Dans l'article de Wikipédia : Evangile selon Luc, dont je suis l'auteur (actuel, car ça peut évoluer !) voici ce que j'écris à propos de :
La généalogie lucanienne de Jésus.
La généalogie donnée par saint Matthieu était une généalogie royale, partant d’Abraham et passant par David, par Salomon et par tous les rois de Juda (la dynastie de David). Au contraire la généalogie lucanienne de Jésus se voudrait une généalogie ascendante, de Jésus à Adam, père de l’humanité, et passant par Nathan, autre fils de David.
Comme l’enseignait saint Irénée, père de l’Eglise, cette généalogie serait la « récapitulation d’Adam », autrement dit Jésus deviendrait en quelque sorte l’ancêtre d’Adam et par lui de tous les hommes.
La généalogie de Matthieu cherchait à convaincre les juifs que Jésus était bien le Messie attendu, le « fils de David », c’est-à-dire l’héritier légitime des rois de Juda. Celle de Luc ne voudrait que renseigner les chrétiens, les « Théophiles » de Lc 1,3, sur l’origine réelle et charnelle de Jésus, Fils de Dieu,
« concernant son Fils, issu de la lignée de David selon la chair » (Rm 1,3) comme disait Paul.
Ce fut sans doute sur l’ordre de Paul, dont il était le collaborateur immédiat, que Luc aura inséré en cet endroit de
« mon évangile » (Rm 2,16), juste après le récit du baptême dans le Jourdain, la généalogie exacte de Jésus, alors que celle de Matthieu n’était de son propre aveu à elle (cf. Mt 1,16) qu’une généalogie officielle et putative.
Saint Irénée a défendu vigoureusement ce point de vue, affirmant à plusieurs reprises que Marie était elle-même descendante de David et que « C’est de Marie encore vierge qu’à juste titre il (Jésus) a reçu cette génération qui est la récapitulation d’Adam.»
Dans le libellé de la généalogie de Luc on lit :
« Et ce Jésus était, en commençant, âgé d’environ trente ans, étant fils de (croyait-on Joseph), d’Héli, de Matthat, ... de Nathan, de David, de Jessé, … , d'Abraham, ... de Noé, ... de Seth, d’Adam, de Dieu. »
L’incise (croyait-on Joseph) est une négation, comme on le sait par les deux premiers chapitres de l’évangile : Jésus n'était pas réellement le fils de Joseph.
Mais cette négation ne porte que sur le premier terme de la liste, sous peine d’aboutir tout de suite à des absurdités : Jésus ne serait pas le fils de Joseph, ni d’Héli, ni de Nathan, ni de David, ni de Jessé, ni d’Abraham, ni de Noé, ni d’Adam, ni de Dieu !
On ne voit pas dans quel intérêt, apologétique ou documentaire, Luc aurait inséré dans son évangile une généalogie qu’il aurait su fausse de bout en bout.
Elle était certainement authentique, non seulement dans l’esprit d’Irénée, mais encore dans l’esprit de saint Luc.
Jésus est vraiment, par Marie sa mère, fils ou descendant
« d’Héli, de Matthat, … de Nathan, de David, de Jessé, …, d'Abraham, ... de Noé, ... de Seth, d’Adam, de Dieu. »
Dans le Talmud, Marie, mère de Jésus, est formellement identifiée comme « fille d’Héli » (Chagig. 77,4.)
Héli, diminutif d’Eliacin (Dieu élève), pouvait être l’équivalent de Joachim (Yahvé élève), nom attribué par la tradition au père de Marie.
D’ailleurs, objectivement, dans le récit de l’Annonciation, quand l’ange dit à Marie ;
« Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père » (Lc 1,32), ce ne serait que par Marie qu’il pourrait être dit le véritable
« fils de David », puisque quelques instants plus tard nous apprenions qu’il serait conçu du Saint-Esprit.
Saint Irénée devait répéter sur tous les tons que Marie était ce « sein de David », prédit par le psaume pour porter le Fils de Dieu. (Cf. Ps 132,11).