Les thèses de Pierre Perrier

« Alors il leur ouvrit l'esprit à l'intelligence des Écritures. » (Lc 24.45)
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Re: Les thèses de Pierre Perrier

Message non lu par Libremax » lun. 30 mai 2016, 11:53

AdoramusTe a écrit :On peut imaginer qu'il y ait à la base un receuil oral des discours de Jésus, qui serait une source commune à tous les évangiles ? L'idée n'est pas de moi mais l'enseignement de Jésus à ses apôtres a pu se faire aussi suivant les même techniques d'enseignement.
Dans la mesure où il y a eu un seul Jésus qui enseignait, on peut dire qu'il y a eu "un recueil oral de ses discours". Ses disciples, comme tout disciple de rabbis de l'époque, apprenaient par coeur ses enseignements (qui étaient conçus pour ça). Ces enseignements ont servi de source commune, bien sûr, mais dans cette source, il y a aussi des témoignages d'évènements.
La question de st Jean m'intrigue car les discours de Jésus sont un style bien différent et bien plus long que les péricopes des synoptiques.
J'imagine difficilement que cela puisse venir d'une transmission orale. Peut-on imaginer que cela puisse provenir d'une prise de notes de type dactylographique ?
Ce qui vous fait poser cette question a beaucoup de chances d'être notre incapacité à nous représenter ce qu'étaient les facultés de mémorisation de nos ancêtres antiques. Ce sont des hommes d'une époque sans écran, sans journal, sans livre. La transmission tout autant que les loisirs sont conditionnés par la faculté de transmettre fidèlement, avec les moyens personnels, les récits et le savoir. La puissance de la mémoire humaine dans les civilisations de l'oral est puissante, et proprement extraordinaire quand on constate ses performances.
Jean n'avait donc pas plus de difficulté que tout autre disciple à mémoriser des enseignements plus longs que les autres.
Qu'il y ait eu des notes prises de temps à autres, sur quelque support que ce soit, comme l'imaginait en son temps Claude Tresmontant, entre autres, mais là encore : il ne s'agissait que d'outil transitoire à la seule fin de mémoriser et transmettre à l'oral.
Une autre question me vient à l'esprit. Dans quelle langue est reçue l'A.T. à cette époque ? Si l'enseignement de Jésus et ensuite celui des apôtres est l'araméen, les références à l'A.T. doivent forcément sonner aux oreilles des auditeurs et pas de façon approximative, j'imagine ?
Est-ce que l'A.T. est en hébreux ou grec puis traduit oralement, ou alors en araméen ?

J'ai en tête la référence à Isaie 7,14 qui utilise parthénos dans le grec, faisant référence directe à la Septante. Ce qui veut dire que dans le passage au grec, les évangélistes auraient été reprendre les références de l'A.T. dans la Septante ?
Le culte juif dans les synagogues, à l'époque de Jésus, a généralement recours à ce qu'on appelle le Targoum, c'est à dire la traduction. C'est à dire que l'hébreu n'est plus compris par personne (hors les intellectuels), donc les lectures ayant été faites en hébreu, une traduction directe est dite en araméen, par un metergoumin compétent. Ces traductions sont souvent tout autant des explications, ce qui explique que les mises par écrit de targoums qui nous sont arrivées jusqu'à nos jours extrapolent le texte biblique.
Si bien que quand Jésus fait des allusions à l'Ancien Testament, il les fait en araméen, et elles sont connues des auditeurs.

Dans la Pshytta, le mot araméen betoulta correspondant au parthenos grec de Isaïe 7,14, comme en hébreu, désigne une jeune fille dont le statut implique nécessairement qu'elle soit, de fait, vierge.

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Re: Les thèses de Pierre Perrier

Message non lu par AdoramusTe » lun. 30 mai 2016, 13:16

Libremax a écrit : Jean n'avait donc pas plus de difficulté que tout autre disciple à mémoriser des enseignements plus longs que les autres.
Qu'il y ait eu des notes prises de temps à autres, sur quelque support que ce soit, comme l'imaginait en son temps Claude Tresmontant, entre autres, mais là encore : il ne s'agissait que d'outil transitoire à la seule fin de mémoriser et transmettre à l'oral.
Alors nous sommes d'accord. Pour moi, il n'y a pas de contradiction entre cette première mise par écrit, de type dactylo, qui puisse servir pour être transmise oralement.
Pour que la tradition orale fonctionne, il faut qu'il y ait apprentissage et répétition. Donc, soit Jésus enseigne par répétition, soit il faut qu'il y ait une mémorisation sur le vif, pour ne rien manquer.
Le culte juif dans les synagogues, à l'époque de Jésus, a généralement recours à ce qu'on appelle le Targoum, c'est à dire la traduction. C'est à dire que l'hébreu n'est plus compris par personne (hors les intellectuels), donc les lectures ayant été faites en hébreu, une traduction directe est dite en araméen, par un metergoumin compétent. Ces traductions sont souvent tout autant des explications, ce qui explique que les mises par écrit de targoums qui nous sont arrivées jusqu'à nos jours extrapolent le texte biblique.
Si bien que quand Jésus fait des allusions à l'Ancien Testament, il les fait en araméen, et elles sont connues des auditeurs.

Dans la Pshytta, le mot araméen betoulta correspondant au parthenos grec de Isaïe 7,14, comme en hébreu, désigne une jeune fille dont le statut implique nécessairement qu'elle soit, de fait, vierge.
Merci. Et le Targoum couvre tout l'A.T. ou simplement les passages qui étaient lus à la synagogue ?
J'imagine que l'A.T. de la Pshytta vient de l'A.T. hébreux ?
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Re: Les thèses de Pierre Perrier

Message non lu par Libremax » lun. 30 mai 2016, 14:16

AdoramusTe a écrit :Pour que la tradition orale fonctionne, il faut qu'il y ait apprentissage et répétition. Donc, soit Jésus enseigne par répétition, soit il faut qu'il y ait une mémorisation sur le vif, pour ne rien manquer.
Jésus enseignait à répétition, à n'en pas douter. C'est ce qu'écrira par exemple Birger Gerhardsson qui compare déjà l'enseignement de Jésus avec celui des rabbis juifs. Ses miracles sont eux-mêmes des enseignements répétés : exemple, les deux multiplications des pains en Marc et en Matthieu.
Merci. Et le Targoum couvre tout l'A.T. ou simplement les passages qui étaient lus à la synagogue ?
J'imagine que l'A.T. de la Pshytta vient de l'A.T. hébreux ?
Je ne sais pas trop. Un "targoum", c'est une traduction de la lecture en synagogue (donc, de la torah et des Prophètes), quelque soit la langue.
Je ne sais pas quelle est l'étendue des différents targoums écrits que nous possédons aujourd'hui.
La Pshytta vétérotestamentaire vient de l'hébreu, bien sûr.

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Re: Les thèses de Pierre Perrier

Message non lu par AdoramusTe » mar. 31 mai 2016, 8:44

Libremax a écrit : Je ne sais pas trop. Un "targoum", c'est une traduction de la lecture en synagogue (donc, de la torah et des Prophètes), quelque soit la langue.
Je ne sais pas quelle est l'étendue des différents targoums écrits que nous possédons aujourd'hui.
La Pshytta vétérotestamentaire vient de l'hébreu, bien sûr.
Merci pour tout !
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Re: Les thèses de Pierre Perrier

Message non lu par AdoramusTe » lun. 27 juin 2016, 9:30

Libremax a écrit : Perrier ne rejette pas le grec. Il remet en cause son antériorité, et il relève de nombreuses approximations de traduction : en effet, ça retire de son prestige. Pour autant, l'Eglise a reconnu les textes grecs comme canoniques, il ne revient pas là-dessus, et il va même jusqu'à dire que les premières traductions en grec des évangiles ont été faites sous le contrôle des Apôtres : c'est donc sérieux.
Bonjour Libremax,

Je me permets de revenir au sujet. Je suis en train de lire le livre "La langue de Jésus" du frère Bernard Marie aux éditions Téqui.
Lui aussi dit que les traductions grecques ont été faites sous les contrôle des Apôtres. Ce qui est très probable, le monde grec étant à proximité.
Mais dans ce cas, je ne vois pas pourquoi trouve-t-on des manuscrits grecs aussi variés alors qu'on aurait une source apostolique ? Mon hypothèse est que la transmission des textes est vivante et que chaque communauté amende, améliore, glose le texte transmis.
Cette variété amère Perrier à conclure que le grec ne peut pas être l'original et que la faible variété de l'araméen est une preuve.
Donc le grec serait purement écrit et l'araméen oral ?

Il dit aussi que l'étude de l'araméen permet de résoudre des obscurités du texte grec, qui contient beaucoup d'araméismes.
En revanche, il pense que l'Eglise a choisi le grec à cause de sa précision théologique, notamment "ceci est mon corps" en grec n'est pas aussi clair en araméen.
Un chose m'intrigue, dans Jean 21, dans le dialogue avec Pierre, seul le grec utiliserait deux verbes différents pour "aimer", ce qui ne serait pas le cas dans l'araméen.
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Re: Les thèses de Pierre Perrier

Message non lu par Libremax » lun. 27 juin 2016, 11:01

AdoramusTe a écrit :Mais dans ce cas, je ne vois pas pourquoi trouve-t-on des manuscrits grecs aussi variés alors qu'on aurait une source apostolique ? Mon hypothèse est que la transmission des textes est vivante et que chaque communauté amende, améliore, glose le texte transmis.
Cette variété amère Perrier à conclure que le grec ne peut pas être l'original et que la faible variété de l'araméen est une preuve.
Donc le grec serait purement écrit et l'araméen oral ?
Bonjour AdoramusTe,

Ce n'est pas aussi tranché. Le grec n'est pas "purement écrit", parce qu'il est, lui aussi, destiné à être proclammé à l'oral chez les parlant-grec. C'est surtout qu'il cherche à traduire aussi fidèlement que possible, un texte rythmé et dont la sémantique ne fonctionne pas de la même manière. Il cherche à coller au phrasé, au sens, au rythme, ce qui fait beaucoup, et ce qui est en général impossible tout ensemble.

Si je ne me trompe, la variété des manuscrits grecs serait d'abord due au fait que les traductions grecques ont été multiples dès le début. Il y a eu plusieurs traductions grecques, notamment de Mathieu, qui auraient pu se faire même, au tout début, sans le contrôle des apôtres. Ensuite, les personnes qui recopiaient le texte grec connaîtraient moins bien le texte qu'ils recopient, auraient fait des erreurs ou de légères approximations, contrairement aux pères araméophones qui connaîtraient forcément leur texte par coeur pour pouvoir le recopier, d'où une stabilité bien supérieure des manuscrits araméens.
Les textes grecs auraient connu par la suite plusieurs tentatives d'harmonisation, ce qui signifie légères reformulations. Perrier parle d'une vague datant de l'hérésie marcionite, qui trouvait une légitimité dans l'hétérogénité abusive des textes. Il y a aussi celle du moine Alcuin, qui est plus connue.

Pour Perrier, l'idée de "communautés rédactrices" des évangiles n'est pas recevable. Les textes sont nécessairement l'oeuvre de quelqu'un. Les retouches et les gloses sont le fait de traducteurs, et les améliorations celui d'autorités religieuses soucieuses de produire un texte harmonisé.
Il dit aussi que l'étude de l'araméen permet de résoudre des obscurités du texte grec, qui contient beaucoup d'araméismes.
En revanche, il pense que l'Eglise a choisi le grec à cause de sa précision théologique, notamment "ceci est mon corps" en grec n'est pas aussi clair en araméen.
Un chose m'intrigue, dans Jean 21, dans le dialogue avec Pierre, seul le grec utiliserait deux verbes différents pour "aimer", ce qui ne serait pas le cas dans l'araméen.
Oui, si j'ai bien compris il y a deux aspects qui expliquent ces choix.
D'abord, quand on dit "l'Eglise", il ne faut pas oublier que c'est l'Eglise ...occidentale (y compris la grande majorité des orthodoxes).
Et l'Eglise occidentale a surtout choisi un texte occidental, qui s'accorde à sa culture qui préfère les termes précis. L'araméen ne manque pas de clarté, mais donne du sens à ses mots en fonction de son contexte immédiat, et allusif ce qui peut être déroutant. L'Eglise occidentale a choisi le texte grec parce qu'elle parle grec. Le "peu de clarté" de l'araméen au moment de la Cène n'a pas empêché l'Eglise orientale, araméophone, de célébrer et d'évangéliser avec le texte araméen.
D'ailleurs il est à noter que la célébration eucharistique du rite chaldéen ne s'articule pas aussi précisément que le nôtre sur une reprise des textes de la Cène.

Le deuxième aspect est que les textes grecs, notamment ceux de Luc et de Jean, ont une relative indépendance. Le texte grec émanant de traducteurs travaillant sous le contrôle des évangélistes, il est possible que la version grecque insère parfois un sens supplémentaire qui échappe à l'araméen. L'évangile de Luc aurait été rédigé presque simultanément en grec et en araméen.

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Re: Les thèses de Pierre Perrier

Message non lu par AdoramusTe » lun. 27 juin 2016, 13:21

Libremax a écrit : Ce n'est pas aussi tranché. Le grec n'est pas "purement écrit", parce qu'il est, lui aussi, destiné à être proclammé à l'oral chez les parlant-grec. C'est surtout qu'il cherche à traduire aussi fidèlement que possible, un texte rythmé et dont la sémantique ne fonctionne pas de la même manière. Il cherche à coller au phrasé, au sens, au rythme, ce qui fait beaucoup, et ce qui est en général impossible tout ensemble.
S'il y a une oralité grecque, il devrait y avoir une stabilité du grec, non ?
Le père Guigain a l'air de dire que l'araméen était proclamé, mais ensuite des traducteurs entraient en scène oralement. C'est encore autre chose.
Si je ne me trompe, la variété des manuscrits grecs serait d'abord due au fait que les traductions grecques ont été multiples dès le début. Il y a eu plusieurs traductions grecques, notamment de Mathieu, qui auraient pu se faire même, au tout début, sans le contrôle des apôtres. Ensuite, les personnes qui recopiaient le texte grec connaîtraient moins bien le texte qu'ils recopient, auraient fait des erreurs ou de légères approximations, contrairement aux pères araméophones qui connaîtraient forcément leur texte par coeur pour pouvoir le recopier, d'où une stabilité bien supérieure des manuscrits araméens.
Les textes grecs auraient connu par la suite plusieurs tentatives d'harmonisation, ce qui signifie légères reformulations. Perrier parle d'une vague datant de l'hérésie marcionite, qui trouvait une légitimité dans l'hétérogénité abusive des textes. Il y a aussi celle du moine Alcuin, qui est plus connue.
Bon alors, avec ou sans le contrôle des Apôtres ? :s Les Apôtres eux-même ont dû parcourir des villes grecques : Séphoris, Tibériade, etc. Ils ont été confrontés au grec dès le début.
Oui, si j'ai bien compris il y a deux aspects qui expliquent ces choix.
D'abord, quand on dit "l'Eglise", il ne faut pas oublier que c'est l'Eglise ...occidentale (y compris la grande majorité des orthodoxes).
Occidentale, c'était vaste à l'époque ! Ca couvre quoi ?

D'ailleurs, savez-vous pourquoi le Concile de Trente a canonisé la Peshytta pour les églises d'orient ? Est-ce que la Septante est considérée comme canonique ?
Et l'Eglise occidentale a surtout choisi un texte occidental, qui s'accorde à sa culture qui préfère les termes précis. L'araméen ne manque pas de clarté, mais donne du sens à ses mots en fonction de son contexte immédiat, et allusif ce qui peut être déroutant. L'Eglise occidentale a choisi le texte grec parce qu'elle parle grec. Le "peu de clarté" de l'araméen au moment de la Cène n'a pas empêché l'Eglise orientale, araméophone, de célébrer et d'évangéliser avec le texte araméen.
D'ailleurs il est à noter que la célébration eucharistique du rite chaldéen ne s'articule pas aussi précisément que le nôtre sur une reprise des textes de la Cène.
Oui mais l'Eglise a une pensée universelle, non ? Et pas seulement locale.
Le deuxième aspect est que les textes grecs, notamment ceux de Luc et de Jean, ont une relative indépendance. Le texte grec émanant de traducteurs travaillant sous le contrôle des évangélistes, il est possible que la version grecque insère parfois un sens supplémentaire qui échappe à l'araméen. L'évangile de Luc aurait été rédigé presque simultanément en grec et en araméen.
Insérer un sens supplémentaire à l'araméen ? J'ai du mal à y croire. Dans le dialogue avec Pierre, ces deux verbes sont choisis délibéréments par le Christ. Comment des paroles du Christ transmises en pur araméen ne seraient pas calquées sur l'araméen comme les autres, par fidélité ?
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Re: Les thèses de Pierre Perrier

Message non lu par Libremax » lun. 27 juin 2016, 14:21

AdoramusTe a écrit :S'il y a une oralité grecque, il devrait y avoir une stabilité du grec, non ?
Le père Guigain a l'air de dire que l'araméen était proclamé, mais ensuite des traducteurs entraient en scène oralement. C'est encore autre chose.
Il y a une relative stabilité du grec. Elle est moindre que l'araméen, voilà tout. Il ne faut pas oublier que les textes de l'Ancien Testament, même grecs, sont les plus fiables et les mieux attestés de tous les textes de l'Antiquité.
Mais il ne faut pas oublier que nos manuscrits ne sont pas les textes d'origine. Ce sont des textes de plusieurs mains successives. Le texte grec que nous lisons a connu les aléas des erreurs et des reformulations. Très légères, au regard de l'ensemble du texte, mais néanmoins dix fois supérieures, si je me souviens bien, à l'araméen.

Ce que vous citez du père Guigain concerne la prédication des apôtres en milieu hellénophone quand ils étaient accompagnés d'un traducteur( comme Pierre et Marc). Mais très vite des groupes hellénophones ont voulu célébrer en grec, il a fallu donc des traductions globales indépendantes de la présence d'un apôtre. C'est ce que signifie en fait la nomination des "diacres" au début des Actes Apôtres, qui étaient en fait des disciples entièrement attachés à la communauté hellénophone.
Bon alors, avec ou sans le contrôle des Apôtres ? :s Les Apôtres eux-même ont dû parcourir des villes grecques : Séphoris, Tibériade, etc. Ils ont été confrontés au grec dès le début.
Principalement sous le contrôle des Apôtres, au début (sauf, dit Perrier, quelques traductions sauvages qui se seraient fait sans qu'ils aient eu le temps de les contrôler, parce qu'ils étaient encore en train de composer ).
Les Apôtres ont voyagé et on poursuivi leur prédication accompagnés de traducteurs en direct, comme le décrit le père Guigain,
et puis les années passant, les élites greco-romaines devant se débrouiller sans les Apôtres pour assurer la stabilité de leur texte, ils ont fait comme ils ont pu.
Oui, si j'ai bien compris il y a deux aspects qui expliquent ces choix.
D'abord, quand on dit "l'Eglise", il ne faut pas oublier que c'est l'Eglise ...occidentale (y compris la grande majorité des orthodoxes).
Occidentale, c'était vaste à l'époque ! Ca couvre quoi ?
En gros, l'Eglise couvrant tout l'Empire romain. Ce qui est vaste, à l'époque en effet. Mais en face de cet empire il y en avait un autre assez vaste aussi, c'était l'empire de Perse, qui touchait jusqu'à la Chine et l'Inde.
D'ailleurs, savez-vous pourquoi le Concile de Trente a canonisé la Peshytta pour les églises d'orient ? Est-ce que la Septante est considérée comme canonique ?
Parce que la Pshytta était le texte utilisé pour la célébration liturgique par les Eglises orientales de la même manière que le texte grec pour les églises byzantines et le texte latin pour l'Eglise romaine (C'était avant Vatican II, on ne traduisait pas les célébrations en langue vernaculaires à l'époque)
Et l'Eglise occidentale a surtout choisi un texte occidental, qui s'accorde à sa culture qui préfère les termes précis.
Oui mais l'Eglise a une pensée universelle, non ? Et pas seulement locale.
Elle a vocation à.
Dans les faits, on ne peut que remarquer que les cultures différentes ne sont pas gommées par la référence à la même Bible. Les hérésies et les schismes en témoignent. Un oriental, fût-il chrétien rattaché à l'Eglise catholique, ne pense pas de la même manière qu'un chrétien de rite latin. Les langues sémites ne se construisent pas du tout de la même façon que les langues européennes, tout cela a des liens avec les structures habituelles du discours et de la pensée, c'est normal, c'est humain.
Insérer un sens supplémentaire à l'araméen ? J'ai du mal à y croire. Dans le dialogue avec Pierre, ces deux verbes sont choisis délibéréments par le Christ. Comment des paroles du Christ transmises en pur araméen ne seraient pas calquées sur l'araméen comme les autres, par fidélité ?
Il me semble pourtant l'avoir vu ou entendu dans une conférence du père Guigain. Pas sur ce passage en particulier, notez bien. Le problème avec l'araméen c'est que les subtilités de sens dépendent de beaucoup de choses, bien plus que le grec. Parfois le grec choisit des mots différents, avec une nuance supplémentaire parce que le contexte l'exige. C'est le cas pour "Ceci est mon corps" (sôma) plutôt que sarx, qui signifie plutôt chair, alors que c'est le terme utilisé dans le discours de la synagogue en Jean ("qui ne mange pas ma chair n'aura pas la vie eternelle"). Alors que l'araméen utilise le même mot.
Pour le Pierre, m'aimes-tu, je ne voudrais pas m'avancer. Mais ça ne m'étonnerait pas que ce soit le même genre de problème.

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Re: Les thèses de Pierre Perrier

Message non lu par AdoramusTe » lun. 27 juin 2016, 17:11

Vous êtes extrèmement convaincu Libremax ! J'ai l'impression que vous vous y êtes engagé à fond !
Libremax a écrit : Il y a une relative stabilité du grec. Elle est moindre que l'araméen, voilà tout. Il ne faut pas oublier que les textes de l'Ancien Testament, même grecs, sont les plus fiables et les mieux attestés de tous les textes de l'Antiquité.
Les manuscrits de Qumran montrent qu'il existaient des variantes dans les textes de l'A.T.
Mais il ne faut pas oublier que nos manuscrits ne sont pas les textes d'origine. Ce sont des textes de plusieurs mains successives. Le texte grec que nous lisons a connu les aléas des erreurs et des reformulations. Très légères, au regard de l'ensemble du texte, mais néanmoins dix fois supérieures, si je me souviens bien, à l'araméen.
Mais proportionnellement ? On a bien moins de textes araméens que de textes grecs me semble-t-il ? Les orientaux auraient pratiqué l'oralité plus longtemps donc.
Ce que vous citez du père Guigain concerne la prédication des apôtres en milieu hellénophone quand ils étaient accompagnés d'un traducteur( comme Pierre et Marc). Mais très vite des groupes hellénophones ont voulu célébrer en grec, il a fallu donc des traductions globales indépendantes de la présence d'un apôtre. C'est ce que signifie en fait la nomination des "diacres" au début des Actes Apôtres, qui étaient en fait des disciples entièrement attachés à la communauté hellénophone.
C'est attesté comme tel ou c'est une hypothèse ?

Principalement sous le contrôle des Apôtres, au début (sauf, dit Perrier, quelques traductions sauvages qui se seraient fait sans qu'ils aient eu le temps de les contrôler, parce qu'ils étaient encore en train de composer ).
Les Apôtres ont voyagé et on poursuivi leur prédication accompagnés de traducteurs en direct, comme le décrit le père Guigain,
et puis les années passant, les élites greco-romaines devant se débrouiller sans les Apôtres pour assurer la stabilité de leur texte, ils ont fait comme ils ont pu.
Mais il y aurait donc autant de variantes que de communautés au final ?

Parce que la Pshytta était le texte utilisé pour la célébration liturgique par les Eglises orientales de la même manière que le texte grec pour les églises byzantines et le texte latin pour l'Eglise romaine (C'était avant Vatican II, on ne traduisait pas les célébrations en langue vernaculaires à l'époque)
Je viens de réaliser que les églises byzantines ne sont pas considérés comme orientales d'après ce que vous dites. Donc, elles sont entre l'occident et l'orient. Donc, il y eu une séparation en trois lorsque Rome a opté pour le latin, je présume.
Insérer un sens supplémentaire à l'araméen ? J'ai du mal à y croire. Dans le dialogue avec Pierre, ces deux verbes sont choisis délibéréments par le Christ. Comment des paroles du Christ transmises en pur araméen ne seraient pas calquées sur l'araméen comme les autres, par fidélité ?
Il me semble pourtant l'avoir vu ou entendu dans une conférence du père Guigain. Pas sur ce passage en particulier, notez bien. Le problème avec l'araméen c'est que les subtilités de sens dépendent de beaucoup de choses, bien plus que le grec. Parfois le grec choisit des mots différents, avec une nuance supplémentaire parce que le contexte l'exige. C'est le cas pour "Ceci est mon corps" (sôma) plutôt que sarx, qui signifie plutôt chair, alors que c'est le terme utilisé dans le discours de la synagogue en Jean ("qui ne mange pas ma chair n'aura pas la vie eternelle"). Alors que l'araméen utilise le même mot.
Pour le Pierre, m'aimes-tu, je ne voudrais pas m'avancer. Mais ça ne m'étonnerait pas que ce soit le même genre de problème.
Je vais creuser la question en lui en parlant.
Je serais aussi prêt à contact le fr Bernard Marie pour lui demander son avis.
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Re: Les thèses de Pierre Perrier

Message non lu par Libremax » lun. 27 juin 2016, 17:48

Les thèses de Perrier et Guigain me plaisent ; elles ont, à mon avis, des aspects très pertinents, et recouvrent, quoi qu'il en soit, certaines données bibliques éprouvées que je connais un peu. Mais je sais que ce ne sont que des thèses.
Les manuscrits de Qumran montrent qu'il existaient des variantes dans les textes de l'A.T.
Je voulais parler du Nouveau Testament. Je me suis trompé. Il s'y trouve aussi des variantes. Et pourtant.
Mais proportionnellement ? On a bien moins de textes araméens que de textes grecs me semble-t-il ? Les orientaux auraient pratiqué l'oralité plus longtemps donc.
Proportionnellement, bien sûr, on ne peut juger que sur la quantité des textes qui existent. Les orientaux écrivaient moins de manuscrits, et de plus il paraît qu'ils vivent dans des régions moins propices à leur conservation.
C'est ce que signifie en fait la nomination des "diacres" au début des Actes Apôtres, qui étaient en fait des disciples entièrement attachés à la communauté hellénophone.
C'est attesté comme tel ou c'est une hypothèse ?
C'est une hypothèse qui se déduit de la compréhension de la formation donnée à Jésus à ses disciples dans les textes araméens. Les diacres, compris comme premier niveau du sacerdoce, aurait été initié par Jésus dès le début. Les "72" dont parle Luc seraient en fait des "diacres", c'est à dire des futurs apôtres (pour faire simple). Les diakonos font (probablement) partie des 72. Perrier décortique le texte des Actes et démontre qu'ils étaient une solution apportée au problème grec.
Mais il y aurait donc autant de variantes que de communautés au final ?
Non, puisque ce ne serait pas les communautés qui modifient les textes.
Je viens de réaliser que les églises byzantines ne sont pas considérés comme orientales d'après ce que vous dites. Donc, elles sont entre l'occident et l'orient. Donc, il y eu une séparation en trois lorsque Rome a opté pour le latin, je présume.
Non, les églises byzantines étaient des Eglises occidentales, issues du monde grec, à l'origine. A l'époque de Jésus, la langue principale dans l'empire romain était le grec. Ces églises se sont implantées en Orient par la suite. Je ne saurai dire si l'usage du latin a séparé les latins et les byzantins. Le latin et le grec sont immensément plus proches l'une de l'autre que de l'araméen.

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Re: Les thèses de Pierre Perrier

Message non lu par AdoramusTe » mar. 28 juin 2016, 9:22

Libremax a écrit :Les thèses de Perrier et Guigain me plaisent ; elles ont, à mon avis, des aspects très pertinents, et recouvrent, quoi qu'il en soit, certaines données bibliques éprouvées que je connais un peu. Mais je sais que ce ne sont que des thèses.
Effectivement, elles sont très séduisantes. Néanmoins, en lisant tout ce que vous expliquez, j'ai l'impression qu'il existe un nombre incroyables de paramètres et d'inconnues. Je n'ai pas le sentiment qu'on puisse affirmer les choses de façon définitive.
Dans son intervention à Eleutheros, il parle d'arguments imparables quant à la primauté de l'araméen...

C'est attesté comme tel ou c'est une hypothèse ?
C'est une hypothèse qui se déduit de la compréhension de la formation donnée à Jésus à ses disciples dans les textes araméens. Les diacres, compris comme premier niveau du sacerdoce, aurait été initié par Jésus dès le début. Les "72" dont parle Luc seraient en fait des "diacres", c'est à dire des futurs apôtres (pour faire simple). Les diakonos font (probablement) partie des 72. Perrier décortique le texte des Actes et démontre qu'ils étaient une solution apportée au problème grec.
J'imagine que tout est expliqué dans les livres de Perrier...
Non, les églises byzantines étaient des Eglises occidentales, issues du monde grec, à l'origine. A l'époque de Jésus, la langue principale dans l'empire romain était le grec. Ces églises se sont implantées en Orient par la suite. Je ne saurai dire si l'usage du latin a séparé les latins et les byzantins. Le latin et le grec sont immensément plus proches l'une de l'autre que de l'araméen.
Mais alors, pourquoi le Concile de Trente a canonisé la Peshytta pour l'orient et la Vulgate pour l'occident ? On ne parle pas du grec ?
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Re: Les thèses de Pierre Perrier

Message non lu par Libremax » mar. 28 juin 2016, 10:30

Bonjour AdoramusTe,
il y a de fait un grand nombre de "paramètres" dans les thèses de Perrier, Guigain, etc. Parmi ces données, il y a des données historiques, qui ne posent pas de problème, il y a aussi des données patristiques ou traditionnelles, qui ont été globalement rejetées par la critique moderne, et il y a des données linguistiques qui échappent à une grande partie des exégètes d'aujourd'hui.
Le problème est que, à partir de ce socle qui demande déjà de solides connaissances et une certaine prudence, Perrier propose des hypothèses supplémentaires sur l'histoire de la fabrication des Evangiles qui demanderaient à être démontrées. L'intérêt de leur travail est de produire ce qu'ils appellent eux-mêmes un "faisceau d'indices convergents", qu'ils étayent progressivement au cours des ans. A mon sens, le tableau qu'ils dressent présente une remarquable cohérence, même si parfois certains détails sont déconcertants.

En tant que lecteur lambda, on ne peut donc sans doute pas en parler de manière "définitive". En tout cas ses interventions démontrent bien que l'exégèse classique ne se gêne pas pour affirmer de manière tout à fait définitive des présupposés qui ne sont en aucun cas vérifiés, ou qui peuvent être remis en question.
Pour ce qui est de la primauté de l'araméen, qui est le coeur de ces thèses, l'ennui est qu'il faut faire crédit aux araméophones, et que leur compétence est bigrement plus compliquée à accéder que celle de la compréhension du grec et du latin, et même l'hébreu. Mais sur ce plan pratiquement personne ne les contredit, sauf quelques biblistes dont les arguments ne semblent pas aller très loin (des considérations convenues du genre "les aramaïsmes sont dus aux origines sémites des rédacteurs grecs des évangiles").
Mais alors, pourquoi le Concile de Trente a canonisé la Peshytta pour l'orient et la Vulgate pour l'occident ? On ne parle pas du grec ?
Je ne connais pas le détail des constitutions du concile de Trente. Mais à l'époque, l'Eglise catholique (qui est de fait l'Eglise latine) célébrait en latin, et et en syriaque en ce qui concernait les Eglises orientales rattachées à Rome. Peut-être n'y avait-il pas de rite grec dans l'Eglise catholique de l'époque. A vérifier.
Cela dit, par une telle "canonisation", l'Eglise n'a fait que consacrer la Vulgate et la Pshytta comme textes de référence pour la liturgie. Tout le monde savait que le NT de la Vulgate venait des textes grecs.

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Re: Les thèses de Pierre Perrier

Message non lu par Fée Violine » mar. 28 juin 2016, 14:06

l'exégèse classique ne se gêne pas pour affirmer de manière tout à fait définitive des présupposés qui ne sont en aucun cas vérifiés, ou qui peuvent être remis en question.
Oui, c'est même assez agaçant. D'autant plus que les modes changent de temps en temps, on ne sait trop pourquoi.

(décidément ce fil est un régal :amoureux: )

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Re: Les thèses de Pierre Perrier

Message non lu par AdoramusTe » mer. 29 juin 2016, 17:12

Libremax a écrit :Bonjour AdoramusTe,
il y a de fait un grand nombre de "paramètres" dans les thèses de Perrier, Guigain, etc. Parmi ces données, il y a des données historiques, qui ne posent pas de problème, il y a aussi des données patristiques ou traditionnelles, qui ont été globalement rejetées par la critique moderne, et il y a des données linguistiques qui échappent à une grande partie des exégètes d'aujourd'hui.
Le problème est que, à partir de ce socle qui demande déjà de solides connaissances et une certaine prudence, Perrier propose des hypothèses supplémentaires sur l'histoire de la fabrication des Evangiles qui demanderaient à être démontrées. L'intérêt de leur travail est de produire ce qu'ils appellent eux-mêmes un "faisceau d'indices convergents", qu'ils étayent progressivement au cours des ans. A mon sens, le tableau qu'ils dressent présente une remarquable cohérence, même si parfois certains détails sont déconcertants.
Je comprends. Cela mériterait largement une confrontation universitaire. On en revient toujours au même point.

Par exemple, sur la question du grec de la koinè, Perrier affirme qu'il n'a jamais existé. Or, de l'avis d'un chercheur en textes grecs -- aussi bien religieux que profanes -- de l'époque qui m'a été communiqué, il ne fait aucun doute que le grec de la koinè a existé.
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Re: Les thèses de Pierre Perrier

Message non lu par Libremax » mer. 29 juin 2016, 18:40

AdoramusTe a écrit :Je comprends. Cela mériterait largement une confrontation universitaire. On en revient toujours au même point.

Par exemple, sur la question du grec de la koinè, Perrier affirme qu'il n'a jamais existé. Or, de l'avis d'un chercheur en textes grecs -- aussi bien religieux que profanes -- de l'époque qui m'a été communiqué, il ne fait aucun doute que le grec de la koinè a existé.

Le problème de la koinè est vraisemblablement une question de vocabulaire. Ce ne sont pas les universitaires qui ont inventé le terme. Ce que Perrier nie, c'est le grec du Nouveau Testament Nestlé Alland, que deux auteurs ont édité en synthétisant, en choisissant aléatoirement parmi une foule de manuscrits -et donc, de versions grecques, différents. Je ne pense pas qu'il nie l'existence de la koinè ; peut-être ne la définit-il pas comme les autres.

Le fait est qu'il n'y a plus de contact entre le monde universitaire et les chercheurs sur l'oralité depuis les travaux du fondateur, Marcel Jousse. hélas, j'ai bien peur qu'une simple confrontation soit d'emblée vouée à l'échec. Je ne crois pas du tout l'exégèse universitaire capable de remettre en question ses propres fondements au point d'accueillir une présentation de ces travaux. d'autant que si j'ai bien compris, une telle présentation doit suivre un protocole bien défini, il faut que des postes haut placés introduisent les travaux en question.

A vrai dire, je ne crois pas qu'il puisse y avoir une université, quelle qu'elle soit, quels que soient ses domaines, sans une idéologie qui la fonde. Et l'idéologie de l'université d'aujourd'hui est baignée de la pensée des Lumières, qui ont permis un essor formidable pour la science, mais qui ont fermé définitivement la porte à la spiritualité et à la foi en Dieu. Je crois fondamentalement que, même si elle est honnête et cherche la vérité, l'exégèse d'aujourd'hui se ferme totalement à l'accueil du Christ, et qu'elle se voue plus ou moins sciemment à un athéisme programmé. Les exégètes sont souvent athées, perdent souvent la foi, vident souvent les sacrements et la tradition de l'Eglise de leur sens et de leur substance : c'est un constat.

Ce que j'appellerais des passerelles entre le monde universitaire et ces recherches pourraient être possibles : une redécouverte des particularités de la Pshytta, les recherches sur les anciennes églises orientales et les traditions sur Thomas, l'archéologie chrétienne, la poursuite des travaux de Marcel Jousse sur l'oralité et ses applications à l'Evangile... Mais ce seront toujours des travaux mal vus, je pense.

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