Adam et Ève : une image et une ressemblance

« Alors il leur ouvrit l'esprit à l'intelligence des Écritures. » (Lc 24.45)
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elenos
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Re: L'Homme et l'Image de Dieu.

Message non lu par elenos » dim. 13 avr. 2014, 11:28

cora a écrit : Comme toutes les phrases de la Bible, il se cache bien des profondeurs et des façons de déchiffrer le message. L'étude des processus créatifs en est un mais il en existe bien d'autres.
Merci pour votre message que j'invite tous à relire.
Particulièrement pour votre dernière phrase.

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Xavi
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Re: L'image et la ressemblance

Message non lu par Xavi » jeu. 23 août 2018, 18:46

Il est difficile d’avancer dans notre compréhension de l’image et de la ressemblance sans amener notre réflexion dans le contexte culturel du texte primitif des premiers chapitres de la Genèse.
antioche a écrit :
dim. 17 mai 2009, 8:52
Antioche écrit :
Quelqu'un (ou quelqu'une !) pourrait-il (elle) m'expliquer ce qu'est la différence entre "l'image" et "la ressemblance" lorsqu'on affirme que Dieu nous a créés à son image et à sa ressemblance ?
Boris a écrit :
mar. 12 sept. 2006, 16:19
Boris écrit :
Je pense que les 2 termes sont équivalents
A priori, une image doit normalement ressembler à ce qu’elle représente et nous considérons spontanément que « à l’image de Dieu » ou « à la ressemblance de Dieu » sont des équivalents. Et, nous ne nous étonnons pas lorsque le récit nous dit d’abord que Dieu créa l’homme « à son image » (Gn 1, 27) puis, plus loin, que Dieu créa l’homme « à la ressemblance de Dieu » (Gn 5, 1).

Pour nous, une image c’est une représentation généralement apposée sur un papier et « à l’image de » signifie « qui ressemble à ».

Mais, en a-t-il toujours été ainsi ? Que signifiait une image à l’époque où le récit de la création a pu être écrit pour la première fois ?

Rien ne permet d’alléguer ni que le récit de la création de la Genèse ait été dicté, ni qu’il ait été inventé par Moïse ou un scribe quelconque sans provenir d’une tradition antérieure. Il n’y a aucune raison de penser que, dès que les descendants d’Adam et Eve ont commencé à écrire des textes religieux, ils n’auraient pas mis par écrit le récit de la création dont ils avaient connaissance, ni veillé à sa transmission avec tout le soin apporté à un texte sacré.

N’oublions pas qu’Abraham est issu de Ur, la capitale du pays des Sumériens, les inventeurs de l’écriture. Les Sumériens ont longtemps dominé intellectuellement tout le Moyen Orient par leur écriture. L’étendue de la pratique de l’écriture dans le Moyen Orient ne semble pas permettre de penser que les récits de la création n’aient fait l’objet que de traditions orales avant Moïse et même avant Abraham.

Des récits de la création rédigés en sumérien et datés de près de deux mille ans ont été retrouvés avec de nombreuses similitudes avec les récits bibliques. Des récits sumériens évoquent un même déluge. Le récit de la tour de Babel concerne la même région des Sumériens. Le Tigre et l’Euphrate qui baignent le jardin d’Eden coulent dans le pays de Sumer.

Dans ces conditions, bien avant l’apparition de la langue hébraïque, le récit des premiers chapitres de la Genèse a dû faire l’objet d’une rédaction écrite en sumérien dès les premiers temps de l’écriture, inventée au quatrième millénaire avant Jésus-Christ.

Dans le contexte sumérien des débuts de l’écriture, l’image et la ressemblance apparaissent tout autrement. Il est étonnant que les exégètes semblent y avoir été si peu attentifs.

Et il ne faut pas s’arrêter ici à l’écriture cunéiforme la plus connue qui s’est répandue dans tout le Moyen Orient durant le troisième millénaire avant Jésus-Christ.

En effet, la première observation qu’il faut faire c’est que l’écriture sumérienne primitive fut d’abord iconographique ou pictographique. Lors de ses débuts, durant le quatrième millénaire, elle était faite principalement d’images que les Sumériens traçaient dans de petites mottes de terre d’argile, un matériau disponible en abondance dans le pays de Sumer par le fait des alluvions abondantes du Tigre et de l’Euphrate.

Avant l’écriture phonétique dite « cunéiforme » des Sumériens dans laquelle, comme maintenant encore, les signes écrits exprimaient des sons, l’importance de l’image comme élément de base de l’écriture peut aider à mieux comprendre la création de l’humanité à l’image et à la ressemblance de Dieu que relate la Genèse.

Pour les Sumériens de cette époque, une image c’est comme une lettre alphabétique pour nous, c’est la base de l’écriture, sauf qu’une image pour les Sumériens, c’est d’emblée plus qu’une simple lettre, c’est un mot ou une phrase. Une parole.

Une image, c’est une parole écrite, une parole faite chair, une pensée immatérielle inscrite dans un objet matériel.


N’est-ce pas ce qu’il faut entendre en premier lorsqu’il est question d’image dans la création d’Adam et Eve ?

Et, faisons attention de ne pas nous précipiter trop vite sur la question de savoir à quoi elle ressemble, cette image. Ne confondons pas de suite une « image » (l’objet sur lequel une écriture est tracée) et sa « ressemblance » (le sujet qu’elle représente qui peut être une chose, un personnage, une situation).

C’est ici que, d’emblée, l’image et la ressemblance évoquées dans le début de la Genèse peuvent aisément être brouillées par notre lecture qui oublie trop aisément, d’une part, la réalité matérielle de la réalisation de l’image (indépendamment de son objet) et, d’autre part, le fait que l'image est aussi un symbole qui exprime et écrit, de manière générale, une action : celle de créer une réalité nouvelle (une parole écrite) dans un support matériel (un écrit) par une pensée immatérielle.

On veut s’intéresser directement et « littéralement » à ce que le dessin représente. Une image, cela nous paraît d’emblée une image de ce qu’elle représente avec plus ou moins de ressemblance.

Ainsi, on pense facilement que, puisque l’homme est à l’image de Dieu, cela veut dire qu’il lui ressemble. De ce seul point de vue, image et ressemblance paraissent des équivalents.

Mais, dans le contexte d’une écriture sumérienne faite d’images assez sommaires sur des morceaux d’argile, ce n’est guère équivalent.

Il y a même plusieurs niveaux de perception à considérer pour l’image chez un Sumérien.

Au niveau particulier, l’image, pour un Sumérien comme pour nous, c’est ce que nous percevons d’emblée : c’est ce qui est représenté par un dessin qui ressemble (plus ou moins bien) à ce qu’il montre. C’est le niveau de la ressemblance concrète.

A un niveau plus général, l’image, pour un Sumérien, c’est l’outil de base de l’écriture.

Au niveau de l’écriture elle-même, l’image peut être un dessin symbolique qui représente l’outil de base de l’écriture ou l’action d’écrire.

Et l’action d’écrire peut elle-même être une image d’une réalité plus générale, celle de créer une réalité nouvelle par une pensée immatérielle dans la réalité matérielle.

Comment ne pas être interpellé par cette variété de points de vue et ne pas y chercher des pistes de réflexion pour essayer de mieux comprendre l’image et la ressemblance au cœur de notre création ? S’agit-il vraiment et simplement d’équivalents ? Cette équivalence est réelle (d’un point de vue possible), mais n’y a-t-il rien de plus à découvrir ?

Un intervenant relève avec pertinence que, dans le texte hébreu, chacun des deux mots (image et ressemblance) est précédé par une préposition différente :
Invité a écrit :
lun. 18 mai 2009, 16:04
Invité écrit :
Il est intéressant de noter les prépositions accompagnant image et ressemblance.
En Gn1,27, c'est le beth qui est devant image et le caph qui est devant ressemblance

Beth étant la consonne de la construction, de la maison, de la création…
Le caph … exprime la conformité, le selon, le comme en français.

En Gn5,1-5, quand nous sommes dans le livre des enfantements d'Adam c'est le beth qui passe devant ressemblance
La traduction française officielle relève bien la différence en traduisant « Faisons l’homme à notre image et selon notre ressemblance ». La traduction anglaise officielle la relève davantage encore en traduisant « Let us make man in our image, after our likeness ».

En lisant « Faisons l’homme à notre image », il ne faut pas trop vite penser à l’objet ou au sujet de cette image, à ce qu’elle représente, mais pensons d’abord à ce qu’est une image en général.

Une image, c’est d’abord un concept général et abstrait (comme : une maison), avant d’être appliquée à un cas particulier (une image de telle maison de tel style à tel endroit).

Il n’y a pas de répétition dans les mots image et ressemblance si on accepte de considérer que l’image est un concept général et la ressemblance une indication sur l’objet ou le sujet d’une image.

Et ici, la différence des deux prépositions hébraïques (beth devant le mot image et caph devant le mot ressemblance) peut se comprendre. Pour savoir ce que représente une image, il est normal d’utiliser le mot « caph » (selon) car la ressemblance renvoie au modèle qu’une image concrète représente. La ressemblance concerne le sujet ou l’objet d’une image concrète.

D’emblée, il faut observer que la préposition « beth » traduite par « à », dans l’expression « à notre image », n’a pas le sens de « comme » ou « selon » de la préposition « caph » dans la suite dans le verset biblique en cause, ni ailleurs dans le même premier chapitre de la Genèse.

La préposition « beth » peut être traduite par « dans », ou « sur » ou « à », mais semble toujours accompagner un verbe actif et renvoyer à une action, et donc ici au fait même de faire une image.

Cette préposition « beth » se retrouve, d’ailleurs, répétée à cinq reprises (!) dans la suite du même verset où elle est appliquée à la vocation de l’humain créé qui est de « dominer sur » (le texte hébreu comprend un verbe actif suivi de cinq objets précédés chacun de la préposition beth).

La traduction officielle italienne traduit bien le texte hébreu de Gn 1, 26 : « E Dio disse : "Facciamo l'uomo … e domini sui pesci del mare e sugli uccelli del cielo, sul bestiame, su tutte le bestie selvatiche e su tutti i rettili che strisciano sulla terra". ».

Il me semble que si un texte répète cinq fois une préposition qui vient d’être utilisée dans le même verset pour la création de l’humain, cela peut vouloir attirer notre attention sur l’importance de cette préposition pour bien comprendre le sens de ce qui nous est dit.

Littéralement, le texte hébreu, généralement traduit par « Faisons l’homme à notre image », peut être traduit littéralement par « Faisons l’humain dans une image de Nous ». C’est ainsi que le texte est traduit dans la version officielle du Vatican en anglais : « « Let us make man in our image ». Le site internet Lexilogos propose une traduction mot à mot encore plus précise : « and he is saying Elohim we shall make human in image of us as likeness of us ». (Scripture4all [PDF] Bible interlinéaire : hébreu & traduction de chaque mot en anglais).

Une image « de » Dieu (« Notre » image) cela peut signifier une image qui « provient de Dieu » ou une image qui « représente Dieu » ou les deux (une image qui provient de Dieu et qui le représente). Faire « dans » une image cela peut signifier « à l’intérieur d’une image » ou « par le moyen d’une image ».

Mais, ici, comme la ressemblance fait l’objet de la seconde partie du projet divin lorsque, après avoir indiqué « Faisons l’homme à notre image », la parole de Dieu précise « et selon notre ressemblance », il semble qu’on peut comprendre, par cette double précision, que l’humain créé est à la fois une image « de » Dieu, en ce sens qu’il s’agit, d’une part, d’une « image » réalisée par Dieu, d’une œuvre de Dieu qui est une « image » (qui, comme symbole de base de l’écriture sumérienne, indique une création par l’inscription d’une pensée immatérielle dans du matériel), et, d’autre part, d’une image qui ressemble à Dieu.

Et, nous retrouvons ici l’utilité de comprendre ce qu’est une image dans la culture sumérienne du quatrième millénaire avant Jésus-Christ : un nouveau mode de langage pour exprimer une pensée, une parole. Non plus par un langage oral qui ne peut être entendu que dans le temps et l’espace du présent, mais par un langage écrit qui permet à la parole de dépasser les limites du présent, pour être communicable à un absent, ailleurs, à un autre moment. Le langage écrit demeure dans le temps.

Pour un Sumérien, lorsque Dieu fait une image, il écrit. Il transforme une pensée, une réalité immatérielle, pour en faire une parole qui sort de Lui-même pour demeurer dans une réalité matérielle. Et, lorsqu’il fait une image (l’homme) à son image (qui lui ressemble), il indique que l’homme lui-même comme Dieu auquel il ressemble est capable de faire à son tour une image, d’écrire comme Dieu.

La création de l’humain, n’est-ce pas d’abord cela ? De l’immatériel dans du matériel. Une réalité nouvelle qui est créee par de l’immatériel dans du matériel mais qui, en outre, demeure au-delà des limites du présent.

Dans la réalité corporelle où tout se renouvelle sans cesse, les êtres sont précaires comme une parole orale qui n’est entendue qu’au moment où elle est dite, qu’à l’endroit où elle est dite.

L’humain est créé dans le matériel par une pensée immatérielle et pour y demeurer.

Pour créer l’humain, Dieu fait une image, une écriture, c’est-à-dire une action qui fixe dans un support matériel une pensée immatérielle pour en faire une réalité nouvelle, matérielle et immatérielle. Aujourd’hui, c’est de l’encre et du papier qui forment matériellement un écrit. Pour les Sumériens, c’était un petit paquet (une tablette) d’argile creusé par un roseau qui formait matériellement un écrit.

Pour créer l’humain, un être corporel et spirituel, il fallait, et c’est ce que le Créateur a fait, réaliser une image, c'est-à-dire fixer de l’immatériel dans du matériel.

N’est pas là l’élément essentiel qui caractérise notre création comme « être à la fois corporel et spirituel » (CEC, 362) en qui « L’unité de l’âme et du corps est si profonde que l’on doit considérer l’âme comme la « forme » de l’âme » de sorte que « l’esprit et la matière, dans l’homme, ne sont pas deux natures unies, mais leur union forme une unique nature » (CEC, 365) ?

Et, pour confirmer que c’est bien ainsi qu’on peut comprendre que Dieu, pour créer l’homme, a décidé de « faire une image », une image faite par Dieu, une image provenant de lui, ne suffit-il pas de lire, dans la suite du récit, ce qu’il a réellement fait ?

Le récit de la Genèse va très exactement nous montrer Dieu qui fait une image pour créer l’humain, tel que pouvaient le comprendre les Sumériens, le lecteur d’une écriture primitive pictographique faite principalement d’images.

Pour décrire et représenter, par une image écrite, l’action de Dieu qui crée une réalité immatérielle dans la réalité matériel qui est elle-même une image, c’est précisément la réalisation d’une image qui en donne une représentation symbolique adéquate.

Dieu dit, d’abord, « faisons l’homme dans une image de nous », une image faite par nous, une écriture (un acte qui crée de l’immatériel dans du matériel, qui inscrit de la pensée dans du corporel). Dieu crée l’homme en faisant une image.

L’image dont Dieu parle lorsqu’il dit « Faisons l’humain dans une image de Nous » ne nous montre pas Dieu lui-même, dans sa substance abstraite en dehors de toute action, mais Dieu à l’œuvre lorsqu’il crée l’humain. L’image de Dieu qui écrit une image.

Pour écrire cela, comme on le faisait chez les Sumériens lorsqu’ils ont inventé l’écriture durant la quatrième millénaire avant Jésus-Christ, il fallait écrire (dessiner, graver) une ou des images montrant Dieu qui extrait de la poussière d’un morceau d’argile du sol pour y graver une écriture de sorte que la masse d’argile qui n’était que matière devienne une parole inspirée, une parole faite chair.

Que nous dit le texte, dans sa version française officielle ? : « Alors le Seigneur Dieu modela l’homme avec la poussière tirée du sol ; il insuffla dans ses narines le souffle de vie, et l’homme devint un être vivant » (Gn 2, 7).

Nous pensons spontanément à l’argile du potier, même si nous avons quelque peine à imaginer qu’il soit possible d’y insuffler de la vie.

Mais, attention, le mot français « sol » nous renvoie trop vite et à tort à la surface du sol sous nos pieds. En réalité, le mot du texte hébreu est « adamah », ce qui renvoie à un matériau et à un matériau particulier caractérisé par sa couleur, l’argile rouge, et non à la surface du sol de la terre indépendamment de son matériau.

Il nous faut donc comprendre, de manière plus précise, que le Seigneur Dieu modela l’homme avec la poussière tirée de « l’argile rouge ».

Et, ici, il faut constater, en outre, que la référence au potier perd de sa pertinence car, si le potier travaille et façonne de l’argile pour en former un objet, ce n’est pas avec de la poussière de l’argile, mais avec sa masse agglomérée. Une masse d’argile est moulée par le potier pour en faire l’objet souhaité.

Par contre, le Sumérien, lorsqu’il réalise une image, doit graver dans l’argile et en gratter un peu de matière pour y tracer un signe.

La traduction latine de la Vulgate ouvre ici la compréhension du mot « poussière » qu’elle traduit par le mot « pulverem » ce qui renvoie davantage à une poussière produite volontairement, « pulvérisée », de la masse de l’argile rouge.

Il faut ici se détacher de notre compréhension de l’écriture qu’à notre époque, nous percevons matériellement davantage comme une peinture (de l’encre colorée ajoutée sur un support) que comme une gravure (des traits marqués par un retrait d’un peu de matière du support).

Ne pensons-nous pas trop vite que l’adam c’est la poussière elle-même (que Dieu rassemblerait puis façonnerait après l’avoir enlevée du sol argileux) ? Le texte ne le dit pas expressément, ni certainement.

Par contre, si Dieu fait une image, s’il écrit, la poussière qu’il pulvérise de l’argile rouge est-elle, elle-même, l’image ? Cette poussière n’est-elle pas seulement ce qui est retiré de l’argile rouge pour que l’image y apparaisse ?

Ne sommes-nous pas ici comme ce fou d’un proverbe chinois qui, lorsque le sage lui montre la lune avec le doigt, regarde le doigt et non la lune ?

Ce qui importe ici, ce qui est créé, il ne faut pas le regarder dans la poussière retirée mais dans ce que la masse d’argile est devenue après que la poussière en ait été retirée.

Le récit biblique nous montre que Dieu réalise bien ce qu’il a dit : Faisons l’homme dans une image que nous allons réaliser et, Il l’a fait, lorsqu’il a enlevé de la poussière de l’argile rouge pour en faire l’homme.


C’est en faisant une image que Dieu a créé l’homme. Nous sommes une lettre vivante de Dieu.

Mais, ceci ne suffit pas pour nous préciser ce qu’est l’homme, quel est le sujet de l’image que Dieu fait. Quel est l’être nouveau que Dieu décide de créer ? Quel est l’objet ou le sujet de l’image réalisée par Dieu ? Qui est cet humain voulu par Dieu ?

N’est-ce pas ce que révèle la précision distincte « selon notre ressemblance » ?

Mon message étant déjà très long, je ne vais pas développer immédiatement cette ressemblance mais relever seulement quelques éléments principaux.

D’abord le pluriel, qui me semble une évocation de la Trinité. « Selon notre ressemblance », cela ne parle pas d’abord de l’humain qui est encore à créer, mais de Dieu Lui-même, de la ressemblance du Père, du Fils et de l’Esprit Saint.

Et cette pluralité se trouvait déjà dans l’image elle-même lorsque Dieu dit « Faisons l’homme à notre image ».

« A notre image » évoque une création trinitaire qui se retrouve dans l’image de la création de l’homme.

En effet, cette image de Dieu qui crée en écrivant dans l’argile rouge nous montre le Père créateur, mais aussi, ce qui sera révélé plus tard, Celui par qui tout a été fait, la parole qui se fait chair (le Christ est Lui-même image en tant que Parole qui se fait chair), et qui va s’incarner dans cette image, et, enfin, l’Esprit Saint. Ce n’est que lorsque le souffle de l’Esprit Saint vient dans l’image que l’homme devient un être vivant.

Mais, il reste à préciser la ressemblance de l’image. Comment l’humain va-t-il être réalisé selon la ressemblance du Père, du Fils et de l’Esprit Saint ?

Pour l’humain, il faudra aussi un vis-à-vis semblable pour que l’humanité ressemble à la communion de semblables dans la Trinité. L’humain ne trouvera pas un tel semblable dans la nature. Il faudra une création nouvelle pour réaliser cette ressemblance dans l’humanité. C’est la création d’une femme, une semblable, qui va faire advenir une communion d’amour entre un homme et une femme semblables, selon la communion divine de semblables. Une communion qui ressemble à la communion de la Trinité de Dieu. Cette ressemblance sera créée dans le jardin d’Eden, dans cette réalité spirituelle du monde de Dieu.

Mais, dans un premier stade, lorsque Dieu fait l’homme, il le crée d’abord dans sa singularité. Il crée une personne. La ressemblance n’est pas immédiatement trinitaire.

Reprenons ici les extraits en cause de la Genèse dans le texte officiel français :
« Faisons l’homme à notre image et selon notre ressemblance » (Gn 1, 26).
« Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, il les créa homme et femme » (Gn 1, 27)
« Le jour où Dieu créa l’homme, il le fit à la ressemblance de Dieu ; il les créa homme et femme ; il les bénit et il leur donna le nom d’« Homme », le jour où ils furent créés. » (Gn 5, 1-2)
« Adam vécut cent trente ans, puis il engendra un fils à sa ressemblance et selon son image » (Gn 5, 3)
Dieu est un. Il n’y a certes pas de ressemblance de Dieu, ni de vie de Dieu, sans amour et communion, sans pluralité, sans altérité, mais, en tout, Dieu est toujours « un ».

L’humain à la ressemblance de Dieu doit être « un » autant que « communion ». Singulier et en communion avec d’autres.

Avant de réaliser la ressemblance à Dieu, en ce qu’il est une communion d’amour de trois personnes, « selon notre ressemblance », Dieu crée d’abord l’humain selon « sa » ressemblance. Au singulier. C’est d’abord l’unicité de Dieu qui est montrée. Il crée d’abord à « son » image (ou « dans » une image de Lui). C’est dans une image de « Lui » qu’il crée. Et le texte précise que cette singularité et cette unicité ne disparaissent pas dans la différence sexuelle. Mâle et femelle, il les crée, dans son image, dans une image de Lui. Mais, le seul fait de la différence sexuelle n’est pas suffisant pour accomplir une création selon « notre » ressemblance.

Sans l’amour librement choisi de l’homme lui-même, Dieu peut réaliser et créer une ressemblance avec l’unicité de Dieu, en créant un être singulier. Un être qui, comme son créateur, peut écrire, c’est-à-dire, dépasser mentalement le présent pour créer de l’immatériel dans du matériel.

Mais, pour ouvrir un accès à une ressemblance trinitaire, l’être singulier sexué doit encore découvrir un vis-à-vis semblable mais distinct dans une réelle altérité.

La ressemblance de plusieurs personnes en communion d’amour sera réalisée dans le jardin d’Eden. L’amour conjugal d’Adam et Eve montre l’achèvement de la création selon « Notre » ressemblance.


Après le péché originel, le pluriel disparaît et il demeure seulement que Dieu a créé Adam à « sa » ressemblance. L’amour trinitaire n’est plus pleinement présent, mais seulement la singularité, l’image de l’unicité de Dieu.

Adam ne va plus réaliser une image pour engendrer, mais il va seulement engendrer « à sa ressemblance » et « selon son image ». Il n’a plus que lui-même pour modèle. Il ne peut pas lui-même créer un être nouveau qui pourrait être autre, sans péché originel, mais seulement reproduire un semblable selon ce qu’il est lui-même devenu.

Le modèle de Dieu pour l’homme, c’est la Trinité, la ressemblance en communion d’amour des personnes de la Trinité. Le modèle d’Adam, après le péché originel, ce n’est plus qu’une image qui lui ressemble.

Il transmet et reproduit cette image créée par Dieu : un être nouveau, corporel et spirituel, fait d’immatériel dans du matériel. Nous sommes des images d’Adam qui est lui-même image de Dieu. Nous sommes bien ainsi à l’image et à la ressemblance de Dieu.

Mais, hélas, la ressemblance n’est plus celle du Dieu trinitaire, mais celle d’Adam blessé par le péché originel, séparé de Dieu.

Il reproduit non plus dans une image qu’il crée librement, mais il engendre directement à l’identique, à sa ressemblance.


NB : L’ensemble de mes réflexions concernant l’historicité d’Adam et Ève et du livre de la Genèse a été développé dans une synthèse réactualisée ce 24 mai 2023, sous le titre « Un jardin dans l’Eden », disponible en pdf dans la section Théologie de ce forum sous l’intitulé « Évolution, création, incarnation : un livre à télécharger » :
https://www.cite-catholique.org/viewtop ... 92&t=20369

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