Différences des généalogies dans les Évangiles

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Carolus
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Re: Différences des généalogies dans les Évangiles

Message non lu par Carolus » ven. 12 oct. 2018, 23:43

Xavi a écrit :
mar. 09 oct. 2018, 12:12
Xavi (mar. 09 oct. 2018) :

En outre, enfin, dans votre compte, vous avez certes une liste successives de 42 personnes, y compris Joseph, mais vous n’avez pas 42 engendrements successifs. Une « génération », selon le dictionnaire, c’est une « action d’engendrer ». C’est le fait qu’un ascendant engendre un descendant.
Cette « action d’engendrer » n'est pas la seule définition du terme « génération », cher Xavi. :non:

Une « génération », selon le dictionnaire, c’est aussi « l'ensemble des personnes vivant dans le même temps et étant à peu près du même âge ».
1. Abraham engendra Isaac,
[…]
27. Josias engendra Jékonias (Jéchonias) [et ses frères : Joakim, etc.]

[28. Joakim, le frère de Jékonias (Jéchonias), engendra Jékonias (Jéchonias)]

28. [29.] Jékonias (Jéchonias) [le fils de Joakim] engendra Salathiel,
29. [30.] Salathiel engendra Zorobabel,
[…]
41. [42.] Jésus, que l’on appelle Christ.
S. Matthieu nous dit que " Josias engendra Jéchonias et ses frères " (Mt 1,11).

Première génération : Josias fait partie de la génération parente.
Deuxième génération : Jéchonias et son frère Joakim font partie de la génération filiale.

Jéchonias et son frère Joakim font donc partie d’un groupe « vivant dans le même temps et étant à peu près du même âge ».

Jéchonias et son frère Joakim font partie de la vingt-huitième génération.

S. Matthieu nous dit aussi que " Jacob engendra Joseph l'époux de Marie, de laquelle est né Jésus, qu'on appelle Christ " (Mt 1, 16).

Première génération : Joseph et Marie font partie de la génération parente.
Deuxième génération : Jésus fait partie de la génération filiale.

Jésus fait partie de la quarante-deuxième génération depuis Abraham en ce qui concerne les critères de S. Matthieu.

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Xavi
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Re: Différences des généalogies dans les Évangiles

Message non lu par Xavi » sam. 13 oct. 2018, 10:24

Bonjour Carolus,

Oui, le mot génération peut avoir plusieurs sens. Mais, pour le reste, il me semble que vous laissez sans réponse, ni réaction, beaucoup d’observations et de réflexions des messages de ce fil concernant le sujet principal qui permettent de penser que la généalogie de St Matthieu est celle de Jésus-Christ par Marie, puisque Joseph n’est pas son père, et qu'il n’y a aucune contradiction avec la généalogie de Joseph qui est donnée par St Luc.

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Carhaix
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Re: Différences des généalogies dans les Évangiles

Message non lu par Carhaix » sam. 13 oct. 2018, 16:45

Pour reprendre un peu le fil de cette conversation :

La généalogie de Saint Mathieu, qui met en évidence celle du rachat des péchés de la maison royale de Juda (alors que celle de Saint Luc met en évidence le sacerdoce, et la lignée prophétique), elle mène bien à Joseph, qui est le père légal du Christ. La parenté légale n'est pas rien, elle est fondamentale pour rattacher le Nouveau à l'Ancien Testament. Donc, il s'agit bien de la généalogie de Joseph, qui détermine la parenté à la fois légale, et royale (même si la généalogie qui mène à Marie a aussi son importance, mais pour d'autres raisons).

Concernant le découpage en 42, ou 3 x 14 générations, il y a bel et bien un hiatus au moment de la déportation. Avant d'arriver ici, l'évangéliste avait déjà retranché trois générations entre Joram et Osias, passant de la 20e à la 21e génération : Ochosias, Joas et Amasias ont été retranchés, à cause de la malédiction sur trois générations consécutives au règne calamiteux de Joram. Cet exemple montre que Mathieu ne s'embarrasse pas d'exactitude historique, et qu'il vise surtout à établir une lignée légitime, ou légale. Par décret divin, trois générations sont retranchées, et donc, légalement, n'ont plus leur place dans la généalogie du Christ.

Si l'on lit, de façon littérale, il n'y a en effet que 41 générations. Il y a donc une génération qui en réalité en contient deux. Voyons ce que disent les Pères. Je lis dans la Catena aurea de Saint Thomas d'Aquin (source inestimable) que les Pères ne sont pas, eux-mêmes, tout à fait sûrs (comment le serions-nous mieux qu'eux ?).

Voici la généalogie du Livre des Rois :

Josias
|
Eliachim = Joachim = Jéchonias I ?
|
Jéchonias = Joachin = Jéchonias II ?
|
Salathiel et Phadaïa
|
Zorobabel

St-Chrysostome rappelle que Joachim n'est pas légitime car il fut imposé par Pharaon. Raison pour laquelle Saint-Mathieu le retranche. Mais en le comptant, on arrive à 42. Saint-Jérôme formule une autre hypothèse : il y a deux Jéchonias, celui qui précède la transmigration, et qui a connu la déportation. Et celui qui est né après la déportation, comme le laisse entendre l'Evangéliste : I, 17 : "et depuis qu'ils furent transportés à Babylone jusqu'au Christ, quatorze générations." Ce serait donc qu'entre avant et après la déportation, il faut admettre deux générations, et non une. Et donc deux Jéchonias.

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Re: Différences des généalogies dans les Évangiles

Message non lu par Xavi » sam. 13 oct. 2018, 18:56

Bonsoir Carhaix,

Merci pour votre contribution.
Carhaix a écrit :
sam. 13 oct. 2018, 16:45
Carhaix écrit :
La généalogie de Saint Mathieu, qui met en évidence celle du rachat des péchés de la maison royale de Juda (alors que celle de Saint Luc met en évidence le sacerdoce, et la lignée prophétique), elle mène bien à Joseph, qui est le père légal du Christ. La parenté légale n'est pas rien, elle est fondamentale pour rattacher le Nouveau à l'Ancien Testament. Donc, il s'agit bien de la généalogie de Joseph, qui détermine la parenté à la fois légale, et royale (même si la généalogie qui mène à Marie a aussi son importance, mais pour d'autres raisons).
Personne ne conteste que la généalogie de Saint Matthieu « mène bien à Joseph », mais avec la précision qui la suit selon laquelle Joseph n’est pas le père de Jésus. Cette généalogie n’est pas présentée comme celle de Joseph, ni comme une généalogie légale, mais comme l’histoire ou les origines (« Biblos ») de Jésus-Christ.

Personne ne conteste non plus que « La parenté légale n'est pas rien, elle est fondamentale », mais, outre la généalogie légale exclusivement masculine, l’incarnation réelle du Christ, conçu sans père humain, dans l’histoire réelle, n’est pas moins importante, ni moins fondamentale. Nous avons chacun d’autres généalogies par les branches féminines de chaque génération. La vraie généalogie humaine de Jésus ne peut remonter que par Marie, puisque Joseph n’est pas le père réel. Ce qui est possible et sans contradiction avec la généalogie de St Luc si Joseph et Marie ont un ancêtre commun qui peut avoir engendré et Joseph et Marie.

Pour le surplus, je ne vois pas en quoi la généalogie de St Luc « met en évidence le sacerdoce et la lignée prophétique » comme vous l’affirmez. Elle établit la lignée royale légale de Jésus, mais en étant limitée à une liste d’ascendants successifs exclusivement masculins qui mène à Adam, fils de Dieu. Sans aucune autre référence. C’est une généalogie légale aussi simplifiée que possible. Elle détermine la parenté légale et royale de Jésus-Christ, comme fils de Joseph « selon ce qu’on pensait », mais cette généalogie de St Luc n’est pas la généalogie réelle, naturelle, biologique, de Jésus.
Carhaix a écrit :
sam. 13 oct. 2018, 16:45
Carhaix écrit :
Concernant le découpage en 42, ou 3 x 14 générations, il y a bel et bien un hiatus au moment de la déportation. Avant d'arriver ici, l'évangéliste avait déjà retranché trois générations entre Joram et Osias, passant de la 20e à la 21e génération : Ochosias, Joas et Amasias ont été retranchés, à cause de la malédiction sur trois générations consécutives au règne calamiteux de Joram. Cet exemple montre que Mathieu ne s'embarrasse pas d'exactitude historique, et qu'il vise surtout à établir une lignée légitime, ou légale. Par décret divin, trois générations sont retranchées, et donc, légalement, n'ont plus leur place dans la généalogie du Christ.
Il me semble que votre exemple ne démontre pas du tout votre affirmation que « Mathieu ne s'embarrasse pas d'exactitude historique ». Au contraire, sa généalogie est construite mais très précise et rigoureuse historiquement. Un récit historique est toujours composé de faits sélectionnés dans une masse illimitée d'autres faits omis. Et ici, le mot "engendrer" comme l’expression "fils de" peut sauter des générations sans altérer l'exactitude historique. Le fait que trois générations sont omises ne diminue en rien l’exactitude historique du verset qui affirme que « Joram engendre Josias ».

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Re: Différences des généalogies dans les Évangiles

Message non lu par gerardh » sam. 13 oct. 2018, 19:51

Matthieu est l'évangile du Roi. Une généalogie est nécessaire ici pour placer d'emblée le Messie dans le cadre des promesses faites à Abraham et prouver de façon irréfutable son titre d'héritier au trône de David (Gal. 3 v. 16 et Jean 7 v. 42). De cette longue liste, certains noms tristement illustres (Achaz, Manassé, Amon…) n'ont pas été effacés. D’autres: Rachab (Rahab), Ruth, la femme d’Urie, rappellent la grâce divine qui se manifeste envers ceux et celles qui n’avaient aucun droit. C’est cette grâce qui maintenant va donner un Sauveur à Israël, au monde entier... et donc à vous et à moi. Qu'il s'agisse d'un patriarche, d'un roi, ou d'une femme peu recommandable, chacun a besoin du même salut et du même Évangile.

Dans Luc, la généalogie du Seigneur par Marie remonte à Adam et à Dieu, attestant sa qualité de Fils de l'homme en même temps que de Fils de Dieu. Matt. 1 v. 1 à 17 établissait son titre de Fils de David et d'Abraham, Héritier des promesses divines à Israël.


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Re: Différences des généalogies dans les Évangiles

Message non lu par Xavi » sam. 13 oct. 2018, 20:15

Bonsoir Gérardh,

Comment pouvez-vous affirmer que dans Luc c’est « la généalogie du Seigneur par Marie » ?

Rien, ni dans le texte lui-même, ni dans le contexte, ne justifie cet a priori que vous reprenez sans rien répondre à tout ce qui a été exposé dans ce fil.

St Luc nous dit clairement et sans ambiguïté que c’est la généalogie de Joseph. Pourquoi soutenir le contraire par un raisonnement qui est contraire à ce que dit cette généalogie qui est une succession de « fils de ». Joseph est « fils d’Éli, fils de Matthate » ? Marie n’est tout de même pas « fils de Éli » !

Merci d’être davantage attentif aux messages qui précèdent.

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Re: Différences des généalogies dans les Évangiles

Message non lu par Carhaix » sam. 13 oct. 2018, 22:55

Xavi a écrit :
sam. 13 oct. 2018, 18:56
Bonsoir Carhaix,

Merci pour votre contribution.
Carhaix a écrit :
sam. 13 oct. 2018, 16:45
Carhaix écrit :
La généalogie de Saint Mathieu, qui met en évidence celle du rachat des péchés de la maison royale de Juda (alors que celle de Saint Luc met en évidence le sacerdoce, et la lignée prophétique), elle mène bien à Joseph, qui est le père légal du Christ. La parenté légale n'est pas rien, elle est fondamentale pour rattacher le Nouveau à l'Ancien Testament. Donc, il s'agit bien de la généalogie de Joseph, qui détermine la parenté à la fois légale, et royale (même si la généalogie qui mène à Marie a aussi son importance, mais pour d'autres raisons).
Personne le conteste que la généalogie de Saint Matthieu « mène bien à Joseph », mais avec la précision qui la suit selon laquelle Joseph n’est pas le père de Jésus. Cette généalogie n’est pas présentée comme celle de Joseph, ni comme une généalogie légale, mais comme l’histoire ou les origines (« Biblos ») de Jésus-Christ.

Personne ne conteste non plus que « La parenté légale n'est pas rien, elle est fondamentale », mais, outre la généalogie légale exclusivement masculine, l’incarnation réelle du Christ, conçu sans père humain, dans l’histoire réelle, n’est pas moins importante, ni moins fondamentale. Nous avons chacun d’autres généalogies par les branches féminines de chaque génération. La vraie généalogie humaine de Jésus ne peut remonter que par Marie, puisque Joseph n’est pas le père réel. Ce qui est possible et sans contradiction avec la généalogie de St Luc si Joseph et Marie ont un ancêtre commun qui peut avoir engendré et Joseph et Marie.

Pour le surplus, je ne vois pas en quoi la généalogie de St Luc « met en évidence le sacerdoce et la lignée prophétique » comme vous l’affirmez. Elle établit la lignée royale légale de Jésus, mais en étant limitée à une liste d’ascendants successifs exclusivement masculins qui mène à Adam, fils de Dieu. Sans aucune autre référence. C’est une généalogie légale aussi simplifiée que possible. Elle détermine la parenté légale et royale de Jésus-Christ, comme fils de Joseph « selon ce qu’on pensait », mais cette généalogie de St Luc n’est pas la généalogie réelle, naturelle, biologique, de Jésus.
Carhaix a écrit :
sam. 13 oct. 2018, 16:45
Carhaix écrit :
Concernant le découpage en 42, ou 3 x 14 générations, il y a bel et bien un hiatus au moment de la déportation. Avant d'arriver ici, l'évangéliste avait déjà retranché trois générations entre Joram et Osias, passant de la 20e à la 21e génération : Ochosias, Joas et Amasias ont été retranchés, à cause de la malédiction sur trois générations consécutives au règne calamiteux de Joram. Cet exemple montre que Mathieu ne s'embarrasse pas d'exactitude historique, et qu'il vise surtout à établir une lignée légitime, ou légale. Par décret divin, trois générations sont retranchées, et donc, légalement, n'ont plus leur place dans la généalogie du Christ.
Il me semble que votre exemple ne démontre pas du tout votre affirmation que « Mathieu ne s'embarrasse pas d'exactitude historique ». Au contraire, sa généalogie est construite mais très précise et rigoureuse historiquement. Un récit historique est toujours composé de faits sélectionnés dans une masse illimitée d'autres faits omis. Et ici, le mot "engendrer" comme l’expression "fils de" peut sauter des générations sans altérer l'exactitude historique. Le fait que trois générations sont omises ne diminue en rien l’exactitude historique du verset qui affirme que « Joram engendre Josias ».
Xavi, je ne sors pas de mon chapeau ce que "j'affirme". Je reprends ce que disent d'anciens auteurs, et qu'enseigne la Tradition. Je ne crois pas avoir lu de passage des Pères parlant de généalogie "biologique" (mais peut-être qu'il en est question, il faudrait vérifier). Sinon, les textes évangéliques se bornent à aboutir à Joseph. En revanche, le lien légal est souvent rappelé par les anciens Pères comme un aspect important du Nouveau Testament. Autrefois, on fêtait au 1er janvier la Circoncision du Seigneur. Et au 2 février, la Purification de Marie. Qu'est-ce que cela signifie, puisque le Christ n'a pas besoin d'être circoncis, ni Marie d'être purifiée ? Cela signifie que Dieu a voulu rendre légale l'incarnation du Christ, du point de vue de la Loi Mosaïque, afin d'articuler parfaitement l'Ancien et le Nouveau Testaments, qui se valident mutuellement, pour ainsi dire, et attester juridiquement le sacerdoce et la royauté du Christ. Or, selon la Loi de Moïse, Joseph est bel et bien le père légal de Jésus Christ, et c'est par Joseph, du point de vue de la Loi, que le Christ est issu de lignée royale, de la lignée de David. Si le recensement a lieu à Béthléem, c'est parce que Joseph est issu de David.

Ensuite, si je dis que la généalogie de Saint Mathieu représente la lignée royale, et la rémission des péchés, et que celle de Saint Luc est la lignée prophétique et sacerdotale, ce n'est pas moi qui l'invente, mais c'est ce que disent les Pères. Je n'ai plus de références en tête, mais je l'ai lu des quantités de fois. Et vous trouverez cette idée formulée de façon concise, dans l'admirable Catena aurea de Saint Thomas d'Aquin. Saint Mathieu part de la relation pécheresse de David avec la femme d'Urie, en passant par Salomon pour arriver jusqu'à Joseph : une généalogie descendante, marquée par le péché, qui a besoin d'être racheté par le Sauveur : le Christ. Saint Luc, au contraire, part du Christ pour remonter à Adam, puis à Dieu, en passant cette fois non pas par Salomon, le fils du péché, mais par Nathan, le prophète. Et cette généalogie n'est pas précisée à n'importe quel endroit : précisément lors du baptême du Christ, où l'Esprit Saint descend sur lui, où il reçoit l'onction qui fait de lui le "Christ", juste avant de commencer sa prédication et sa vie publique. Cette généalogie ascendante, qui monte du Christ jusqu'à Dieu, permet d'illustrer l'origine divine du Christ.

Pourquoi est-elle différente de celle de Saint Mathieu ? Pourquoi passe-t-elle par des ascendants différents ? Mes lectures remontent loin, mais les Pères (je l'ai peut-être lu chez Eusèbe de Césarée) savaient beaucoup de choses sur la famille de Joseph et celle de Marie. Il semble que la mère de Joseph s'était remariée, de telle sorte qu'il avait deux pères : l'un selon la chair, l'autre selon la loi (je dis tout cela de mémoire) : d'où les deux chemins différents pris par les deux généalogies. Et il est possible, justement, que l'une d'entre elles rejoigne celle de Marie, puisque, je crois me souvenir, Marie et Joseph étaient d'assez proches parents.

Edit : corrections.
Dernière modification par Carhaix le dim. 14 oct. 2018, 10:53, modifié 1 fois.

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Re: Différences des généalogies dans les Évangiles

Message non lu par Carolus » dim. 14 oct. 2018, 4:28

Xavi a écrit :
sam. 13 oct. 2018, 10:24
Xavi :
Bonjour Carolus,

Oui, le mot génération peut avoir plusieurs sens.
Merci, cher Xavi.

gerardh
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Re: Différences des généalogies dans les Évangiles

Message non lu par gerardh » dim. 14 oct. 2018, 8:35

__________

Bonjour Xavi,

J'avoue en effet n'avoir pas eu la constance de consulter 9 planches de contributions avant de publier la mienne. Au passage je remercie les modérateurs d'avoir bien voulu me laisser m'exprimer.

La généalogie de Luc était elle ou non la généalogie par Marie ? je me sens bien incompétent pour avoir un avis propre, et c'est pourquoi je me permets de reprendre ci-après ce que d'autres plus éclairés que moi ont écrit :

La généalogie dans Luc s’accorde avec la pensée que Dieu agit en grâce dans l’homme et envers l’homme. Jésus, le Fils bien-aimé de Dieu, a une généalogie qui remonte jusqu’à Adam et jusqu’à Dieu. Jésus est Fils de l’homme ; il est héritier dans ce sens et vient revendiquer l’héritage que Dieu donna à l’homme.

La généalogie de Jésus, du côté de sa mère, termine ce chapitre, tandis que Matthieu nous la donne du côté de Joseph, en partant d’Abraham, souche de la promesse, comme il convenait à l’Évangile qui présentait le Messie. La généalogie de Luc, celle du Fils de l’homme, part de Jésus par Marie pour arriver à Dieu par Adam. Si on enlève tous les noms de Joseph (v. 24) à Adam, il reste « Fils de... Dieu » (v. 38), ce qu’il était tout en étant Fils de l’homme.

Cela implique que l’auteur de l’évangile était parfaitement conscient que Jésus n’était pas un simple homme, qu’il n’était pas le fils de Joseph, sauf aux yeux des hommes. Je présume que la généalogie était en réalité celle de Marie ; mais Marie étant la femme de Joseph, Il pouvait être « comme on l’estimait, fils de Joseph », et ensuite la généalogie est donnée. Cela s’accorde avec le caractère de l’évangile, parce que le Seigneur Jésus n’était pas un homme en raison de son lien avec Joseph, mais de son lien avec Marie. La réalité de Son humanité dépendait du fait qu’Il était fils de Marie, d’Héli ; néanmoins Il était, comme on l’estimait, fils de Joseph. Héli, comme je le comprends, était le père de Marie ; il s’ensuit qu’ici la généalogie Le rattache à David par Nathan (1 Chr. 3:5) ; c’était la lignée de Sa mère, me semble-t-il. Dans Matthieu, Il dérive de David par Salomon, ce qui était la lignée de Joseph. Or selon l’exigence de la loi, c’était le père qui Lui donnait Son titre, Son droit, et Il avait donc strictement le droit légal au trône de David. Le grand point dans le système juif était le père. Aussi Matthieu nous donne la généalogie royale de Joseph ; mais Luc fournit la lignée maternelle par Marie. C’était en effet la lignée réelle pour l’humanité de Christ ; et le but de Luc était d’attester la grâce de Dieu manifestée dans l’Homme Christ Jésus. L’humanité de Christ a la plus grande place dans tout cet évangile.


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Re: Différences des généalogies dans les Évangiles

Message non lu par antoine75 » dim. 14 oct. 2018, 9:58

gerardh a écrit :
dim. 14 oct. 2018, 8:35
Héli, comme je le comprends, était le père de Marie
Joakim est le père de Marie.

De plus, Carhaix introduit un nouvel élément :
Carhaix a écrit : Pourquoi est-elle différente de celle de Saint Mathieu ? Pourquoi passe-t-elle par des ascendants différents ? Mes lectures remontent loin, mais les Pères (je l'ai peut-être lu chez Basile de Césarée) savaient beaucoup de choses sur la famille de Joseph et celle de Marie. Il semble que le père de Joseph s'était remarié, de telle sorte qu'il avait deux pères : l'un selon la chair, l'autre selon la loi (je dis tout cela de mémoire) : d'où les deux chemins différents pris par les deux généalogies. Et il est possible, justement, que l'une d'entre elles rejoigne celle de Marie, puisque, je crois me souvenir, Marie et Joseph étaient d'assez proches parents.
Si le père de Joseph s'est remarié, c'est qu'il reste encore son seul père ! Et si la mère de Jospeph s'est remarié, il pourrait s'agir d'un mariage lévirat, la mère épousant le frère du père de Joseph. Mais si ce n'est pas le cas, la mère de Joseph a peut-être épousé un autre homme d'une autre lignée effectivement, mais qu'en est-il de la loi juive, le nouveau mari de la mère d'un enfant est-il considéré comme un père légal de cet enfant tout autant que son père biologique ? Si ce nouveau père était considéré comme le père légal de Joseph, cette hypothèse me parait crédible : une généalogie biologique de Joseph, et une généalogie légale de Joseph.

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Re: Différences des généalogies dans les Évangiles

Message non lu par Carhaix » dim. 14 oct. 2018, 10:50

gerardh a écrit :
dim. 14 oct. 2018, 8:35
__________

Bonjour Xavi,

J'avoue en effet n'avoir pas eu la constance de consulter 9 planches de contributions avant de publier la mienne. Au passage je remercie les modérateurs d'avoir bien voulu me laisser m'exprimer.

La généalogie de Luc était elle ou non la généalogie par Marie ? je me sens bien incompétent pour avoir un avis propre, et c'est pourquoi je me permets de reprendre ci-après ce que d'autres plus éclairés que moi ont écrit :

La généalogie dans Luc s’accorde avec la pensée que Dieu agit en grâce dans l’homme et envers l’homme. Jésus, le Fils bien-aimé de Dieu, a une généalogie qui remonte jusqu’à Adam et jusqu’à Dieu. Jésus est Fils de l’homme ; il est héritier dans ce sens et vient revendiquer l’héritage que Dieu donna à l’homme.

La généalogie de Jésus, du côté de sa mère, termine ce chapitre, tandis que Matthieu nous la donne du côté de Joseph, en partant d’Abraham, souche de la promesse, comme il convenait à l’Évangile qui présentait le Messie. La généalogie de Luc, celle du Fils de l’homme, part de Jésus par Marie pour arriver à Dieu par Adam. Si on enlève tous les noms de Joseph (v. 24) à Adam, il reste « Fils de... Dieu » (v. 38), ce qu’il était tout en étant Fils de l’homme.

Cela implique que l’auteur de l’évangile était parfaitement conscient que Jésus n’était pas un simple homme, qu’il n’était pas le fils de Joseph, sauf aux yeux des hommes. Je présume que la généalogie était en réalité celle de Marie ; mais Marie étant la femme de Joseph, Il pouvait être « comme on l’estimait, fils de Joseph », et ensuite la généalogie est donnée. Cela s’accorde avec le caractère de l’évangile, parce que le Seigneur Jésus n’était pas un homme en raison de son lien avec Joseph, mais de son lien avec Marie. La réalité de Son humanité dépendait du fait qu’Il était fils de Marie, d’Héli ; néanmoins Il était, comme on l’estimait, fils de Joseph. Héli, comme je le comprends, était le père de Marie ; il s’ensuit qu’ici la généalogie Le rattache à David par Nathan (1 Chr. 3:5) ; c’était la lignée de Sa mère, me semble-t-il. Dans Matthieu, Il dérive de David par Salomon, ce qui était la lignée de Joseph. Or selon l’exigence de la loi, c’était le père qui Lui donnait Son titre, Son droit, et Il avait donc strictement le droit légal au trône de David. Le grand point dans le système juif était le père. Aussi Matthieu nous donne la généalogie royale de Joseph ; mais Luc fournit la lignée maternelle par Marie. C’était en effet la lignée réelle pour l’humanité de Christ ; et le but de Luc était d’attester la grâce de Dieu manifestée dans l’Homme Christ Jésus. L’humanité de Christ a la plus grande place dans tout cet évangile.


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Je pense que votre analyse est juste. Après vérification, c'est dans l'histoire ecclésiastique d'Eusèbe de Césarée : Melchi et Mathan ont été successivement mariés à la même femme. Leurs fils respectifs, Héli et Jacob étaient donc demi frères. Ensuite, Héli est mort sans avoir de fils. Selon la Loi, Jacob a épousé sa veuve pour donner une descendance légale à Héli. Joseph est donc fils d'Heli selon la Loi, et fils naturel de Jacob.

Quant à Marie, selon les Apocryphes, sa mère Anne était la sœur de Jacob, fille de Mathan. Son père, Joachim, descendait du frère de Melchi.

Il n'y a donc pas de lien direct jusqu'à Marie dans la généalogie, car il faudrait passer par Anne, au lieu de Jacob. Mais malgré cela, vous avez raison de dire qu'il y a une lignée royale et légale qui fait du Christ le Messie annoncé par la Loi, et le fils de l'Homme, chez Mathieu, et une lignée divine mettant en avant l'incarnation, puisque passant par les liens naturels et maternels (Marie si on remplace Jacob par Anne), faisant du Christ le fils de Dieu.

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Re: Différences des généalogies dans les Évangiles

Message non lu par Xavi » mar. 16 oct. 2018, 15:58

Bonjour Carhaix,

Merci pour votre contribution qui permet d’avancer davantage dans la discussion de ce fil et de compléter l’éclairage qu’on peut en donner.

Les évangiles apocryphes contiennent beaucoup de détails légendaires qui invitent à la plus grande prudence, même lorsque ces éléments sont repris par de grands théologiens de l’histoire. Mais, ils sont utiles pour comprendre le contexte et ils fournissent des pistes de réflexion.

Dès les premiers siècles, les anciens ont accordé beaucoup d’attention aux différences entre les généalogies des évangiles de St Matthieu et de St Luc. Mais, contrairement à certaines thèses modernes, les anciens ne mettaient pas en doute la véracité historique et l’exactitude de chacune de ces deux généalogies.

L’hypothèse la plus ancienne est celle que vous rapportez et qui a été reprise par Eusèbe de Césarée (263-339) qui l’attribue à Julius l’Africain (160-240), un écrivain des deuxième et troisième siècles. Cette thèse, reprise, notamment, par St Jean Damascène (676-749) (Lib. 4 de Fide orthodoxa, cap. 15 de Domini genealogia et sanctæ Dei Genetricis), considère que Joseph est le fils (naturel, biologique, selon la chair) de Jacob (selon St Matthieu) mais aussi le fils (légal) de Héli (selon St Luc). La veuve de Héli (nommée parfois Estha) aurait successivement épousé Héli puis son frère Jacob selon la loi bien connue dite du lévirat (Dt 25, 5-6) qui voulait qu’un homme (ici : Jacob) épouse la veuve sans enfant de son frère (ici : Héli) pour lui donner une descendance et qui a été évoquée dans les évangiles lors d’une question posée à Jésus qui lui a présenté la situation d’une femme successivement veuve de plusieurs frères (Mt 22, 24 et sv).

Selon Dom Gueranger OSB (1805-1875), il convient de retenir une autre thèse : « Si Joseph, fils de Jacob selon saint Matthieu, reparaît en saint Luc comme fils d’Héli, c’est qu’épousant Marie, la fille unique de cet Héli, ou Héliachim, qui n’est autre que saint Joachim, il était devenu légalement son fils et son héritier.
Telle est l'interprétation généralement admise de nos jours pour expliquer les deux généalogies du Christ, fils de David
».
http://www.abbaye-saint-benoit.ch/guera ... 04/042.htm

Il est exact que « Héli » peut être considéré comme une abréviation de Eliakim et que Eliakim (qui signifie Dieu élève) est un synonyme de Joachim (qui signifie Yahvé élève).

Mais, la réflexion reste ouverte.

Cette alternative, selon laquelle Héli c’est Joachim, le père de Marie, paraît fondée que une base juridique fort faible. Autant la loi du lévirat est bien connue dans l’Écriture, autant on peut, par contre, se demander d’où sort cette autre loi qui permettrait de considérer légalement Joseph comme le fils de Héli, parce qu’il en aurait épousé la fille. C’est très incertain. Pourquoi d’ailleurs St Luc aurait-il caché une si simple explication, omis de préciser que Héli était le père de Marie ?

Ces thèses contradictoires de Julius l’Africain ou de dom Gueranger peuvent résulter d’un raisonnement davantage que de sources historiques fiables car il est exact que si Joseph est à la fois, au premier degré, fils de Jacob et fils de Héli, cela paraît les deux seules explications possibles : soit Joseph serait le fils légal de Héli par la loi du lévirat et serait le fils biologique de Jacob ayant exercé son lévirat, soit Joseph serait cumulativement le fils légal et biologique de Jacob mais aussi le fils légal de Héli pour avoir épousé sa fille unique Marie.

Ces explications ont plusieurs défauts.

Elles ne tiennent pas compte du fait que St Matthieu ne dit pas que Joseph est le « fils » de Jacob (son descendant en ligne masculine) mais seulement que Joseph est « engendré » par Jacob (son descendant en ligne masculine ou féminine).

Elles ne tiennent pas compte non plus du fait que l’expression « fils de » (comme Jésus, fils de David que 28 générations séparent) ou l’expression « engendrer » (comme Joram qui engendre Ozias, son arrière-petit-fils) ne s’appliquent pas qu’au fils au premier degré mais peut s’appliquer à un descendant direct plus éloigné.

Ces réalités ouvrent d’autres explications possibles dont celle qui me paraît la plus convaincante : en l’absence de précision, Joseph est a priori le fils biologique et légal de son père Héli (selon la généalogie de St Luc), et, dans ce cas, Joseph, qui est engendré par un père et une mère, ne peut être « engendré par Jacob » (selon la généalogie de St Matthieu) que parce que la mère de Joseph, épouse d’Héli, est une fille de Jacob. Et la généalogie de Joseph engendré par Jacob, ne peut être la généalogie de Jésus, fils de Marie dont Joseph n’est pas le père que parce que cette généalogie est aussi la généalogie de Marie, fille de Joachim, lui-même fils de Jacob. Ce n’est, bien sûr, qu’une thèse, une piste de réflexion dont les arguments détaillés ont été exposés dans les messages précédents.

Les hypothèses contradictoires de Julius l’Africain et de dom Gueranger ne tiennent aucun compte de l’omission manifeste d’une génération dans le compte de la généalogie construite par St Matthieu sur 3 x 14 générations, et privent Jésus-Christ de toute la richesse de la généalogie de St Matthieu qui ne serait que celle, naturelle ou légale, de Joseph dont on sait qu’il n’est pas le père de Jésus.

Pourquoi commencer l’Évangile et insister par une construction (3 x 14 générations avec des omissions volontaires), des détails sur plusieurs ancêtres féminins, et des péchés graves comme ceux de David ou Jékonias que le Christ vient racheter, en annonçant clairement, une histoire, une généalogie, une origine « de Jésus-Christ », si c’est pour affirmer ensuite directement qu’en réalité cette généalogie ne serait que celle de Joseph qui n’est pas le père de Jésus ?

Cela me semble invraisemblable.

Eusèbe de Césarée a bien mis en évidence qu’il y a deux genres de généalogies : la généalogie légale et publique, exclusivement masculine, qui est celle donnée par St Luc, et la généalogie naturelle. Cette distinction ancienne reste valable pour affirmer que la généalogie de St Matthieu est une généalogie naturelle, selon la chair, comme le pensait Eusèbe.

Voici ce qu’écrit Eusèbe de Césarée (Histoire ecclésiastique, Livre I, Chap. VII La soi-disant divergence dans les évangiles au sujet de la généalogie du Christ) :
« Les évangélistes Matthieu et Luc nous ont transmis différemment la généalogie du Christ : beaucoup pensent qu'ils se contredisent et chacun des fidèles, dans l'ignorance de la vérité, s'est efforcé de découvrir l'explication de ces passages.
Reproduisons donc pour eux le récit venu jusqu'à nous dans une lettre adressée à Aristide, sur l'accord de la généalogie dans les évangiles, par Africain…
Celui-ci réfute d'abord les opinions des autres comme forcées ou erronées; puis il rapporte en ces termes le récit qu'il a recueilli lui-même : « En Israël, les noms des générations étaient comptés selon la nature ou selon la loi : selon la nature par la succession des filiations charnelles; selon la loi, lorsqu'un homme avait des enfants sous le nom de son frère mort sans progéniture... »…
Ainsi ni l'un ni l'autre des évangiles ne commet d'erreur, en comptant d'après la nature ou d'après la loi. Les générations issues de Salomon et celles issues de Nathan sont mélangées les unes aux autres, par suite des résurrections feintes d'hommes sans enfant, de secondes noces, d'attributions de descendants, de sorte que les mêmes personnages sont justement regardés comme descendant, mais de manières différentes, tantôt de leurs pères putatifs, tantôt de leurs pères réels. Ainsi, les deux récits sont absolument vrais et l'on arrive à Joseph d'une façon compliquée mais exacte.

Et, à la fin de la même lettre, Africain ajoute ceci : " Matthan, descendant de Salomon, engendra Jacob. Matthan étant mort, Melchi, descendant de Nathan, engendra de la même femme Héli. Héli et Jacob étaient donc frères utérins. Héli étant mort sans enfant, Jacob lui suscita un descendant et engendra Joseph, son fils selon la nature, le fils d'Héli selon la Loi. Ainsi Joseph était le fils de l'un et de l'autre. "
»
http://fdier02140.free.fr/HE.pdf

Mais, le principal argument contre la thèse de Eusèbe est plus profond. Si la généalogie de St Luc est la généalogie légale de Joseph (ce que je pense aussi, conformément à l’avis de Eusèbe de Césarée et de St Jean Damascène), quel intérêt St Matthieu aurait-il pu avoir à présenter, de manière construite et riches de détails, une généalogie naturelle de Joseph comme étant la généalogie de Jésus-Christ alors même qu’il développe longuement que Jésus n’est pas le fils « naturel » de Joseph.

Joseph n’étant pas le père naturel de Jésus, seule leur filiation légale pouvait avoir un intérêt. Par contre, la seule filiation légale par Joseph ne pouvait que susciter un réel intérêt pour la vraie filiation naturelle, selon la chair, de Jésus, fils de Marie.

Le principal argument contre la thèse contraire à celle d'Eusèbe de Césarée, présentée par Don Gueranger est, outre l’incertitude juridique de la règle qui lui permettrait de considérer Jésus comme le fils de son beau-père, le fait que la filiation légale est déterminée par la loi. De ce point de vue juridique, Jésus ne semble pas pouvoir être simultanément « légalement » le fils de Jacob et le fils de Héli. A priori, on peut cumuler une filiation légale et une filiation naturelle, mais non avoir une alternative dans la détermination légale de la filiation. En outre, surtout, pour quelles raisons la foule, les gens dont parle St Luc, auraient-ils attribué à Jésus et à Joseph une filiation légale par Marie sans rien connaître de la conception du Christ sans père humain ?

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Carhaix
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Re: Différences des généalogies dans les Évangiles

Message non lu par Carhaix » mar. 16 oct. 2018, 21:26

Xavi a écrit :
mar. 16 oct. 2018, 15:58
Bonjour Carhaix,

[...] En outre, surtout, pour quelles raisons la foule, les gens dont parle St Luc, auraient-ils attribué à Jésus et à Joseph une filiation légale par Marie sans rien connaître de la conception du Christ sans père humain ?
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Bonjour Xavi,

D'abord, il me semble que c'est la généalogie de Mathieu qui présente la lignée légale (passant par Jacob), et celle de Luc qui présente la lignée naturelle (par Héli). Et du coup, vous avez la réponse à votre question. Mathieu parle de l'héritage royal de Jésus qui lui vient de son père légal.

J'aimerais bien connaître les sources de Dom Guéranger. D'ailleurs, comme il dit que cette idée est admise de nos jours (au milieu du 19e siècle), peut-être ne pense-t-il pas à un auteur en particulier, mais aux idées qui circulent à son époque. Donc, il renvoie à un état de la recherche daté, pour nous. Pour ma part, je pense à un auteur plus récent, l'abbé Jacques Masson, qui a consacré sa thèse à cette question, thèse présentée devant l'université pontificale de Rome. Un ouvrage extrait de sa thèse est paru en 1982 chez Téqui : Jésus, fils de David dans les généalogies de saint Matthieu et de saint Luc

On peut lire un petit commentaire de Jacques Masson ici :
http://hermas.over-blog.org/article-19115479.html

Bruno Brioul, historien et archéologue, cite les travaux de Masson dans son ouvrage : Les évangiles à l'épreuve de l'histoire, paru cette année chez Artège.

Pour Masson, saint Mathieu présente la lignée selon la Loi, et saint Luc selon la chair, les deux conduisant à Joseph. La généalogie de Mathieu est selon la Loi, car elle présente la lignée royale, qui mène à David, et par laquelle le Christ détient son titre de Messie et de roi des Juifs. La lignée de saint Luc est naturelle, car elle mène à Adam, faisant du Christ le fils de Dieu, et mettant en valeur son appartenance à tout le genre humain. Marie se rattache à cette lignée, par sa mère Anne, soeur de Jacob, et donc on y retrouve la lignée naturelle du Christ par sa mère. La voie prophétique coïncide également à cette généalogie de Mathieu, qui embrasse plus généralement l'histoire du Salut, d'Adam au Christ.

A titre personnel, cette explication me semble tout à fait claire et cohérente. Elle est soutenue par les auteurs anciens (Eusèbe de Césarée citant Jules l'Africain), reprise dans la chaîne de Saint-Thomas d'Aquin, et toujours défendue de nos jours par des universitaires catholiques. J'ignore pourquoi on s'en est écarté au milieu du 19e siècle. Il faudrait consulter l'ouvrage de l'abbé Masson, qui devait bien connaître les travaux antérieurs.

Quant aux apocryphes, ils ne sont pas à rejeter en masse. Certes, ils n'ont pas intégré le Canon des Ecritures, mais ils ne renferment pas nécessairement des éléments faux. La Dormition de la Vierge Marie n'a jamais été rejetée par la Tradition, par exemple.

A propos de l'expression "engendrer", il me semble que la Loi dit, selon le lévirat, qu'un frère peut "engendrer" une descendance pour son frère. Donc, d'après la Loi, Mathieu a pu écrire que Jacob a engendré Joseph, légalement.

J'en viens à votre autre question : pourquoi les deux lignées, légale et naturelle, aboutissent à Joseph, au lieu que l'une aboutisse à Joseph et l'autre à Marie ? Saint Luc aboutit à Marie de façon voilée, puisque Marie descend de Jacob par sa mère Anne. Mais pourquoi n'est-ce pas dit plus clairement ? Je l'ignore. Mais il ne faut pas oublier que les textes de la Bible revêtent toujours un certain mystère. Tout n'est pas toujours dit de façon explicite. Marie représente aussi la vie cachée de Jésus, cachée aux yeux des hommes, y compris aux yeux de ses disciples. Saint Luc est un évangéliste tardif, il n'a pas connu les évènements, il livre le résultat de son enquête. Et son enquête s'est en grande partie déroulée auprès de la Vierge Marie elle-même, qu'il connaissait. Peut-être a-t-il agi par souci des convenances. Marie est passible de lapidation, selon la Loi. Dieu, en s'incarnant, est-il hors la Loi ? D'une certaine façon, oui. Mais Luc peut-il le dire crûment ? Peut-il évincer totalement Joseph, le père légal ? De plus, toute la généalogie est masculine. Même en ce qui concerne la génération naturelle, elle passe toujours par les hommes. En conclusion, peut-être qu'il ne faut pas y voir autre chose qu'un choix "éditorial", si on peut employer l'expression, en sachant que l'essentiel est quand même dit, entre les lignes, ce qui est conforme à l'esprit des Ecritures : "Vous verrez et vous ne verrez pas".

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Carolus
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Re: Différences des généalogies dans les Évangiles

Message non lu par Carolus » mer. 17 oct. 2018, 16:12

Xavi a écrit :
mer. 03 oct. 2018, 13:39
Xavi (mer. 03 oct. 2018) :

Contrairement à ce que Carolus a affirmé, le sens commun autant que la version française officielle de l’évangile confirme bien que le mot « engendrer » ne se limite pas à la filiation entre père et fils. La mère comme le père « engendre » la génération suivante.
Est-ce que la " mère comme le père « engendre » la génération suivante ", cher Xavi ?

Il faut faire une distinction entre la voix active et la voix passive.

S. Matthieu nous dit que 39 hommes ont engendré des enfants. La liste commence par Abraham et finit par Jacob.
Mt 1, 2 Abraham engendra [ἐγέννησεν = egennēsen] Isaac
[...]
Mt 1, 16 Jacob engendra [ἐγέννησεν = egennēsen] Joseph
Il y a 39 exemples du verbe "gennao" dans la voix active. Ce sont toujours les hommes qui engendrent des enfants.

Comparons :
Mt 1, 16 Jacob engendra [ἐγέννησεν = egennēsen] Joseph l'époux de Marie, de laquelle est né [ἐγεννήθη = egennēthē] Jésus , qu'on appelle Christ.
Marie n'a pas engendré Jésus. Jésus est plutôt né de Marie.
Mt 1, 20 "Joseph, fils de David, ne craint point de prendre chez toi Marie ton épouse, car ce qui est conçu [γεννηθὲν = gennēthen] en elle est du Saint-Esprit.
Jèsus est conçu en Marie par le Saint-Esprit.

Le Catéchisme nous donne une traduction verbatim de la voix passive.
CEC 497 " Ce qui a été engendré [γεννηθὲν = gennēthen] en elle vient de l’Esprit Saint ", dit l’ange à Joseph au sujet de Marie, sa fiancée (Mt 1, 20).
Jésus a été engendré en Marie par l’Esprit Saint. Il s'agit de la voix passive.

C'est l’Esprit Saint qui a engendré Jésus.

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Carhaix
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Re: Différences des généalogies dans les Évangiles

Message non lu par Carhaix » mer. 17 oct. 2018, 19:12

Il me semble que c'est Dieu le Père qui engendre Jésus-Christ par l'opération du Saint-Esprit.

Le Saint-Esprit n'est pas le père de Jésus. C'est Dieu le Père qui est père du Fils.

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