Psaume 39/40

« Alors il leur ouvrit l'esprit à l'intelligence des Écritures. » (Lc 24.45)
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Cinci
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Psaume 39/40

Message non lu par Cinci » mar. 17 janv. 2017, 0:13

Dimanche dernier soit le 15 janvier, il se trouvait le psaume 39 parmi les lectures de la messe.

Voici :

D'un grand espoir, j'espérais le Seigneur
Il s'est penché vers moi
Dans ma bouche il mis un chant nouveau
une louange à notre Dieu

Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice
tu as ouvert mes oreilles;
tu ne demandais ni holocauste ni victime
alors j'ai dit :"Voici, je viens."

Dans le livre est écrit pour moi
ce que tu veux que je fasse.
Mon Dieu, voilà ce que j'aime :
ta loi me tient aux entrailles.

Vois, je ne retiens pas mes lèvres,
Seigneur, tu le sais.
J'ai dit ton amour et ta vérité
à la grande assemblée.

J'aimerais vous partager le commentaire de Marie-Noëlle Thabut sur ce psaume. Je vous explique : c'est la chance du bossu. En participant à une rencontre avec des soeurs de la Congrégation de Notre-Dame, j'ai pu hériter d'une "somme" de commentaires élaborés de la bibliste, c'est à dire une mise en contexte de chacune des lectures de la messe de chaque dimanche ordinaire de l'année A. Un ouvrage flambant neuf et assez dispendieux pour une bouchée de pain! Un bienfaiteur anonyme ayant donné des sous aux soeurs afin que celles-ci donnent pratiquement pour rien des livres de qualité aux brebis intéressées. Voilà pour le cachet personnel et la petite histoire. Merci à Sainte Marguerite Bourgeoy! On se rappelle qu'elle a fondé une communauté de soeurs enseignantes.

Le commentaire :

"Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice, tu ne demandais ni holocauste ni victime ..." : curieuse phrase dans un psaume quand on sait que les psaumes, justement, étaient faits pour être chantés au Temple de Jérusalem au moment même où on offrait des sacrifices. En fait on voulait dire par là : je sais, Seigneur, que ce qui compte le plus à tes yeux, ce n'est pas le sacrifice en lui-même, c'est l'attitude du coeur qu'il représente.

Toute la Bible est l'histoire d'un long apprentissage et, avec ce psaume 39, nous sommes à la phase finale de ce que l'on peut appeler la pédagogie des prophètes. Je reprends rapidement cette histoire des sacrifices en Israël : elle se développe en même temps que se développe la connaissance de Dieu. C'est logique : sacrifier, ("sacrum facere" en latin) signifie faire du sacré, entrer en contact ou mieux en communion avec Dieu. Donc, au fur et à mesure qu'on découvre le vrai visage de Dieu, la pratique sacrificielle va changer.

(à suivre)

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Re: Psaume 39/40

Message non lu par Cinci » mar. 17 janv. 2017, 0:48

(suite)

Je commence par le début : Première chose à retenir : ce n'est pas Israël qui a inventé la démarche du sacrifice ou de l'offrande : il y en a chez les autres peuples du Moyen Orient bien avant que le peuple hébreu ne mérite le nom de peuple.

Deuxième constatation lorsqu'on s'intéresse à la pratique sacrificielle d'Israël : il y a toujours eu des offrandes et des sacrifices en Israël tout au long de l'histoire biblique. Il y a une très grande variété de sacrifices mais tous sont un moyen de communiquer avec Dieu.

Troisième point : les sacrifices pratiqués par le peuple élu ressemblent à ceux de leurs voisins ... oui, mais à une exception près et une exception qui est colossale : la spécificité des sacrifices en Israël, c'est que les sacrifices humains sont strictement interdits. C'est une constante dans la Bible : les sacrifices humains sont de tous temps considérés comme une horreur; Jérémie par exemple le dit de la part de Dieu : "Cela, je ne l'ai jamais demandé et je n'ai jamais eu l'idée de faire commettre une telle horreur ..." (Jr 7,31; 19,6; 32,35) Et dans le fameux récit du sacrifice d'Abraham, celui-ci a découvert que sacrifier (faire sacré) ne veut pas dire tuer! Abraham a offert son fils, il ne l'a pas tué. Cet épisode que les Juifs appellent la "ligature d'Isaac" est lu justement comme la preuve que, depuis le début de l'Alliance entre Dieu et ce peuple qu'il s'est choisi, les sacrifices humains sont strictement interdits.

Si on y réfléchit, c'est tout ce qu'il y a de plus logique! Dieu est le Dieu de la vie : impensable que pour se rapprocher de Lui, il faille donner la mort! Cette interdiction des sacrifices humains sera la première insistance de la religion de l'Alliance. On continuera à pratiquer seulement des sacrifices d'animaux. Mais peu à peu, on va assister au long des siècles à une véritable transformation, on pourrait dire une conversion du sacrifice. Cette conversion va porter sur deux points : sur le sens du sacrifice d'abord, sur la matière des sacrifices ensuite

Le sens

Dans la Bible, au fur et à mesure que l'on découvre Dieu, les sacrifices vont évoluer. En fait on pourrait dire : Dis-moi tes sacrifices, je te dirai quel est ton Dieu. Notre Dieu est-il un Dieu qu'il faut apprivoiser? Dont il faut obtenir les bonnes grâces? Auprès duquel il faut acquérir des mérites? Un Dieu courroucé qu'Il faut apaiser? Un Dieu qui exige des morts? Alors nos sacrifices seront fait dans cet esprit-là, ce sont des rites magiques pour acheter Dieu en quelque sorte.

Ou bien notre Dieu est-il un Dieu qui nous aime le premier ... un Dieu dont le dessein n'est que bienveillant ... dont la grâce est acquise d'avance, parce qu'il n'est que grâce ... le Dieu de l'Amour et de la Vie. Et alors nos sacrifices seront tout autres. Ils seront des gestes d'amour et de reconnaissance. Les rites ne seront plus des gestes magiques mais des signes de l'Alliance conclue avec Dieu.

Toute la Bible est l'histoire de ce lent apprentissage pour passer de la première image de Dieu à la seconde. C'est nous qui avons besoin d'être apprivoisés, qui avons besoin de découvrir que tout est "cadeau", qui avons besoin d'apprendre à dire simplement "merci" (Ce que la Bible appelle le sacrifice des lèvres) . Toute la pédagogie biblique vise à nous faire quitter la logique du "donnant donnant", du calcul des mérites, pour entrer dans la logique de la grâce, du don gratuit. Et notre apprentissage n'est jamais fini!

(à suivre)

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Re: Psaume 39/40

Message non lu par Cinci » mer. 18 janv. 2017, 15:20

(suite et fin)

La conversion

La conversion va également porter sur la matière des sacrifices : les prophètes ont joué un grand rôle dans ce lent apprentissage du peuple élu. Ils lui ont fait découvrir peu à peu le véritable sacrifice que Dieu attend : tout se passe comme si les prophètes nous disaient : "Tu veux entrer en relation avec Dieu ...? Fort bien! ... à condition de ne pas te tromper de Dieu!"

C'est peut-être une phrase du prophète Osée (au huitième siècle) qui résume le plus parfaitement cette prédication des prophètes : "C'est l'amour que je veux et non les sacrifices" (Os 6,6). On découvre peu à peu que le véritable sacrifice, "faire sacré" consiste non plus à tuer mais à faire vivre. Dieu est le Dieu des vivants : donner la mort ne peut pas être la meilleure façon de nous rapprocher de lui! Faire vivre nos frères, voilà la seule façon de nous rapprocher de Lui.

Et l'ultime étape de cette pédagogie des prophètes nous présentent l'idéal du sacrifice : c'est le service de nos frères. Nous trouvons cela dans les quatre chants du Serviteur qui sont inclus dans le deuxième livre d'Isaïe. L'idéal du Serviteur qui est l'idéal du sacrifice, c'est une vie donnée pour faire vivre.

Le psaume 39 résume donc admirablement la découverte biblique sur le Sacrifice : "Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice ... Tu as ouvert mes oreilles" : depuis l'aube de l'humanité, Dieu ouvre l'oreille de l'homme pour entamer avec lui le dialogue de l'amour; le psaume 39 reflète le long apprentissage du peuple élu pour entrer dans ce dialogue : dans l'Alliance du Sinaï, les sacrifices d'animaux symbolisaient la volonté du peuple d'appartenir à Dieu; dans l'Alliance Nouvelle, l'appartenance est totale : le dialogue est réalisé; offrandes et sacrifices sont "spirituels" comme dirait saint Paul; "Tu ne demandais ni holocauste ni victime, alors j'ai dit voici, je viens."

Source : M.-N. Thabut, L'intelligence des Écritures, tome 2, p. 48

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Re: Psaume 39/40

Message non lu par TREBLA » ven. 20 janv. 2017, 23:17

Cher Cinci,

Merci d'avoir partagé le commentaire de Marie-Noëlle Thabut sur le psaume 39/40 avec nous.
Elle dit: "Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice, tu ne demandais ni holocauste ni victime ..." : curieuse phrase dans un psaume quand on sait que les psaumes, justement, étaient faits pour être chantés au Temple de Jérusalem au moment même où on offrait des sacrifices. En fait on voulait dire par là : je sais, Seigneur, que ce qui compte le plus à tes yeux, ce n'est pas le sacrifice en lui-même, c'est l'attitude du coeur qu'il représente.
Je suis d'accord. L'attitude du cœur est essentielle. Le Seigneur ne veut ni offrande ni sacrifice. En fait, le Seigneur veut que nous nous repentions et que nous ayons le cœur brisé.

Psaume 51:18 - Si tu avais voulu des sacrifices, je t’en aurais offert;
Mais tu ne prends point plaisir aux holocaustes.

Psaume 51:19 - Les sacrifices qui sont agréables à Dieu, c’est un esprit brisé:
O Dieu! tu ne dédaignes pas un cœur brisé et contrit.


Que le Seigneur vous bénisse.

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