Vous écrivez que « Concernant l'historicité de la Bible :
- l'écriture de la Bible est un fait historique ;
- C'est un livre qui contient certains récits historiques ;
- c'est un livre religieux qui contient aussi des récits symboliques ;
- l'interprétation est compliquée mais nécessaire. »
Ici, nous sommes entièrement d’accord.
Lorsque vous écrivez ensuite que : « Concernant l'historicité des premiers chapitres de la genèse … la mémoire orale ne peut pas dépasser un certain nombre de générations, au delà desquelles il y a une dérive vers le mythe », je suis aussi d’accord.
Mais, lorsque vous en déduisez, sans autre explication, que le récit de la création serait, dès lors, « scientifiquement impossible » et que « Donc les premiers chapitres doivent être considérés soit comme un mythe, soit comme un récit symbolique. Ou les deux ; mais pas un récit historique » votre raisonnement n’est pas clair, ni convaincant.
D’abord, il n’y a pas de contradiction de principe entre, d’une part, le mythe ou le récit symbolique, et d’autre part, la réalité historique. Le mythe et les symboles sont un mode d’expression qui peuvent être utilisés pour nous décrire la réalité historique.
Dès lors que des réalités spirituelles sont en cause, il est même inévitable de ne pouvoir en parler que de manière imagée.
Mais, cela ne permet en rien d’en nier la réalité historique. Le symbolique n’exclut pas l’historique. C’est seulement un mode de langage.
Faudrait-il exclure l’historicité du seul fait que « la mémoire orale ne peut pas dépasser un certain nombre de générations » ? La science elle-même remonte des milliards d’années sans la mémoire orale. Par intuition et raisonnements, l’humain peut reconstruire de manière fiable des faits historiques du passé avec, certes, une imprécision proportionnelle à leur éloignement et aux informations disponibles.
Mais, je suppose que ce n’est pas cela que vous contestez mais la fiabilité historique des détails précis du texte écrit de la Genèse concernant Adam et Eve, le péché originel et leur descendance : Caïn et Abel, Seth, les patriarches, etc.
Sur ce point, votre réflexion en cause est pertinente.
Personnellement, ma réflexion a beaucoup évolué à cet égard au point d’être actuellement convaincu que Adam et Eve ont vécu historiquement durant le quatrième millénaire avant Jésus-Christ et dans le pays de Sumer. Je vous renvoie sur ce point au fil de discussion intitulé « Adam et Eve : où et quand » :
http://www.cite-catholique.org/viewtopi ... 91&t=26432
Comme c’est dans le pays de Sumer et durant ce même quatrième millénaire avant Jésus-Christ que l’écriture a été inventée et que des premiers textes religieux ont pu être écrits, je pense que la première mise par écrit du récit concernant Adam et Eve remonte à la même époque. La réflexion à ce sujet fait l’objet d’un fil de discussion intitulé « Essai de datation de la Genèse » :
http://www.cite-catholique.org/viewtopi ... 91&t=14232
Le récit de la Genèse me semble d’ailleurs contenir en lui-même des indices qui confirment son écriture très ancienne, avant même l’émergence de l’écriture phonétique cunéiforme des Sumériens, mais ce serait trop long à développer ici et maintenant sans s'éloigner trop de la discussion en cours.
En ce qui concerne l'historicité du monogénisme, vous écrivez : « Il faut d'abord trouver un accord sur les mots mêmes que nous utilisons »
En effet. Lorsque nous parlons du monogénisme concernant Adam et Eve, nous ne parlons pas des origines de notre espèce naturelle, mais seulement de l’origine unique de toutes les personnes capables de partager éternellement la vie de Dieu.
Darwin, et la science en général, ne s’occupent que des réalités naturelles et ne donnent aucun avis, ni aucune théorie sur les âmes spirituelles et leur origine.
Darwin ou la science n’ont aucun avis sur un couple particulier ayant vécu à un moment lointain dans l’histoire. Ils étudient les espèces et, dans chaque espèce, il y a toujours de nombreux couples différents.
Donc, lorsque vous écrivez que Darwin « invalide également la théorie adamique du couple unique », cela ne concerne pas notre sujet car Darwin ne dit rien de ce qui nous occupe : les personnes capables de partager éternellement la vie de Dieu, des personnes qui sont corporelles et spirituelles. Darwin ne dit rien des réalités spirituelles.
A ce sujet vous écrivez que « Concernant l'âme spirituelle : Comme c'est hors du champ de la science, on peut dire ce qu'on veut. ».
Non, bien sûr. L’homme de science ne peut que constater qu’il ne peut rien dire des réalités spirituelles parce que c’est au-delà de l’objet observable de la science. Rien pouvoir dire, ce n’est pas « dire ce qu’on veut ».
L’Eglise ne conteste pas les processus évolutifs qui ont façonné le corps des êtres de notre espèce, mais affirme qu’il y a eu une création dans la nature (elle-même créée).
L’unicité de la race humaine n’a pas besoin de la foi de l’Eglise, ni du monogénisme, pour exister. La race humaine, c’est l’espèce humaine composée de tous les êtres naturels capables de se reproduire entre eux et, dans les périodes du passé éloignées de plus de 3.000 ans, nous avons tous les mêmes nombreux ancêtres biologiques. Par exemple, il est certain que tous les humains qui vivaient à l’époque de Moïse et qui ont des descendants actuellement sont tous nos ancêtres directs.
Le monogénisme dont nous parlons ici est celui des personnes créées à l’image de Dieu et non des homo sapiens ou des hominidés.
Vous écrivez, à propos de la foi de l’Eglise : « Je n'ai pas trouvé de référence explicite au monogénisme ». A cet égard, vous pouvez consulter toutes les références du fil de discussion ouvert à cet sujet, dans la section sciences et technos de ce forum, sous l’intitulé : « L’hypothèse du Monogénisme » :
http://www.cite-catholique.org/viewtopi ... =84&t=3619
Mais, on peut relever, par exemple, cet extrait de l’encyclique Humani generis du Pape Pie XII :
Il n’est donc pas exact de déduire du fait que « l' Eglise en la personne des Papes récents admet la réalité de la théorie de l'évolution », que « de ce fait, en admettant cela, elle admet que le monogénisme ou l'adamisme sont infirmées, n'ont pas de réalité scientifique même si l'Eglise continue a utilisée les mots "parents" et "Adam et Eve" comme symboles de l'humanité primordiale et de la fraternité humaine ».le magistère de l'Eglise n'interdit pas que la doctrine de l' " évolution ", dans la mesure où elle recherche l'origine du corps humain à partir d'une matière déjà existante et vivante - car la foi catholique nous ordonne de maintenir la création immédiate des âmes par Dieu - soit l'objet, dans l'état actuel des sciences et de la théologie d'enquêtes et de débats entre les savants de l'un et de l'autre partis… à cette condition que tous soient prêts à se soumettre au jugement de l'Eglise à qui le mandat a été confié par le Christ d'interpréter avec autorité les Saintes Ecritures et de protéger les dogmes de la foi…
Mais quand il s'agit d'une autre vue conjecturale qu'on appelle le polygénisme, les fils de l'Eglise ne jouissent plus du tout de la même liberté. Les fidèles en effet ne peuvent pas adopter une théorie dont les tenants affirment ou bien qu'après Adam il y a eu sur la terre de véritables hommes qui ne descendaient pas de lui comme du premier père commun par génération naturelle, ou bien qu'Adam désigne tout l'ensemble des innombrables premiers pères. En effet on ne voit absolument pas comment pareille affirmation peut s'accorder avec ce que les sources de la vérité révélée et les Actes du magistère de l'Eglise enseignent sur le péché originel, lequel procède d'un péché réellement commis par une seule personne Adam et, transmis à tous par génération, se trouve en chacun comme sien .
Cette double affirmation est clairement contraire à la réalité de l’enseignement de l’Eglise et donc à la foi catholique.
L’enseignement de l’Eglise, répété par la récente encyclique du Pape François, accepte que Dieu a créé la vie avec un potentiel évolutif physique, mais affirme que la réalité spirituelle de l'humanité ne vient pas d’une évolution mais directement de Dieu.
Je peux comprendre votre approche de principe lorsque vous écrivez : « Du moment qu'on considère que l'intégralité de l'humanité (actuelle et passée) est égale sur ce plan, ça me va.
Le point d'émergence entre l'humanité et la proto humanité étant inconnu, mais il y a très longtemps. ».
Mais, tout dépend ce que vous appelez « l’humanité ». Si votre critère est uniquement basé sur des critères observables scientifiquement, il n’y a aucun problème, ni risque de désaccord. Si vous pensez, par exemple, que l’apparition de l’homo sapiens, il y a environ 150.000 ans est « le point d’émergence entre l’humanité et la proto humanité », vous êtes dans une question et sur un critère uniquement scientifiques. L’Eglise n’affirme pas qu’Adam et Eve sont les parents biologiques de tous les homo sapiens. L’Eglise ne conteste pas l’origine polygénique des homo sapiens, ni des homo erectus, ni des australopithèques.
Si, par contre, avec l’Eglise, vous croyez que le critère distinctif (« entre humanité et proto humanité ») est celui de l'apparition historique d’une personne corporelle et spirituelle capable de partager éternellement la vie de Dieu, alors vous ne pouvez vous limiter aux critères observables scientifiquement. L’être humain créé à l’image de Dieu est un être corporel ET spirituel.
C’est uniquement de cet être là dont parle l’Eglise. Cet humain créé à l’image de Dieu n’est pas que spirituel. Il est aussi corporel et donc une réalité concrète de l’histoire. C’est uniquement cet humain là qui a pour origine, tant spirituelle que biologique, un premier couple : Adam et Eve.
Mais, sur ce point vous m’attribuez une opinion qui n’est pas la mienne lorsque vous écrivez « opinion de Xavi et Trinité : Dieu a insufflé une âme spirituelle à un couple choisi par lui ».
Vous ne trouverez nulle part une telle affirmation dans mes écrits, ni dans l’enseignement de l’Eglise, car elle nie la double réalité de l’humain créé à l’image de Dieu.
L’humain créé à l’image de Dieu n’est PAS une âme préexistante qui serait insufflée dans un corps, comme si l'âme préexistait au corps. Dieu n’a pas donné une âme à un corps et aucun corps n’a reçu une âme. Une telle vision dualiste nie la double nature de l’humain créé à l’image de Dieu. L'âme, la personne, est créée par un souffle spirituel dans un corps. Elle est le produit vivant d'un souffle spirituel et d'une réalité corporelle. Sans le corps, il n'y a pas d'âme. De même que sans l'esprit il n'y a pas d'âme.
Comment expliquer cela ? Prenons pour exemple une lettre : vous prenez une feuille et un stylo, vous apposez sur le papier des lettres et des signes alphabétiques avec l’encre de votre stylo, et le résultat c’est une lettre.
Dites-moi, à partir de quand la « lettre » existe-t-elle ? Existe-t-elle déjà lorsque vous n’avez encore que du papier et un stylo avec de l’encre ? Avez-vous transformé physiquement le papier et l’encre ? Pouvez-vous contester que la lettre vient physiquement du papier et de l’encre qui préexistaient ? Pourtant, avant d’être écrite, la lettre n’existe absolument pas dans la réalité physique observable et n’existe que dans la pensée de son futur auteur.
La lettre est une réalité nouvelle qui est le produit de l’union de la réalité immatérielle d’une pensée et d’une réalité matérielle faite de papier, d’encre et du corps de celui écrit.
L’humain créé à l’image de Dieu ressemble à un écrit, mais un écrit vivant.