Les thèses de Pierre Perrier

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Re: Les thèses de Pierre Perrier

Message non lu par AdoramusTe » ven. 27 mai 2016, 15:21

Libremax a écrit :
  • Les textes découverts à Qumran, ou Nag Hamadi montrent qu'à l'époque du Christ des textes religieux et même liturgiques étaient rédigés en araméen. Le grec n'était pas (loin s'en faut) la langue qui a succédé à l'hébreu en Palestine.
  • La Septante était la Bible des Juifs de culture hellénophone. Une partie énorme des Juifs, y compris dans la diaspora, parlait plusieurs dialectes araméens et pas un seul mot de grec. Les textes hébreux lus à la synagogue étaient systématiquement traduits et expliqués en araméen, cela a donné les Targoums.
  • En Palestine et en orient les inscriptions ne sont pas en grec, mais en araméen.
  • Les épîtres, celles de Paul, étaient adressées à des communautés grecques. Elles ont donc connu leur premier essor en grec, c'est normal. Mais des communautés chrétiennes essaimaient à la même époque dans d'autres endroits du monde, et les épîtres en question connaissent aussi leur version en araméen. D'après les Actes et les épîtres, on peut comprendre d'ailleurs que Paul s'associait systématiquement dans ses missions un scribe-traducteur : Paul ne maîtrisait pas suffisamment le grec pour traduire parfaitement les subtilités de la théologie.
  • Perrier et consort ne parlent pas uniquement d'aramaïsmes. Il va beaucoup plus loin. Il part d'un texte déjà araméen, celui des chrétiens chaldéens et maronites, et parle de structures de texte qui mettent en avant une pratique d'organisation et de mémorisation des textes propres aux civilisations orales : en d'autres termes, le texte araméen montre qu'avant d'être écrit, c'était un texte composé à l'oral, appris par coeur et récité, selon un savoir faire traditionnel que nous ne connaissons plus en occident.
Je ne vais pas m'aventurer loin comme je ne suis pas spécialiste.

Qumran, c'est de l'hébreux ou de l'araméen ?

La Palestine est quand même très hellénisée. D'ailleurs, les nouvelles villes qui sont construites sont grecques, comme Tibériade.
J'ai l'impression qu'on sous-estime l'influence de la culture grecque à cette époque.
D'après ce que j'ai lu, les inscriptions funéraires en grec sont nombreuses, au contraire : https://books.google.fr/books?id=rF9fCw ... ec&f=false

Paul ne maitrisait pas suffisamment le grec ? D'où vient cette idée ?

Il est probable que Jésus ait enseigné les apôtres en araméen. Mais c'est la question de la mise à l'écrit qui se pose.
Pourquoi une mise par écrit en grec et non en araméen ? La Peyshitta la plus récente date du IVème siècle.

Enfin, tout ça pour dire que ce ne sont que des hypothèses. ;)
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Re: Les thèses de Pierre Perrier

Message non lu par Libremax » ven. 27 mai 2016, 16:01

AdoramusTe a écrit :
Je ne vais pas m'aventurer loin comme je ne suis pas spécialiste.

Qumran, c'est de l'hébreux ou de l'araméen ?

La Palestine est quand même très hellénisée. D'ailleurs, les nouvelles villes qui sont construites sont grecques, comme Tibériade.
J'ai l'impression qu'on sous-estime l'influence de la culture grecque à cette époque.
D'après ce que j'ai lu, les inscriptions funéraires en grec sont nombreuses, au contraire : https://books.google.fr/books?id=rF9fCw ... ec&f=false

Paul ne maitrisait pas suffisamment le grec ? D'où vient cette idée ?

Il est probable que Jésus ait enseigné les apôtres en araméen. Mais c'est la question de la mise à l'écrit qui se pose.
Pourquoi une mise par écrit en grec et non en araméen ? La Peyshitta la plus récente date du IVème siècle.

Enfin, tout ça pour dire que ce ne sont que des hypothèses. ;)

Tout ceci est encore une hypothèse, et vous avez raison de le souligner.
Mais elle a de nombreux arguments :

"Qumran" est un nom arabe ; les textes retrouvés étaient en hébreu et en araméen, avec quelques-uns en grec.

La Palestine est hellénisée, dans la mesure où elle est le "carrefour des civilisations", un terrain partagé par l'empire romain et l'empire parthe, politiquement et commercialement parlant. Mais tout le monde ne parle pas grec, le grec est la langue des envahisseurs, et même Flavius Josephe a dû payer un traducteur pour écrire ses livres en grec : ce genre de travail était mal vu dans certains milieux conservateurs. Les nouvelles villes sont grecques, oui .... elles sont romaines, comme Césarée et Tibériade. Ce sont des villes dédiées à l'empereur. Ce ne sont pas des villages palestiniens.
Ce n'est pas pour autant sous-estimer l'influence grecque. L'araméen de l'époque emprunte de nombreux mots au grec, la hiérarchie pharisienne a plusieurs points communs avec l'enseignement des philosophes grecs, Hérode s'inspire ouvertement de la culture grecque. Il n'empêche que cette culture est encore subie, et mal perçue, par le petit peuple et les opposants.

Si les inscriptions funéraires palestiniennes utilisent de plus en plus le grec, il ne faut pas oublier qu'on parle là de la Palestine, et que tout l'empire parthe, qui a été évangélisé exactement comme l'empire romain, parle et utilise uniquement l'araméen et les langues locales. Nous avons tendance à focaliser sur le grec, parce que nous sommes les héritiers de l'empire d'occident, et nous croyons encore un peu être le centre du monde.

Il ne faudrait pas dire que Paul ne "maîtrisait pas le grec". Il ne le maîtrise visiblement pas suffisamment pour évangéliser les communautés grecques, nuance : il faut lire les Actes, et les épîtres : Paul part toujours avec un bilingue, ce n'est pas pour rien, et les épîtres sont écrites sous sa dictée, donc possiblement avec l'aide de celui qui écrit en grec.

Il y a eu une mise par écrit en araméen! C'est justement l'intérêt de la Pshytta, d'après Perrier (et les autres) : pour eux, ce texte ne peut pas avoir été traduit du grec. En revanche, il serait facile de faire dériver certaines anciennes versions grecques de la Pshytta. Une traduction ne donne jamais le même résultat qu'un texte original. Les textes grecs sont d'ailleurs unanimement reconnus comme des textes au grec plutôt malhabile. C'est parce qu'ils sont des traductions phrase à phrase, qui tentent de rester collé le plus proche possible de la formulation originale, mais sans en avoir la même concision. Pour les araméophones, le plus souvent, ça ne fait pas de doute : on est, avec la Pshytta, devant un texte originale dont les textes grecs sont des traductions parfois reformulées, voire un peu glosées.

Dire que la Pshytta la plus récente date du IV e siècle, c'est comme dater les évangiles de la date du plus ancien manuscrit. Les témoignages patristiques sur des évangiles araméens écrits ensuite en grec existent : pourquoi les met-on en doute?

Qu'est-ce qui gêne, au fond, dans cette idée d'évangile composés en araméen?
Comment imaginer que des quantités de judéo-chrétiens n'ayant aucun contact avec la culture grecque, la rejetant même, aient accepté de se voir imposer des textes grecs pour leur liturgie et leur catéchèse, à l'époque des persécutions, de la guerre incessante entre les deux empires?

Il semble bien, tout de même, qu'il y ait beaucoup de présupposés d'ordre idéologique qui buttent sur la question.

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Re: Les thèses de Pierre Perrier

Message non lu par AdoramusTe » ven. 27 mai 2016, 16:34

Merci Libremax. Je suis plutôt ici pour apprendre que pour donner des éléments.
Libremax a écrit : "Qumran" est un nom arabe ; les textes retrouvés étaient en hébreu et en araméen, avec quelques-uns en grec.
Même en étant allé sur les lieux, j'ai surtout appris que les rouleaux des écritures qu'on y avait retrouvé étaient en hébreux.
La Palestine est hellénisée, dans la mesure où elle est le "carrefour des civilisations", un terrain partagé par l'empire romain et l'empire parthe, politiquement et commercialement parlant. Mais tout le monde ne parle pas grec, le grec est la langue des envahisseurs, et même Flavius Josephe a dû payer un traducteur pour écrire ses livres en grec : ce genre de travail était mal vu dans certains milieux conservateurs. Les nouvelles villes sont grecques, oui .... elles sont romaines, comme Césarée et Tibériade. Ce sont des villes dédiées à l'empereur. Ce ne sont pas des villages palestiniens.
Ce n'est pas pour autant sous-estimer l'influence grecque. L'araméen de l'époque emprunte de nombreux mots au grec, la hiérarchie pharisienne a plusieurs points communs avec l'enseignement des philosophes grecs, Hérode s'inspire ouvertement de la culture grecque. Il n'empêche que cette culture est encore subie, et mal perçue, par le petit peuple et les opposants.
Est-ce qu'on peut dire ou pas qu'il y a une unification linguistique héllénique intellectuelle ?
Car on peut se demander le Verbe s'est fait chair spécifiquement à ce moment-là, dans cette culture héllénisée et très répendue, et du rôle de la pensée grecque pour la diffusion de l'évangile et la doctrine catholique.
Si les inscriptions funéraires palestiniennes utilisent de plus en plus le grec, il ne faut pas oublier qu'on parle là de la Palestine, et que tout l'empire parthe, qui a été évangélisé exactement comme l'empire romain, parle et utilise uniquement l'araméen et les langues locales. Nous avons tendance à focaliser sur le grec, parce que nous sommes les héritiers de l'empire d'occident, et nous croyons encore un peu être le centre du monde.
Oui, ça j'ai bien compris ce que dit Perrier, tel qu'il le montre sur ses cartes.
Il ne faudrait pas dire que Paul ne "maîtrisait pas le grec". Il ne le maîtrise visiblement pas suffisamment pour évangéliser les communautés grecques, nuance : il faut lire les Actes, et les épîtres : Paul part toujours avec un bilingue, ce n'est pas pour rien, et les épîtres sont écrites sous sa dictée, donc possiblement avec l'aide de celui qui écrit en grec.
Même venant de Tarse ?
Il y a eu une mise par écrit en araméen! C'est justement l'intérêt de la Pshytta, d'après Perrier (et les autres) : pour eux, ce texte ne peut pas avoir été traduit du grec. En revanche, il serait facile de faire dériver certaines anciennes versions grecques de la Pshytta. Une traduction ne donne jamais le même résultat qu'un texte original. Les textes grecs sont d'ailleurs unanimement reconnus comme des textes au grec plutôt malhabile. C'est parce qu'ils sont des traductions phrase à phrase, qui tentent de rester collé le plus proche possible de la formulation originale, mais sans en avoir la même concision. Pour les araméophones, le plus souvent, ça ne fait pas de doute : on est, avec la Pshytta, devant un texte originale dont les textes grecs sont des traductions parfois reformulées, voire un peu glosées.

Dire que la Pshytta la plus récente date du IV e siècle, c'est comme dater les évangiles de la date du plus ancien manuscrit. Les témoignages patristiques sur des évangiles araméens écrits ensuite en grec existent : pourquoi les met-on en doute?
C'est plutôt une question liée à l'expansion. A moins que les araméens aient résisté longtemps à la mise part écrit.
Mais si on en croit l'expansion de l'araméen, qui semble supérieure à celle du grec, on voit mal comment les témoins écrits ne devraient pas être au moins aussi anciens voire aussi nombreux sinon plus.
Qu'est-ce qui gêne, au fond, dans cette idée d'évangile composés en araméen?
Comment imaginer que des quantités de judéo-chrétiens n'ayant aucun contact avec la culture grecque, la rejetant même, aient accepté de se voir imposer des textes grecs pour leur liturgie et leur catéchèse, à l'époque des persécutions, de la guerre incessante entre les deux empires?
Est-ce que le cas s'applique pour tous les évangélistes ? Par exemple Saint Luc vient d'une autre culture.
Il semble bien, tout de même, qu'il y ait beaucoup de présupposés d'ordre idéologique qui buttent sur la question.
C'est certain. Mais en même temps, Perrier a tendance à rejetter le grec de façon virulante.
D'ailleurs, on me faisait remarquer le milieu de Perrier "tourne un peu sur lui-même" en petit cercle. J'ai du mal à comprendre pourquoi.

Enfin, je ne prends pas parti. Je trouve même ça séduisant. Mais quand j'en parle on m'oppose des arguments contraires ... :p
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Re: Les thèses de Pierre Perrier

Message non lu par Libremax » ven. 27 mai 2016, 17:19

AdoramusTe a écrit :Même en étant allé sur les lieux, j'ai surtout appris que les rouleaux des écritures qu'on y avait retrouvé étaient en hébreux.
Je me demande pourquoi. L'araméen passe un peu inaperçu, chez nous. On n'en parle pas. L'apprentissage de cette langue est quasiment inexistant en France et en Europe, et pourtant c'était bel et bien la langue du Christ. On ne jure que par l'hébreu et le grec.
Est-ce qu'on peut dire ou pas qu'il y a une unification linguistique héllénique intellectuelle ?
Car on peut se demander le Verbe s'est fait chair spécifiquement à ce moment-là, dans cette culture héllénisée et très répendue, et du rôle de la pensée grecque pour la diffusion de l'évangile et la doctrine catholique.
Je suis persuadé que le contexte de la naissance du Christ a tout de providentiel. La Palestine à son époque est, effectivement, le lieu idéal au moment idéal de l'Histoire pour lancer l'évangélisation des Nations. La Palestine est le lieu où se croient la culture grecque et araméenne, occidentale et orientale : ce n'est pas pour rien. Mais encore une fois, la pensée grecque n'est pas la seule qui va façonner la pensée chrétienne. Elle en a été un appui majeur, mais le christianisme s'est d'abord appuyé sur la culture juive et mésopotamienne, qui est de langue araméenne, et pour rayonner aussi sur toute une partie du monde tout à fait en dehors de l'influence de Platon et d'Aristote.
Il ne faudrait pas dire que Paul ne "maîtrisait pas le grec". Il ne le maîtrise visiblement pas suffisamment pour évangéliser les communautés grecques, nuance : il faut lire les Actes, et les épîtres : Paul part toujours avec un bilingue, ce n'est pas pour rien, et les épîtres sont écrites sous sa dictée, donc possiblement avec l'aide de celui qui écrit en grec.
Même venant de Tarse ?
On peut penser que même venant de Tarse, Paul n'est pas pour autant quelqu'un dont la langue maternelle est le grec. Or, c'est ce niveau de bilinguisme qui est nécessaire, pas moins, pour bien traduire un Evangile.
C'est plutôt une question liée à l'expansion. A moins que les araméens aient résisté longtemps à la mise part écrit.
Mais si on en croit l'expansion de l'araméen, qui semble supérieure à celle du grec, on voit mal comment les témoins écrits ne devraient pas être au moins aussi anciens voire aussi nombreux sinon plus.
Plusieurs raisons : le climat chaud et humide défavorable à la conservation des parchemins. L'usage moindre de l'écrit dans la culture chrétienne orientale, qui utilise beaucoup plus l'oral, et surtout, qui est réservé au travail des moines beaucoup plus qu'en occident où on a eu recours aussi à des ateliers privés de copistes. Un massacre gigantesque, dont on a peu l'idée et que l'Histoire oublie un peu, des chrétiens orientaux par Tamerlan au XIVe siècle.
Est-ce que le cas s'applique pour tous les évangélistes ? Par exemple Saint Luc vient d'une autre culture.
Il semblerait que Luc ait écrit en grec et en araméen. Il est l'exemple typique du chrétien qui est au croisement des cultures araméophone et hellénophone, mais juives.
C'est certain. Mais en même temps, Perrier a tendance à rejetter le grec de façon virulante.
D'ailleurs, on me faisait remarquer le milieu de Perrier "tourne un peu sur lui-même" en petit cercle. J'ai du mal à comprendre pourquoi.
Perrier ne rejette pas le grec. Il remet en cause son antériorité, et il relève de nombreuses approximations de traduction : en effet, ça retire de son prestige. Pour autant, l'Eglise a reconnu les textes grecs comme canoniques, il ne revient pas là-dessus, et il va même jusqu'à dire que les premières traductions en grec des évangiles ont été faites sous le contrôle des Apôtres : c'est donc sérieux.

Le petit cercle qu'on reproche à Perrier est le seul dont il dispose. Le problème est qu'il n'est pas un universitaire, il n'est donc pas reconnu. Enfin, ses thèses vont à contre-courant de l'ensemble des théories exégétiques actuelles. L'antériorité de premiers évangiles hébraïques est parfois évoquée, mais inexploitée, la rétroversion des textes jugée dangereuse. L'idée des communautés chrétiennes de culture grecque élaborant les textes des évangiles s'est imposée, et finalement, de fil en aiguille, celle de l'attribution des paroles au gré des besoins religieux.
Difficile de revenir de tout cela.

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Re: Les thèses de Pierre Perrier

Message non lu par AdoramusTe » ven. 27 mai 2016, 22:05

Libremax a écrit : Je suis persuadé que le contexte de la naissance du Christ a tout de providentiel. La Palestine à son époque est, effectivement, le lieu idéal au moment idéal de l'Histoire pour lancer l'évangélisation des Nations. La Palestine est le lieu où se croient la culture grecque et araméenne, occidentale et orientale : ce n'est pas pour rien. Mais encore une fois, la pensée grecque n'est pas la seule qui va façonner la pensée chrétienne. Elle en a été un appui majeur, mais le christianisme s'est d'abord appuyé sur la culture juive et mésopotamienne, qui est de langue araméenne, et pour rayonner aussi sur toute une partie du monde tout à fait en dehors de l'influence de Platon et d'Aristote.
On peut dire que la langue grecque omniprésente dans le bassin méditerranéen a favorisé la christianisation dans cette région. Je ne sais pas si la philosophie grecque a son équivalent et une telle portée. On pense aussi à l'expression des dogmes dans les premiers conciles que la pensée grecque a facilité à exprimer.
Je ne parle pas des autres zones géographiques. Mais le centre de gravité est tout de même resté toujours là, même si je veux bien croire que les zones araméennes étaient plus étendues, d'après Pierre Perrier.

On peut penser que même venant de Tarse, Paul n'est pas pour autant quelqu'un dont la langue maternelle est le grec. Or, c'est ce niveau de bilinguisme qui est nécessaire, pas moins, pour bien traduire un Evangile.
Vous pouvez me citer des passages des Actes qui montrent l'évidence que Paul s'aidait de traducteurs ?
Par exemple, le discours à l'Aréopage ne le laisse pas entendre.
C'est plutôt une question liée à l'expansion. A moins que les araméens aient résisté longtemps à la mise part écrit.
Mais si on en croit l'expansion de l'araméen, qui semble supérieure à celle du grec, on voit mal comment les témoins écrits ne devraient pas être au moins aussi anciens voire aussi nombreux sinon plus.
Plusieurs raisons : le climat chaud et humide défavorable à la conservation des parchemins. L'usage moindre de l'écrit dans la culture chrétienne orientale, qui utilise beaucoup plus l'oral, et surtout, qui est réservé au travail des moines beaucoup plus qu'en occident où on a eu recours aussi à des ateliers privés de copistes. Un massacre gigantesque, dont on a peu l'idée et que l'Histoire oublie un peu, des chrétiens orientaux par Tamerlan au XIVe siècle.
Tout est envisageable en effet. Mais rien de factuel.
Il semblerait que Luc ait écrit en grec et en araméen. Il est l'exemple typique du chrétien qui est au croisement des cultures araméophone et hellénophone, mais juives.
Il semblerait ? Quels sont les éléments ?
Perrier ne rejette pas le grec. Il remet en cause son antériorité, et il relève de nombreuses approximations de traduction : en effet, ça retire de son prestige. Pour autant, l'Eglise a reconnu les textes grecs comme canoniques, il ne revient pas là-dessus, et il va même jusqu'à dire que les premières traductions en grec des évangiles ont été faites sous le contrôle des Apôtres : c'est donc sérieux.
Mais pourquoi l'araméen ne se limiterait pas à l'oral, et que les premiers écrits soient grecs uniquement ?
Le petit cercle qu'on reproche à Perrier est le seul dont il dispose. Le problème est qu'il n'est pas un universitaire, il n'est donc pas reconnu. Enfin, ses thèses vont à contre-courant de l'ensemble des théories exégétiques actuelles. L'antériorité de premiers évangiles hébraïques est parfois évoquée, mais inexploitée, la rétroversion des textes jugée dangereuse. L'idée des communautés chrétiennes de culture grecque élaborant les textes des évangiles s'est imposée, et finalement, de fil en aiguille, celle de l'attribution des paroles au gré des besoins religieux.
Difficile de revenir de tout cela.
Il y a une chose qui me surprend aussi, c'est la sympathie qu'il a pour les textes latins. Selon lui, les premiers textes latin ont été faits directement sur l'araméen. Je ne sais pas sur quoi il s'appuie. De même, je l'ai entendu dire que la Bible d'Alcuin (Charlemagne) a été révisée suivant les textes araméens, mais je n'en ai trouvé aucun trace ailleurs.
D'une certaine manière, ça me fait plaisir car je déplore l'abandon des traductions latines dont la Vulgate, bien qu'en usage pendant 1600 ans dans l'Eglise latine et d'une qualité remarquable, sans oublier de dire qu'elle est un témoin unique d'un A.T. hébreux que nous n'avons plus.
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Re: Les thèses de Pierre Perrier

Message non lu par Libremax » ven. 27 mai 2016, 23:52

AdoramusTe a écrit :On peut dire que la langue grecque omniprésente dans le bassin méditerranéen a favorisé la christianisation dans cette région. Je ne sais pas si la philosophie grecque a son équivalent et une telle portée. On pense aussi à l'expression des dogmes dans les premiers conciles que la pensée grecque a facilité à exprimer.
Je ne parle pas des autres zones géographiques. Mais le centre de gravité est tout de même resté toujours là, même si je veux bien croire que les zones araméennes étaient plus étendues, d'après Pierre Perrier.
Oui, c'est cela : la pensée grecque a favorisé l'expression des dogmes. Mais là aussi, on pourrait remarquer que l'Eglise catholique, qui s'est centralisée au coeur de l'empire romain, a hérité de certains aspects de sa culture et de ses modes de pensée. Par exemple, les orientaux ressentent beaucoup moins le besoin de définir et de conceptualiser la théologie en s'aidant de termes abstraits. C'est en partie à cause de cela que la séparation a eu lieu. Attention, je ne parle pas du schisme de 1054, qui est interne à l'Eglise d'occident. La séparation d'avec les chrétiens d'Orient s'est passée au concile d'Ephèse en 431. Heureusement, les Eglises ont commencé une large réconciliation.
Vous pouvez me citer des passages des Actes qui montrent l'évidence que Paul s'aidait de traducteurs ?
Par exemple, le discours à l'Aréopage ne le laisse pas entendre.
...Ça vous embête si je vous fais ça une autre fois? Je ne vous demande pas de me croire sur parole sur ce point là. C'est un point développé par Perrier et Guigain ici et là, ils avaient des exemples, des noms et des extraits de textes qui mettaient bien ça en lumière... laissons cela à eux, ce n'est pas un point essentiel.
Le passage de l'aréopage ne parle pas tout à fait de la même question ; de fait, le discours que nous restitue les Actes ne rentre pas beaucoup dans les détails de la christologie qu'il développe par ailleurs dans ses épîtres. Le recours à un traducteur, de plus, correspond aussi à l'habitude judéo-chrétienne qui consiste à enseigner à l'oral plutôt qu'à l'écrit. Le maître parle, et c'est toujours un secrétaire qui écrit. Luc aurait été l'un de ces secrétaires (et Marc, en son temps, pour Pierre).
Plusieurs raisons : le climat chaud et humide défavorable à la conservation des parchemins. L'usage moindre de l'écrit dans la culture chrétienne orientale, qui utilise beaucoup plus l'oral, et surtout, qui est réservé au travail des moines beaucoup plus qu'en occident où on a eu recours aussi à des ateliers privés de copistes. Un massacre gigantesque, dont on a peu l'idée et que l'Histoire oublie un peu, des chrétiens orientaux par Tamerlan au XIVe siècle.
Tout est envisageable en effet. Mais rien de factuel.
Ma foi, je ne sais pas ce qu'il vous faut. Les tueries de Tamerlan sont des faits bien concrets, hélas, et la culture de l'écrit chez les chrétiens d'Orient aussi.
Il semblerait que Luc ait écrit en grec et en araméen. Il est l'exemple typique du chrétien qui est au croisement des cultures araméophone et hellénophone, mais juives.
Il semblerait ? Quels sont les éléments ?
Dans les Actes et selon la Tradition, Luc accompagne Paul dans ses missions en territoire hellénophone : c'est un helléniste. Mais ce genre de responsabilité, celle qui le met directement en contact avec un apôtre missionnaire, implique une appartenance à la culture juive araméenne d'origine. De fait, le texte araméen de Luc dans la Pshytta présente exactement les mêmes types de structures orales que les autres. Il y a fort à parier, si on pousse le bouchon plus loin, que, comme le dit la Tradition là encore, Luc ait en effet ajouté des morceaux à ce qui était d'abord un évangile selon St Paul.
Mais pourquoi l'araméen ne se limiterait pas à l'oral, et que les premiers écrits soient grecs uniquement ?
C'est quasiment ce qui s'est passé, tellement la pratique de l'oral était pregnante dans la société juive (et donc, judéo-chrétienne). Seulement, nous avons ce texte araméen qui démontre, selon Perrier et les autres, son origine précoce, et puis les témoignages des pères qui parlent de textes publiés en "langue des hébreux". Enfin, l'usage de l'écrit n'était pas absent de la société de l'époque. Il existait des mises par écrit, mais elles n'avaient pas le rôle fondamental que les livres et les écrans ont aujourd'hui. Pour les juifs du temps de Jésus, c'était des aide-mémoire, des sécurités en cas de catastrophe, mais ça s'arrêtait là. Les textes étaient appris, sus et proclamés.

Il y a une chose qui me surprend aussi, c'est la sympathie qu'il a pour les textes latins. Selon lui, les premiers textes latin ont été faits directement sur l'araméen. Je ne sais pas sur quoi il s'appuie. De même, je l'ai entendu dire que la Bible d'Alcuin (Charlemagne) a été révisée suivant les textes araméens, mais je n'en ai trouvé aucun trace ailleurs.
D'une certaine manière, ça me fait plaisir car je déplore l'abandon des traductions latines dont la Vulgate, bien qu'en usage pendant 1600 ans dans l'Eglise latine et d'une qualité remarquable, sans oublier de dire qu'elle est un témoin unique d'un A.T. hébreux que nous n'avons plus.
Eh bien, il s'appuie sur les textes, et leurs sens. Mais quand il parle des textes latins plus fidèles que la majorité des textes grecs, il parle surtout des "Vetus Latina", ces versions latines antérieures à la Vulgate, qui pour le Nouveau Testament, a repris aussi les textes grecs, et Jérôme prenait des libertés, si je ne me trompe. Je ne sais plus comment il explique cette fidélité des textes latins. Il semble me souvenir que c'était une question purement linguistique. La contrainte des traducteurs n'était pas seulement de restituer le sens, mais aussi, autant que possible, la rythmique du texte. Et il se trouverait que le latin y parviendrait plus souvent que le grec.
Mais bon, là il faut lire ses livres, et en ce qui me concerne, en relire certains.

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Re: Les thèses de Pierre Perrier

Message non lu par AdoramusTe » sam. 28 mai 2016, 10:44

Vous pouvez me citer des passages des Actes qui montrent l'évidence que Paul s'aidait de traducteurs ?
Par exemple, le discours à l'Aréopage ne le laisse pas entendre.
...Ça vous embête si je vous fais ça une autre fois? Je ne vous demande pas de me croire sur parole sur ce point là. C'est un point développé par Perrier et Guigain ici et là, ils avaient des exemples, des noms et des extraits de textes qui mettaient bien ça en lumière... laissons cela à eux, ce n'est pas un point essentiel.
Le passage de l'aréopage ne parle pas tout à fait de la même question ; de fait, le discours que nous restitue les Actes ne rentre pas beaucoup dans les détails de la christologie qu'il développe par ailleurs dans ses épîtres. Le recours à un traducteur, de plus, correspond aussi à l'habitude judéo-chrétienne qui consiste à enseigner à l'oral plutôt qu'à l'écrit. Le maître parle, et c'est toujours un secrétaire qui écrit. Luc aurait été l'un de ces secrétaires (et Marc, en son temps, pour Pierre).
J'ai tout mon temps :) Mais pourquoi ça ne serait pas un point essentiel ?
Ma foi, je ne sais pas ce qu'il vous faut. Les tueries de Tamerlan sont des faits bien concrets, hélas, et la culture de l'écrit chez les chrétiens d'Orient aussi.
Vous me parlez de tueries au XIVè siècle. Mais je n'ai pas bien compris le rapport avec les origines du christianisme de ce point de vue.
Mais pourquoi l'araméen ne se limiterait pas à l'oral, et que les premiers écrits soient grecs uniquement ?
C'est quasiment ce qui s'est passé, tellement la pratique de l'oral était pregnante dans la société juive (et donc, judéo-chrétienne). Seulement, nous avons ce texte araméen qui démontre, selon Perrier et les autres, son origine précoce, et puis les témoignages des pères qui parlent de textes publiés en "langue des hébreux". Enfin, l'usage de l'écrit n'était pas absent de la société de l'époque. Il existait des mises par écrit, mais elles n'avaient pas le rôle fondamental que les livres et les écrans ont aujourd'hui. Pour les juifs du temps de Jésus, c'était des aide-mémoire, des sécurités en cas de catastrophe, mais ça s'arrêtait là. Les textes étaient appris, sus et proclamés.
Donc on aurait eu besoin de l'écrire en grec et pas en araméen ?
Eh bien, il s'appuie sur les textes, et leurs sens. Mais quand il parle des textes latins plus fidèles que la majorité des textes grecs, il parle surtout des "Vetus Latina", ces versions latines antérieures à la Vulgate, qui pour le Nouveau Testament, a repris aussi les textes grecs, et Jérôme prenait des libertés, si je ne me trompe. Je ne sais plus comment il explique cette fidélité des textes latins. Il semble me souvenir que c'était une question purement linguistique. La contrainte des traducteurs n'était pas seulement de restituer le sens, mais aussi, autant que possible, la rythmique du texte. Et il se trouverait que le latin y parviendrait plus souvent que le grec.
Les veteres latinae sont censées être des traductions du grec, d'après ce qui se dit jusqu'à aujourd'hui. Perrier s'appuie uniquement sur la rythmique pour affirmer le contraire, ce qui peut avoir du sens. D'ailleurs, est-ce qu'on sait d'où proviennent les premières éditions latines ?
Saint Jérôme n'a pas pris de libertés. Il a révisé le N.T. existant en de multiples éditions latines, à partir du grec (Christophe Rico a écrit de bons articles sur le sujet). La seule nouveauté qu'il apporte est une traduction de l'A.T. sur l'hébreu.
Mais bon, là il faut lire ses livres, et en ce qui me concerne, en relire certains.
Vous pouvez me citer ces ouvrages, SVP ?
En fait, je connais personnellement le P. Guigain depuis quelque temps, mais il n'est pas souvent disponible et en plus j'aime les avis extérieurs.
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Re: Les thèses de Pierre Perrier

Message non lu par Libremax » sam. 28 mai 2016, 22:17

Bonsoir AoramusTe,
AdoramusTe a écrit :J'ai tout mon temps :) Mais pourquoi ça ne serait pas un point essentiel ?
Parce que les lettres de Paul s'adressent au monde grec, et même si Paul était totalement bilingue, cela ne montrerait pas la prééminence de la pensée grecque sur le Nouveau Testament. Par ailleurs, comme je vous le disais, le recours à un secrétaire n'est pas seulement dû au besoin de recourir à un bon hellénophone, il correspond surtout à l'enseignement oral rabbinique.
Vous me parlez de tueries au XIVè siècle. Mais je n'ai pas bien compris le rapport avec les origines du christianisme de ce point de vue.
Elles n'ont pas vraiment de rapport avec les origines du christianisme. Elles ont un rapport avec le manque d'anciens manuscrits araméens. Elles ont opposé un barrage énorme au témoignage d'une communauté très importante de chrétiens héritière directe de l'église araméophone, utilisant donc des manuscrits qui se sont forcément perdus. Si ces Eglises n'avaient pas disparu, elles auraient transmis un héritage.
C'est quasiment ce qui s'est passé, tellement la pratique de l'oral était pregnante dans la société juive (et donc, judéo-chrétienne). Seulement, nous avons ce texte araméen qui démontre, selon Perrier et les autres, son origine précoce, et puis les témoignages des pères qui parlent de textes publiés en "langue des hébreux". Enfin, l'usage de l'écrit n'était pas absent de la société de l'époque. Il existait des mises par écrit, mais elles n'avaient pas le rôle fondamental que les livres et les écrans ont aujourd'hui. Pour les juifs du temps de Jésus, c'était des aide-mémoire, des sécurités en cas de catastrophe, mais ça s'arrêtait là. Les textes étaient appris, sus et proclamés.
Donc on aurait eu besoin de l'écrire en grec et pas en araméen ?
On a davantage eu besoin de l'écrire en grec qu'en araméen. Parce que les occidentaux greco-romains avaient une culture de l'écrit plus répandue qu'en Palestine (par exemple). Aujourd'hui, il serait absolument impensable de penser un texte sans l'écrire. en Palestine au temps de Jésus, c'est tout à fait envisageable, et on l'écrit plus tard, lorsque l'auteur s'en va. A la même époque, chez les romains, on a déjà un peu versé dans le réflexe automatique du recours à l'écriture.
Les vetera latinae sont censés être des traductions du grec, d'après ce qui se dit jusqu'à aujourd'hui. Perrier s'appuie uniquement sur la rythmique pour affirmer le contraire, ce qui peut avoir du sens. D'ailleurs, est-ce qu'on sait d'où proviennent les premières éditions latines ?
Saint Jérôme n'a pas pris de libertés. Il a révisé le N.T. existant en de multiples éditions latines, à partir du grec (Christophe Rico a écrit de bons articles sur le sujet). La seule nouveauté qu'il apporte est une traduction de l'A.T. sur l'hébreux.
Il ne s'appuie pas que sur la rythmique. Il s'appuie sur le choix des mots et la formulation. Une version latine d'un texte araméen ne donne pas le même résultat que celle d'un texte grec. La Vulgate du Nouveau Testament, pour Perrier, est une traduction de traduction. Les Vetera seraient des traductions directes.
Vous pouvez me citer ces ouvrages, SVP ?
En fait, je connais personnellement le P. Guigain depuis quelques temps, mais il n'est pas souvent disponible et en plus j'aime les avis extérieurs.
Pierre Perrier :
"Evangiles de l'oral à l'écrit", tome I ,
et le tome II (énorme, très technique)
"La transmission des Evangiles"
"L'Evangile de la Miséricorde"
"Karozoutha" (très technique, datant un peu et quasiment introuvable)

Frédéric Guigain :
"Exégèse d'Oralité"

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Re: Les thèses de Pierre Perrier

Message non lu par AdoramusTe » sam. 28 mai 2016, 22:28

Merci Libremax.
Libremax a écrit : Il ne s'appuie pas que sur la rythmique. Il s'appuie sur le choix des mots et la formulation. Une version latine d'un texte araméen ne donne pas le même résultat que celle d'un texte grec. La Vulgate du Nouveau Testament, pour Perrier, est une traduction de traduction. Les Vetera seraient des traductions directes.
Pour le coup, Pierre Perrier a tord, je suis formel. En tout cas, exprimé comme ça.
Le N.T. de la Vulgate n'est pas une création nouvelle de Jérôme, mais une simple révision, à partir des Hexaples d'Origène.
Mais effectivement, cela s'éloigne peut-être des sources dont les premières traductions seraient à l'origine.
Pierre Perrier :
"Evangiles de l'oral à l'écrit", tome I ,
et le tome II (énorme, très technique)
"La transmission des Evangiles"
"L'Evangile de la Miséricorde"
"Karozoutha" (très technique, datant un peu et quasiment introuvable)

Frédéric Guigain :
"Exégèse d'Oralité"
Merci ! ;)
(Karozoutha semble lisible en ligne sur Internet.)
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Re: Les thèses de Pierre Perrier

Message non lu par Libremax » sam. 28 mai 2016, 23:22

AdoramusTe a écrit :Pour le coup, Pierre Perrier a tord, je suis formel. En tout cas, exprimé comme ça.
Le N.T. de la Vulgate n'est pas une création nouvelle de Jérôme, mais une simple révision, à partir des Hexaples d'Origène.
Mais effectivement, cela s'éloigne peut-être des sources dont les premières traductions seraient à l'origine.
Corrigez-moi si je me trompe, mais les Hexaples d'Origène ne contiennent que des versions de l'ancien Testament, et Jérôme re-traduit les évangiles à partir de manuscrits grecs, non?

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Re: Les thèses de Pierre Perrier

Message non lu par AdoramusTe » dim. 29 mai 2016, 16:39

Libremax a écrit :
Corrigez-moi si je me trompe, mais les Hexaples d'Origène ne contiennent que des versions de l'ancien Testament, et Jérôme re-traduit les évangiles à partir de manuscrits grecs, non?
Je pense avoir tort, et avoir écrit trop vite. Il ne s'agit pas des Hexaples. :)

Pour ce qui est du travail de St Jérôme, je suis formel. On trouve un document sur le site des Sources Chrétiennes : http://www.sources-chretiennes.mom.fr/u ... Jerome.pdf
Dernière modification par AdoramusTe le dim. 29 mai 2016, 19:30, modifié 1 fois.
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Re: Les thèses de Pierre Perrier

Message non lu par AdoramusTe » dim. 29 mai 2016, 18:14

Poursuivons un peu la discussion.
Libremax a écrit : Il y a eu une mise par écrit en araméen! C'est justement l'intérêt de la Pshytta, d'après Perrier (et les autres) : pour eux, ce texte ne peut pas avoir été traduit du grec. En revanche, il serait facile de faire dériver certaines anciennes versions grecques de la Pshytta. Une traduction ne donne jamais le même résultat qu'un texte original. Les textes grecs sont d'ailleurs unanimement reconnus comme des textes au grec plutôt malhabile. C'est parce qu'ils sont des traductions phrase à phrase, qui tentent de rester collé le plus proche possible de la formulation originale, mais sans en avoir la même concision. Pour les araméophones, le plus souvent, ça ne fait pas de doute : on est, avec la Pshytta, devant un texte originale dont les textes grecs sont des traductions parfois reformulées, voire un peu glosées.
Certaines questions me viennent à l'esprit. Admettons l'origine araméenne des évangiles (ils utilisent aussi le singulier pour parler de l'unique évangile).
Est-ce que la composition date du temps de Jésus ? Est-ce Jésus qui a transmis et oralisé ses paroles ?
Où est-ce lors de la formation des communautés chrétiennes autour des apôtres (ou évangélistes) ?
Je pose ces questions car nous avons quatre évangiles. D'ailleurs, quid de l'évangile de Jean qui est bien différent des autres ?
Que penser aussi de Luc qui était extérieur à ces communautés et qui a composé un évangile ? Est-ce qu'il l'a pensé lui-aussi en vue de la transmission orale ?

Si mes questions ont toutes des réponses dans les ouvrages ne vous fatiguez pas ;)
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Re: Les thèses de Pierre Perrier

Message non lu par Libremax » dim. 29 mai 2016, 19:28

AdoramusTe a écrit :Certaines questions me viennent à l'esprit. Admettons l'origine araméenne des évangiles (ils utilisent aussi le singulier pour parler de l'unique évangile).
Est-ce que la composition date du temps de Jésus ? Est-ce Jésus qui a transmis et oralisé ses paroles ?
Où est-ce lors de la formation des communautés chrétiennes autour des apôtres (ou évangélistes) ?
Je pose ces questions car nous avons quatre évangiles. D'ailleurs, quid de l'évangile de Jean qui est bien différent des autres ?
Que penser aussi de Luc qui était extérieur à ces communautés et qui a composé un évangile ? Est-ce qu'il l'a pensé lui-aussi en vue de la transmission orale ?

Si mes questions ont toutes des réponses dans les ouvrages ne vous fatiguez pas ;)
Elles ont leurs réponses dans les ouvrages, mais ça ne me fatigue pas, et ces ouvrages ouvrent à un schéma tellement nouveau et tout de même suffisamment compliqué, qu'en savoir les grandes lignes au démarrage est intéressant.

Pour Perrier et Guigain, la composition des évangiles ne date pas à proprement parler de Jésus, mais des premières années qui suivent la Pentecôte. Jésus a évidemment transmis ses paroles, c'est tout ce que racontent les évangiles, et il le faisait à l'oral. Mais en effet, Jésus enseignait d'une certaine manière, qui était, pour beaucoup, commune aux rabbis juifs. Les enseignements de l'époque sont faits pour être appris par coeur, et c'est ainsi qu'ils se transmettaient. Pour ce faire, ils correspondaient à des façons de faire, usant de rythmique, de consonnance, d'allusions qui faisaient que la mise en mémoire était facile et efficace.

Ce sont bel et bien les apôtres qui auraient composé ce que Perrier appelle les "colliers évangéliques", des ensembles thématiques de récits, à partir des témoignages des évènements, ou bien à partir de l'enseignement de Jésus lui-même. Ces "colliers" constituaient leur propre enseignement, la Bonne Nouvelle. Les communautés n'ont fait que recevoir cet enseignement, l'apprendre et l'utiliser comme catéchèse et liturgie.
Les évangélistes sont ceux parmi les apôtres -ou leurs assistants qui auraient mis par écrit une organisation des colliers sur un cycle liturgique. Ils laissaient une mise par écrit de cette organisation lorsqu'ils s'en allaient, à cause des persécutions ou à cause de leurs voyages. Ces organisations seraient nos évangiles. Elles sont toutes, à l'origine, des ensembles de textes sus par coeur par ceux qui les ont composées.

Matthieu aurait ainsi composé un cycle catéchétique-liturgique de colliers évangéliques pour les chrétiens de Jérusalem, et c'est son cycle qui a été utilisé par la majeure partie des églises d'orient. Marc aurait transmis un cycle catéchétique donné par Pierre aux romains, Luc aurait composé un cycle pour les communautés issues des Gentils. Jean, lui, a composé et mis par écrit un cycle particulier car s'adressant aux disciples en fin de formation, c'est à dire ceux qui allaient devenir presbytres. c'est pour cela qu'il est si différent des autres.

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Re: Les thèses de Pierre Perrier

Message non lu par Fée Violine » dim. 29 mai 2016, 22:03

Si mes questions ont toutes des réponses dans les ouvrages ne vous fatiguez pas ;)
Elles ont leurs réponses dans les ouvrages, mais ça ne me fatigue pas
Tant mieux pour tous ceux qui s'intéressent à ces questions passionnantes et qui ne liront pas les livres.
Merci à Libremax et AdoramusTe !

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Re: Les thèses de Pierre Perrier

Message non lu par AdoramusTe » lun. 30 mai 2016, 10:46

Libremax a écrit : Ce sont bel et bien les apôtres qui auraient composé ce que Perrier appelle les "colliers évangéliques", des ensembles thématiques de récits, à partir des témoignages des évènements, ou bien à partir de l'enseignement de Jésus lui-même. Ces "colliers" constituaient leur propre enseignement, la Bonne Nouvelle. Les communautés n'ont fait que recevoir cet enseignement, l'apprendre et l'utiliser comme catéchèse et liturgie.
On peut imaginer qu'il y ait à la base un receuil oral des discours de Jésus, qui serait une source commune à tous les évangiles ? L'idée n'est pas de moi mais l'enseignement de Jésus à ses apôtres a pu se faire aussi suivant les même techniques d'enseignement.
Les évangélistes sont ceux parmi les apôtres -ou leurs assistants qui auraient mis par écrit une organisation des colliers sur un cycle liturgique. Ils laissaient une mise par écrit de cette organisation lorsqu'ils s'en allaient, à cause des persécutions ou à cause de leurs voyages. Ces organisations seraient nos évangiles. Elles sont toutes, à l'origine, des ensembles de textes sus par coeur par ceux qui les ont composées.
Oui, j'ai eu vent de cette question des colliers.
Matthieu aurait ainsi composé un cycle catéchétique-liturgique de colliers évangéliques pour les chrétiens de Jérusalem, et c'est son cycle qui a été utilisé par la majeure partie des églises d'orient. Marc aurait transmis un cycle catéchétique donné par Pierre aux romains, Luc aurait composé un cycle pour les communautés issues des Gentils. Jean, lui, a composé et mis par écrit un cycle particulier car s'adressant aux disciples en fin de formation, c'est à dire ceux qui allaient devenir presbytres. c'est pour cela qu'il est si différent des autres.
La question de st Jean m'intrigue car les discours de Jésus sont un style bien différent et bien plus long que les péricopes des synoptiques.
J'imagine difficilement que cela puisse venir d'une transmission orale. Peut-on imaginer que cela puisse provenir d'une prise de notes de type dactylographique ?

Une autre question me vient à l'esprit. Dans quelle langue est reçue l'A.T. à cette époque ? Si l'enseignement de Jésus et ensuite celui des apôtres est l'araméen, les références à l'A.T. doivent forcément sonner aux oreilles des auditeurs et pas de façon approximative, j'imagine ?
Est-ce que l'A.T. est en hébreux ou grec puis traduit oralement, ou alors en araméen ?

J'ai en tête la référence à Isaie 7,14 qui utilise parthénos dans le grec, faisant référence directe à la Septante. Ce qui veut dire que dans le passage au grec, les évangélistes auraient été reprendre les références de l'A.T. dans la Septante ?
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