L'écriture des Évangiles

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Libremax
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Re: L'écriture des Évangiles

Message non lu par Libremax » lun. 10 oct. 2011, 14:49

Raistlin a écrit :A cela s'ajoute les travaux de Pierre Perrier. Celui-ci pense avoir trouvé dans les Évangiles ce qu'il appelle des "colliers", c'est-à-dire des morceaux de textes structurés de façon à en simplifier la mémorisation. Selon lui, c'était une technique utilisée fréquemment par les rabbins, pour que lurs disciples retiennent mieux leur enseignement, et Jésus l'aurait lui-même utilisée.
Pierre Perrier n'est pas le seul à avoir formulé de telles conclusions. Avant lui, il y a eu Marcel Jousse, anthropologue, spécialiste des civilisations orales, qui a démontré que les évangiles étaient des textes oraux, c'est à dire des proclamations aux nombreux systèmes mnémotechniques. D'autres spécialistes ont montré la similarité entre le mode d'apprentissage des leçons d'un rabbi par ses disciples entre judaïsme et christianisme primitif. Depuis Pierre Perrier, il y a enfin Frédéric Guigain, qui a approfondi tous ces travaux.

De tout cela se dégage la forte probabilité que les Evangiles soient donc des textes très précoces, composés dans un milieu culturel très proche de celui de Jésus, sans doute dès les premières années après sa mort et servant très tôt à une liturgie qui allait se démarquer progressivement du judaïsme rabbinique.

Epsilon
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L'écriture des Évangiles

Message non lu par Epsilon » lun. 10 oct. 2011, 18:08

Bonjour à tous.

D’une part Mt ne date pas de « 45 » mais plus de « 65 » … ce qui « amplifie » le problème posé.

Mais d’autre part écrire une « bio » de Jésus qcq 30/35 ans après sa mort … n’est pas si éloigné dans le temps pour pouvoir mettre en cause ce qui est écrit.

Pour les tenants de l’oralité … comme réponse à tout … dans le genre de Perrier qui est certes un « grand » monsieur mais charge un peu trop la barque notamment concernant un Mt araméen (voire Thomas ayant fondé l'église de Chine en 65) … donc pour le tenants d’une oralité disons "normale" … la question est : « pourquoi voulez-vous que les gens écrivent » ???

Car s’il y a écrit (et à plus forte raison copie) c’est qu’il y a un usage (un besoin) … or si l’oralité (et c’est le cas) « marche » bien on a du mal a voir cet usage … donc il faut un « déclencheur » pour que nos évangélistes se mettent à écrire.

En fait de « déclencheur » ils sont multiples … l’age avancé que certains commençaient à avoir … mais surtout (c’est le grand défaut de l’oralité) la multiplication ici et là de « récits » plus ou moins approximatifs/faux concernant Jésus … obligeant les premiers témoins à rectifier le tir et à mettre sous écrit leur propre témoignage … nous ne pouvons aussi ne pas tenir compte des besoins de l’église naissance à travers les quatre coins du monde obligeant des « copies » ici et là de tel ou tel écrit.

Les premiers écrits concernant Jésus … et ici le besoin est l'éloignement dans l'espace obligeant de laisser/précéder un témoignage écrit ... sont les épîtres de Paul dans les années 50.


Cordialement, Epsilon

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Raistlin
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Re: L'écriture des Évangiles

Message non lu par Raistlin » mar. 11 oct. 2011, 9:52

Epsilon a écrit :D’une part Mt ne date pas de « 45 » mais plus de « 65 » … ce qui « amplifie » le problème posé.
Les avis divergent à ce sujet. Il est plus prudent de dire qu'une certaine exégèse date Matthieu de 65. Il n’y aucune certitude dans ce domaine.

Pour ma part, je me méfie de l’exégèse qui part du principe que les Évangiles sont forcément tardifs. C’est le même type d’exégèse qui datait l’Évangile selon saint Jean du IIème siècle (jusqu’à que la papyrologie lui donne tort), et qui ridiculisait les travaux de Carmignac…

Donc prudence. Sur la datation des Évangiles, je n’ai encore lu aucune preuve certaine. En revanche, les rétroversions du grec vers l’hébreu ou l’araméen m’ont paru être des indices très sérieux du fait que les Évangiles synoptiques aient un substrat sémitique, donc ancien.

Epsilon a écrit :Pour les tenants de l’oralité … comme réponse à tout … dans le genre de Perrier qui est certes un « grand » monsieur mais charge un peu trop la barque notamment concernant un Mt araméen (voire Thomas ayant fondé l'église de Chine en 65) … donc pour le tenants d’une oralité disons "normale" … la question est : « pourquoi voulez-vous que les gens écrivent » ???

Car s’il y a écrit (et à plus forte raison copie) c’est qu’il y a un usage (un besoin) … or si l’oralité (et c’est le cas) « marche » bien on a du mal a voir cet usage … donc il faut un « déclencheur » pour que nos évangélistes se mettent à écrire.
La réponse me semble simple : à la fois pour les besoins liturgiques et surtout parce que le christianisme gagnait peu à peu le monde païen, qui n’était pas sujet à la tradition orale comme les juifs.

On comprend alors pourquoi ils furent écrits en grecs : non pas pour les juifs convertis habitués à l’oralité mais bien pour les païens.
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Re: L'écriture des Évangiles

Message non lu par Cinci » mar. 11 oct. 2011, 17:16

C'est Luc qui mentionne le motif à théophile, son correspondant, de toute façon. Pour que tu puisse constater la solidité des enseignements que tu auras reçus.

Ainsi, une des raisons parmi les plus importantes pouvait être la présence d'adversaires de l'Église primitive, et qui, eux, s'étaient mis à écrire ou répandre délibérément des faux. Déjà du temps de Paul, on voit l'apôtre prendre lui-même des précautions avec ses lettres.


Le délai ?

c'est tout simplement que le problème devient plus sensible avec le temps. La problématique n'est pas la même dans une seule Église de 500 membres en tout et pour tout au départ, et puis comparativement ensuite à une floraison de diverses succursales pour comptabiliser des dizaines de milliers d'individus.

La valeur des écrits reconnus par l'Église provenait probablement de la personnalité morale du groupe original qui les reconnaissait, les acceptait, les authentifiait. Puis l'écrit reconnu devenait aussi un moyen de contrôler la validité des enseignements oraux, dans une sorte de jeu d'équilibre cf. Luc. L'écrit n'est qu'un moyen supplémentaire qui est intégré dans le cadre des activités apostoliques de l'Église. Je veux dire : l'oralité ne cesse pas tout à coup en l'an soixante-quinze (!) M'enfin, c'est le scénario qui paraît assez probable.

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Re: L'écriture des Évangiles

Message non lu par Libremax » mer. 12 oct. 2011, 10:26

[ Fil de discussion issu de la section Christianisme pour les Nuls ; vous pouvez continuer la discussion, cordialement, Cgs ]
Epsilon a écrit : Pour les tenants de l’oralité … comme réponse à tout … dans le genre de Perrier qui est certes un « grand » monsieur mais charge un peu trop la barque notamment concernant un Mt araméen (voire Thomas ayant fondé l'église de Chine en 65) … donc pour le tenants d’une oralité disons "normale" … la question est : « pourquoi voulez-vous que les gens écrivent » ???
Désolé pour cette tendance à tout rapporter à l'oralité. Mais il y a des travaux qui changent beaucoup de ce qui pourrait n'être que des présupposés de nos exégèses modernes.
Pourquoi affirmer l'existence d'un Mt araméen serait-il excessif? J'y vois, pour beaucoup, une atteinte à un paradigme conditionnant notre représentation de l'Eglise primitive.
En fait de « déclencheur » ils sont multiples … l’age avancé que certains commençaient à avoir … mais surtout (c’est le grand défaut de l’oralité) la multiplication ici et là de « récits » plus ou moins approximatifs/faux concernant Jésus … obligeant les premiers témoins à rectifier le tir et à mettre sous écrit leur propre témoignage … nous ne pouvons aussi ne pas tenir compte des besoins de l’église naissance à travers les quatre coins du monde obligeant des « copies » ici et là de tel ou tel écrit.
Si donc on rapporte la question du déclencheur à l'oralité (mais ne prenons celle-ci que pour une hypothèse, et non comme un appétit de "réponse à tout"), il y en a un qui est plus immédiat encore : L'oralité hébraïque ne se passe pas totalement de la mise par écrit. Les juifs connaissaient leurs textes par coeur, ce qui ne les dispensait pas d'avoir besoin d'un support écrit. Il en allait probablement de même pour l'évangile.

Seulement, lorsqu'effectivement les témoins disparaissaient, leur mise par écrit recevait le statut d'unique référence en l'absence d'autre témoin direct.

Emmanuel Lyasse
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Re: L'écriture des Évangiles

Message non lu par Emmanuel Lyasse » mer. 12 oct. 2011, 19:56

Il faut souligner un point, et s'y tenir: nous ne savons pas comment ont été écrits les Évangiles.

Ils sont attestés comme reçus par l'Église au IIe siècle, et le texte grec que nous avons aujourd'hui n'a apparemment pas varié depuis (Cette certitude est déjà exceptionnelle pour des textes antiques. La plupart des textes païens ne nous sont connus que par des manuscrits médiévaux)

La première description que nous en ayons est, dans la deuxième moitié du IIe siècle, de saint Irénée, Contre les hérésies, III
après que notre Seigneur fut ressuscité d'entre les morts et que les apôtres eurent été, par la venue de l'Esprit Saint, revêtus de la force d'en haut, ils furent remplis de certitude au sujet de tout et ils possédèrent la connaissance parfaite ; et c'est alors qu'ils s'en allèrent jusqu'aux extrémités de la terre, proclamant la bonne nouvelle des biens qui nous viennent de Dieu et annonçant aux hommes la paix céleste : ils avaient, tous ensemble et chacun pour son compte, l'« Évangile de Dieu».
Ainsi Matthieu publia-t-il chez les Hébreux, dans leur propre langue, une forme écrite d'Évangile, à l'époque où Pierre et Paul évangélisaient Rome et y fondaient l'Église . Après la mort de ces derniers, Marc, le disciple et l'interprète de Pierre, nous transmit lui aussi par écrit ce que prêchait Pierre. De son côté, Luc, le compagnon de Paul, consigna en un livre l'Évangile que prêchait celui-ci. Puis Jean, le disciple du Seigneur, celui-là même qui avait reposé sur sa poitrine, publia lui aussi l'Évangile, tandis qu'il séjournait à Éphèse, en Asie.
Tout ce qui est dit ou écrit d'autre à ce sujet n'est qu'hypothèses. Cela ne signifie pas que tout soit inintéressant. La recherche peut être utile et féconde… si on ne perd pas de vue qu'il ne s'agit que d'hypothèses. Le défaut majeur de beaucoup d'exégètes est de prétendre tirer des certitudes d'une accumulation d'hypothèses. Il est parfaitement vain de dire que l'évangile de Matthieu a été écrit en 45, ou en 65, ou en 75: nous n'en savons rien.

Un point est établi: il n'est pas question des évangiles dans les épîtres du Nouveau testament. Ils n'apparaissent pas non plus dans les récits des Actes (juste dans la préface). Il semble clair que, comme le dit Irénée, l'enseignement des Apôtres a d'abord été oral, puis mis par écrit. Quand ? Mystère. Y a-t-il eu des versions successives avant celles que nous connaissons ? Mystère.

Les trois évangiles dits synoptiques se présentent (hors les deux récits de l'enfance) selon le même schéma: baptême par Jean, mission en Galilée, montée à Jérusalem, mort et résurrection. Le récit de la mission comprend des miracles et des discours, qui sont à peu près les mêmes, mais dont l'ordre est totalement différent. Cela semble confirmer qu'il s'agit de recueils faits à partir de l'enseignement oral des Apôtres.

L'évangile de Jean est le seul qui se présente comme le récit d'un témoin. Il est beaucoup plus précis. Il raconte plusieurs séjours à Jérusalem, et ses allusions aux fêtes juives permettent de voir que la mission de Jésus dure trois ans (ce qui n'apparaît pas dans les synoptiques). Hors la Passion, il n'a presque rien de commun avec les synoptiques. On a généralement considéré que c'était parce qu'il les connaissait, et écrivait pour les compléter, non pour les répéter. L'exégèse moderne trouve sans doute cette explication trop simple puisqu'elle préfère, pour chaque fait mentionné par les synoptiques, se demander gravement pourquoi Jean n'en parle pas.

Quant à l'exactitude des paroles de Jésus rapportées, il semble évident, en effet, que les auteurs (ou leurs inspirateurs) ne pouvaient se souvenir des mots mêmes du Seigneur (les divergences de détail entre évangélistes le confirment). Il faut savoir que tous les historiens antiques procèdent de la même manière: ils reconstituent, à partir de ce qu'il savent, des discours directs. Sur ce point, les évangélistes sont incontestablement des historiens (mais non des historiens modernes). Il est donc vain de croire que nous avons là les paroles du Christ, et encore plus vain de prétendre sélectionner ce qui aurait été vraiment dit par le Christ (les fameuses ipsissima uerba) et éliminer le reste.

Une seule chose est sûre: l'Église, dépositaire de la Révélation, a reconnu ces quatre textes, tels qu'ils nous sont parvenus, comme le fondement principal de sa foi. La forme importe peu.

Une remarque sur la datation. Beaucoup de savants affirment péremptoirement que les évangiles ne peuvent dater que d'après 70. Il faut savoir que cette conviction repose sur un seul élément: Jésus y annonce la chute de Jérusalem. Il est évident que si on le retient, il n'y a plus de prédictions possibles. De quand faut-il alors dater le Chant du Serviteur d'Isaïe ? Ça ne vaut pas seulement pour les textes inspirés, d'ailleurs: même sans être Fils de Dieu, on peut faire, par hasard, une prédiction juste (Foch a dit en prenant connaissance du traité de Versailles, en 1919, "Je sais maintenant que nous aurons la guerre dans vingt ans". L'application de la science exégétique à cette phrase conduira à conclure qu'elle ne peut avoir été prononcée en fait avant septembre 1939, et donc que Foch n'est pas mort en 29)

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Re: L'écriture des Évangiles

Message non lu par Fée Violine » mer. 12 oct. 2011, 21:19

Excellent résumé de la situation!
J'ignorais cette histoire de Foch (excellente aussi!)

Epsilon
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Re: L'écriture des Évangiles

Message non lu par Epsilon » jeu. 13 oct. 2011, 11:15

Bonjour à tous

La « problématique » est de donner une date aux différents Évangiles ... cette date doit être « certaine » ou à défaut faire consensus AUJOURD'HUI dans la communauté des exégètes/scientifiques de la question ... je dis bien « aujourd'hui » car de nos jours nos moyens d'investigations sont sans commune mesure avec ceux des Pères de l’Église (qui entre nous sont souvent en contradiction sur le sujet voir par exemple Irénée et Eusèbe).

Je ne suis pas, loin de là, contre « l'oralité » ... mais si nous mettons l'oralité au niveau d'une « preuve » pour telle ou telle affirmation (par ex. un Matthieu araméen) ... le moins que l'on puisse dire c'est plus que léger ... car nous pouvons faire dire à « l'oralité » ce que nous voulons qu'elle dise.

Maintenant si on « tempère » cette oralité en disant qu'il devait exister tel ou tel écrit (genre mémo) avant une mise en forme définitive des Evangiles ... pourquoi pas !!! qcq « logia » ici et là, encore faudrait-il le vérifier ... et ensuite des « morceaux » divers font-ils un « évangile » en eux mêmes ??? car l'important n'est pas le début/commencement de l'écrit mais bien la fin c-à-d le moment ou PLUS RIEN N'EST AJOUTE AU TEXTE !!!

Le « besoin » de prouver un évangile de Mt araméen dans l'immédiat de la mort de Jésus ... ne se justifie plus, du moins avec une même acuité, de nos jours ou la preuve de l'existence de Jésus est communément admise par l'ensemble de la communauté scientifique.

Donc le seul débat, à ce sujet, qui a encore valeur est de savoir si les Evangiles sont écrits AVANT ou APRES les événements de 70 ... pour voir si ces derniers ont (ou pas) influencé qq peu leur rédaction.


Cordialement, Epsilon
Dernière modification par Fée Violine le jeu. 13 oct. 2011, 13:36, modifié 1 fois.
Raison : petites corrections orthographiques, notamment "logia" prend un seul g (rien à voir avec les balcons!)

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Re: L'écriture des Évangiles

Message non lu par Fée Violine » jeu. 13 oct. 2011, 14:00

Le « besoin » de prouver un évangile de Mt araméen dans l'immédiat de la mort de Jésus ... ne se justifie plus, du moins avec une même acuité, de nos jours ou la preuve de l'existence de Jésus est communément admise par l'ensemble de la communauté scientifique.
Quel drôle de raisonnement!
La vérité historique est à connaître en elle-même, pas forcément dans un but polémique ou autre.
Et quelle drôle d'idée aussi, de penser que les savants de maintenant sont plus au courant de ce qui s'est passé au 1er siècle, que les gens du 2ème siècle qui étaient tout proches des faits!

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Re: L'écriture des Évangiles

Message non lu par Epsilon » jeu. 13 oct. 2011, 14:04

Fée Violine a écrit :La vérité historique est à connaître en elle-même, pas forcément dans un but polémique ou autre.
Donc ... c'est quoi pour vous cette "vérité historique" concernant un Mt araméen ???


Cordialement, Epsilon

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Re: L'écriture des Évangiles

Message non lu par Raistlin » jeu. 13 oct. 2011, 15:04

Epsilon a écrit :La « problématique » est de donner une date aux différents Évangiles ... cette date doit être « certaine » ou à défaut faire consensus AUJOURD'HUI dans la communauté des exégètes/scientifiques de la question ... je dis bien « aujourd'hui » car de nos jours nos moyens d'investigations sont sans commune mesure avec ceux des Pères de l’Église (qui entre nous sont souvent en contradiction sur le sujet voir par exemple Irénée et Eusèbe).
Ah, d'accord. Puis-je relever 3 points ?
1- Vous auriez pu commencer par vous montrer plus prudent... C'est vous qui avez affirmé, sans précaution, que Matthieu datait de 65.
2- Il n'y a pas consensus des exégètes sur cette datation. Vous feriez mieux de parler de "majorité" ou de "minorité".
3- Quant aux moyens d'investigation sans commune mesure, je suis bien d'accord avec vous. Seulement, non seulement ils n'empêchent pas les erreurs idéologiques comme on en a déjà vu tant sur la datation des évangiles.

Donc à l'avenir, soyez plus prudent lorsque vous affirmez des choses du type : D’une part Mt ne date pas de « 45 » mais plus de « 65 » … ce qui « amplifie » le problème posé. Lorsqu'on se veut aussi catégorique, on essaie de le faire avec des choses CERTAINES et non pas des hypothèses fussent-elles acceptées par une majorité de savants.

Cordialement,
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Re: L'écriture des Évangiles

Message non lu par Libremax » jeu. 13 oct. 2011, 15:20

Bonjour !

On le voit bien, la problématique qui se cache derrière celle de la datation des évangiles écrits est bien celle de leur fiabilité aux faits qu'ils exposent, en dépit d'évènements comme la chute du Temple -et d'autres évènements.

A cet égard, la question de la précocité d'un Matthieu araméen est importante, mais n'est pas une fin en soi. Il s'agit de chercher si les Evangiles sont issus du milieu qu'ils nous décrivent,avec les Actes des Apôtres, ou s'ils sont susceptibles d'être influencés non plus seulement par les évènements de 70, mais aussi par les persécutions, les idéologies environnantes, voire même, les philosophies grecques.

On ne fait pas dire à l'oralité ce qu'on veut, ou bien il faut poser qu'elle échappe à toute étude objective. Or ce n'est pas le cas ; elle est l'objet de l'étude anthropologique et ethnologique, et repose sur des règles strictes.
Il se trouve qu'aucune exégèse, aujourd'hui, ne s'appuie sur ces études. Que vise-t-on précisément quand on dit qu'une datation des évangiles doit faire consensus dans la communauté des exégètes ? Il se pourrait bien que ce soit avant tout un certain conformisme.

Car l'oralité des évangiles conduit le chercheur à une proximité évidente des Evangiles avec le milieu juif (entendons : judéo-chrétien) des toutes premières décennies après la mort du Christ, non pas à l'état de paroles isolées, mais de proclamations structurées, traditionnelles et liturgiques, dont les épîtres de Paul rendent compte elles aussi.
Et il y a un réel blocage idéologique vis à vis d'une éventuelle origine araméenne, palestinienne et apostolique des évangiles.

Accepter les conclusions de l'oralité ne conduit pas forcément à en faire un credo, mais il serait intéressant de déployer les raisons données par la "communauté exégétique" pour que l'auteur de Matthieu et de Luc n'auraient certainement pas du se connaître, pourquoi les communautés judéo-chrétiennes n'auraient jamais cherché à se structurer entre elles comme les communautés juives depuis l'Exil, pourquoi la Pshytta qui est à l'évidence antérieure au grec devrait forcément être une savante traduction, et pourquoi les judéo-chrétiens auraient accepté un texte d'origine grecque sans avoir auparavant développé une liturgie et une catéchèse qui leur soient propres ?
Dernière modification par Libremax le ven. 14 oct. 2011, 10:09, modifié 1 fois.

Epsilon
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Re: L'écriture des Évangiles

Message non lu par Epsilon » jeu. 13 oct. 2011, 15:47

Cher Libremax

Je reviendrais sur votre intéressant message … mais vous faites une erreur concernant la Peshita (qui est la version Syriaque de la Bible) … cette œuvre s’étend sur au moins deux générations elle a commencé par les livres de l’AT que vers la fin du II siècle … et nous n’avons AUCUN témoin antérieur au VI siècle.

Il est donc faux de dire que « la Peshita/Pshytta qui est à l'évidence antérieure au grec ».


Cordialement, Epsilon

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Re: L'écriture des Évangiles

Message non lu par Libremax » jeu. 13 oct. 2011, 16:40

Cher Epsilon, je serais ravi de lire votre opinion sur ces questions.
La Peshitta n'est pas l'unique version syriaque de la Bible. Bien sûr, en l'évoquant, je parlais du Nouveau Testament de la Peshitta. Je suis tout à fait au courant de ce qui est communément dit à son propos.

Vous savez comme moi qu'un manuscrit n'a pas l'ancienneté du texte qu'il porte. L'antériorité des Evangiles de la Peshitta se détermine sur l'étude des langues, qui permettent de conclure quel texte traduit l'autre. L'araméen de la Peshitta, dans le Nouveau Testament, ne peut pas être une traduction du grec. D'autres manuscrits syriaques sont des traductions du grec, comme la Cureton et la Sinaïticus : elles sont très différentes de la Pshytta.

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Re: L'écriture des Évangiles

Message non lu par Pneumatis » jeu. 13 oct. 2011, 18:17

Bonjour,

Désolé de m'incruster dans votre passionnante conversation. Juste une chose (pour Epsilon, je fais parti de ces "tenants de l'oralité" qui est bien plus objective scientifiquement parlant qu'il ne le laisse entendre) :
Epsilon a écrit :La « problématique » est de donner une date aux différents Évangiles ... cette date doit être « certaine » ou à défaut faire consensus AUJOURD'HUI dans la communauté des exégètes/scientifiques de la question
Libremax a écrit :On le voit bien, la problématique qui se cache derrière celle de la datation des évangiles écrits est bien celle de leur fiabilité aux faits qu'ils exposent, en dépit d'évènements comme la chute du Temple -et d'autres évènements.
Libremax a raison : la recherche de cette datation de l'écrit n'a d'intérêt pour les chercheurs que dans une sorte d'évaluation de la fiabilité historique des évangiles. La datation d'un écrit ou d'un événement étant d'ailleurs un critère "officiel" de la méthode historico-critique pour évaluer la fiabilité d'un fait ou d'un objet.

Or le problème, c'est que cette exigence historico-critique est complètement anachronique. Dans l'antiquité judéo-chrétienne, la fiabilité d'un témoignage (on l'apprend des textes du nouveau testament eux-mêmes) était évaluée non pas sur la base d'un support écrit, comme aujourd'hui l'on établit les déclarations et autres contrats, mais sur le base du témoignage concordant d'au moins deux personnes qui n'étaient pas de la même famille. C'est ainsi que sont convoqués pour témoigner, on le voit notamment dans les Actes des apôtres, les apôtres/témoins de l'évangile, devant les autorités qui le réclament.

La réalité c'est que le témoignage des apôtres respecte scrupuleusement les règles du droit de l'époque, mais que ces règles, ce fonctionnement juridique, n'ont rien à voir avec les notres aujourd'hui.

Si dans 2000 ans on devait revenir sur la réalité d'un jugement accusant ou innocentant par exemple tel meurtrier célèbre, on s'attendrait à ce qu'ils consultent les actes écrits du procès en question. Mais si entre temps, un siècle après, toutes les archives papier avaient disparues et que ces archives étaient toutes passées sur support numérique, vous imaginer les futurs historiens dire que les dates des faits et des minutes du procès sont falsifiées ou incohérents parce que la date des fichiers leur est bien trop postérieure ??? Vous vous imaginez bien que ce serait idiot. Pourtant c'est ce que font les historiens qui considèrent la pertinence du contenu des évangiles à l'aune de la datation estimée de la mise par écrit.

Tout ça pour dire que concernant les évangiles, chercher la date de la finalisation de la mise par écrit a autant d'importance que de savoir avec quel type de plume et d'encre les rédacteurs ont écrit.

En revanche, il est vrai qu'il y a un intérêt à se demander comment et pourquoi s'est opérée la transition de l'orale à l'écrit... J'avais pour ma part l'impression que la réponse était assez évidente : inculturation (comme l'a indiqué, je crois, Raistlin). les judéo-chrétiens étaient baignés dans une culture orale, mais ce n'était pas le cas des grecs et des romains. A cette évidente inculturation, s'ajoutent les causes décrites par Libremax. Une fois les communautés juives et grecques mélangées, la transmission se devait d'aller vers le support le plus fiable : en restant purement orale, la transmission aurait été mise à mal par les disciples issus du paganisme qui n'avaient pas l'esprit formé à cette oralité, sa rythmique, sa gestuelle et ses moyens mnémotechniques fortement dépendants de la langue d'origine de ces enseignements.
Site : http://www.pneumatis.net/
Auteur : Notre Père, cet inconnu, éd. Grégoriennes, 2013

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