Nous sommes bien sûr tous d’accord pour constater que « le propos de Moïse est autrement plus relevé qu'une banale histoire de généalogie ».
Je partage les réactions de ti hamo. Je n’aperçois pas ce qui semble invraisemblable à jpm.
Mais, il me semble, comme le relève jpm, qu’en effet, « nous n'accordons pas le même sens au mot esprit- souffle, et de là à ses succédanés : spiritualité par ex. » et, contrairement à ce que pense jpm, il est exact que, comme tout chrétien, je ne considère pas uniquement l’âme comme « cachée dans les choses », ni donc comme limitée à la réalité terrestre, mais je considère qu’elle nous lie à une autre réalité, celle de Dieu.
Ces deux réalités sont présentes en même temps. Notre foi et notre vie chrétiennes ne se vivent pas en dehors de la réalité historique.
Un ami m’écrit :
On ne peut identifier purement et simplement "l'évolution" avec ce que la théologie appelle l'état prélapsaire (avant la chute). Au niveau historique, il y a toujours déjà quelque chose de "cassé", de non voulu par Dieu, non seulement en l'homme mais aussi dans la création qui l'entoure. Il s'agit de la réalité du "péché original".
Beaucoup pensent que jusqu’au péché originel et à l’expulsion du paradis, le récit de la Genèse est hors du temps.
Dans ces conditions, toute référence concrète à l’évolution ou aux origines du monde décrites par les scientifiques manque effectivement de pertinence puisque tout ce qu’ils peuvent observer se trouve dans le temps et dans l’histoire.
Le problème de cette approche, c’est que nous sommes dans le temps et dans l’histoire.
C’est aussi dans le temps et dans l’histoire que le Christ s’est incarné.
Le récit des premiers chapitres de la Genèse est le seul dans l’Ecriture Sainte à nous parler explicitement des origines. Pourquoi se situerait-il hors du temps, alors que nous y sommes ?
Comment pourrions-nous descendre corporellement d’un couple originel qui n’existerait pas dans le temps et l’histoire ?
Un grand clash physico-spirituel antérieur aux milliards d’années lumière que nous décrivent les scientifiques ?
Où seraient les personnes humaines durant ces innombrables années lumière ?
N’est-ce pas un renvoi de la Genèse dans une abstraction totale ?
Comment concilier une telle approche avec la réalité terrestre décrite dans le début de la Genèse qui nous parle des planètes, des végétaux, des animaux, etc.
Placer Adam et Eve et le péché originel hors du temps est-il compatible avec la suite du récit qui serait seule dans le temps ? Après le péché originel, comment concilier Adam et Eve dans le temps avec le péché originel hors du temps ? Le temps lui-même deviendrait un effet du péché originel.
Comment concilier un péché originel hors du temps avec sa transmission à un premier être suffisamment semblable à nous séparé de ce péché originel par des années lumière de distance d’abord sans vie sur terre, puis sans vie animale, et pendant plus longtemps encore sans aucun humain semblable à nous ? Où situer hors du temps, un premier couple d’humains avec une âme immortelle séparé de nous par des milliards d’années durant lesquelles aucune vie humaine ne peut raisonnablement être constatée dans le temps et l’histoire ?
Si ce n’est pas dans la même réalité terrestre que la faute a été commise, comment le Christ pourrait-il nous en délivrer dans cette réalité terrestre ?
Sortir le début de la Genèse de l’histoire semble créer une rupture dans la continuité de l’humanité depuis le couple originel placé hors du temps.
Le récit de la chute est un fait qui a eu lieu au commencement de l’histoire de l’homme, dit le CEC (n° 390).
Or cette histoire n’a pas commencé il y a des milliards d’années, mais bien après la création de la terre et l’apparition des premiers êtres animés.
Certes, certains affirment que, dès la première cellule, la première poussière, l’histoire de l’homme commence déjà.
Mais, cela ne correspond plus à rien de ce que la Genèse nous dit de l’homme, ni à nous.
Quels seraient ces Adam et Eve plus anciens que le big bang ?
Cela deviendrait une histoire dans un autre monde qui aurait été suivie, dans le temps, d’un monde sans humains tels que nous, pendant des années lumière.
Dans le récit de la Genèse, ce sont bien les mêmes Adam et Eve qui nous sont présentés lors de la chute et ensuite, sans discontinuité.
Le danger d’une approche qui place le récit de la création jusqu’au péché originel hors du temps, c’est de ne plus trouver dans la Genèse une parole sur la réalité concrète de l’homme aujourd’hui, de séparer complètement le monde terrestre (dont le début de la Genèse ne dirait rien) du monde de Dieu (dans lequel Adam et Eve auraient vécu hors du temps), de ne plus voir l’action créatrice de Dieu dans le monde concret, puisque sa création est renvoyée hors du temps.
Cela me semble un affaiblissement redoutable des bases de la foi.
Car, du rejet de la création concrète du monde hors du temps par la Bible ainsi interprétée, au rejet d’une incarnation concrète du Christ et de sa résurrection dans le temps, il me semble qu’il n’y a qu’un pas pour beaucoup.
Y a-t-il un texte du Magistère de l’Eglise qui ouvre la porte à une telle sortie du péché originel de l’histoire de l’humanité dans le temps et l’espace ?
Certes, le Magistère a souvent rappelé le caractère imagé du récit qui paraît inévitable à la limite des réalités terrestres et spirituelles en cause, mais qu’est-ce qui permettrait, dans les textes du Magistère, de séparer les deux et de considérer que, dans le temps et l’espace, il n’y aurait pas eu de péché originel ?
Le fait que Satan soit présenté par l’image d’un serpent qui parle, la vie et la connaissance du bien et du mal par l’image d’arbres, et que le jardin d’Eden soit barré par des anges, nous montre certes qu’il s’agit d’une réalité qui transcende et dépasse la seule réalité terrestre, mais rien n’empêche qu’elle ait coexisté avec cette réalité terrestre, ce qui est toujours le cas, et particulièrement pour l’incarnation du Christ.
Rejeter, du récit des origines de la Genèse, le mélange dans une même réalité, du terrestre et du spirituel, n’est-ce pas saper les bases de l’incarnation de Jésus, vrai Dieu et vrai homme, pleinement et en même temps ? les bases du Royaume des cieux qui est parmi nous ?