3e semaine du Carême – Mardi de la miséricorde

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jeanbaptiste
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3e semaine du Carême – Mardi de la miséricorde

Message non lu par jeanbaptiste » mar. 13 mars 2012, 12:00

Je viens de publier sur l'un de mes sites un petit article sur le mardi de la 3e semaine de Carême. Vous pouvez le lire sur mon site à cette adresse :

http://bourgoin-helly.org/journal/2012/ ... sericorde/

Voici un copier-coller de l'article :
Dans la FORM le mardi de la 3e semaine de Carême est très nettement consacré à la miséricorde divine : «le Dieu-Amour est le Dieu qui pardonne (Missel Jounel)».

La parabole du débiteur impitoyable de Rembrandt

L’antienne d’ouverture est le cri de celui qui est ouvert à la miséricorde divine, le cri d’un cœur qui appelle la protection de Dieu :

Je t’appelle, mon Dieu,
car tu peux me répondre ;
écoute-moi ! entends ce que je dis !
garde-moi comme la prunelle de l’œil;
sois mon abri, protège-moi.
– Ps 16 6-8

Mais cet appel n’est pas égoïste, il ne cherche pas la sûreté mondaine, mais bien la grâce sur tout le peuple des fidèles. C’est Azarias qui, condamné au supplice du feu, nous le dit priant au milieu de la fournaise :

Pour l’amour de ton nom, Seigneur, ne nous abandonne pas à jamais, ne répudie pas ton Alliance.

– Daniel 3, 25-43

Au milieu de la fournaise, il ne s’agit plus d’appeler le Seigneur à nous sortir de l’injustice qui nous est faite, il s’agit, la vivant dans notre chair, de reconnaître l’injustice que nous avons faite au Seigneur afin que notre misère se transforme en sacrifice pour le bien de tous les hommes :

Accueille-nous cependant avec notre âme brisée et notre esprit humilié, comme si nous présentions un holocauste de béliers et de taureaux, un sacrifice de milliers d’agneaux gras. Que notre sacrifice de ce jour soit aujourd’hui devant toi, et qu’il obtienne ton pardon, car ceux qui espère en toi ne serons pas déçus.
– Daniel 3, 25-43

N’est-ce pas précisément ce que Jésus nous dit dans l’Évangile du jour ? Cet « Évangile du Pardon », pourrait-on dire, commence avec cet échange bien connu :

Pierre s’approcha de Jésus pour lui demander : «Seigneur, quand mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner ? Jusqu’à sept fois ?» Jésus lui répondit : «Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix sept fois sept fois.»
– Matthieu 18, 21-35

C’est radical ! Mais on peut se demander quelle est la raison d’une telle radicalité. Est-ce utile de pardonner ainsi ad vitam eternam ? Si la personne continue de commettre des fautes envers moi, n’ai-je pas raison de penser que son obstination le condamne et est la preuve que mon pardon ne sert à rien ? Et la justice dans tout ça ?

Réduite à une simple morale individuelle, cette phrase du Christ est forte mais relève au mieux d’un idéal à viser que nous savons ne jamais savoir atteindre, au pire d’une marque d’irénisme béat.

Mais Jésus nous continue immédiatement par une Parabole sur le Royaume des Cieux, ce qui nous transporte sur un tout autre terrain. Non pas celui de la morale, mais celui de la grâce.

En effet, le Royaume des cieux est comparable à un roi qui voulut régler ses comptes avec ses serviteurs.

C’est la fameuse parabole du serviteur mauvais, ce débiteur impitoyable. Résumons : Un roi veut régler ses comptes avec ses serviteurs. Le premier lui doit dix mille talents. C’est une somme astronomique, qui dépasse toute mesure. L’homme n’a évidemment pas de quoi rembourser, alors le maître lui ordonne de vendre biens, femme et enfants. :

Alors, tombant à ses pieds, le serviteur demeurait prosterné et disait : ‘Prends patience envers moi, et je te rembourserai tout.’ Saisi de pitié, le maître de ce serviteur le laissa partir et lui remit sa dette.

Cependant, le serviteur, sortant tout juste, rencontre quelqu’un qui lui doit cent pièces d’argent (une broutille comparativement à ce qu’il devait au Seigneur). Il se jette sur lui, l’étrangle pour le pousser à rembourser et, découvrant qu’il n’a pas la somme, le jette en prison.

Le maître l’apprend et se met en colère :

‘Serviteur mauvais ! je t’avais remis toute cette dette parce que tu m’avais supplié. Ne devais-tu pas, à ton tour, avoir pitié de ton compagnon, comme moi-même j’avais eu pitié de toi ?’

Si le maître avait pardonné c’est afin que son serviteur pardonne à son tour. Voilà qui comptait à ses yeux bien plus que les milliers de talents qu’il pouvait réclamer. Alors, dans sa justice, le maître le livre au châtiment que le serviteur mérite :

Dans sa colère, son maître le livra aux bourreaux jusqu’à ce qu’il ait tout remboursé.

Pourquoi le mérite-t-il ? Qui sème le vent récolte la tempête ! Le maître châtie son serviteur sur le mode sur lequel il a péché : Parce que le serviteur n’a pas su pardonner, le maître ne pardonnera pas. Parce que le serviteur voulait faire payer la personne qui lui devait de l’argent à hauteur de son crime, le maître lui fera payer à hauteur de son crime. Il sera livré aux bourreaux jusqu’à ce qu’il ait tout remboursé.

Dieu est un Dieu de justice, et s’il nous envoie son Fils pour le pardon des péchés c’est afin que nous puissions pardonner à notre tour et gagner le Royaume des cieux :

C’est ainsi que mon Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère de tout son cœur.

Car voilà, le mal que nous avons fais à Dieu, nous les hommes, individuellement et « collectivement », dépasse toute mesure. Et parce qu’Il nous aime, son Pardon dépasse également toute mesure. Mais ce Pardon il nous faut l’accueillir, et le signe de cet accueil c’est de pardonner à notre tour comme Il nous pardonne.

Parce que le mal que nous avons fais et tout autant individuel que « collectif », enraciné dans l’humanité entière, notre pardon doit être tout autant à destination des personnes que de tous les hommes. C’est le sens la prière d’Azarias qui, dans la fournaise, appelle la miséricorde de Dieu sur tout Israël.

C’est le sens du sacrifice que nous demande le Seigneur. Le bréviaire offre à notre esprit une belle homélie de Saint Pierre Chrysologue sur la prière, le jeûne et la miséricorde.

La prière frappe à la porte, le jeûne obtient, la miséricorde reçoit. (…) En effet, le jeûne est l’âme de la prière, la miséricorde est la vie du jeûne.
– Saint Pierre Chrysologue, Homélie sur la prière, le jeûne et l’aumône

Le jeûne c’est l’offrande de soi, c’est le sacrifice qui plaît à Dieu, un esprit brisé, un cœur broyé, c’est ce don par lequel je reconnais la souffrance d’autrui et le Sacrifice du Christ. Mais ce jeûne doit s’accompagner de la miséricorde :

Le jeûne ne porte pas de fruit s’il n’est pas arrosé par la miséricorde.

C’est ce que nous disais le Christ dans la parabole du jour : reconnaître ses péchés, s’humilier devant le Seigneur pour demander pardon si l’on ne sait pas pardonner à celui qui s’humilie devant nous, c’est ne rien reconnaître en fait, et donc ne rien pouvoir recevoir.

C’est tout le sens de la collecte de l’ancien missel qui ramasse le lien étroit entre la prière, la miséricorde et le jeune en vue de notre salut :

Oratio. Exaudi nos, omnipotens et misericors Deus : et continentiae salutaris propitius nobis dona concede.


Oraison. Exaucez-nous, Dieu tout-puissant et miséricordieux et accordez-nous, dans votre bonté, le don de la mortification salutaire.

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