AdoramusTe a écrit :On peut dire que la langue grecque omniprésente dans le bassin méditerranéen a favorisé la christianisation dans cette région. Je ne sais pas si la philosophie grecque a son équivalent et une telle portée. On pense aussi à l'expression des dogmes dans les premiers conciles que la pensée grecque a facilité à exprimer.
Je ne parle pas des autres zones géographiques. Mais le centre de gravité est tout de même resté toujours là, même si je veux bien croire que les zones araméennes étaient plus étendues, d'après Pierre Perrier.
Oui, c'est cela : la pensée grecque a favorisé l'expression des dogmes. Mais là aussi, on pourrait remarquer que l'Eglise catholique, qui s'est centralisée au coeur de l'empire romain, a hérité de certains aspects de sa culture et de ses modes de pensée. Par exemple, les orientaux ressentent beaucoup moins le besoin de définir et de conceptualiser la théologie en s'aidant de termes abstraits. C'est en partie à cause de cela que la séparation a eu lieu. Attention, je ne parle pas du schisme de 1054, qui est interne à l'Eglise d'occident. La séparation d'avec les chrétiens d'Orient s'est passée au concile d'Ephèse en 431. Heureusement, les Eglises ont commencé une large réconciliation.
Vous pouvez me citer des passages des Actes qui montrent l'évidence que Paul s'aidait de traducteurs ?
Par exemple, le discours à l'Aréopage ne le laisse pas entendre.
...Ça vous embête si je vous fais ça une autre fois? Je ne vous demande pas de me croire sur parole sur ce point là. C'est un point développé par Perrier et Guigain ici et là, ils avaient des exemples, des noms et des extraits de textes qui mettaient bien ça en lumière... laissons cela à eux, ce n'est pas un point essentiel.
Le passage de l'aréopage ne parle pas tout à fait de la même question ; de fait, le discours que nous restitue les Actes ne rentre pas beaucoup dans les détails de la christologie qu'il développe par ailleurs dans ses épîtres. Le recours à un traducteur, de plus, correspond aussi à l'habitude judéo-chrétienne qui consiste à enseigner à l'oral plutôt qu'à l'écrit. Le maître parle, et c'est toujours un secrétaire qui écrit. Luc aurait été l'un de ces secrétaires (et Marc, en son temps, pour Pierre).
Plusieurs raisons : le climat chaud et humide défavorable à la conservation des parchemins. L'usage moindre de l'écrit dans la culture chrétienne orientale, qui utilise beaucoup plus l'oral, et surtout, qui est réservé au travail des moines beaucoup plus qu'en occident où on a eu recours aussi à des ateliers privés de copistes. Un massacre gigantesque, dont on a peu l'idée et que l'Histoire oublie un peu, des chrétiens orientaux par Tamerlan au XIVe siècle.
Tout est envisageable en effet. Mais rien de factuel.
Ma foi, je ne sais pas ce qu'il vous faut. Les tueries de Tamerlan sont des faits bien concrets, hélas, et la culture de l'écrit chez les chrétiens d'Orient aussi.
Il semblerait que Luc ait écrit en grec et en araméen. Il est l'exemple typique du chrétien qui est au croisement des cultures araméophone et hellénophone, mais juives.
Il semblerait ? Quels sont les éléments ?
Dans les Actes et selon la Tradition, Luc accompagne Paul dans ses missions en territoire hellénophone : c'est un helléniste. Mais ce genre de responsabilité, celle qui le met directement en contact avec un apôtre missionnaire, implique une appartenance à la culture juive araméenne d'origine. De fait, le texte araméen de Luc dans la Pshytta présente exactement les mêmes types de structures orales que les autres. Il y a fort à parier, si on pousse le bouchon plus loin, que, comme le dit la Tradition là encore, Luc ait en effet ajouté des morceaux à ce qui était d'abord un évangile selon St Paul.
Mais pourquoi l'araméen ne se limiterait pas à l'oral, et que les premiers écrits soient grecs uniquement ?
C'est quasiment ce qui s'est passé, tellement la pratique de l'oral était pregnante dans la société juive (et donc, judéo-chrétienne). Seulement, nous avons ce texte araméen qui démontre, selon Perrier et les autres, son origine précoce, et puis les témoignages des pères qui parlent de textes publiés en "langue des hébreux". Enfin, l'usage de l'écrit n'était pas absent de la société de l'époque. Il existait des mises par écrit, mais elles n'avaient pas le rôle fondamental que les livres et les écrans ont aujourd'hui. Pour les juifs du temps de Jésus, c'était des aide-mémoire, des sécurités en cas de catastrophe, mais ça s'arrêtait là. Les textes étaient appris, sus et proclamés.
Il y a une chose qui me surprend aussi, c'est la sympathie qu'il a pour les textes latins. Selon lui, les premiers textes latin ont été faits directement sur l'araméen. Je ne sais pas sur quoi il s'appuie. De même, je l'ai entendu dire que la Bible d'Alcuin (Charlemagne) a été révisée suivant les textes araméens, mais je n'en ai trouvé aucun trace ailleurs.
D'une certaine manière, ça me fait plaisir car je déplore l'abandon des traductions latines dont la Vulgate, bien qu'en usage pendant 1600 ans dans l'Eglise latine et d'une qualité remarquable, sans oublier de dire qu'elle est un témoin unique d'un A.T. hébreux que nous n'avons plus.
Eh bien, il s'appuie sur les textes, et leurs sens. Mais quand il parle des textes latins plus fidèles que la majorité des textes grecs, il parle surtout des "Vetus Latina", ces versions latines antérieures à la Vulgate, qui pour le Nouveau Testament, a repris aussi les textes grecs, et Jérôme prenait des libertés, si je ne me trompe. Je ne sais plus comment il explique cette fidélité des textes latins. Il semble me souvenir que c'était une question purement linguistique. La contrainte des traducteurs n'était pas seulement de restituer le sens, mais aussi, autant que possible, la rythmique du texte. Et il se trouverait que le latin y parviendrait plus souvent que le grec.
Mais bon, là il faut lire ses livres, et en ce qui me concerne, en relire certains.