Pour ma mère Léa

[etienne lorant]

Je n'avais plus donné de nouvelles depuis août dernier ! Maman Léa se porte bien. Avec des douleurs partout dans les articulations, elle arrive à bien se nourrir et fait honneur aux repas lorsqu'elle voit que quelqu'un s'intéresse de savoir si elle se nourrit bien. Un tout petit poids dans la balance peut changer en un instant une destinée. Simone, sa voisine, a franchi le cap des cent ans il y a deux mois. Elle me sourit quand j'arrive, et parfois pleure aussi son propre fils, décédé avant soixante ans d'un cancer de la prostate... En tout cas, une chose est restée tout à fait jeune : la musique. J'ai été tout surpris, en écoutant cette opérette (?) que ma mère, tout d'un coup s'écrie : "Maman la chantait aussi !" :


https://www.youtube.com/watch?v=lspRhX5Vhhg


Pour toute les mamans qui vieillissent et qu'on ne voit jamais se plaindre !

[etienne lorant]

89 ans la semaine dernière... les genoux sont coincés en équerre, les articulations étant "mortes" d'arthrose. La maladie est en train de gagner les épaules et les coudes. Songer à cela me glace, mais lorsque je vais la voir, elle continue de sourire à merveille et ne se plaint pas. Elle demande seulement que l'on essaie de trouver d'autres médecins. Comme c'est souvent le cas dans les familles, moins bien va ma mère, moins elle est visitée: je crois que c'est instinctif, on n'a pas envie de voir, de savoir. Mais de mon côté, je rejette cette peur, j'y vais. J'ai aussi veillé sur ma tante B., qui se retrouve en maison médicalisée elle aussi. L'année scolaire reprend demain et avec tout cela, je suis extrêmement tendu. Ah, quant à la voisine, qui a eu 100 ans, tout va bien: elle marche comme une jeune fille et est la première à filer au restaurant le midi. Toutes deux sont désormais comme deux soeurs, Simone (la voisine de chambre de ma mère) n'ayant pratiquement plus de famille...

Bonne rentrée à toutes celles et tous ceux qui ont un parent âgé qui vous attend, chaque jour de l'année...

Etienne

[poche]

[nad]

bonjour Etienne

En union de prière avec vous pour votre maman, et sa voisine Simone et toutes les mamans qui même si elles sont courageuses et bienveillantes ont toujours besoin du sourire et du regard de leurs enfants.....


nad

[etienne lorant]

Panne d'électricité au troisième étage (où est ma mère) qui dure depuis trois jours. Autrement dit: le fauteuil télécommandé ne fonctionne plus, ni la télévision, ni la musique, ni surtout le siège "relax". A midi hier, j'ai trouvé ma mère affalée du côté gauche en train de s'endormir. Une fois revenue à l'étage, une aide-soignante plus jeune que moi m'a dit : "Elle est désormais trop lourde (lourde ? avec moins de cinquante kilos ?), il nous faut être à deux pour la déplacer dans son fauteuil. Ah bon, ai-je rétorqué, pourtant voyez : et en deux-temps trois mouvements, j'ai fait passer ma mère de son fauteuil roulant à son fauteuil relax. "Ah ! Mais un homme, c'est autre chose !" Oooouais !
Jour après jour, je veille mais je porte désormais une angoisse - d'une façon que je n'avais pas imaginée, mon mode de vie est lié depuis cinq ans à celui de ma mère, puisque j'ai occupé et entretinu tout seul la maison familiale (cinq pièces au rez de chaussée sans compter le jardin, trois chambre au premier, une au second étage - et le grenier que je viens de renouveler l'isolation à grand frais). je me fatigue beaucoup, mais j'ai vraiment difficile de songer au moment des partages, quand il faudra vider et revendre cette "baraque"... que j'ai fini par aimer malgré les soucis qu'elle m'impose parfois...
Seigneur, laissez-moi encore ma mère quelques années !

[etienne lorant]

La sœur cadette de ma mère, Elisabeth, l'a appelée ce dimanche. Elle a été opérée des genoux (comme ma mère elle-même aurait bien voulu le faire, mais c'était déjà "deux ans trop tard", lui avait répondu un chirurgien.)
L'an dernier, j'avais déjà rendu visite à ma tante, après une première intervention. Ce qui m'avait frappé, je l'ai encore noté dans la plainte formulée par celle-ci ce dimanche: "Le temps est long, il y a si peu de visites..." Pourtant, tante Elisabeth a eu pas moins de six enfants, garçons et filles, qui lui ont donné un grand nombre de petits enfants. Mais au total, peu importe que la descendance soit nombreuse ou pas : lorsqu'elle a vieilli, la place de la personne qui ne sait pas se déplacer est à l'écart des personnes valides.

J'ai ce sentiment: il ne s'agit pas seulement d'une question de gestion du temps, mais il y a une perte de l'unité des familles. Le chacun-pour-soi, en temps de crise, l'emporte sur la solidarité (alors que ce devrait être le contraire).

C'est ce sentiment de solitude de chaque jour qui a entraîné ma mère à s'inventer une histoire de voyage de son époux décédé en 2008. "Il est parti travailler en Amérique latine !"... Au début, je n'ai pas prêté attention à cette rêverie, mais à présent qu'elle me demande pourquoi il tarde tant à rentrer, j'ai rétabli la vérité, je lui ai tout rappelé: la longue maladie, les plaintes sur les médecins, l'hospitalisation, l'acharnement thérapeutique, nos réactions communes, le décès (2008), nos choix de chants pour la messe des funérailles, nos visites au cimetière, etc. Elle a bien réagi, elle m'a fait confiance et s'est souvenue de tout. Nous avons prié et communié samedi dernier, à la messe organisée au rez-de-chaussée (nous fûmes six en tout, prêtre compris) - c'était la fête de sainte Faustine.

Ne passant toujours que du fauteuil à la chaise roulante, et de la chambre au restaurant communautaire, avec des après-midi entiers à écouter les échos de voix dans le couloir, évidemment, les personnes âgées en maisons de repos ont besoin de s'occuper l'esprit et de s'expliquer à elles-mêmes ce qu'elles vivent.

Mais depuis le début, depuis juillet 2008 à ce jour, ce qui m'a étonné le plus, c'est que ma mère - dans cette situation-là, parvient à remonter le moral à ceux et celles qui lui rendent visite. Nous ne sommes pas nombreux à venir la voir, mais nous sommes tous d'accord: elle a toujours le sourire et parle avec gentillesse. Les infirmières m'on confirmé que ma mère est la préférée des stagiaires qui viennent effectuer leurs premiers soins sur des personnes à mobilité réduite: elle n'est pas une patiente difficile, elle se laisse manipuler sans jamais se plaindre. Comment vivrai-je ma propre vieillesse ? Je commence à me poser la question - et vous ?

[poche]

[Kerniou]

Bénie soit votre mère.

[etienne lorant]

Avec l'humidité, les douleurs du rhumatisme sont de plus en plus fortes. Ma mère s'en plaint et voudrait bien retourner consulter un spécialiste. Mais, à part des anti-douleurs, on ne sait plus que donner. Ce midi, j'ai retrouvé ma mère toute croquée dans son fauteuil: elle avait le corps tout penché vers la droite et s'était assoupie, seule à sa table, dans la salle du restaurant. Une résidente m'a interpellé à mon arrivée (je traverse désormais la moitié de la ville à pieds - quatre fois par jour) et m'a lancé : "Et alors, combien de temps allais-tu la laisser ainsi ?" J'ai répondu aussitôt : "Mais vous-même, pourquoi n'avoir signalé au personnel - ah oui, ce n'est pas votre problème, c'est cela !?!" Je n'ai guère été aimable, mais c'est vrai qu'on est ahuri de constater combien facilement l'indifférence s'installe ... dans un lieu normalement conçu pour qu'elle n'y ait pas sa place...

Ma mère a reconnu ma voix et s'est redressée pour m'envoyer ce regard qui devient un sourire pour dire : "Ah, te voilà !", un peu comme s'il n'y avait aucune raison de s'inquiéter, mais je suis réellement inquiet. J'ai appris ensuite qu'elle avait eu également des problèmes de digestion. Avec le menu que l'on sert - de plus en plus de viande hachée, j'ai moi aussi des problèmes de digestion, mais j'ai la chance de pouvoir choisir quoi avaler le soir.

Impossible de ne pas me poser la question: combien de temps encore ?

Je prie Dieu d'être prêt quand le moment sera venu. Après le décès de mon père, j'ai reçu la grâce de trouver un lieu sur lequel m'exprimer (le tout premier fut ce forum: je m'y suis inscrit un 8 avril le matin, et le lendemain, 9 avril 2008, j'ai décroché le téléphone pour entendre : "Monsieur, j'ai le pénible devoir vous annoncer, etc.") ... Je peux confirmer que j'ai reçu des grâces après le décès de mon père, comme on me l'avait prédit, mais je n'ai pas envie de perdre ma mère, pas déjà, pas la veille d'un long hiver...

Je m'arrête pour cette fois, je suis déprimé.

[astre]

Toutes mes prières sont pour vous et votre maman ...

C'est très douloureux de voir ses parents vieillir ... J'ai perdu mon papa, il y a 18 mois, d'une crise cardiaque foudroyante ... et maman est coincée au lit avec un lumbago depuis 8 jours ... j'essaye de m'en occuper du mieux que je peux, mais ce soir, je suis aussi fatiguée, déprimée ... trop de soucis accumulés ...

Je vais tout remettre au Seigneur ce soir, et vous porte aussi dans mes prières ...

Courage

[Héraclius]

Je prierais pour votre mère, et aussi pour vous.

Courage !

[etienne lorant]

Avec les vacances de la Toussaint, nombre de membres de la maison de repos sont absents. Avec pour résultat que s'éveillant dans son fauteuil vers 15h00, ma mère cherche et invente (et cela doit être le cas de beaucoup d'autres résidents) des explications à leur présence dans cette chambre. Et lorsque je téléphone, j'essaie de remettre les choses à leur place. Je dis : "Je sais où tu es. Tu es assise dans le fauteuil, et Simone ta voisine, est dans l'autre fauteuil, du côté des fenêtres. Ton fauteuil à toi est proche de la porte d'entrée. Vous entendez les voix des autres résidents. Le souper vous sera servi dans une quinzaine de minutes, etc. " Je vis parfois dans la crainte qu'elle perde l'esprit à force de survivre ainsi - mais je voudrais en même temps qu'elle survive encore de longues années !

Je m'ennuie moi aussi, mais étrangement, j'ai fait ma meilleure recette de la semaine au cours d'une journée ... chargée d'épouvantables tentations de proclamer que "tout est vain !" Mais non, je tiens bon. Seigneur, est-ce que je tiendrai bon encore lorsque je serai le dernier de ma famille ? Déjà à la Toussaint de l'année dernière... mais soit, j'abandonne l'auto-mutilation mentale pour la prière...

Amen. Non comme je veux, mais comme Toi, Tu veux !

[Peccator]

Bien que mon père soit encore à la maison avec ma mère (enfin, pas ce soir puisqu'il passe cette nuit en cardio), je le vois aussi qui petit à petit décline et se déconnecte du réel. Il faut dire qu'il n'a plus beaucoup de contacts avec le monde extérieur : il ne sort presque jamais.

Tout est vain ! vous lamentez-vous... Vanité des vanités, tout est vanité, nous dit l'Ecclésiaste. La méditation de ce livre m'est souvent d'un grand secours dans mes périodes sombres.

Je prie le Seigneur que dans un an, vous puissiez encore fêter la Toussaint avec votre mère, tout comme moi j'espère que nous pourrons la fêter avec mon père. Et de nombreuses années encore après. Mais malgré tout, qu'il en soit selon Sa volonté.

[astre]

[Ben1306]

Bonjour Etienne,
Est-ce impossible pour vous de receuillir votre maman chez vous ? Difficulutés financières, familiales ou autre ?
Je vous demande cela car le concept de maison de retraite ne me plaît pas trop et je considère ces établissements comme un couloir de la mort.

Bien à vous mon ami Etienne.