cora a écrit :Pourriez vous m'expliquer s'il vous plaît pourquoi pour ces passages certes très délicats nous pourrions postuler que le Christ "noirci le tableau"?
Déjà, n'oublions pas que ce n'est pas le Christ qui est l'auteur des évangiles, et que les évangiles ne sont pas une biographie de Jésus.
Je ne sais pas si les exégètes ont déterminé si ces paroles sont vraisemblablement des mots prononcés tels quels par Jésus, ou des mots qu'on lui prête. Ce qui est très secondaire, car le texte est de toute façon inspiré (c'est "parole d'évangile"
).
Il faut donc se poser la question de l'intention de l'auteur de ces mots : condamner les pharisiens, ou mettre en avant le fait que le sens réel de la loi n'est pas celui que tout le monde croyait ?
Même si Jésus a effectivement prononcé ces mots, je suis persuadé que c'est un effet rhétorique, et que ce qui est important, ce n'est pas le côté "noir" qu'il condamne, mais le côté "blanc" qu'il met en regard.
Il ne s'agit pas non plus de "blanchir" les pharisiens et de nier leurs erreurs. Il s'agit simplement de voir que ce sont des êtres humains, comme vous et moi, qui faisaient de leur mieux et avaient leurs faiblesses. Et les mots accusateurs de Jésus sont d'autant plus lourds que, en tant que dirigeants du peuple, ils avaient une lourde responsabilité.
Mais quand je dis "ce sont des types bien", c'est parce qu'ils sont vraiment comme vous et moi, et que je pense que vous et moi sommes "des types bien".
Nous qui écrivons sur Internet, et dont nous ne savons pas qui nous lit, est-ce qu'il nous arrive de songer à notre responsabilité au sujet de tous ces gens que nous influençons ? Chaque fois que quelqu'un m'écris pour me remercier d'avoir écrit quelque chose, je frémis tellement j'ai peur de m'être trompé (et je sais bien que cela m'arrive souvent !) et de l'avoir entraîné avec moi dans ma chute... Quel courage chez ces pharisiens que d'endosser la responsabilité qui était la leur !
Pourquoi l'aurait-il fait? S'il l'a fait ici alors le risque n'est-il pas de relativiser d'autres passages des évangiles voir la totalité?
Non, pas du tout. Ce qu'il faut bien voir, c'est que Jésus est venu apporter la miséricorde, pas la condamnation. Quand Il fait ses reproches aux pharisiens, Il ne les envoie pas brûler au feu de la géhenne ! Il montre leur péché à eux, et rappelle que ce péché est d'autant plus grave qu'ils entraînent à leur suite tous ceux qui les écoutent. Mais la miséricorde est pour tout le monde, y compris les pharisiens.
Encore une fois, ces passages me semblent clairs et pointent uniquement sur des gens pouvant être mal inspirés parmi un groupe d'individu qui par ailleurs peuvent être très bons.
Vous adoptez là un point de vue différent de celui de Mac, qui semble bien condamner les pharisiens dans leur ensemble (et même bien d'autres dans le lot).
Mais le problème n'est pas là.
En regardant les gens qui sont "pointés", vous tombez précisément dans l'erreur des pharisiens. Vous corrigez la loi (édictant ainsi une nouvelle version de la loi), et les condamnez parce qu'ils ont enfreint la loi "véritable". Mais vous en êtes toujours à la loi, comme les scribes et les pharisiens ! Hors le message de Jésus, c'est bien de dépasser cela. Il ne s'agit pas de savoir qui a le mieux compris la loi !
Oui je suis d'accord avec vous mais il y a parfois des débats très houleux notamment entre la loi écrite et la loi orale par exemple. Certains groupes ont toujours dit que l'une n'allait pas sans l'autre, d'autres en ont changé certains aspects et d'autres encore ont enlevé la loi orale. Et tous ces choix entraînent un rapport à la loi différent puisque beaucoup de lois viennent de la loi orale.
Je vous ferais remarquer qu'il y a aujourd'hui exactement les mêmes débats parmi les chrétiens : il y a ceux qui disent que seules comptent les Ecritures, et ceux qui disent qu'on ne peut pas négliger la Tradition. 2000 ans après Jésus, on en est toujours au même point...
Mais le message de Jésus n'est pas de savoir s'il faut s'attacher à la loi écrite ou à la loi orale, mais de dépasser la loi (ce qui ne signifie pas l'abolir) et de s'ouvrir à l'amour.
Ce n'est pas l'idée de vouloir aider à rendre la loi applicable qui est condamnée et condamnable mais quand les lois sont parfois plus complexes et donc plus difficiles à appliquer qu'au départ.
je devrais peut être prendre un exemple actuel pour illustrer : de la loi alimentaire qui interdit de cuire la viande du chevreau dans le lait de sa mère on passe à :
- ne pas manger de viande et de lait lors d'un même repas
- laisser 6 h minimum entre l'absorption d'un produit carné et d'un produit lacté
- avoir un double équipement de la cuisine : deux fours, deux frigidaires, etc car on ne range pas la viande avec les produits laitiers.
Mais je suis bien d'accord avec vous que ces développements sont absurdes ! (et j'ai même des amis juifs qui m'ont raconté de bonnes blagues sur la question du lait et du chevreau). La question est de savoir pourquoi on en arrive là.
J'ai un jour posé la question à un ami juif, et il m'a répondu que c'est parce que, en tant qu'hommes, ils ont peur de pécher en étant trop laxistes, par inadvertance, parce qu'ils savent bien, comme nous, combien l'homme est faible. Ils préfèrent donc se donner une marge de sécurité par rapport à la loi, pour être sûrs de rester bien dans les clous.
Alors évidemment, en tant que chrétien, ça me parait invraisemblable puisque je sais que quoique je fasse, je ne pourrai jamais respecter la loi, et que ma seule issue est la miséricorde.
Mais en même temps, j'admire profondément la démarche de ces gens qui consacrent autant d'efforts pour faire les commandements de Dieu. C'est très beau. Et je pense que les rabbins qui édictent ces règlements sont vraiment des types bien, même s'ils sont dans l'erreur, parce que leur soucis est de permettre au peuple d'être certain de ne pas enfreindre la loi. L'intention est admirable.
Nous chrétiens, nous aimons bien dire qu'il faut porter notre croix : avez-vous déjà regardé le poids du joug que les juifs acceptent volontairement sur leurs épaules, par amour de Dieu ? Bien sûr, c'est regrettable, car ils pourraient tout aussi bien prendre à la place le joug de Jésus. Mais je ne peux pas m'empêcher d'être ému quand j'y pense.
C'est dommage que cette intention soit basée sur une mauvaise compréhension de la raison d'être de la loi... Et c'est ça qui énerve Jésus, parce que toute cette énergie est non seulement dépensée en vain, mais que ces efforts ont même plutôt tendance à écarter l'homme de Dieu au lieu de l'en rapprocher.
Ce ne sont pas ces lois rabbiniques en tant que telles le problème mais leur application à l'ensemble : si une personne ne peut répondre à une loi rabbinique pour X raisons est ce qu'elle ne répond pas à la loi de Dieu écrite dans la Torah? Encore une fois, c'est un débat très vieux et très houleux qu'on retrouve encore aujourdh'ui dans les trois grands courants du judaisme actuel.
C'est un débat très vieux et houleux que l'on retrouve au sein du christianisme, et même au sein du catholicisme. Regardez donc ceux qui s'étripent pour savoir si le baptême est plus efficace ou moins efficace selon qu'on le donne en latin ou en français. Ou ceux qui s'étripent pour savoir s'il faut communier avec la bouche ou avec la main.
On se marre en regardant les pharisiens se poser très sérieusement la question de savoir si le jour du sabbat il est permis de sortir un âne tombé dans un puits. Et quelques minutes plus tard, on explique très doctement que le dimanche, il vaut mieux éviter d'aller faire des achats...
Quand je vous dis que les pharisiens sont des gens comme vous et moi...