13e dimanche ordinaire de l'année A

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Cinci
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13e dimanche ordinaire de l'année A

Message non lu par Cinci » lun. 03 juil. 2017, 7:31

Bonjour,

Un commentaire intéressant de Madame Marie Noëlle Thabut et concernant la première lecture du dimanche 2 juillet. Vraiment, fin seul je ne me serais pas douté de ce qu'elle nous fait voir ici.

:)





PREMIÈRE LECTURE
« Celui qui s’arrête chez nous est un saint homme de Dieu » (2 R 4, 8-11.14-16a)

Lecture du deuxième livre des Rois

Un jour, le prophète Élisée passait à Sunam ;
une femme riche de ce pays
insista pour qu’il vienne manger chez elle.
Depuis, chaque fois qu’il passait par là,
il allait manger chez elle.
Elle dit à son mari :
« Écoute, je sais que celui qui s’arrête toujours chez nous
est un saint homme de Dieu.
Faisons-lui une petite chambre sur la terrasse ;
nous y mettrons un lit, une table, un siège et une lampe,
et quand il viendra chez nous, il pourra s’y retirer. »


Le jour où il revint,
il se retira dans cette chambre pour y coucher.
Puis il dit à son serviteur :
« Que peut-on faire pour cette femme ? »
Le serviteur répondit :
« Hélas, elle n’a pas de fils,
et son mari est âgé. »
Élisée lui dit :
« Appelle-la. »
Le serviteur l’appela et elle se présenta à la porte.
Élisée lui dit :
« À cette même époque,
au temps fixé pour la naissance,
tu tiendras un fils dans tes bras. »


(A suivre : le commentaire dans les prochains posts)

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Re: 13e dimanche ordinaire de l'année A

Message non lu par Cinci » lun. 03 juil. 2017, 8:00

Le commentaire :

Cela se passe donc à Sunam, qui est un petit village du royaume du Nord; Élisée est au début de sa carrière, vers 850 avant J.C. Et il va s'instaurer entre l'homme de Dieu, Élisée, et cette famille, une relation forte et durable d'amitié. Évidemment, on peut se demander pourquoi les auteurs bibliques s'intéressent de si près à l'histoire d'une famille de Sunam; ce m'est certainement pas uniquement pour l'anecdote. Aucun livre de la Bible n'est écrit dans le seul but de nous donner des connaissances historiques! Les auteurs ont toujours un but théologique qui est de nous faire connaître et vivre la proposition d'Alliance de Dieu.

Et ce qui intéresse l'auteur du livre des Rois, ici, c'est qu'il voit dans la longue Alliance entre le prophète Élisée et la famille de Sunam une image de l'Alliance entre Dieu et le peuple d'Israël; mais commençons par lire l'histoire de cette famille de Sunam et de son amitié avec le prophète Élisée. Elle se déroule en quatre actes; ce dimanche, nous lisons seulement le premier épisode.

Le premier acte, c'est donc la promesse d'un enfant pour une femme stérile; à vue humaine, il n'y avait certainement plus d'espoir de grossesse pour cette femme puisqu'elle ne prend pas la promesse au sérieux; elle semble même reprocher au prophète de remuer le couteau dans la plaie en la berçant d'illusions; nous avons entendu la promesse d'Élisée "L'an prochain, à cette même époque, tu tiendras un enfant dans tes bras" ...mais nous n'avons pas entendu la réponse de la Sunamite, la voici : "Non, mon seigneur, homme de Dieu, ne dis pas de mensonge à ta servante." Ce qui prouve que, même si elle considère Élisée comme un homme de Dieu, elle n'est pas crédule pour autant.

Sa réaction fait irrésistiblement penser, bien sûr, à celle de Sara, la femme d'Abraham, au chêne de Mambré. Elle aussi stérile, recevant, elle aussi, une promesse de naissance, elle avait trouvé cette affirmation si saugrenue, vu son âge, qu'elle s'était mise à rire ... Et son fils, Isaac, s'appelle justement "l'enfant du rire". Notre Sunamite ne rit pas, mais elle ne prend pas plus au sérieux la promesse d'Élisée; et elle lui rappelle gentiment que lui, homme de Dieu, ne peut pas se permettre de mentir ... Mais l'année suivante, le bébé était là.


Deuxième acte, quelques années passent, l'enfant grandit, mais un jour qu'il a accompagné son père aux champs pour la moisson, il est pris d'un violent mal de tête, peut-être une insolation, et quelques heures après, il meurt sur les genoux de sa maman. Elle ne perd pas la tête, elle dépose l'enfant sur le lit du prophète, et elle court le chercher. Elle ne prévient même pas son mari : inutile de l'affoler puisque, de toute manière, d'ici peu, l'enfant sera debout! On a envie de dire "c'est beau la foi" ... Elle se précipite donc chez Élisée; et la première chose qu'elle lui dit, c'est : "Quand tu m'as promis cet enfant, je ne t'avais rien demandé, à tel point, rappelle-toi, que je ne pouvais pas y croire; et je t'avais dit : Non, mon seigneur, homme de Dieu, ne dis pas de mensonge à ta servante." Sous-entendu, "Tu ne m'as pas donné cet enfant, que je ne te demandais pas, pour me le reprendre!" ... Et vous connaissez la suite, Élisée ressuscite l'enfant (2 R 4,18-37)

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Re: 13e dimanche ordinaire de l'année A

Message non lu par Cinci » lun. 03 juil. 2017, 8:31

Troisième acte, quelques années passent encore, et fidèle à cette amitié, Élisée va sauver, une fois de plus, la famille de la Sunamite; il la prévient de la famine imminente :"Élisée parla à la femme dont il avait fait revivre le fils et dit : Lève-toi, pars, toi et ta famille, émigre où tu pourras, car le Seigneur a appelé la famine et même elle vient sur le pays pour sept ans" Et la suite nous apprend qu'elle écoute le conseil et s'exile pour sept ans au pays des Philistins.

Seulement voilà "qui va à la chasse perd sa place"; quand la petite famille revient, ses biens, qui n'étaient pas minces, puisqu'on disait qu'elle était riche, sa maison et son champ ont été réquisitionnés par les officiers du roi (c'était la règle d'ailleurs). C'est encore l'intervention d'Élisée qui la fait rentrer en possession de sa terre, et c'est le quatrième acte (2 R 8)

Voici donc l'histoire d'Élisée et de la famille sunamite. Mais quelle leçon l'auteur biblique en tire-t-il à notre profit? Je vous l'ai dit, il considère cette histoire comme symbolique de l'Alliance entre Dieu et son peuple Israël; le prophète étant l'image de Dieu.



On peut relever au moins cinq traits : d'abord, la durée de cette histoire dit la fidélité de Dieu que même l'incrédulité ne rebute pas. Ensuite, la sollicitude sans faille de l'homme de Dieu pour son hôtesse dit la sollicitude constante de Dieu pour son peuple. Et cette sollicitude va jusqu'à vouloir habiter au milieu de son peuple, comme Élisée accepte de s'installer dans la chambre sur la terrasse ; (rappelez-vous toute l'histoire de la construction du Temple de Salomon : Dieu habite au milieu de son peuple) . Plus tard, ce souci d'Élisée de redonner à la femme ses biens évoquent la promesse de Dieu de redonner à Israël sa terre; or, vous savez qu'on pense généralement que le livre des Rois date de la période de l'Exil à Babylone : un moment où il est essentiel de relire l'histoire et de s'appuyer sur les promesses de Dieu. Enfin, la promesse de la naissance et de la résurrection de l'enfant sont le signe que Dieu est le Dieu de la vie.

Quant à la femme, son attitude nous est donnée en modèle; un modèle finalement bien simple à suivre: "accueillir le prophète en sa qualité de prophète", comme dira plus tard Jésus (Mt 10, 41), notre évangile de ce dimanche et faire une confiance si totale qu'on ose parler du fond de son coeur, y compris pour dire ses besoins et sa révolte. Heureuse la femme de Sunam qui a su reconnaître en Élisée un "saint homme de Dieu"; mais au fait, nous savons désormais que Dieu habite le coeur de tout homme; à nous de savoir l'y reconnaître et d'accueillir tout homme en conséquence.

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Re: 13e dimanche ordinaire de l'année A

Message non lu par Cinci » lun. 03 juil. 2017, 20:10

Je trouve le commentaire de notre bibliste particulièrement éclairant. Il nous en rehausse la valeur de ces textes de l'Ancien Testament, nous rendant plus aimable, déjà, la figure du Dieu que l'on sait, et jusqu'au travers de passages d'Écriture que nous serions tenté de négliger. Enfin, il me semble ...


Lors de la messe de dimanche dernier, il y avait aussi le psaume 88 (89)
PSAUME 88
(Ps 88 (89), 2-3, 16-17, 18-19)

R/ Ton amour, Seigneur,
sans fin je le chante ! (Ps 88, 2a)

L’amour du Seigneur, sans fin je le chante ;
ta fidélité, je l’annonce d’âge en âge.
Je le dis : C’est un amour bâti pour toujours ;
ta fidélité est plus stable que les cieux.



Heureux le peuple qui connaît l’ovation !
Seigneur, il marche à la lumière de ta face ;
tout le jour, à ton nom il danse de joie,
fier de ton juste pouvoir.



Tu es sa force éclatante ;
ta grâce accroît notre vigueur.
Oui, notre roi est au Seigneur
Aucune réaction? La tracé à l'écran reste plat? ... Zzzzz


Commentaire :

La première lecture de ce dimanche nous faisait entendre le récit de la longue amitié qui s'était noué au fil des ans entre une famille de Galilée et le prophète Élisée, l'homme de Dieu, comme on disait. A travers cette histoire d'une belle relation humaine, nous étions invités à méditer sur l'Alliance éternelle entre Dieu et son peuple, et plus largement, l'Alliance entre Dieu et l'humanité tout entière :"L'amour du Seigneur, sans fin je le chante; ta fidélité, je l'annonce d'âge en âge. Je le dis : C'est un amour bâti pour toujours; ta fidélité est plus stable que les cieux."

Cela dit, nous savons tous que cette merveilleuse histoire d'amour entre Dieu et les hommes ne ressemble pas toujours à un chemin parsemé de roses! Nous avons entendu ici quelques versets seulement du psaume 88 (qui en comporte en fait 53) et tout à l'air si simple! Apparemment, c'est l'euphorie; mais justement c'est cette facilité qui doit nous mettre la puce à l'oreille; nous l'avons appris par les prophètes, plus un passage parle de lumière, de victoire, plus on divine qu'il a été écrit en une période sombre, en temps de défaite.

Ici, les premiers mots du psaume, ce sont l'amour et la fidélité du Seigneur : autant dire tout de suite qu'il était urgent d'y croire si l'on ne voulait sombrer dans le découragement. Et si vous ne me croyez pas, allez voir dans vos Bibles le verset 50 : "Où donc est, Seigneur, ton premier amour, celui que tu jurais à David sur ta foi?" Ce qu'on semble affirmer si fort, dans les autres versets, en réalité, on craint bien de l'avoir perdu ...

Deuxième remarque préliminaire : dans la Bible, l'ensemble des psaumes est composé de cinq livres dont chacun se termine par une formule de bénédiction; ce psaume 88 est le dernier du troisième livre et son dernier verset est "Béni soit le Seigneur pour toujours ! Amen! Amen! "

Mais c'est l'ensemble de ce psaume qui a un caractère de conclusion ou plutôt de synthèse, écrit très probablement pendant l'Exil à Babylone, il brosse en fait la fresque de l'histoire d'Israël : les commencements de l'Alliance, les promesses faites à David, l'attente du Messie et maintenant l'Exil à Babylone, c'est à dire l'écroulement : plus de roi à Jérusalem, plus d'héritier royal, donc pas de Messie ... Dieu aurait-il oublié ses promesses? "Où donc est, Seigneur, ton premier amour?"

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Re: 13e dimanche ordinaire de l'année A

Message non lu par Cinci » lun. 03 juil. 2017, 20:37

Ces deux remarques pour dire tout de suite qu'en chantant les quelques versets de ce dimanche, il ne faut pas oublier tout le reste du psaume, sous peine de le défigurer.


Dans ces deux premiers versets nous avons déjà rencontré deux fois le couple de mots "amour" et "fidélité"; si vous avez la curiosité de lire ce psaume 88 en entier, vous les retrouverez sept fois et ce chiffre sept n'est pas non plus le fruit du hasard. Et dans cette expression "amour et fidélité" vous avez reconnu la traduction qu'on a toujours faite de la Révélation que Moïse avait reçue du Seigneur au Sinaï : "Dieu miséricordieux et bienveillant, plein de fidélité et de loyauté" (Exode 34,6)

Et quand le premier verset nous fait dire :"L'amour du Seigneur, sans fin je le chante"; le mot amour (dans le texte hébreu) signifie en fait "les gestes d'amour de Dieu"; Dieu n'aime pas seulement en parole, mais "en actes et en vérité", comme dirait saint Jean.

C'est précisément en Exil que le peuple d'Israël se remémore plus que jamais les "gestes d'amour de Dieu" pour lui : car la tentation est trop forte de penser que Dieu aurait pu oublier son peuple. Et un noyau de croyants compose des hymnes qui rappellent à tout le peuple que Dieu n'a jamais cessé d'être le roi d'Israël. C'est le sens de cette dernière phrase curieuse : "Notre roi est au Seigneur; notre bouclier, au Dieu saint d'Israël"; très difficile à traduire en français, et prononcée justement à un moment où il n'y a plus de roi en Israël, elle signifie en fait "notre roi, c'est le Seigneur, notre bouclier, c'est le Saint d'Israël."

Et pour le dire encore mieux, on utilise un vocabulaire royal : "ovation ... pouvoir ... force ... vigueur ... bouclier" Le mot ovation, en particulier, désigne la "terouah", c'est à dire la grande acclamation pour le roi le jour de son sacre; c'est une acclamation guerrière et plusieurs de ces mots sont typiquement guerriers parce que, à cette époque, le roi est avant tout celui qui marche à la tête de ses armées.

Mais on sait par la suite de ce psaume ce qu'il en est de ces accents victorieux : en voici les derniers versets en guise d'aperçu : Rappelle-toi, Seigneur, tes serviteurs outragés ... Oui, tes ennemis ont outragé, Seigneur, poursuivi de leurs outrages ton Messie."

Décidément, ce psaume nous donne une leçon : c'est la nuit qu'il faut croire à la lumière.

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