gerardh a écrit : ↑lun. 11 juin 2018, 12:33
_______
Bonjour,
A une certaine époque, le latin (qui était d'ailleurs du bas latin) a été la langue des gens lettrés, notamment celle des clercs. Pas tous les clercs cependant, surtout le haut clergé. Je me souviens d'un passage d'Ivanhoé, de Walter Scott, où un prêtre de base déclarait être "un peu sourd", à savoir "un peu sourd de son latin" ! Quand aux autres fidèles, qui étaient la masse du peuple, ils ne comprenaient rien au latin, ce qui ne semblait pas beaucoup préoccuper les autorités religieuses.
Dire que le latin est une langue sacrée m'interpelle. Il y aurait donc une langue divine qui serait ni l'hébreu ni le grec, ni les langues vernaculaires, mais le bas latin. N'oublions pas quand même qu'à la tour de Babel, Dieu a confondu les différents langages, c'est à dire qu'il les a multipliés, et cela était un jugement de sa part. Je ne crois donc pas à l'avènement d'une langue universelle serait-elle même l'anglais.
Le latin est-il donc la langue des anges (1 Cor 13, 1) ? Privilégions plutôt le langage de l'amour.
__
Bonjour.
Vous avez entièrement raison sur le point suivant: le latin n'est en aucune manière une langue sacrée, au sens fort du terme. C'est d'ailleurs l'une des différences fondamentales entre le catholicisme et l'islam, où l'arabe est la langue du Coran et, partant, celle de Dieu. Rien de tel dans le christianisme. Ce n'est donc pas en ce sens que l'on peut parler de langue sacrée. C'est pourquoi l'usage de la langue vernaculaire n'est pas une question dogmatique, mais disciplinaire.
Par ailleurs, l'attachement de nombreux catholiques au latin ne vient pas d'une conception païenne ou islamique de la langue sacrée. C'est pour cette raison que l'Eglise catholique n'a jamais considéré le latin comme une langue divine à l'exclusion des autres ; bien au contraire, elle a toujours maintenu que diverses traditions étaient possibles en son sein, d'où une pluralité d'Eglises particulières, dont la langue n'est pas le latin (ainsi l'Eglise catholique maronite use, non du latin, mais de l'araméen).
Cela dit, il convient de répondre à votre question et d'expliquer notre attachement au latin. Il y a, ce me semble, trois raisons majeures:
- Pour commencer, l'usage d'une langue autre que celle de tous les jours, s'il n'est pas du tout indispensable à la liturgie, lui convient particulièrement. Quand vous priez dans une langue qui n'est pas la vôtre, mais qui est réservée à la Messe, vous ressentez plus facilement que vous avez en quelque sorte quitté le monde; et c'est le but de la liturgie chrétienne que de donner un avant-goût du Ciel. Bien entendu, ce n'est pas impossible de faire de même dans un office célébré en langue vernaculaire, mais c'est plus facile en utilisant une langue mise à part.
- Ensuite, le latin est une langue très belle, qui présente la particularité d'être extraordinairement concise (au contraire du grec ou de l'araméen par exemple, si mes souvenirs sont exacts), et qui peut donc exprimer beaucoup de choses en très peu de mots. C'est particulièrement visible dans les oraisons de la Messe (comme la collecte, prière qui suit le
Kyrie ou le
Gloria).
- Enfin, c'est la langue dans laquelle la foi s'est transmise en Occident. Elle a donné des docteurs comme saint Ambroise, saint Augustin, saint Bonaventure, saint Thomas d'Aquin; elle a donné un chant incomparablement beau, à savoir le grégorien, dont la sobre splendeur est aujourd'hui admise par tous les grands musiciens et musicologues, à défaut de l'être par les catholiques romains (et je ne parle pas des autres répertoires latins, comme les chants ambrosien, mozarabe, etc.). Enfin, c'est dans cette langue que le dépôt de la foi fut transmis par les Papes au cours de l'Histoire, au moins à partir du deuxième millénaire.
Pour toutes ces raisons, l'usage du latin dans la liturgie est loin d'être aberrant; et j'estime pour ma part qu'il faut le conserver.
Ἐν ἀρχῇ ἦν ὁ λόγος, καὶ ὁ λόγος ἦν πρὸς τὸν θεόν, καὶ θεὸς ἦν ὁ λόγος. Οὗτος ἦν ἐν ἀρχῇ πρὸς τὸν θεόν. Πάντα δι’ αὐτοῦ ἐγένετο, καὶ χωρὶς αὐτοῦ ἐγένετο οὐδὲ ἓν ὃ γέγονεν. Ἐν αὐτῷ ζωὴ ἦν, καὶ ἡ ζωὴ ἦν τὸ φῶς τῶν ἀνθρώπων, καὶ τὸ φῶς ἐν τῇ σκοτίᾳ φαίνει, καὶ ἡ σκοτία αὐτὸ οὐ κατέλαβεν.