passe par une considération que l’âme humaine est une « émanation » (et/ou une partie) de la divinité voire qqchose contenant l’essence même de Dieu.

La finalité logique de tout cela n’est autre que le Panthéisme

Les Pères de l’Eglise tout en reconnaissant une certaine « vérité » dans l’histoire du mysticisme, ont souligné les erreurs fondamentales … ainsi tout en reconnaissant les aspirations de l’âme ils soulignent sont incapacité à pénétrer les mystères de la vie divine … la « vision » de Dieu est (et demeure) l’œuvre de la Grâce … et que la « récompense » de la vie éternelle à partir de la vie présente ne peut concerner que qcq âmes particulières (par une Grâce spéciale).

L’Eglise affirme les limites de la raison humaine … bien que l’âme humaine ait une capacité naturelle à vouloir accéder à Dieu … mais aucune disposition d’atteindre Dieu ne peut se faire en dehors de la connaissance analogique.

Elle a donc condamné, entre autre, la pseudo-mystique de Maître Eckhart … et le panthéisme sous toutes ses formes.

Cordialement, Epsilon

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Re: Aperçu sur la mystique chrétienne

Message non lu par lmx » lun. 31 janv. 2011, 9:39

Si Jean de la Croix a été canonisé et il est qualifié de docteur mystique cela me suffit. Ne parlons pas de St Grégoire de Nysse et de St Grégoire de Nazianze.
Et comme toute la Tradition mystique, car il existe une Tradition mystique d'une très grande unité commune à l'occident et à l'orient que vous le vouliez ou non, il distingue la connaissance contemplative acquise évidemment par la foi de la simple connaissance discursive.

comme l'écrit St François de Sales :

Or, cette portion supérieure peut discourir selon deux sortes de lumières, ou bien selon la lumière naturelle,
comme ont fait les philosophes, et tous ceux qui ont discouru par science, ou selon la lumière surnaturelle
elle est individuelle/personnelle et non collective … ttfois un milieu collectif (comme la vie monastique) peut servir de base à l’émergence de cette « union » … il n’en reste pas moins vrai qu’elle demeure individuelle,
Votre relation à Dieu n'est elle pas personnelle ? N'est ce pas la base du christianisme ???????? Je suis stupéfait par ce genre d'argument.

Aussi quand la raison ne peut répondre … la place est cédée aux sentiments et à l’imagination … le « rêve » d’une contemplation directe/immédiate avec Dieu … de là à imaginer une notion de l’univers et de la nature humaine rendant possible une telle « union » à volonté il n’y avait qu’un pas vite franchi … cela passe par une considération que l’âme humaine est une « émanation » (et/ou une partie) de la divinité voire qcqchose contenant l’essence même de Dieu.
si vous aviez lu ce que j'ai écrit vous auriez compris que les sentiments et l'imagination sont des obstacles et sont même à bannir. Vous devez confondre la mystique des maitres avec la mystique affective et phénoménale centrée sur les visions.
L’Eglise affirme les limites de la raison humaine … bien que l’âme humaine ait une capacité naturelle à vouloir accéder à Dieu … mais aucune disposition d’atteindre Dieu ne peut se faire en dehors de la connaissance analogique.
C'est exact la raison humaine est limitée c'est pourquoi il s'agit de connaitre selon la "selon la lumière surnaturelle". Quant au fait que nous serions limités à la connaissance analogique , que faites vous des St Jean de la Croix des St François d'Assise etc sont-ce des hystériques ???
En tout cas ils sont dans la pure Tradition de l'Eglise que vous rejetez par incompréhension.

je réponds sur le reste plus tard.

Epsilon
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Re: Aperçu sur la mystique chrétienne

Message non lu par Epsilon » lun. 31 janv. 2011, 19:29

Cher lmx

Je relèverai essentiellement les références à la Bible que vous donnez … car elles sont accessibles à tous … contrairement aux citations des auteurs que vous mentionnez … prenez votre temps car je n’en ai pas beaucoup.

I- Le monde comme une théophanie
[+] Texte masqué
Théophanie vient de théo=dieu et phan=apparition … c’est donc la « manifestation » de la divinité (indirectement car Dieu ne saurait être vu/regardé) … cette « manifestation » s’effectue par la « parole ou l’écrit » … si ttfois il y a « apparition » se ne peut être qu’un « envoyé/médiateur/ange » revêtue de la majesté divine et agissant donc en son nom … ttfois en Ezé (1,26) nous avons une exception ou là il s’agit d’une « vision mystique » … quoique, dans ce verset, Ezéchiel multiplie les expressions laissant entendre qu’il ne s’agit là que d’une vague « ressemblance ».

Dans une théophanie il y a « normalement » la révélation d’un message de la divinité aux hommes et/ou un avertissement.

Donc déjà votre titre de section laisse à désirer … à moins de comprendre le « monde » comme théâtre des « théophanies » ce qui serait une tautologie.

Vous mentionnez à titre d’exemple : Sg 13, 1 ; Rm 1, 19-20 ; Ac 14, 17 :

a) en Sg (13,1ss) l’auteur croit, dans une certaine mesure, à une théodicée naturelle … il se montre sensible à la beauté des êtres crées … il se montre ttfois indulgent envers les hommes qui n’ont pas su découvrir Dieu dans ses œuvres parce que pour lui il est difficile de connaître Dieu sans le recours de la Sagesse.

b) en Rm (1,19-20) … est à rapprocher avec Sg (13,1-9) bien qu’ici Paul soit moins « indulgent » … mais ici aussi c’est plus une preuve de l’existence de Dieu qu’une théophanie !!! l’homme peut acquérir la connaissance de Dieu à travers sa Création.

c) en Ac (14,17) … je n’en vois strictement aucun rapport … n’importe quel peuple de n’importe quelle culture en temps de sécheresse prie le Ciel pour qu’il lui envoie la pluie.

Puis une citation de Mgr Landriot : « Chaque objet de la création correspond donc à un idéal divin ; c'est un signe de la pensée divine, c'est un hiéroglyphe qui tient à la langue du ciel » … Par « hiéroglyphe », comme nous en avons déjà discuté, il faut comprendre « signe à déchiffrer » n’est-ce pas (le texte étant trop long et uniquement scanné empêchant tt recherche) ??? il serait aussi bon de dire ce qu’est exactement : « chaque objet » ???

Vous dites :
« il est aisé de comprendre que le monde étant un « livre » , une théophanie, un miroir en qui se reflète de façon dégradé la Lumière divine, la théologie mystique fasse de ce miroir un objet de contemplation permettant l’ascension de l’intellect vers Dieu ».

Cette phrase, un peu « lourde », venant comme une sorte de conclusion de votre première partie or … je ne vois pas ce qui « est aisé » et où voyez-vous une « théophanie » dans ce qui précède notamment les versets bibliques !!!

Bon le reste de vos citations vont un peu dans le même sens … quoique on passe allègrement de « chaque objet » à « toutes créatures » quant au « miroir » et « livre » … bon c’est compréhensible à condition d’en rester à la périphérie des mots.

Concernant cette première partie, bien que vous le dites pas, ne sous-entendez-vous pas déjà à ce stade une forme de Panthéisme à travers vos Théophanies … dans le genre : à travers ses créatures, comme autant de théophanies, Dieu se crée lui-même comme Dieu !!!

Ou une autre question sous-jacente : la Création est-elle, pour vous, « ex nihilo » ??? car vos « théophanies » ne sont’elles pas in fine une autre façon de dire que : Dieu tire la Création de sa propre substance ???
(à suivre)


Cordialement, Epsilon

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Re: Aperçu sur la mystique chrétienne

Message non lu par lmx » lun. 31 janv. 2011, 23:08

Le texte que je viens d'écrire a été perdu.
Très franchement je n'ai pas envi de continuer à perdre mon temps à répondre à ces vaines attaques.
C'est peut être mieux ainsi. J'espère écrire une partie sur l'abditum mentis chez St Augustin.
Je connais déjà les critiques des thomistes sur le sujet car moi contrairement aux inquisiteurs en herbe je me documente et mon renseigne sur mon sujet.

Epsilon, avant de chercher à vouloir décerner des brevets de catholicité, vous devriez commencer par voir si vos écrits sont irréprochables.

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Re: Aperçu sur la mystique chrétienne

Message non lu par lmx » lun. 31 janv. 2011, 23:52

@ Cracboum je souhaite vous répondre sur ce sujet

Dans le thomisme nous avons "monde d'être dont chacun atteste Dieu par son acte même d'exister" car "de tous ces êtres il n'en est pas un qui ne porte témoignage que Dieu est le suprême exister".
En effet " ce monde sacré, imprégné jusqu'en ses fibres les plus intimes de la présence d'un Dieu dont l'exister souverain le sauve en permanence du néant, c'est le monde de St Thomas d'Aquin" Etienne Gilson Le thomisme Vrin, 7è édition, p118

Pourquoi en est-il ainsi ?

Tout simplement car chaque étant (ens) n'est qu'en tant qu'il participe à l'Acte d'Etre. Tout ens n'est qu'en vertu de l'Esse.
Ainsi on peut dire comme l'écrit Gilson que "Dieu est l'exister de tout ce qui existe, puisque tout ce qui existe n'existe que par le sien"

Ce qui se présente à notre regard, toute présence est donc une victoire sur le néant, un miracle, une révélation, car là où il y a l'être il y a Dieu.
Le visible est signe de l'invisible écrit St Bonaventure dans l'itinéraire de l'âme vers Dieu

Par ailleurs l'essence des choses même est un reflet, un mode de participation de l'Essence divine, si bien qu'il est possible d'avoir une connaissance analogique de Dieu, puisque toute les perfections des choses (et en premier leur être et leur essence) sont possédés par Dieu dans un mode suréminent.



Ce consentement à l'être, on le trouve chez un St François d'Assise voyant Dieu en chaque chose, capable de parler aux animaux et d'écrire le cantique des créatures.
On retrouve une telle attitude chez un païen hésitant comme Holderlin. L'homme habite en poète dit-il.
L'homme est une ouverture au secret, il n'est pas un démiurge fait pour ériger ses concepts en outils et pour organiser la réalité. Il est institué pour quelque chose de plus haut.
Réduire tout au rang de l'étant comme l'ont fait les adversaires de Thomas qui ne voulaient pas d'un acte d'être qui échappait à leur intellect, et céder comme aujourd'hui au réductionisme phénoménologique sous toute ses formes est destructeur non seulement pour le christianisme mais aussi pour l'existence humaine qui risque de perdre toute sa densité. Si la métaphysique est morte c'est parce qu'elle est a voulu devenir outil et devenir une science rationalisante, partant elle s'est trouvée concurrencée et dépassée par des outils plus puissants et plus précis.
C'est donc la réflexion de Heidegger sur la technique et sa gelassen (traduit par sérennité) qui m'a conduit à m'intéresser aux mystiques rhénans et à St Jean de la Croix qui ayant lu Jean Tauler est leur authentique continuateur.
Honnêtement je crois que tout ce vent vient de ce que j'ai parlé de Jean Borella mais tout ce que j'ai appris des rhénans je l'ai trouvé chez A de Libera spécialiste du sujet qui est tout sauf un illuminé ou un ésotériste et qu'il faut remercier pour ses précieux ouvrages sur la question. Certains seront peut être étonnés de voir que St Albert le Grand est le père de la mystique rhénane.
Aussi donc, j'espère que ceux qui s'intéresseront à Maitre Eckhart liront ses livres.

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lmx
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Re: Aperçu sur la mystique chrétienne

Message non lu par lmx » mer. 02 févr. 2011, 19:10

Alors là j'ai un peu de mal : si l'Essence de Dieu est son Etre, quelle différence y a t-il à participer à son Etre ou à son Essence ?

Du côté de Dieu aucune. Il n'y a qu'une distinction de notre côté nécessaire pour essayer de comprendre les choses du mieux possibles.

Ce que je voulais dire par "participer à l'Essence" c'est que les essences crées sont des similitudes crées déficientes de l'Essence divine. Participer à l'Essence c'est ressembler au Modèle, à l'Exemplaire suprême.

Participer à l'Acte d'Etre désigne plus le fait de prendre part à l'Acte, de recevoir une communication de cet acte pour être maintenu hors du néant.

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lmx
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Re: Aperçu sur la mystique chrétienne

Message non lu par lmx » mer. 02 févr. 2011, 21:36

"analogie"
c'est en partie avec la disparition de cette notion , "du plus beau des liens", que le monde s'est renfermé sur lui même, réduit à n'être plus qu'une surface vide.

Si le monde est fermé sur lui même, si vos concepts ne renvoient plus à rien d'autres que le sens que vous leur attribuez et que vous produisez, dans ce cas comment est-il encore possible d'avoir encore une quelconque connaissance valable de quelque chose autrement que de manière empirique et scientifique ?


En voulant absolutiser les notions dans un sens ou dans un autre on se rend compte qu'elles n'atteignent jamais véritablement ce qu'elles désignent. Cela ne signifie pas qu'il faille jeter le bébé avec l'eau du bain comme l'a fait Kant qui ayant pris conscience de la relativité de la métaphysique de C. Wolf qui se donnait pour être un discours indépassable a finalement été conduit à penser qu'il n'y avait rien d'autre de valable que la connaissance empirique.
Il croyait en Dieu pourtant sa philosophie a non seulement interdit tout discours sur lui mais même toute possibilité intellectuelle de savoir qu'il existe.
Absolutiser les concepts c'est figer la réalité et en voulant déterminer ce que les choses signifient et comment elles fonctionnent absolument on ferme le monde sur lui même, croyant en avoir la maitrise. Le résultat c'est une métaphysique qui est réduit à n'être plus qu'un enchainements de concepts stérile.
Absolutiser l'absence de concepts, nier qu'ils aient une signification revient finalement au même, on ne peut plus parler de rien, tout se disperse dans le n'importe quoi.

Ce n'est pas parce que nous ne savons pas ce que Dieu est qu'il faut s'interdire d'attribuer l'être ou l'essence à Dieu et se contenter de n'en parler qu'au travers de ses effets comme certains philosophes chrétiens semblent vouloir le faire. Il y a de l'orgueil à vouloir atteindre et saisir l'objet absolument mais il y en aussi quand on rejette les concepts sous prétexte qu'ils n'atteignent pas totalement leur objet. Au reste l'Eglise a validé la démarche philosophique jusque dans la formulation des dogmes. Je ne crois pas qu'une autre religion ne se soit jamais autant servi de la philosophie dans son discours théologique que le catholicisme.

Simplement, la réalité est excès de sens et nos concepts toujours limités ne peuvent jamais totalement la saisir. Les concepts philosophiques sont aussi des reflets de ce qu'ils désignent. Il s'agit donc peut être de les aborder autrement et d'arrêter de vouloir en faire des idoles.
En prenant conscience de cela je crois qu'on peut aborder la métaphysique et le discours sur Dieu plus sereinement.


Au final c'est bien parce que le langage sur Dieu n'est pas équivoque qu'il a une signification et finalement que la réalité elle même a du sens. A vrai dire il n'y a pas peut-être plus qu'en théologie où le discours est penser comme manifestant encore une signification intrinsèque.

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