L'épître à Timothée et ma lettre ouverte à maman...

« Alors il leur ouvrit l'esprit à l'intelligence des Écritures. » (Lc 24.45)
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boisvert
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L'épître à Timothée et ma lettre ouverte à maman...

Message non lu par boisvert » ven. 06 juin 2008, 16:50

Deuxième lettre de saint Paul Apôtre à Timothée 3,10-17.

v 16-17 :Tous les textes de l'Écriture sont inspirés par Dieu ; celle-ci est utile pour enseigner, dénoncer le mal, redresser, éduquer dans la justice ;
grâce à elle, l'homme de Dieu sera bien armé, il sera pourvu de tout ce qu'il faut pour faire un bon travail.


Lettre ouverte à ma mère

Depuis le décès de papa, une interrogation demeurait ouverte en moi. C’était comme une devinette, comme la solution d’un problème simple, mais une solution que j’aurais oubliée. Durant tout le mois dernier, cela m’a poursuivi et j’ai dit souvent : « Je le sais, ça va me revenir, je l’ai sur le bout de la langue ».

C’était à propos de ce que papa avait répondu au Docteur Desplanques, lorsque celui-ci, finalement a consenti à faire débrancher la sonde nasale et les perfusions qui nourrissaient papa sans aucune participation personnelle – ce qui le faisait souffrir d’autant plus.

C’était le matin. Je m’en souviens bien parce que d’habitude, je n’avais pas un seul contact verbal avec lui – tu te souviens que je revenais déçu et accablé et que je disais :
« non, je n’irai plus »… En définitive, c’était plus fort que moi et j’y allais tout de même. Cependant, cette fois-là, je m’étais fâché. J’avais dénoué l’essuie-main avec lequel une des infirmières avait bloqué son bras gauche, puis les bandages qui lui maintenaient les doigts repliés. A défaut de pouvoir lui parler, au moins je pourrais lui tenir la main…Le Docteur était intervenu et j’avais commencé d’avancer mon argumentation : au besoin, je ferais venir ma mère et mes sœurs, nous signerions le document adéquat et ferions transférer papa à Bruxelles. Ce traitement par « gavage » et immobilisation forcée me révoltait… C’est à ce moment précis que papa est sorti de son apparente apathie et qu’il a dit ces mots, qui ont suscité mon émotion autant qu’éveillé ma curiosité :

« Tout ce que je peux faire, je le ferai… »

C’est une de ses dernières paroles – c’est dire que je m’en souviens. Et cette parole, toute simple, et d’autant plus anodine qu’elle était simple, m’a trotté dans la tête durant des semaines… car il y avait « quelque chose derrière ». Jusqu’à aujourd’hui. Ces derniers mots de papa n’étaient anodins qu’en apparence. En réalité, ils les avait fait siens depuis très longtemps, ils faisaient partie de lui, ils constituaient le tissu de toute sa vie. En les répétant une dernière fois, je sais maintenant qu’il a affirmé la souveraine liberté de l’homme qui travaille.

Papa a toujours fait « tout » ce qu’il pouvait. A son travail, bien sûr. Envers chacun des membres de sa famille, aussi. N’est-ce pas remarquable, a posteriori, de constater qu’il n’a entrepris aucun des travaux de rénovation de la maison avant que chacun d’entre nous, ses enfants, ait trouvé son propre revenu ? Il a encore fait tout ce qu’il pouvait en préférant, durant sa retraite, donner les trois quarts de son temps à gérer le budget de la paroisse ND de La Salette ? (Et moi qui vous ai incités plusieurs fois à passer les hivers sur les côtes plus clémentes d’Espagne !) C’est toujours avec la même devise : « Tout ce que je peux » que papa a assumé, dès 2002, dans la maladie, l’amoindrissement et la souffrance, la partie la plus noble de sa carrière.

Il se trouve que, depuis hier, 3 juin, je sais d’où vient cette devise. Oh, je sais bien qu’il aurait facilement pu la composer pour lui-même, il en avait évidemment l’intelligence… mais le fait est que ces mots sont extraits d’un des romans de son auteur préféré : Graham Greene. Il avait lu tous ses livres. J’imagine que ces mots-là ont été tirés de « La Puissance et la Gloire ». Un des héros, un homme d’église qui a fui la persécution lors d’une émeute dans sa paroisse, décide finalement de faire demi-tour et il rentre chez lui en déclarant : « Peu m’importent les mots savants. Pour moi, être chrétien, c’est faire tout ce que je peux. Et tout ce que je peux faire, je le ferai. »
Chère maman, cette découverte, je la trouve extraordinaire. Je ne peux m’empêcher de m’en réjouir et de pianoter ma joie avec les doigts sur le coin de mon bureau, tandis que j’écris. Car elle me montre, elle me démontre, elle me prouve de manière éclatante l’extraordinaire lucidité de mon père. Et non seulement cela, mais aussi la beauté de son âme. Le cœur de cette histoire, d’où sortent ma certitude et ma joie, vient du fait qu’il m’avait cité ce mot de cet auteur dès les années 90. En mai 1990 (après mon dernier séjour en Amérique, j’avais perdu Marcelline - Marcelline la tant aimée, mais aussi l’amante immorale et infidèle que j’avais repoussée…), je m’étais tourné vers papa, seul capable, à mon idée, de répondre à n’importe quelle question, aussi bien scientifique que philosophique, et je lui avais demandé… après toutes les questions que l’on peut se poser, comment se sortir de la noirceur de l’existence. A la fin de ces entretiens, il m’avait convaincu que la réponse n’étant pas la même pour tous, du moins le travail ne me tromperait pas.

Ces mots de Graham Greene, je les avais donc adoptés moi aussi, mais en employant un autre vocabulaire, ce qui explique que j’en avais oublié les origines. Avec mes mots à moi, et ceux de l’auteur, il y avait ceux de Jacques Brel, d’Aragon et de poètes surréalistes ! Cela donnait : « Vivre, c’est être raide. C’est faire face. Tant qu’il y aura pour moi des responsabilités, je serai là pour dire : je suis là. Je veux passer debout, même si c’est dans le silence, etc. » Il y a donc, en moi, un mélange vivant de la pensée de Graham Greene, de quelques auteurs, écrivains et poètes, et bien sûr, d’inspirations profondément chrétiennes.

Chère maman,

Deux jours après les funérailles, tu avais vu une grive venir se poser sur le rebord de ta fenêtre, et te fixer, à la maison de repos. Tu m’as dit y avoir reconnu un signe de papa venu te dire : « Je vais bien ». A présent, c’est à moi de dire que j’ai eu « mon » signe – c’est un signe littéraire, puisque j’ai toujours aimé la littérature. Ainsi, toi qui as toujours aimé distinguer les chants d’oiseau, tu as obtenu la visite d’une grive ; quant à moi, j’ai toujours aimé les livres, et j’ai reçu un signe sorti d’un livre. Je dis donc que tout est en ordre et mon cœur est en paix. Je viens de découvrir ces mots de l’Epître à Timothée et j’ai trouvé qu’ils correspondaient parfaitement à ces découvertes !

Ton fils, toujours au gouvernail…


Etienne

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Re: L'épître à Thimothée et ma lettre ouverte à maman...

Message non lu par Arzur » ven. 06 juin 2008, 18:04

Émouvant, que vos parents reposent en paix cher Etienne.


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