Vous connaîtrez alors la vérité [...]

« Alors il leur ouvrit l'esprit à l'intelligence des Écritures. » (Lc 24.45)
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Cinci
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Vous connaîtrez alors la vérité [...]

Message non lu par Cinci » mar. 28 nov. 2017, 3:19

... et la vérité vous rendra libres. (Jean 8,32)


Bonjour,

Je viens de réaliser que je comprenais pas ce passage de Jean comme il conviendrait mieux de l'entendre. C'est un commentaire du Père Pierre Van Breemen qui me le fait réaliser à l'instant. Je vous partage ça.


Lecture :

Libre dans la vérité

En hébreu, emeth est un mot qu'on considérait encore récemment comme synonyme du mot latin veritas (vérité) et qu'on traduit à présent par fidelitas (fidélité). Il communique une connaissance de Dieu. Pour l'Hébreu, c'est un mot existentiel. Sa vie, toute son existence, sont enracinées dans la fidélité de Yavhé. Il peut faire confiance à Yavhé. Yavhé ne le laissera pas tomber. Voilà emeth.

Pour les Occidentaux, la vérité est quelque chose d'intellectuel. La vérité signifie que l'idée et le mot correspondent à la réalité. C'est moins profond que la signification orientale du même mot. Jean, dans son évangile, emploie le mot plusieurs fois : par exemple, "la vérité vous libérera" (Jean 8,32). Nous passons complètement à côté du message si nous interprétons la vérité, dans ce contexte, comme vérité intellectuelle.

La vérité dont parle Jean est en fait la confiance qu'on peut avoir en l'amour de Dieu. Si je sais que je peux réellement faire confiance à Yavhé, qu'il continue à m'accepter comme une personne bien que j'aie péché, alors je suis un être libre. Emeth et le substantif, et le verbe correspondant est aman (confirmer). Notre amen vient de ce verbe. Dieu dit amen à mon existence, et il ne reviendra pas sur sa parole. Je compte vraiment pour Dieu. Il prend soin de moi avec tout son être. L'expérience la plus authentique de Dieu dans l'humanité indique cette réalité inébranlable. La plénitude de cet émeth s'est accomplie en Jésus Christ (Jean 1,14-17), la nouvelle et éternelle alliance. Saint Paul résume magnifiquement la signification de cet émeth :"Si nous sommes infidèles, lui reste fidèle, car il ne peut se renier lui-même." (2 Tm 2.13)

Cette vérité au sens biblique libérera les hommes. Le meilleur exemple en est la vie du Christ. C'était un homme libre, ouvert à tous. Il n'était pas ligoté par des lois rigides. Il était accessible à tout être humain et ne rejetait personne. Comment faisait-il pour être si libre, si accessible, si accueillant? Quel était son secret? Quand le Christ parle - et il parle à travers chaque page de l'Évangile - il livre ce secret. Il parle de son Père qui est le centre de sa vie. Il vit dans la faveur du Père :"Le Père et moi nous sommes un" (Jean 10,30), et cela le rend libre certainement. Il n'y a pas de souci de soi dans le Christ, pas d'inquiétude. Son coeur a trouvé la paix parfaite grâce à son abandon à la volonté du Père. C'est là sa nourriture (Jean 4, 34). Cela signifie tout pour lui.

[Voici comment les problèmes s'Invitent dans nos vies]

Quand je ne me sens pas accepté, je trouve des moyens de m'affirmer : 1) Je deviens intraitable sur certains principes. Je ne peux céder de perdre quelque chose de ma propre personnalité. Si, par contre, je vivais dans l'acceptation de Dieu, je n'aurais pas besoin de m'affirmer. Dieu m'a donné du prix. Je le sais dans la foi, et cela me suffit. 2) Je dépense mon énergie non seulement pour le royaume de Dieu, pour l'apostolat, mais aussi pour construire ma propre image. Que de tensions en découlent! Quand je crois vraiment à l'amour personnel de Dieu pour moi, alors je suis délivré de cette partie de mon travail qui n'est qu'affirmation de soi. L'amour de Dieu pour moi ne se fonde pas sur mon travail.

L'amour de Dieu pour moi ne se fonde sur rien.

Dieu m'a aimé avant même que j'existe. Saint Augustin dit :"Tu m'as crée parce que tu m'as aimé." Dieu ne m'aime pas pour ce que je suis, mais je suis parce que Dieu m'aime. Si l'amour de Dieu est fondé sur rien, il est indestructible. Je ne pourrai jamais le perdre, car il n'est dû à aucun exploit de ma part. De quelque façon que je me conduise, cet amour demeurera. "En ceci consiste l'amour : ce n'est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c'est lui qui nous a aimés." (1 Jean 4,10). L'amour de Dieu est un don libre. Il me gratifie de liberté, de paix et de bonheur.

Dès que l'amour de Dieu n'est plus la base, le centre de ma vie, alors je deviens esclave. Il me faut m'agripper à quelque chose ou à quelqu'un pour me sauver. Quand Dieu est la préoccupation fondamentale de ma vie, je n'ai plus besoin de me sauver. Il s'en chargera.

Dans les réalités quotidiennes, je risque de perdre cette liberté. Il y a le danger qu'éventuellement des valeurs secondaires deviennent absolues et perdent ainsi leur rapport avec la préoccupation fondamentale.

Le vrai problème sous-jacent à cette confusion c'est simplement que moi, qui possède une profondeur infinie - puisque Dieu est le fondement le plus profond de mon être - je m'identifie à quelque chose de limité, de petit. Je perds non seulement ma liberté, mais aussi mon essence humaine.

Tiré de :
Pierre Van Breemen, Comme le pain rompu, Fayard, p. 30

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Re: Vous connaîtrez alors la vérité [...]

Message non lu par Cinci » mar. 28 nov. 2017, 4:04

Il ajoute plus loin :

Il y a deux types de liberté : la liberté qui n'admet dans ma vie aucune force extérieure - pas de patron, pas de supérieur, pas d'engagements (à la limite, vieille fille!) - et une liberté intérieure qui est capable de se rendre, de ne pas être enchaînée par mes préférences et mes caprices. Certains "apôtres de la liberté" ne sont pas vraiment libres. La soi-disant liberté qu'ils clament et chantent se révèle être leurs goûts personnels, leur préoccupation fondamentale à eux.

Saint Paul nous rappelle :"Vous, en effet, mes frères, vous avez été appelés à la liberté; seulement, que cette liberté ne se tourne pas en prétexte pour la chair" (Gal 5,13)

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Re: Vous connaîtrez alors la vérité [...]

Message non lu par Cinci » jeu. 30 nov. 2017, 1:49

Bref, je me serai déjà fait "piéger" par le récit de l'Évangile.

J'explique :

On tombe d'abord sur Pilate et sa fausse question "Qu'est-ce que la vérité?" et, alors, tout en comprenant intuitivement combien le préfet de la Judée devait être un sceptique, mais on aurait le goût de croire que la vérité serait tout de même démontrable par un bel exposé, un dire infaillible. Sûrement que la Vérité avec un grand V tiendrait dans la beauté du message à transmettre. La Vérité resterait comme une compréhension intellectuelle de la vraie chose qu'il s'agirait de bien entendre pour le répéter. Genre : le Messie c'est Jésus, le Fils de Dieu c'est lui, Jésus réalise des vraies miracles, etc. Mais Jésus dit rien. Pourquoi? "Il donne rien de se perdre en explication au profit de celui dont on est sûr qu'il ne voudrait rien écouter."

Voilà une sorte de réponse offrant des allures de vraisemblable. Jésus économise sa salive attendu que l'auditoire ne serait pas à la hauteur. Sauf ...

Avec le commentaire du Père Van Breemen plus haut, l'on pourrait comprendre que Jésus ne dit rien de substantiel ou de très élaboré à Pilate ou à Hérode. Jésus ne dit rien parce que la Vérité est ce lien vivant de fidélité entre le Père et lui-même. Or ce lien réel et vivant n'est pas un objet intellectualisable, pas un concept, pas une formule. La Vérité c'est ce qui est vécu intimement, de l'intérieur, par Jésus lui-même.

La vérité vous rendra libre ... alors savoir que l'Église ... connaître la définition de la Trinité ... accepter de penser que ... voir, comprendre ... Non pas! Mais vivre soi-même expérimentalement de l'intérieur le même type de rapport de fidélité qui était celui de Jésus avec son Père. C'est ce que saint Jean voulait dire.

Un certain rapport existentiel nous libère ... nous rend capable de nous mortifier, de nous humilier, de laisser tomber notre préférence, de mettre notre messe tridentine préférée au feu si l'évêque le souhaite, de la chanter en latin l'année prochaine si le vox pop le réclame ... être prêt à tout sacrifier du moment qu'il s'agit de mettre de le Père et sa fidélité en avant.

Une telle façon de recevoir la parole de saint Jean permet une "percée" capable (si je parle pour moi) de nous en réconcilier avec la posture apparemment contradictoire de notre bien-aimé pape François et quand il ose se permettre de célébrer l'hérétique Luther! On peut comprendre que même sans être tout à fait dans la vérité sur le plan doctrinal, et comme sans devoir pour l'autre renoncer au credo de l'Église en contrepartie (sans nier quoi que ce soit des dogmes de l'Église, de la piété mariale, etc,), le catholique peut accepter de voir le dissident tel un honnête homme en son genre et un homme pouvant expérimenter lui aussi ce lien intime véritable avec le Père.

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