Projet d'école catholique

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Fée Violine
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Projet d'école catholique

Message non lu par Fée Violine » mar. 28 août 2018, 20:46

J'ai récemment fait la connaissance d'une personne qui désire faire connaître un projet intéressant, je lui ai proposé de s'inscrire sur le forum mais il ne le souhaite pas. Voici donc le résumé (il y a aussi une version plus détaillée du projet) :


Renouveler l’enseignement secondaire catholique : permettre une intelligence chrétienne du monde.

En réponse au débat sur l’identité de l’enseignement catholique, diversement et contestablement défini1, fin 2009 le Secrétariat Général de l’Enseignement Catholique rappelle son authentique spécificité : « tous les enseignants contribuent, au sein de leur discipline, à la prise en compte du fait religieux » « pour assurer la culture chrétienne et la découverte des autres traditions religieuses » (L’annonce explicite de l’Evangile dans les établissements catholiques d’enseignement, p. 10). Quoiqu’en continuité avec l’attitude multiséculaire de l’Eglise envers la culture, cette spécificité est absente en France actuellement, donc nécessaire et urgente.

L’INCARNATION NECESSITE UNE INTELLIGENCE CHRETIENNE
La chair au sens biblique inclut l’intelligence humaine : or de même qu’un amour authentique ne se contente pas des bonnes intentions du cœur, sans agir, il ne peut vivre sans se représenter ni se dire et dire la personne aimée, donc sans pensée ni mots. A un chrétien revient donc d’élaborer le discours qui rend compte de sa foi à lui-même et à autrui. Faire l’économie de la réflexion revient à refuser partiellement l’incarnation, à renoncer à se dire Dieu qui s’est pourtant incarné pour se dire, à refuser de se le rendre présent, de faire mémoire d’une expérience et d’en témoigner.
Répéter les Ecritures ne suffit pas : le christianisme n’est pas une religion du Livre, figé, mais de la Parole, vivante, qui se transmet par l’Esprit saint de génération en génération dans et par l’Eglise. Cette parole, pour dire la Parole incarnée dans l’histoire, emprunte nécessairement formes de pensée et de langage propres à son époque, dans la mesure où elles s’y prêtent telles quelles, ou après transformations.
Penser Dieu, sa foi et toute chose à leur lumière, par l’exercice de l’intelligence (quelle que soit sa qualité), est donc vital pour la foi, l’espérance et la charité du baptisé, surtout quand actuellement il ne peut plus se laisser porter par une tradition sociale ou familiale.
Au surplus, certes Dieu n’est pas pour le monde, mais le monde pour Dieu. Néanmoins tout chrétien, en se consacrant à Dieu, consacre aussi la part du monde dont il est responsable ; pratiquer une pensée chrétienne préserve de façon vivante le meilleur de la culture humaine, une identité sans laquelle la cité terrestre est en crise d’humanité.

URGENCE DE REHABILITER LA PENSEE
La pensée occidentale s’est en grande partie éloignée d’une représentation chrétienne du monde et de Dieu : libres penseurs, mais inconsciemment aussi trop de chrétiens, estiment antinomiques raison et foi (d’où la crise moderniste). On dénie à la raison l’aptitude à s’exercer au-delà de la matière, le postmodernisme disqualifiant la notion même de vérité. Ce matérialisme théorique se double d’un matérialisme pratique : le progrès scientifique et technique, idole de bien-être, de prospérité matérielle et de bonheur, privilégie l’action plutôt que la contemplation intellectuelle ; notre société matérialiste, techniciste et commerçante se détourne des études littéraires et même de la recherche scientifique fondamentale. Trop de chrétiens perdent contact avec un patrimoine où foi et raison s’enrichissaient.

NECESSITE D’UNE FORMATION CHRETIENNE DE L’INTELLIGENCE
Sont donc nécessaires des établissements secondaires où l’acquisition de connaissances vise à nourrir l’intelligence, et non à obtenir notes et diplômes assurant une (très) relative insertion socioprofessionnelle (qu’il ne faut certes pas négliger, mais remettre à sa juste place). En initiant à la culture patrimoniale européenne, il s’agira de donner à l’élève une capacité de réflexion le disposant à trouver ce que les anciens appelaient la sagesse, qui est réussir sa vie, et non réussir dans la vie. Les humanités et les sciences humaines sont pour cela essentielles, sans oublier les sciences exactes, parties intégrantes de la culture patrimoniale et indispensables à différents cursus universitaires et professionnels.
Cette éducation de l’intelligence sera catholique : elle intégrera le regard chrétien porté sur le savoir humain. Le travail de l’intelligence a une dimension religieuse : sa tâche est de nommer (Genèse, ch. 2, v. 19), de créer mots et concepts correspondant aux réalités, de réadapter sans cesse ceux-là à celles-ci, de saisir l’essence, la cause et le sens ultime des choses, de découvrir en quoi elles sont référées à Dieu. Avant de permettre une maîtrise accrue de la nature et des principes de vie relationnelle, elle peut conduire à admirer Dieu à travers son œuvre, à intensifier l’amour pour lui. Cela implique une estime de la raison : l’intelligence humaine procède de la Sagesse divine, du Verbe dont elle est le reflet ; toute contradiction entre raison et foi est donc un malentendu à dissiper par l’intelligence. Aussi tout fruit de l’intelligence humaine bénéficiera d’un a priori favorable : jusqu'à preuve du contraire, il est à considérer comme une facette de la Vérité, une « semence du Verbe » ; reste à l’intelligence de distinguer le bon grain de l’ivraie. En effet la culture patrimoniale n’est pas un ensemble cohérent : ses contradictions et ses évolutions invitent à penser, sinon elle serait vain savoir. Aussi étudier en chrétien consistera à acquérir non pas une doctrine figée, mais une attitude de pensée gouvernée par l’amour de la vérité et le courage de la poursuivre et de la dire. La réflexion suscitée par la culture, sa variété et ses contradictions ne confrontera pas les discours seulement entre eux : ces comptes-rendus d’expériences passées devront l’être à l’expérience individuelle (certes modeste) de l’élève, le savoir scolaire théorique confronté à la vie concrète. En effet cet enseignement, quoique théorique, ouvrira sur la vie en y initiant par procuration, en permettant de faire l’économie d’expériences individuelles dommageables ; cela passera par la méfiance envers l’asepsie morale et idéologique, contestable si on l’applique encore à des adolescents que l’on doit préparer à vivre bientôt dans un monde d’adultes ni aseptisé, ni aseptisable. Enfin le savoir humain sera éclairé par la Révélation, et cette dernière prolongée à la lumière du premier ; il ne s’agira donc pas d’étudier une (contre-)culture chrétienne, mais d’avoir un regard chrétien sur la culture, sans a priori ni polémique, ni irénique. Ainsi peut naître de surcroît une culture d’inspiration chrétienne : un christianisme incarné ne convie pas le baptisé à rejeter sa culture, mais à la transformer pour que sa foi se dise à l’intelligence et à la sensibilité, se vive et se transmette. Il participe ainsi à son évolution et à sa vie, car une culture vivante dialogue avec ce qu’elle est et ne subsiste que par réflexion sur elle-même.
Le caractère chrétien de cet enseignement catholique se jouera donc au sein même des cours : chaque enseignant, dans son cours, amènera les élèves à effectuer ce qu’il fait pour lui-même : un essai de synthèse entre savoir humain et savoir révélé. Il sera ouvert à tout jeune, chrétien, agnostique ou athée, désirant connaître la culture patrimoniale occidentale, particulièrement ce qu’elle a de chrétien, et désirant rechercher la sagesse en participant à ce dialogue entre les différents courants de cette culture et entre celle-ci, l’expérience individuelle de la vie et la Révélation chrétienne.

UNE REALISATION IMPOSSIBLE ?
La politique n’est pas l’art du possible, mais l’art de rendre possible ce qui est nécessaire. (Richelieu)
Ce projet, ambitieux, doit le rester, sous peine d’être trahi dans ce qu’il a de plus difficile à réaliser, car de plus (ré)novateur et donc d’essentiel. Il semble irréaliste parce qu’il ne semble pas répondre à une demande explicite, mais à un besoin latent. Or il existe deux façons de rendre un service éducatif : la plus facile est de répondre à la demande ; l’autre, de susciter une demande par l’existence d’une offre innovante, en révélant ainsi un besoin. Si ce projet est aux yeux de Dieu bon pour l’Eglise, l’Esprit saint suscitera dans assez de cœurs l’intérêt qu’il mérite.

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Re: Projet d'école catholique (p1-4)

Message non lu par Fée Violine » mar. 28 août 2018, 20:50

Version détaillée :

Pourquoi un nouvel établissement d’enseignement catholique secondaire hors contrat ?
[+] Texte masqué
1. Vie chrétienne et pensée
Dans notre société où le pluralisme des valeurs se double de difficultés dans la transmission de certaines de celles-ci, il convient pour un chrétien de se demander ce qu’il vaut la peine de continuer à transmettre et comment le transmettre efficacement, autrement dit de s’interroger et déterminer le fond du discours (ainsi que la forme qui va de pair) par lequel il dit sa foi à autrui, mais d’abord à lui-même.
En effet comment dire ce que l’on ne s’est pas d’abord dit à soi-même ? Comment rendre compte à autrui de ce dont on ne s’est pas rendu compte soi-même et à soi-même ? Comment témoigner d’une expérience d’un Christ (qui certes dépasse tout mot et toute idée, mais dicible car incarné) sur lequel l’on n’a encore mis ni mots, ni idées, autrement dit que l’on n’a pas encore appréhendé de façon humaine (dans la mesure où le logos, le discours construit pour rendre compte d’une expérience que l’on commence à comprendre, est le propre de l’homme) ?
Répéter les Ecritures ne saurait suffire, même si elles ont un rôle essentiel et irremplaçable dans l’Eglise : le christianisme n’est pas une religion du Livre, figé, mais de la Parole, vivante, celle qui se transmet sous l’action de l’Esprit saint de génération en génération (donc aussi dans et par l’Ecriture Sainte, certes) dans et par le peuple des baptisés, l’Eglise. Cette parole, pour dire la Parole incarnée dans l’histoire, va nécessairement emprunter formes de pensée et de langage propres à son époque, dans la mesure où elles s’y prêtent telles quelles sans la trahir, ou après transformations.
Prétendre faire l’économie de la réflexion dans une vie chrétienne revient donc à renoncer à se dire le Dieu qui s’est pourtant incarné pour se dire, à refuser de se le rendre présent, de faire mémoire d’une expérience et d’en témoigner, à refuser de perpétuer dans l’histoire cette incarnation à travers l’Eglise, qui est pourtant le corps du Christ. De même qu’on ne peut prétendre aimer authentiquement en se contentant des bonnes intentions du cœur, sans actions ni sans mains, on ne peut donc prétendre aimer sans tête, sans se représenter ni se dire et dire la personne aimée, donc sans pensée ni mots.
Penser son Dieu, sa foi et toute chose à la lumière de ceux-ci, par l’exercice de l’intelligence (quel que soit le niveau ou la rigueur de celle-ci), est donc vital pour la foi, l’espérance et la charité de chaque baptisé, surtout quand celui-ci ne peut raisonnablement plus espérer se laisser confortablement porter par une tradition sociale ou familiale, vu la faiblesse numérique et culturelle actuelle du christianisme occidental.
On aura également saisi à l’aide de ce que l’on vient de rappeler comment l’exercice de l’intelligence est aussi nécessaire pour l’évangélisation d’autrui, autrement dit pour la mission, que pour celle de soi-même.
Au surplus, perpétuer la pratique d’une pensée chrétienne offre aussi un intérêt pour la cité terrestre en contribuant à la préservation vivante du meilleur de sa culture patrimoniale, donc d’une identité sans laquelle elle est en crise majeure d’humanité. Certes Dieu n’est pas pour le monde, mais le monde pour Dieu : il ne saurait donc être question de considérer le christianisme comme un instrument de la conservation d’un état, d’une nation ou d’une civilisation, ni comme le moyen d’instaurer une société idéale : le paradis sur terre, les cieux nouveaux et la terre nouvelle évoqués par l’Apocalypse ne seront pas le fruit direct de l’effort humain, mais d’une intervention divine eschatologique. Néanmoins tout chrétien, en se consacrant à Dieu, consacre aussi la plus ou moins grande part du monde placée sous sa responsabilité, même si c’est précairement car imparfaitement et passagèrement, et cela peut avoir d’heureux effets secondaires pour la cité terrestre dans la mesure où elle ne s’y oppose pas.

2. Une dévaluation actuelle de la pensée
Depuis au moins la fin de la Renaissance, en Occident l’exercice de la pensée s’est en grande partie éloigné d’une représentation chrétienne du monde et de Dieu. Poursuivi et amplifié avec le libertinage philosophique au 17e siècle et le mouvement des Lumières au siècle suivant, cet éloignement amène au 19e siècle et au début du 20e à considérer comme antinomiques l’exercice de la raison et celui de la foi chrétienne, non seulement aux yeux des libres penseurs, mais également à ceux de trop de chrétiens, avec entre autres conséquences la crise moderniste, signe de l’incapacité de beaucoup de chrétiens à penser harmonieusement acquis de la raison et lumières de la foi, avec pour corollaire une méfiance envers l’activité intellectuelle.
Cette méfiance s’est aggravée pour des raisons internes à l’évolution de la pensée non chrétienne, qui va dénier à la raison l’aptitude à s’exercer valablement au-delà de la dimension matérielle, hors du domaine des sciences exactes, jusqu’au postmodernisme du 20e siècle qui disqualifie la notion même de vérité. Ce matérialisme spéculatif se double d’un matérialisme pratique : les progrès rapides dans le domaine des sciences exactes et des techniques vont conduire à idolâtrer naïvement un progrès technique vu comme source de bien-être, de prospérité matérielle et de bonheur, et donc à privilégier l’action au détriment de la contemplation intellectuelle, d’où sans doute l’actuelle désaffection de notre société matérialiste, techniciste et commerçante pour les études littéraires mais aussi pour la recherche fondamentale en sciences exactes.
Ces deux attitudes mentales touchent aussi les chrétiens qui, étant dans le monde, ne sont pas totalement imperméables aux idées reçues vulgarisées, lesquelles vont renforcer leur méfiance envers la raison contemplative, spéculative, la théologie n’étant conçue que comme les bases théoriques d’une action pastorale, voire sociale.
La disqualification, entamée à la Renaissance et amplifiée depuis, des acquis intellectuels du passé, méprisé voire diabolisé, détourne également l’Occident, et donc en son sein trop de chrétiens, de s’intéresser à la culture des époques où raisonner et croire n’étaient pas antinomiques.
Or les idées reçues résultant de la vulgarisation de ces attitudes intellectuelles se sont inévitablement diffusées dans l’enseignement catholique, à la fois par ses acteurs et du fait de la demande des familles recourant à ses services.

3. L’enseignement catholique actuel en France
Quelles sont les spécificités généralement invoquées par la plupart des établissements catholiques de France pour légitimer leur existence ?
Tout d’abord, l’enseignement catholique se veut ouvert à tous, dans un esprit d’accueil évangélique ; mais il ne saurait en cela rivaliser avec l’enseignement public qui, par son statut même, accueille nécessairement des jeunes issus de toutes les catégories socioprofessionnelles et de toutes cultures, religions et opinions.
Il affirme en outre sa volonté de ne pas s’attacher au seul épanouissement intellectuel des jeunes qu’il accueille, mais veut prendre en compte l’élève dans sa globalité : mais est-ce spécifique à une vision chrétienne, ou cela procède-t-il du simple bon sens, qui enseigne que l’équilibre physique, psychique et affectif est nécessaire pour un sain fonctionnement intellectuel ? En outre un certain esprit de charité, mal placé et mal compris car opposé à l’esprit de vérité, finit parfois par occulter la finalité de l’Ecole, qui relève de l’ordre de l’esprit (au sens pascalien), et donc par nuire à sa tâche propre.
A ce stade, de façon paradoxale dans des institutions où, dans la ligne du document conciliaire Lumen gentium, l’on prétend porter un regard positif sur les réalités non chrétiennes, on peut déjà observer un certain orgueil inconscient, celui qui consiste à croire qu’une institution chrétienne, par son caractère chrétien même, fait forcément mieux qu’une institution laïque, comme si au-delà de l’Eglise l’Esprit de charité n’agissait pas également dans les cœurs de tous les hommes de bonne volonté, et comme si de très nombreux enseignants et éducateurs chrétiens ne travaillaient pas dans l’enseignement public laïc !
En outre il conviendrait de faire la part du discours publicitaire et donc un tantinet trompeur, voire hypocrite, bien souvent éloigné des pratiques. En réalité l’accueil de tous s’effectue dans les limites de ce qui est raisonnable financièrement (les tarifs d’accès prévus pour les familles aux revenus modestes ne peuvent être trop fréquemment accordés, sous peine de compromettre l’équilibre financier des établissements) et pédagogiquement (le bon sens commande de ne pas accueillir une trop grande proportion d’élèves à problèmes, sous peine de trop dégrader l’ambiance de travail et donc l’attractivité des établissements). Quant à l’accueil de la personne dans sa globalité, il ne faudrait pas l’apprécier seulement à l’aune de la variété et de la qualité des activités périscolaires proposées facultativement dans les établissements : il suffit simplement de considérer quel sort est fait à l’amélioration des rythmes scolaires, gage d’équilibre physique, psychique et intellectuel accru pour tous, dans l’immense majorité des établissements catholiques d’enseignement… Dans combien de ceux-ci les éducateurs (parents, enseignants, surveillants) ont-ils fait passer le respect des rythmes biologiques et psychiques des élèves avant leurs convenances personnelles d’emploi du temps ?...
Enfin il faut reconnaître que même si l’on ne saurait bien sûr attendre la perfection dans les établissements chrétiens d’enseignement, néanmoins le désir même de perfectibilité peut y être absent, remplacé par l’autosatisfaction d’une relative réussite tenant en réalité moins à la qualité pédagogique de l’établissement qu’à celle, préexistante, du public scolaire accueilli.
Certes il faudrait nuancer ce portrait en considérant le cas des quelques établissements où une réputation et une tradition vivaces ont autorisé à conserver une certaine originalité d’enseignement, dans les contenus et / ou et la pédagogie, mais nous parlons ici de l’immense majorité des établissements d’enseignement catholique.
Si à présent l’on apprécie l’enseignement libre et privé catholique non plus en fonction de sa fidélité aux buts qu’il s’assigne généralement lui-même, mais au regard de ce qui le qualifie officiellement, la perplexité demeure.
Sa situation financière relativement précaire l’a en effet conduit à rechercher des financements publics, assurés par la loi Debré de 1960 jusqu’à la récente loi Censi, en passant par les accords Lang-Cloupet de 1993. Or on peut s’interroger sur la liberté qu’une institution peut réellement conserver à l’égard de son principal bailleur de fonds, et se demander si cela, joint au souci de ne pas ranimer la querelle scolaire entre privé et public, ne débouche pas sur une relative servilité.
Lorsque ce bailleur est l’Etat, on peut en outre s’interroger sur le caractère réellement privé de l’institution, qui voit ses statuts ainsi que ceux de son personnel enseignant alignés progressivement sur ceux des établissements et personnels d’Etat (à la satisfaction des enseignants concernés).
Pour la même raison, on peut s’interroger sur le niveau réel de l’enseignement dispensé dans ces établissements, lorsque les méthodes pédagogiques et le niveau d’exigence de leurs enseignants (dont une moitié de la formation est dispensée par l’Etat) sont contrôlés par les inspecteurs de l’Etat, et que de plus en plus de parents (donc aussi clients) contestent désormais les exigences inhérentes à un travail et à un niveau intellectuel soutenus ; dans ces circonstances, on est trop souvent tenté de considérer a priori que le client a raison… A cet égard, on peut là encore s’interroger sur le degré de liberté de l’institution à l’égard de la demande parentale majoritaire (obtention des diplômes dans un environnement moral relativement sain, ou du moins passant pour tel ; mais que signifient l’obtention du baccalauréat ou de bons bulletins de lycée quand deux bacheliers sur cinq rateront leur première année d’études supérieures ?)
Enfin il y aurait beaucoup à dire sur le caractère propre, c’est-à-dire nominativement catholique, des établissements, interprété d’une façon qui laisse parfois perplexe, et ce pour plusieurs raisons : d’une part l’alignement des salaires du privé sur ceux du public ne détermine plus les enseignants à s’engager dans le privé forcément par convictions religieuses ou professionnelles, d’autre part le pluralisme idéologique et dans l’interprétation de la foi chrétienne conduit bien souvent au recrutement d’enseignants agnostiques ou athées et, lorsqu’ils sont chrétiens, ayant souvent une conception floue du christianisme, assimilé à un « humanisme » qui est en fait un humanitarisme (l’humanisme visant à l’épanouissement de l’essence humaine, l’humanitarisme étant plutôt guidé par un sentiment d’humanité, et donc assimilable à la simple philanthropie). Enfin il faut savoir que les directeurs d’établissement, statutairement responsables pastoraux, sont recrutés parmi les enseignants…
Ce tableau est bien sévère : certes, des marges de liberté appréciables restent ménagées par les divers accords entre l’Etat et l’Enseignement Catholique (interprétation et prolongement des programmes, innovations pédagogiques, propositions de vie chrétienne), mais par pusillanimité et manque d’imagination elles ne sont généralement pas pleinement exploitées ; or comme les chaussures neuves, les marges de libertés ne s’élargissent que si elles sont utilisées, et on ne les utilise volontiers que si l’on s’y est assez habitué, ce qui explique que dans quelques établissements une réputation et une tradition vivaces autorisent à conserver une certaine originalité, nous le reconnaissons encore une fois.
Du reste ce constat sévère a déjà été fait par d’autres ces dernières années, avec des tentatives d’y remédier qui se sont développées dans deux directions.
D’une part un courant sans doute minoritaire, mais non négligeable car s’inscrivant dans l’authentique mission de l’Eglise, a revendiqué une identité et une évangélisation chrétiennes plus explicites se traduisant par la proposition d’une découverte de la personne de Jésus tel qu’annoncé par le kérygme (Messie / Christ annoncé par les prophètes et dans les Ecritures et attendu par Israël, Fils de Dieu et Sauveur du péché et de la mort) ; ce courant a trouvé il y a quelques années un porte-voix hiérarchique en la personne de Mgr Cattenoz, et a sans doute contribué à la publication fin 2009, par le secrétariat de l’Enseignement Catholique en France, d’un document intitulé L’annonce explicite de l’Evangile dans les établissements catholiques d’enseignement, qui rappelle la nécessité de « l’annonce explicite » « de la Bonne Nouvelle, dans le respect de la liberté de chacun » « dans un établissement catholique d’enseignement, au sein même […] de l’action d’enseignement et de la transmission de la culture » par « l’ensemble des acteurs [de la communauté éducative] » (p. 3).
On est de prime abord tenté de se réjouir de ce recentrage, même si certains inquiets nostalgiques d’un autre temps le taxent de « réaction » ou « repli identitaire ». Toutefois il convient de s’interroger sur la validité de cette perspective, en droit comme en fait.
Un prêtre de nos amis a coutume de dire que le catéchisme paroissial ne devrait pas exister : de fait, devoir confier l’évangélisation des jeunes à des institutions fonctionnant plus ou moins inévitablement sur un mode scolaire signifie que celle-ci n’a pas été faite par les parents, à qui cette tâche revient de droit. Il y a donc entérinement et cautionnement d’une certaine démission familiale, déresponsabilisation des parents dans la transmission de la foi et encouragement à la perpétuation de cette déresponsabilisation. Même si c’est avec l’assentiment des familles (d’ailleurs plus ou moins indifférent : il est notoire que la formation religieuse n’est généralement pas le motif premier d’inscription dans l’enseignement catholique) cette prise de parti s’inscrit dans une tendance plus générale à assortir progressivement les tâches de strict enseignement d’une ambition d’inculcation de comportements (la plupart au demeurant fort défendables, malgré certaines dérives qui défraient de temps à autre la chroniques de journaux catholiques) : éducation routière, éducation à la citoyenneté, éducation affective et sexuelle, éducation au développement durable, éducation au respect, éducation à l’égalité des sexes ou des genres, lutte anti tabagique, prévention des conduites addictives, etc. Certes, au-delà de l’inculcation de connaissances (et déterminant du reste le choix de celles à dispenser), il y a toujours prétention de l’Ecole à former des

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Re: Projet d'école catholique (p5-8)

Message non lu par Fée Violine » mar. 28 août 2018, 20:52

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citoyens et un certain type d’homme (que l’on pense à l’enseignement sur les méfaits de l’alcool, les bienfaits de l’hygiène, le patriotisme, la morale et l’éducation ménagère il y a un siècle dans l’école de Jules Ferry), mais dès lors que cette formation ne s’effectue plus par le biais de la stricte délivrance de connaissances (laquelle laisse la liberté à l’élève d’une mise à distance critique), on peut craindre une dérive : appartient-il à l’Etat ou à l’Eglise de se substituer aux parents, en s’appuyant sur leur consentement tacite, pas toujours réfléchi, plutôt que sur leur demande explicite ?
Au demeurant on peut s’interroger sur l’efficacité de fait d’une telle éducation (si l’Etat persiste à se donner les méthodes et les moyens éducatifs actuellement en vigueur, il semble inutile de s’inquiéter outre mesure sur le formatage qui pourrait théoriquement en résulter !) : elle est concurrencée d’une part par des messages publicitaires et médiatiques bien plus séduisants et persuasifs, et d’autre part par un milieu familial et social qui pèse affectivement bien plus lourd.
Ceci nous amène donc à nous interroger sur l’efficacité d’une transmission de la foi par des instances extérieures à la famille ; certes, l’Esprit souffle où il veut et peut convertir à travers n’importe quels événements, environnements et circonstances, et l’on pourra donc toujours citer des cas de conversion d’adolescent déclenchée par une rencontre en milieu scolaire, mais il reste de notre responsabilité d’éducateurs d’instaurer les conditions qui secondent le mieux son action. Or pour connaître le Christ et l’aimer, un fonctionnement inévitablement plus ou moins scolaire (malgré les efforts faits par les aumôneries pour s’en démarquer) est-il le plus adapté ? Autrement dit apprend-on à aimer quelqu’un d’abord par des séances hebdomadaires régulières (mêmes assorties de « temps forts »), assis sur des chaises (même redisposées en rond), selon un programme d’enseignement (même rebaptisé « parcours de découverte », de façon relativement ludique et sans notes) ? Autant la connaissance aimante de Dieu à travers le Christ, et de toutes choses en lui, requiert une activité intellectuelle, comme nous l’avons assez souligné d’emblée, autant elle ne saurait s’y réduire et donc s’opérer seulement ni d’abord par les méthodes propres à celle-ci.
Au surplus on voit mal ce qui distingue un établissement catholique ainsi conçu d’un établissement non confessionnel pourvu d’une aumônerie qui effectuerait, dans l’établissement ou à ses portes, par ses responsables ou les lycéens qui la fréquentent, un solide travail d’évangélisation, de formation théologique (cours de formation, conférences et débats) et spirituelle (temps de prière, pèlerinages, retraites, messes, célébration du sacrement de réconciliation, direction spirituelle, activités caritatives…), autrement dit fonctionnant, mutatis mutandis, comme le Centre Richelieu aux portes de la Sorbonne durant les années 1950 et 1960 : le lien entre la proposition religieuse et la formation générale et multidisciplinaire des intelligences, qui justifie l’existence de tout établissement scolaire, n’est pas nettement opéré.
Dernier motif qui conduit tout simplement à douter de la réalisation même de cette évangélisation, du moins à court ou moyen terme : la promulgation d’un texte ne sera efficace que s’il est appliqué, or on ne met pas du vin nouveau dans des outres vieilles. La situation qu’il prétend rectifier tient à l’esprit même qui règne dans la majorité des établissements, et cet esprit tient aux convictions du personnel éducatif en matière religieuse ; peut-on raisonnablement attendre qu’un simple texte amène leur changement ? On peut certes tabler sur le renouvellement du corps enseignant, sinon par le licenciement (illégal et de toute façon malhonnête : peut-on congédier un enseignant, par ailleurs compétent et consciencieux, au motif de convictions athées, agnostiques ou hétérodoxes alors qu’on l’avait recruté auparavant en toute connaissance de celles-ci ?), du moins par le biais des départs en retraite ; c’est oublier qu’il faut au moins un demi-siècle pour voir changer en profondeur une institution, qui a invinciblement tendance à perpétuer l’esprit qui l’anime : les enseignants de demain sont recrutés par les directeurs d’aujourd’hui, donc largement en fonction d’une certaine affinité d’esprit et de convictions. Dernière possibilité de réforme de l’institution : le coup de force qui place des partisans de l’esprit nouveau à des postes clés ; mais le procédé est peu souhaitable en raison des résistances, oppositions de personnes et polémiques qu’il ne peut manquer de susciter, de la dépense ainsi occasionnée d’énergies qui seraient mieux employées de façon plus constructive, du risque d’aggraver des divisions ecclésiales et de susciter une guerre scolaire au sein même de l’enseignement catholique ; indépendamment de leur caractère justifié ou non, les regrettables réactions qu’ont suscité les paroles et les décisions de Mgr Cattenoz laissent songeur.
Une seconde attitude devant la situation actuelle de l’enseignement catholique est donc de ne pas tenter de renouveler de l’intérieur les institutions existantes, mais de créer des établissements d’enseignement hors contrat d’association avec l’Etat. Ces initiatives, surtout parentales, se multiplient ces dernières années, mais principalement au niveau de l’enseignement primaire. Les raisons de cette prépondérance sont a priori évidentes :
définir les connaissances fondamentales et élémentaires à acquérir en cours primaire, et donc les programmes, reste à la portée intellectuelle des familles fondatrices ;
constituer un corps enseignant qualifié est relativement aisé : dans un établissement primaire les enseignants sont peu nombreux (à raison d’un ou deux enseignants par classe, vu l’absence de spécialisation par discipline), leurs prétentions salariales restent relativement modestes en raison du niveau de diplômes requis pour y exercer, ainsi qu’en raison de la féminisation quasi exclusive du métier : les institutrices / professeures des écoles y sont le plus souvent de jeunes célibataires ou des épouses d’hommes assurant l’essentiel du revenu familial ; ceci, joint au relatif esprit de sacrifice inséparable des convictions amenant à exercer en hors contrat, ne conduit pas à des rémunérations élevées, en comparaison des établissements publics ou sous contrat d’association avec l’Etat.
En revanche, des raisons de même ordre rendent plus difficile la fondation de collèges et lycées hors contrat, partant plus rares :
le projet des familles fondatrices est souvent élaboré à partir d’expériences négatives parcellaires de l’enseignement public ou religieux sous contrat ; or il est difficile d’élaborer des programmes d’enseignement seulement à partir de ce que l’on a ponctuellement refusé (tel manuel ou ouvrage de littérature jugé immoral, l’enseignement de la sexualité en classe de 3e, quelques points du programme d’histoire traités de façon trop partisane, l’orientation générale d’un cours de philosophie…). Faute de capacité intellectuelle à penser, repenser, évaluer et innover on se rabat donc souvent sur des pratiques passées cautionnées par une rassurante tradition et une sympathique image rétro, du moins dans les disciplines où l’actualisation des connaissances ne semble pas impérative ; en littérature, l’utilisation du Lagarde et Michard pourra devenir un argument publicitaire de l’établissement hors contrat, tout comme la méthode syllabique l’est dans le primaire ; mais peut-être celle-ci est-elle scientifiquement et pédagogiquement plus défendable que celui-là…
Toujours est-il que le principe régissant les programmes et même la pédagogie des collèges et lycées hors contrat paraît souvent être l’asepsie morale ou idéologique, principe assez contestable si l’on pense qu’il s’applique non plus à des enfants, mais à des adolescents, c’est-à-dire étymologiquement des personnes en train de devenir adultes et donc que l’on doit sans attendre préparer à vivre à bref délai dans un monde d’adultes ni aseptisé, ni aseptisable ; on peut donc se demander quels seront les fruits intellectuels et humains d’une telle formation : prépare-t-elle à affronter le monde autrement qu’en s’en préservant ?
autre difficulté, corollaire : comment recruter un candidat enseignant quand on n’a pas soi-même le niveau intellectuel requis pour évaluer ses compétences intellectuelles, pédagogiques et religieuses ?
la dernière difficulté est financière : le corps professoral dans le secondaire est nécessairement plus nombreux en raison de la spécialisation disciplinaire requise (une classe exige donc au moins une dizaine d’enseignants des différentes disciplines) et devra en outre être rémunéré en fonction de sa qualification universitaire, relativement élevée, et de sa situation de soutien de famille (cas le plus fréquent, sauf à vouloir se passer presque totalement d’enseignants masculins) ;
une difficulté supplémentaire réside dans la présence d’un internat : d’abord nécessité par l’éloignement géographique des familles, il peut devenir un problème dans la mesure où il risque de constituer très vite le motif principal du choix de l’établissement ; en effet chez certaines familles soucieuses avant tout de déléguer l’éducation d’un enfant qui leur pose des problèmes, les préoccupations éducatives priment sur l’attachement à la qualité de l’enseignement ; or concentrer ce profil d’élèves aboutit à une concentration des problèmes, avec une baisse corollaire de la qualité de l’enseignement et un phénomène de cercle vicieux : à terme, les élèves sérieux quittent un établissement devenu, toutes proportions gardées, la Z.E.P1. des bonnes familles catholiques.
Dernière critique pour parachever un tableau bien sévère : sous ou hors contrat d’association avec l’Etat, l’enseignement privé pratique une politique commerciale sans audace. Au lieu de prendre le risque de créer une demande en proposant une offre novatrice, il suit la demande, d’où le peu de moyens qu’il consacre à l’appropriation de la culture patrimoniale européenne et ecclésiale par le biais d’une offre abondante et de qualité dans les filières littéraire et artistique ; considérons en particulier le sort qu’il fait concrètement à l’enseignement solide des langues anciennes, pour constater que l’Eglise qui est en France (et dont dépend en principe l’enseignement catholique) ne se donne guère les moyens de former tôt, et solidement, ses futurs décideurs à la connaissance de son patrimoine culturel, pour l’essentiel tributaire des cultures juive, grecque et latine.
En est-il autrement chez les familles scolarisant en établissement catholique hors contrat ? Il y a peu d’années certains « bons catholiques » se sont indignés de voir au programme de littérature du baccalauréat L’Art d’aimer d’Ovide2, œuvre qu’en d’autres temps des générations de moines nullement paillards ont pris la peine de retranscrire pour la perpétuer, comme ils le faisaient pour toutes les œuvres de la littérature antique, même les plus paganisantes… Alors même qu’elles déplorent volontiers le déclin de l’enseignement traditionnel et la perte de la culture patrimoniale, les familles aux valeurs dites traditionnelles appartiennent désormais elles-mêmes à la génération déjà affectée par cet appauvrissement culturel ; leur attitude envers la culture patrimoniale s’en ressent.
En d’autres termes il en est de l’enseignement de la culture classique comme des autoroutes et des vocations sacerdotales : on souhaite leur existence, mais pas y contribuer personnellement ; l’enseignement du grec (et du latin ?) coûte cher et ne sert à rien, comme le disait en substance un récent président de la République qui proclamait son aversion autant envers Mai 1968 que pour La Princesse de Clèves…

4. Evangéliser l’intelligence : le dialogue de la foi et de la raison au collège et en lycée
Au vu des longues considérations précédentes, on comprend pourquoi fonder un établissement secondaire d’enseignement catholique spécifique semble a priori nécessaire dans la mesure où, à notre connaissance, un tel établissement n’existe actuellement pas en France ; pourtant son caractère spécifique n’a en principe rien de novateur, puisqu’il ne s’agit que de s’inscrire dans l’attitude multiséculaire du peuple de Dieu (Israël dans le monde sumérien puis hellénistique, puis l’Eglise en Europe et dans le monde) envers la culture.
Il s’agirait donc de fonder un établissement où la priorité sera l’éducation de l’intelligence, autrement dit l’enseignement, et un enseignement de qualité ; qu’on nous pardonne de faire de cette évidence une originalité, mais une telle perspective n’est actuellement pas si partagée : l’étude suffisamment approfondie des points du programme scolaire ainsi que l’exigence pédagogique font mauvais ménage avec la nécessité devenue impérative de boucler ledit programme, la délivrance de bulletins scolaires bienveillants et l’obtention de taux de réussite records au baccalauréat.
Sans pour autant exclure une visée diplômante et utilitaire de cette éducation de l’intelligence, qui doit aussi permettre la future insertion sociale et professionnelle des élèves, l’enseignement ne sera pas conçu exclusivement ni d’abord dans cette perspective : il s’agira au premier chef, à travers l’initiation à la culture patrimoniale européenne, de donner à l’élève une capacité de réflexion le rendant apte à trouver ce que les anciens appelaient la sagesse, le savoir suprême, qui est réussir sa vie, et non réussir dans la vie. Cette éducation donnera donc aux études humanistes et aux sciences humaines la part déterminante qui leur revient, sans pour autant négliger une formation très sérieuse aux sciences exactes, utiles pour le cursus universitaire et professionnel, mais également parties intégrantes de la culture patrimoniale.
Cette éducation de l’intelligence sera d’autre part catholique, en ce sens qu’elle intégrera le regard chrétien porté sur le savoir humain. Précisons immédiatement qu’il ne s’agira pas seulement ni d’abord d’un regard immédiatement et purement inspiré par l’esprit de critique, où il s’agirait d’opérer de simples mises au point doctrinales sur tel ou tel sujet, de s’armer contre de mauvaises idées, de mauvaises lectures, etc., dans une attitude raidie procédant du moins bon de la Contre-Réforme, des polémiques des Lumières, du 19e siècle et de l’antimodernisme. Il s’agira d’éduquer à une attitude intellectuelle plutôt que d’inculquer un certain nombre d’idées, de rendre apte à élaborer une représentation chrétienne du monde plutôt que d’en inculquer une toute faite. Comment définir cette attitude ?
La tâche de l’intelligence humaine est de nommer (cf. Genèse, ch. 2, v. 19), c’est-à-dire de chercher à connaître l’essence des choses, à créer des mots et des concepts correspondant aux réalités, à réadapter sans cesse les premiers aux secondes, à saisir la cause et le sens ultime des choses, autrement dit à découvrir en quoi elles sont référées à Dieu. L’activité de tout homme de science peut donc se définir comme la découverte des traces de l’intelligence divine dans la création, et le fait qu’il soit athée le rend simplement inconscient de cette dimension de la tâche qu’il effectue. En revanche un chrétien devrait être conscient de cette dimension religieuse du travail de l’intelligence, dont la conséquence première, avant d’ouvrir à une maîtrise accrue de la nature et des principes de vie relationnelle, est de conduire à admirer Dieu à travers son œuvre créatrice. Avant d’avoir une utilité sociale ou professionnelle, tout contenu d’enseignement est donc d’abord nourriture spirituelle, propre à intensifier la relation aimante à Dieu. Même s’il devra aussi tenir compte de la nécessité de préparer les élèves à l’apprentissage d’un métier et à leur rôle de citoyen (puisque l’homme n’est pas un pur esprit, mais aussi un être de chair appelé à vivre et à donner vie, ainsi qu’un être appelé à vivre en société) l’enseignement dispensé dans l’établissement que nous évoquons ne devra donc nullement être gouverné par une perspective utilitariste d’insertion professionnelle ou sociale.
Cette tâche implique une estime foncière de la raison, non opposable à la religion, mais au contraire de droit en harmonie avec celle-ci, puisque l’intelligence humaine et ses règles de fonctionnement procèdent de la Sagesse divine dont elles sont le reflet : tout ratio / logos est le reflet dans l’esprit humain du Logos divin, du Verbe, cocréateur et ordonnateur du créé, et Fils révélateur du Père source de l’être et de la vie naturelle et surnaturelle. Toute opposition des données de la raison et de la foi ne peut donc être qu’illusoire, un malentendu à dissiper par un effort accru d’intelligence.
Par conséquent tout fruit de l’intelligence humaine bénéficiera d’un a priori favorable aux yeux du chrétien tant qu’il ne sera pas avéré faux : jusqu’à preuve du contraire, il est à compter parmi ce que Clément d’Alexandrie appelait les « semences du Verbe », une facette de la Vérité, au moins partiellement

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Re: Projet d'école catholique (p9-12)

Message non lu par Fée Violine » mar. 28 août 2018, 20:53

[+] Texte masqué
valable quoique limitée et entravée par les limites propres à la raison humaine ou entraînées par le péché, la tâche de l’intelligence chrétienne étant alors de distinguer le bon grain de l’ivraie.
En effet la culture patrimoniale n’est pas univoque : elle comprend à la fois Platon et Aristote, Epicure et Epictète, Montaigne et Pascal, Saint François de Sales et Sade, Voltaire et Musset, Cocteau et Maritain, etc. ; elle ne constitue donc pas un ensemble cohérent auquel adhérer en bloc, mais par ses contradictions et ses évolutions elle invite à penser, faute de quoi elle n’est que vaine accumulation de connaissances. Recevoir un enseignement chrétien ne consistera donc pas dans l’acquisition d’une doctrine ne varietur, mais dans une attitude de pensée gouvernée par l’amour de la vérité et le courage de la poursuivre et de la dire. Rappelons qu’au sens strict la vérité est appréhension de la réalité par l’intelligence et donc parole sur la réalité : or à la différence de la Vérité divine, en adéquation parfaite à la réalité qu’elle a suscitée et donc qu’elle connaît et exprime parfaitement, toute vérité atteinte par l’intelligence humaine (limitée, quoique susceptible d’atteindre la réalité) n’est ni absolument vraie ni absolument fausse, mais approximative : elle n’atteint que partiellement la réalité, tout en en approchant sans cesse davantage1. Il ne s’agira donc pas de se conformer à une raideur doctrinale, à un système intellectuel qui « rend la vérité ennuyeuse2 ». Même dans l’enseignement religieux du dogme catholique, on n’oubliera pas que l’argument d’autorité (le plus faible de tous, dit précisément Thomas d’Aquin, paraît-il) ne doit nullement mettre fin à la réflexion, mais au contraire la lancer ou la relancer : si une intelligence réputée a pu adopter telle position qui me semble a priori erronée, il est intéressant et honnête d’examiner ce qui a pu la conduire à cela ; autrement dit on étudiera le développement du dogme, les raisons qui ont conduit le Magistère à lire dans l’Ecriture et à discerner dans la Tradition tel discours de l’Esprit saint, tel développement incontournable de la Révélation, à se faire en conséquence explicitateur et continuateur du Verbe qui continue ainsi à agir dans et par l’Eglise.
Ce dialogue de l’intelligence et de la réalité auquel invitent la variété et les contradictions de la culture patrimoniale ne se contentera pas de confronter les discours des auteurs entre eux : le souci de déterminer la part de vérité de leurs discours devra ultérieurement, durant toute sa vie adulte, amener l’élève à confronter les expériences des hommes du passé avec sa modeste expérience individuelle, le savoir scolaire théorique avec la vie concrète.
En effet cet enseignement sera nécessairement théorique : Ce que vous recherchez […] se trouve dans le monde, mais le seul moyen, pour l’homme de la rue, d’en connaître quatre-vingt-dix-neuf pour cent, ce sont les livres. (Ray Bradbury, Fahrenheit 451, deuxième partie (Le tamis et le sable), Faber à Montag). L’école est née lorsque l’on s’est avisé que l’expérience individuelle quotidienne ne suffisait plus pour mener sa vie, et qu’il était souhaitable de recourir en outre au capital des expériences des hommes qui nous ont précédés, capital accessible oralement à travers la mémoire des aèdes, druides, scaldes ou griots, ou encore consigné par écrit dans les livres, en mots (et donc nécessairement de façon abstraite, puisque le mot n’est pas la chose). Reprocher à l’école d’être séparée de la vie quotidienne manifeste une incompréhension totale de sa raison d’être : elle n’existe que pour enseigner ce que l’expérience quotidienne ne peut enseigner, et non pour se substituer à cette dernière (encore faut-il bien sûr que l’enfant ne soit pas considéré exclusivement comme un élève, autrement dit que l’école ne soit pas le lieu où il passe l’essentiel de sa vie, coupé de la société réelle des adultes, dans une bulle, extension institutionnelle de l’utérus et des jupes de maman, un milieu surprotecteur où la maturation intellectuelle se paie d’une immaturation humaine (psychique, affective, sociale, etc. : le philosophe Alain rappelait que l’école est le seul lieu où une erreur de calcul n’a pas de conséquence plus grave qu’une mauvaise note… quand on ose encore en donner !))
Il convient donc que cet enseignement, quoique théorique et abstrait, ouvre sur la vie en y initiant par procuration, en permettant de faire l’économie d’expériences individuelles dommageables ; cela passe par la méfiance envers une censure guidée par un souci d’asepsie morale ou idéologique, principe contestable (comme on l’a rappelé plus haut, p. 6) si l’on pense qu’il s’applique non à de jeunes enfants, mais à des adolescents que l’on doit sans attendre préparer à vivre à bref délai dans un monde d’adultes ni aseptisé, ni aseptisable. Sans privilégier pour autant les sujets scabreux, on ne reculera donc pas devant l’étude, pourtant délicate, de comportements ou de discours pourtant chrétiennement répréhensibles : la bonne question à se poser en tant qu’éducateurs n’est pas d’abord « Que fait-on lire à nos enfants ? » mais « Comment va-t-on le leur faire lire ? ». On saisit donc l’extrême importance du rôle de l’enseignant, qui se fait ici éducateur en aidant les élèves à tirer quelque profit de ce qui semble a priori immoral, à discerner ce qu’il peut encore y avoir de vrai, de beau et de bon, et donc d’accordé à la Révélation chrétienne, et également bien sûr en pointant ce qu’il y a de nocif dans tel sujet abordé. Eduquer ainsi l’élève est une façon de le préparer à pouvoir, une fois adulte, discerner dans le monde ce qui est bon ou améliorable de ce qui ne l’est pas, ce qui offre matière à l’accomplissement de l’Incarnation pour « restaurer toutes choses dans le Christ » et ce qui relève de la séduction du Mauvais. On oublie trop souvent le sens premier de l’adjectif « édifiant » : « qui construit » ; or une personnalité se construit tout autant et même parfois mieux par un contact – certes mesuré et contrôlé – avec l’évocation du mal que dans un milieu totalement préservé ; c’est le principe du vaccin : mettre en contact avec un mal atténué renforce, là où la croissance en enceinte stérile affaiblit.
Enfin si Dieu s’est révélé, c’est parce que de lui-même l’homme ne pouvait pas en savoir assez pour vivre en homme, donc en personne appelée à être enfant de Dieu. Un regard chrétien sur le savoir humain aura donc le souci de compléter celui-ci par le savoir issu de la Révélation, mais aussi de prolonger ce dernier à la lumière des acquis du premier ; comme nous l’avons déjà dit, il ne s’agira pas d’abord ni seulement d’un regard immédiatement et purement inspiré par l’esprit de critique, qui opérerait de simples mises au point doctrinales sur tel ou tel sujet, mais d’une confrontation du savoir humain et du savoir révélé, et de leur éclairage réciproque ; dans le domaine littéraire par exemple, il ne s’agira donc pas d’étudier une (contre-)culture chrétienne, mais d’avoir un regard chrétien sur la culture (donc sans visée polémique, sans pour autant être forcément irénique). Du reste c’est à cette condition que peut de surcroît se créer une culture d’inspiration chrétienne : une culture ne vit et ne se perpétue que par un dialogue avec ce qu’elle a été, et réfléchir sur une culture, c’est commencer à participer à la perpétuation, à l’évolution et à l’infléchissement de celle-ci : toute création culturelle a comme préalable une démarche critique (mais pas forcément de critique).
Pour résumer, dimension religieuse de l’activité intellectuelle, estime pour l’intelligence reflet de la Sagesse divine, estime pour les acquis du savoir humain, fussent-ils abstraits et théoriques, refus corollaire de la censure, mise en dialogue de ceux-ci entre eux, avec l’expérience concrète individuelle et avec la Révélation, le tout guidé par l'amour de la sagesse et le courage nécessaire pour rechercher honnêtement celle-ci afin d’y conformer sa vie, tels sont les principes qui devraient guider un enseignement chrétien.
Il s’agit donc de s’inscrire dans une authentique attitude judéo-chrétienne, qui malgré le mot de Tertullien (« quoi de commun entre Athènes et Jérusalem ? ») n’a pas simplement rejeté les acquis des cultures qu’elle a rencontrées, mais les a modifiés et utilisés pour se penser, se dire à l’intelligence et à la sensibilité, se vivre et se transmettre, que ce soit la culture sumérienne (le récit de Gilgamesh, réutilisé pour élaborer les récits initiaux de la Genèse), gréco-romaine (« Platon pour préparer au Christ », et ensuite Aristote chez les scolastiques) et même celte, germaine et scandinave (christianisation de sanctuaires et fêtes païennes, et à travers eux des grands phénomènes naturels qu’ils célébraient, et de mythes tels celui du Graal).
Le caractère chrétien d’un établissement d’enseignement se joue donc non autour de l’enseignement ni à côté, mais au sein même de celui-ci et donc au sein même des cours ; il requiert donc que chaque enseignant non seulement accepte mais désire, au sein de son propre cours, amener les élèves à effectuer ce qu’il a normalement déjà commencé à faire pour lui-même : une synthèse entre savoir humain et savoir révélé, et qu’il en ait les moyens intellectuels, tant par sa connaissance de sa propre discipline que par ses connaissances théologiques, particulièrement dans les domaines où la théologie interroge son domaine de compétence intellectuelle.
Notons ici des convergences de notre projet avec le document L’annonce explicite de l’Evangile dans les établissements catholiques d’enseignement publié fin 2009 par le Secrétariat Général de l’Enseignement Catholique, qui recommande de « mieux situer la spécificité de l’annonce explicite dans un établissement catholique d’enseignement, au sein même […] de l’action d’enseignement et de la transmission de la culture » (p. 3), de « mobiliser l’ensemble des acteurs [de la communauté éducative] pour l’annonce et la réception de la Bonne Nouvelle » (p. 3), en précisant que « la responsabilité pastorale du chef d’établissement ne peut s’assumer dans la solitude » (p. 10), en souhaitant que « tous les enseignants contribuent, au sein de leur discipline, à la prise en compte du fait religieux » « pour assurer la culture chrétienne et la découverte des autres traditions religieuses » (p. 10).

5. Quelques traits concrets : description non exhaustive d’un nouvel établissement d’enseignement catholique secondaire
QUEL PUBLIC ?
Cet établissement serait ouvert à tout jeune, chrétien ou non, croyant ou non croyant, désirant connaître la culture patrimoniale occidentale, particulièrement en ce qu’elle a de chrétien, et désirant également rechercher la sagesse en participant aux dialogues dont nous avons parlé entre les différents courants de cette culture, entre celle-ci et l’expérience individuelle des vivants, et entre celle-ci et la Révélation chrétienne. La seule condition à son accueil sera que son éventuelle absence de convictions chrétiennes ne conduise pas l’établissement à édulcorer sa propre identité : un non-croyant a droit à rencontrer un christianisme authentique et exigeant, s’efforçant d’être à la hauteur de l’Evangile, et non une vague philanthropie consensuelle qui évite les difficultés nées de la confrontation de convictions différentes.
QUELS PROGRAMMES ?
Cette exploration de la culture et cette recherche de la sagesse étant affaire de désir intellectuel et existentiel, il serait dommageable de voir celui-ci contrecarré par la nécessité de boucler un programme officiel, même s’il est bon qu’il y en ait un pour guider méthodiquement l’accomplissement de ce désir. On s’autorisera donc une grande indépendance vis-à-vis des programmes officiels de l’Education Nationale française. S’ensuivra-t-il pour autant une incapacité de nos élèves à obtenir les diplômes et à suivre les études supérieures nécessaires pour s’insérer socialement et professionnellement ? Non, pour les raisons suivantes :
les programmes officiels n’étant pas (encore ?) totalement dénués de bon sens malgré les reproches qu’on peut leur faire, le programme de l’établissement les recoupera très largement sur les connaissances et compétences essentielles à l’obtention du brevet des collèges et du baccalauréat ;
du reste le taux de réussite actuel au baccalauréat laisse penser qu’à la limite (et des constatations personnelles récentes de l’enseignant que je suis vont dans ce sens) on pourra dans quelques années l’obtenir sans avoir sérieusement suivi les cours ;
bien plus important mais trop souvent oublié par des lycéens et leurs parents focalisés sur le très (et trop) court terme, l’important n’est pas l’obtention du bac et l’accession à une filière d’études, mais l’assurance de pouvoir suivre cette filière : actuellement, parmi les plus de 87% de reçus au baccalauréat, 40 à 45% échoueront moins d’un an plus tard à l’issue de leur première année d’études supérieures…
On peut dès lors penser qu’un programme non conçu en fonction des épreuves du baccalauréat, mais qui tiendra compte des impératifs de l’enseignement supérieur sera finalement plus profitable. Pour cela, il sera souhaitable que notre établissement noue des partenariats avec différents établissements d’enseignement supérieur axés sur la transmission et l’approfondissement de la culture patrimoniale, ceux-ci s’engageant à privilégier les candidatures de nos lycéens, puisqu’ils auront bénéficié d’un enseignement secondaire plus solide et complet qu’ailleurs.
Dans la mesure où elles seront compatibles avec la spécificité de notre enseignement, les suggestions, par lesdits établissements, d’orientations ou d’enrichissement de nos programmes ne pourront qu’être accueillies avec intérêt.
Ce préalable étant posé, on peut esquisser quelques traits de programmes qui restent cependant à élaborer ; quelques traits seulement, car il ne s’agit ici pas de les définir, mais d’indiquer des éléments qui les différencieront de ce qui se fait ailleurs, et parce que d’autre part l’enseignant de lettres que je suis n’est pas capable de définir intégralement des programmes de disciplines où je ne suis pas compétent.
Dans le domaine des disciplines du quantifiable, autrement dit des sciences exactes, de la matière mesurable et / ou vivante (mathématiques, sciences de la vie et de la Terre, sciences physiques), on accordera un traitement attentif aux points qui suscitent des interrogations d’ordre philosophique et religieux sur l’origine du monde, l’origine et l’essence de l’homme (polygénisme et monogénisme, spécificité de l’homme par rapport aux hominidés, liberté et intelligence humaines…), la bioéthique, l’éthique (pouvoir technique et conscience morale…), la sexualité humaine, la nature de la connaissance scientifique et ses méthodes (mobiles de la recherche fondamentale et recherche appliquée, concept scientifique et réalité, mathématiques et réalité, théorie, observation et expérimentation…), les relations entre Révélation et sciences exactes…
Dans le domaine des disciplines de l’homme, celles portant sur les créations humaines, dont l’étude permet à la fois de mieux connaître l’homme en ce qu’il a de spécifique ainsi que de connaître et maîtriser ses moyens d’expression (histoire, géographie humaine, sociologie, initiation juridique, littératures et langues vivantes ou anciennes (y compris l’hébreu biblique), arts plastiques, musique…), on veillera à ne pas négliger l’étude approfondie du patrimoine religieux artistique (en littérature, en langues, en arts plastiques, en musique) afin que les élèves aient une connaissance plus complète de leur patrimoine européen ; on s’attachera à confronter représentations de l’homme données par telle ou telle œuvre et conception chrétienne de celui-ci. En histoire, en géographie humaine et en sociologie, on veillera à accorder à l’étude du phénomène religieux (en Occident très largement chrétien – mais pas exclusivement) une importance en accord avec celle qu’il a eu ou a encore réellement.
(Qu’on permette ici à l’enseignant de français et de littérature d’évoquer, dans les programmes cités, trois points moins immédiatement en lien avec le principe fondamental de ceux-ci, mais qui lui semblent extrêmement importants. Tout d’abord l’enseignant d’arts plastiques, en lien avec ceux de musique et de français, accordera une place importante à l’étude des images issues de la culture contemporaine, en particulier les classiques cinématographiques, les procédés de persuasion contemporains (propagande, agitation, publicité, communication) à travers l’analyse critique de l’information (documentaires, périodiques, journal télévisé, internet, publicité…) et l’étude de la production de celle-ci (formation au journalisme : méthodes de collecte de l’information, détermination du public visé, techniques de rédaction… ; étude des techniques publicitaires). Autre point important : une nouvelle discipline sera créée, confiée à l’enseignant de français mais dotée d’un nombre d’heures et d’un programme spécifique afin qu’il ne soit pas tenté d’en faire une simple extension de son cours d’enseignement du français écrit :

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Re: Projet d'école catholique (p13-16)

Message non lu par Fée Violine » mar. 28 août 2018, 20:54

[+] Texte masqué
la communication orale (travail de la diction, de la gestuelle, etc. au théâtre, en lecture, en poésie, en exposés, en entretiens de motivation, en épreuves orales, lors d’une intervention radiophonique ou télévisée…). Dernier point de l’enseignement du français : il formera à l’utilisation des techniques d’utilité quotidienne, telles que la prise de notes et les écrits dits sociaux : lettre de motivation, lettre administrative, de réclamation, etc.)
Dans le domaine des disciplines sapientielles, celles qui se consacrent immédiatement à la réflexion sur le sens de l’homme et du monde, à savoir la philosophie et la théologie (que l’on peut certes persister à nommer « instruction religieuse », si l’on estime que mettre la Révélation à portée des jeunes intelligences n’est pas déjà de la théologie…), on considérera que les interrogations d’un préadolescent peuvent déjà le conduire à la réflexion philosophique et religieuse et par là à l’intérêt pour l’histoire de la philosophie, des idées, des mentalités et des sensibilités, dès lors que l’enseignant s’efforcera de mettre celle-ci à la portée des jeunes intelligences. L’enseignement de la philosophie mais aussi de l’histoire de la philosophie et des idées ne sera donc pas réservé à la dernière année de lycée, mais pourra commencer au moins dès quinze ans, voire plus tôt1. Elle sera conduite autant que possible en lien avec les programmes d’histoire, de français et de langues anciennes, puisque bien des idées et faits étudiés dans ces disciplines constituent autant de points de départ de la réflexion.
La remarque vaut également pour la théologie, qui aura tout à gagner à voir son programme harmonisé avec ceux d’histoire, de littérature, de langues anciennes et de philosophie, mais aussi de musique et d’arts plastiques : ainsi, étudier la représentation picturale ou sculptée de Dieu peut être mis en lien avec l’étude historique de l’iconoclasme, du judaïsme, de l’islam, et déboucher sur une réflexion philosophique et religieuse sur la représentation matérielle de Dieu, sur les implications de l’Incarnation, l’intérêt et les limites de l’image, de la métaphore, de la comparaison, etc. Bref, un grand principe de l’enseignement de la théologie dans notre établissement, par rapport à ce qui se fait actuellement trop souvent, sera la transdisciplinarité.
Un deuxième sera la progressivité. Trop souvent les programmes actuels d’instruction religieuse sont conçus sur le modèle universitaire, où un thème est traité seulement une année, pour ne plus l’être ensuite. C’est oublier qu’en collège et lycée, même si les interrogations fondamentales peuvent apparaître très tôt, on a encore affaire à des intelligences dont les capacités d’abstraction et d’approfondissement, parce que quasi enfantines au départ, évoluent incomparablement plus vite que chez des étudiants de faculté de théologie. Par conséquent on aura soin de reprendre chaque année les domaines et thèmes essentiels de la théologie, pour les revoir et les approfondir au rythme de la croissance des jeunes intelligences, à l’instar de ce que le bon sens pédagogique a imposé depuis des siècles dans toutes les autre disciplines, plutôt que de prétendre les traiter chacun une seule fois au cours de la scolarité.
Un quatrième et dernier groupe est constitué par les disciplines de l’apprentissage des gestes et du développement corporel. A notre époque la majeure partie de la population est urbanisée ; d’autre part les professions sollicitant largement le travail physique et l’habileté manuelle sont de moins en moins nombreuses et estimées ; enfin le progrès technique, en visant – très légitimement – à assurer à l’homme une existence moins précaire par une plus grande maîtrise de son environnement, l’affranchit des contraintes du concret, et risque ainsi actuellement de le couper quasi totalement de celui-ci : il abolit la nécessité de l’effort physique et réduit presque à rien le risque, le temps et l’espace, puisque sans autre effort que de presser une pédale de vitesse ou quelques touches, l’on voyage de plus en plus vite, l’on peut contacter immédiatement ceux qui sont éloignés, l’on a accès quasi immédiatement à des images, des sons et des informations qui demandaient autrefois de longs déplacements ; et le moindre Français jouit généralement d’un niveau de confort et de santé dont ne bénéficiait pas en son temps le roi Louis XIV. Il est donc indispensable de ne pas perdre le contact avec le réel concret et ses contraintes, qui contribuent à former humainement en confrontant à l’effort, à l’attente, au risque et en faisant acquérir la confiance en soi, toutes choses qui préparent à la prise de responsabilités.
A cette fin, le sport et l’apprentissage des techniques manuelles sortiront périodiquement l’élève de l’abri surprotecteur et facile offert par une technique élaborée produite selon des procédés hautement spécialisés et sophistiqués. En particulier on formera au bricolage (notions essentielles de menuiserie, de maçonnerie, de travail des métaux, de mécanique, de cartonnage, de couture, de modelage, d’électricité), au jardinage, à la cuisine, au secourisme, à la peinture, au dessin, à la maîtrise d’un instrument de musique, tout ceci par le biais de cours conduisant à des réalisations dans le cadre de manifestations festives et dans une certaine participation à l’entretien de l’établissement, ce qui développera le sens de la responsabilité et la saine valorisation de soi.
En particulier tous les élèves bénéficieront d’un apprentissage de la dactylographie, compétence de base pour la maîtrise de l’outil informatique, et néanmoins grande oubliée dans l’apprentissage des T.U.I.C.E. (technologies usuelles de l’informatique et de la communication électronique : dernière dénomination officielle en date de l’informatique, dans l’Education Nationale).
Ceci nous conduit à évoquer la place qui sera accordée à l’outil informatique. Certain pédagogue, en vue entre la fin des années 1990 et les années 2000, voyait caricaturalement dans l’internet ce qui allait enfin émanciper l’élève en renversant la figure néfaste (donc « médiévale », forcément !) du maître, unique détenteur du savoir et écran entre celui-ci et « l’apprenant » dans le cadre d’une pédagogie frontale2 ; désormais le professeur ne serait plus que l’accompagnateur de l’élève découvrant le savoir dispensé via l’internet (ce qui d’ailleurs ne faisait que transférer le caractère frontal, celui-ci étant désormais dévolu à l’écran électronique). Cet adorateur naïf du progrès technique (à moins qu’il n’ait été qu’un carriériste opportuniste soucieux de suivre la dernière mode idéologique) semblait oublier que les « maîtres » qui parlent et écrivent via l’internet sont souvent fort peu compétents ou fort peu désintéressés ; il faisait oublier d’autre part que lâcher un enfant devant une masse énorme et inorganisée d’informations, dans cette immense bibliothèque mondiale où le meilleur côtoie le pire, le plus fiable le plus douteux, le plus généreux le plus malhonnête, le plus accessible le plus abscons et spécialisé, ne saurait en soi rendre l’élève instruit ni intelligent, pas plus qu’en lui donnant libre accès à la Bibliothèque Nationale.
Savoir authentiquement utiliser l’internet ne saurait simplement passer par l’apprentissage de procédés techniques et de logiciels3 en évolution rapide et constante et d’ailleurs de plus en plus simples à utiliser (pour séduire un public d’acheteurs le plus large possible) ; du reste ils peuvent être appris en famille au même titre que l’utilisation des couverts de table, des boutonnières, des fermetures éclair, des lacets de chaussures, des poignées de porte, des interrupteurs, des téléphones et autres appareils électriques ou électroniques. Il est surtout indispensable de savoir relier, classer et trier les informations, d’évaluer le sérieux d’un site, la vraisemblance, la vérité et la valeur d’une information. Cela passe par un apprentissage très poussé de la compréhension des textes et des images et par un processus d’évaluation qui peut certes être rapidement formalisé et formulé de façon brève, générale et abstraite, mais qui n’est concrètement opérant qu’au prix de l’acquisition, durant nombre d’années, et de la maîtrise d’une certaine culture, laquelle permet de poser un regard critique et réfléchi sur les contenus de l’internet. Pour un jeune adolescent encore peu cultivé, l’accès non dirigé à celui-ci n’est donc pas toujours nuisible, mais tout simplement peu profitable.
En outre la formation de l’intelligence ne saurait se réduire à l’accession à un ensemble d’informations, ni à leur accumulation ou à leur détention par la mémoire, ni même à leur compilation, leur reformulation ou leur synthèse, toutes tâches résumables au simple recopiage mental, mais elle passe par l’élaboration d’une pensée propre à partir de ces informations, autrement dit par celle d’un discours intérieur qui ne sera pas la simple reprise ou synthèse de discours déjà existants : penser n’est pas simplement savoir, la tête bien faite n’est pas la tête bien pleine, même si elle a besoin de connaissances pour fonctionner.
Dans la pratique on ne s’interdira donc pas l’utilisation des immenses ressources offertes par l’internet, mais de façon guidée par l’enseignant, par l’utilisation de sites particulièrement intéressants, susceptibles de nourrir la culture et la réflexion. Au fur et à mesure que l’élève gagnera en maturité, au lycée, on le formera à l’approche critique des contenus de l’internet, ainsi qu’à une réflexion d’ordre épistémologique sur les avantages et les limites de cet outil ; en particulier celui-ci privilégie les textes brefs, donc accordant peu de place à la pensée approfondie et nuancée, et par le biais du lien hypertexte il favorise la lecture papillonnante, le feuilletage, mode de lecture qui a ses mérites propres (il stimule la curiosité et ouvre à l’approche transdisciplinaire d’un sujet), mais ne saurait être exclusivement pratiqué, car il n’apprend pas à s’enfoncer dans une lecture longue, à prêter attention à une pensée approfondie, car nuancée et développée.
Le même souci de tirer profit avec discernement des nouveautés sera appliqué envers les innovations pédagogiques : dans la mesure où, passé l’effet de mode, leur profit sera avéré après expérimentations rigoureusement évaluées, pourquoi s’en priver ? Il s’agit simplement de ne pas être aveuglé par les effets de mode intellectuelle, pédagogique ou médiatique, de garder son bon sens, d’être capable d’accueillir la nouveauté sans l’idolâtrer au point de vouer le passé aux gémonies. Ainsi, l’apport de la « nouvelle histoire » (de l’économie, de la démographie, des mentalités, comportements et sensibilités, lancée par l’école des Annales après la dernière guerre mondiale) est précieux, à condition qu’il ne conduise pas à rejeter comme dépassées l’histoire politique et événementielle et la mémorisation de repères chronologiques ; si elle ne conduit pas à délaisser l’étude de l’histoire littéraire et la réflexion sur le contenu d’un texte, son étude littéraire formelle, qui utilise intelligemment les outils éprouvés hérités de l’école formaliste et des « nouvelles critiques », est fort profitable dans la mesure où elle permet de saisir rigoureusement comment la forme littéraire est mise au service de la communication au lecteur d’un état d’esprit ; si elle ne s’accompagne pas d’une négligence de l’étude de l’orthographe et de la grammaire dite de phrase (celle pratiquée à travers l’analyse grammaticale et logique d’une phrase), l’apport de la linguistique récente est appréciable, dans la mesure où elle permet d’étudier comment le langage est régi également par des lois opérant à l’échelle du texte (grammaire de texte) ou explicables en fonction du contexte (grammaire de discours).
UN INTERNAT ?
Nécessairement, notre établissement sera un internat. Hélas.
Pourquoi ce regret ?
Parce que l’éducation globale (à la vie relationnelle, affective, sociale, au sens pratique, au sens du travail, aux vertus morales et théologales) n’est pas en droit du ressort d’un établissement scolaire, dont le rôle spécifique est l’éducation de l’intelligence. Un tel mode éducatif, objet d’une demande croissante des familles ces dernières années, aboutit à les déresponsabiliser en les désinvestissant de leur rôle propre, même si elles y consentent volontiers : payer est toujours une solution de facilité permettant de confier à autrui une tâche que, à tort ou à raison, l’on considère n’avoir ni le temps ni les capacités d’effectuer, et autorise au surplus à lui reprocher ensuite, éventuellement, de n’avoir pas réussi là où l’on aurait soi-même échoué.
Dans les faits on constate qu’en général les parents recourant à l’internat comme mode éducatif (et non simplement d’hébergement) avouent par là une situation d’échec éducatif, global (enfant ingérable) ou scolaire (enfant ne réussissant pas scolairement, pour des raisons très diverses : manque de motivation, paresse, inaptitude mentale, besoins pédagogiques spécifiques…). Or peut-on raisonnablement estimer qu’en rassemblant et en concentrant des enfants à problèmes dans un même établissement, on obtiendra une réussite scolaire et éducative autre que fort modeste ? Enseignants et surveillants ne peuvent assurer, auprès de chaque enfant, une présence aussi disponible que des parents : avec trente enseignants et cinq à dix surveillants pour plusieurs centaines d’élèves, on est loin du ratio d’encadrement familial. En outre le poids affectif et donc l’influence éducative des parents gardent un pouvoir sans commune mesure avec celui que peut avoir le personnel éducatif d’un internat, même si à l’adolescence la référence parentale s’estompe naturellement au profit d’un autre adulte (enseignant, surveillant) ; du reste cette situation, qui peut aboutir à une confusion des rôles et des types de relation (enseignant, éducateur, directeur spirituel, parent, confident, complice, ami… ?), n’est peut-être pas à rechercher.
Néanmoins les surveillants, surtout par la force des choses ceux d’internat, sont conduits à remplacer tant bien que mal les parents, ce qui pose la question de leur qualité humaine et donc de leur maturité : va-t-on confier ce rôle à des étudiants, encore pratiquement adolescents ? A des étudiants plus âgés engagés dans d’interminables études les confinant hors de la vie d’adulte et dans un célibat d’attente, dont les obligations de l’internat ne les aideront pas à sortir ? A des personnes mûres, mariées et parents, et de ce fait moins disponibles en soirée, la nuit et le matin ? A des parents ayant fini d’élever leurs enfants, donc plus disponibles mais dont les années ont peut-être un peu émoussé l’allant éducatif ? A une équipe panachant ces différents états de vie, en veillant pour chacun de ses membres à ce que la tâche d’éducateur ne nuise ni à ses études, ni à son accession à la vie d’adulte, ni à sa vie conjugale et familiale ? L’idéal serait une communauté de religieux éducateurs (mais laquelle ?) sous réserve que leurs compétences ne s’exercent que dans le domaine de l’internat et de la surveillance et ne les conduisent pas à dénaturer la pédagogie et l’enseignement constituant la spécificité de l’établissement.
Malgré toutes ces préventions envers l’internat, le nombre sans doute fort restreint de familles intéressées par le caractère original de notre établissement, leur dissémination à travers la France, conduisent nécessairement à prévoir, à côté de l’établissement d’enseignement, un internat d’hébergement et corollairement d’encadrement éducatif global des élèves. Cependant il serait mensonger de qualifier publicitairement son ambiance de familiale, même si l’on veillera à ce qu’il remplace le moins mal possible les familles pendant la semaine, voire les fins de semaines.
Par conséquent on veillera d’abord soigneusement à ce que la motivation d’inscription ne soit pas les difficultés éducatives rencontrées par les parents, mais le désir d’une vie intellectuelle et d’une formation chrétienne de l’intelligence. Elitisme ? Non : on recrutera sur la motivation plus que sur le niveau scolaire, même si celui-ci est en partie déterminé par celle-là.
D’autre part les méthodes éducatives pratiquées dans l’établissement viseront, sur le plan humain, à faire aimer le sens de la vérité, le courage et la maîtrise de soi et à les hiérarchiser, autrement dit à acquérir les vertus cardinales de sagesse, de force, de tempérance et de justice à peu près telles que les avait caractérisées Platon, à travers l’exercice de responsabilités : un adolescent est, étymologiquement, celui qui est en train de devenir adulte, et cela n’est pas donné soudainement et d’un coup la nuit des dix-huit ans, comme la Fée Bleue donne la vie à Pinocchio (du reste elle ne lui confèrera l’humanité qu’ensuite, après un temps de construction de soi à travers épreuves et tentations) : cela s’apprend sur le tas, par l’exercice de responsabilités authentiques et de plus en plus importantes avec l’âge.
Sur le plan chrétien, on visera à favoriser la croissance, chez le baptisé, des vertus de foi, d’espérance et d’amour de Dieu et du prochain, à travers la vie sacramentelle et la prière liturgique (initiation et

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Fée Violine
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Re: Projet d'école catholique (p17-19)

Message non lu par Fée Violine » mar. 28 août 2018, 20:58

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pratique partielle, ou facultativement complète, de la liturgie des heures, nullement réservée aux religieux) et personnelle (oraison nourrie par la lectio divina, méditation d’un passage biblique ou plus généralement de toute œuvre, livresque ou non, religieuse ou non, aidant à contempler Dieu tel qu’il se révèle à travers le Christ), structurées par la connaissance de Dieu et de son Eglise délivrée à travers l’enseignement. La présence suffisamment fréquente d’un prêtre sera requise pour assurer la vie sacramentelle et le conseil spirituel, et il coopérera avec les enseignants au moins en s’informant régulièrement et fréquemment de ce que sont en train d’apprendre les élèves dans les différentes disciplines.

QUEL FINANCEMENT ?
Au vu de la situation exposée aux pages 3 et 7, il semble indispensable que l’établissement, pour ne pas risquer de perdre à plus ou moins long terme sa spécificité, soit financièrement indépendant de l’Etat, mais aussi du public accueilli, sauf à tomber à plus ou moins brève échéance dans une logique financière évoquant celle de la pension Muche (voir Topaze, de Marcel Pagnol). Cela conduit donc à la solution d’une fondation, au capital considérable, placé en investissements évidemment éthiques1, dont les intérêts devront assurer, bon an mal an, les frais de fonctionnement, entre autres la paie décente (donc non minimale) d’un personnel en nombre et qualité suffisante, mais aussi les frais d’investissement, d’autant plus élevés qu’ils devront garantir dès l’ouverture de l’établissement une qualité en tous domaines qui assurera immédiatement une réputation de bon aloi, gage d’un recrutement d’élèves pérenne quantitativement et qualitativement ; en effet même si une fondation permet de ne pas trop se préoccuper de celui-ci, continuer d’en être un peu dépendant stimulera le personnel au maintien de la qualité du service offert.
L’établissement ne sera donc pas totalement gratuit : il sera symboliquement important de demander aux familles recourant à ses services une contribution assez appréciable pour faire prendre au sérieux l’inscription et les engagements qui en découlent ; cependant le choix d’un financement assuré essentiellement par une fondation permettra à cette contribution une grande modicité, voire sa modulation systématique en fonction des ressources de chaque famille, afin d’assurer l’accessibilité financière de l’établissement à tous. Le plus indiqué serait de demander au moins l’équivalent de ce que coûte l’élève chez lui.
Pour réduire les frais de fonctionnement en même temps qu’assurer la qualité de vie et de travail (la fonctionnalité, le confort et la beauté des locaux aident à travailler), il faudra en outre envisager la construction des bâtiments : recourir au don ou à l’achat d’un château, établissement scolaire ou maison religieuse entraînera des frais considérables de mise aux normes, d’isolation et de remaniement, dont le résultat final n’équivaudra de toute façon jamais à ce qu’offriront des bâtiments conçus directement en vue de l’utilisation recherchée, anticipant les tendances futures annoncées par les dernières normes sanitaires, de sécurité et de respect de l’environnement, et au fonctionnement incomparablement plus économique (consommations d’eau, d’électricité, de chauffage et de climatisation réduites dans des proportions considérables, contribuant ainsi à l’indépendance financière).
300 millions d’euros : tel est environ le montant du capital a priori nécessaire à notre avis pour que ses intérêts, bon an mal an, assurent d’une part soit la construction, soit à défaut l’achat, le réaménagement et la remise aux normes de locaux de cours, de restauration et d’internat, mais d’autre part et surtout la rétribution correcte2 du personnel éducatif (surveillants, enseignants), administratif et d’entretien d’un établissement d’environ 400 à 500 élèves, soit une bonne cinquantaine de salariés, avec les charges patronales correspondantes.
Cette somme est considérable (environ le prix de deux avions de combat Rafale), mais correspond à environ 4,50 euros par Français, 90 euros par Français catholique pratiquant (en tablant sur 5 % de pratiquants) et 360 euros par famille catholique pratiquante, soit le prix d’un abonnement d’un an à un quotidien d’information régional ou national, ou la consommation annuelle de cigarettes d’une personne à raison d’un paquet par semaine, ou encore le prix d’un téléviseur de modèle courant.
Si l’Eglise catholique de France, si chacun de ses membres sont sensibilisés à l’enjeu constitué par l’éducation chrétienne de l’intelligence, a fortiori une famille convaincue de l’importance de celle-ci, et donc de la nécessité d’un établissement pilote dans ce domaine, devrait pouvoir sacrifier pour une période d’un an (non renouvelable) l’une ou l’autre de ces futilités, que ce soit pour ses propres enfants ou pour d’autres jeunes chrétiens de leur génération.

EN CONCLUSION : UNE REALISATION IMPOSSIBLE ?
La politique n’est pas l’art du possible, mais l’art de rendre possible ce qui est nécessaire. Richelieu

Ce projet est extrêmement ambitieux, mais doit le rester : à viser d’emblée la demi-mesure, on a trop vite fait de tomber dans le quart, le huitième, le seizième de mesure, et donc finalement de dénaturer et trahir un projet dans ce qu’il a de plus essentiel, car de plus (ré)novateur et donc évidemment de plus difficile à mettre en œuvre.
Il semble irréaliste, comme toute utopie ; mais ce sont les utopies qui font évoluer la réalité ; la question n’est pas de savoir s’il a des chances de réussir, mais s’il doit être tenté : les seules batailles perdues à coup sûr sont celles que l’on n’a pas osé livrer.
Il semble irréaliste parce qu’il ne semble pas répondre à une demande ; il a en effet été conçu d’après le constat d’un besoin non exprimé car a priori non largement ressenti. Il existe toutefois deux façons de réussir sur un marché : la plus aisée et la moins risquée est de répondre à une demande ; l’autre est de susciter une demande par l’existence d’une offre inédite. N’oublions jamais que de l’avis des acteurs commerciaux de la presse de jeunesse de la fin des années 1950, Les aventures d’Astérix le Gaulois ne pouvaient pas intéresser un public. Goscinny et Uderzo ont parié le contraire…
Nous faisons le même pari : si ce projet est authentiquement bon pour l’Eglise, l’Esprit Saint saura éveiller dans le cœur de suffisamment de gens l’intérêt qu’il offre peut-être déjà aux yeux de Dieu. De façon générale d’ailleurs, l’évangélisation n’est couronnée de succès que parce que Dieu travaille le cœur des hommes à accueillir l’évangile proclamé par les moyens humains des « serviteurs inutiles » (Luc, ch. 17, v. 10). Le Christ lui-même a dit : « Nul ne peut venir à moi si le Père qui m’a envoyé ne l’attire » (Jean, ch. 6, v. 44) ; peut-il dès lors en être autrement pour le missionnaire qu’est tout chrétien à la suite du Christ ? Homme de peu de foi que je suis, j’avoue volontiers que je serais moi-même étonné du succès de l’entreprise mais l’histoire de l’Eglise, à commencer par la naissance de celle-ci, offre des précédents.
Il n’en reste pas moins que la simple prière verbale ne saurait assurer la réussite de ce projet : si la prière authentique est conformation du désir humain aux vues de Dieu dans le cadre d’une écoute humble du Verbe, de façon à ce que sa prière devienne celle même du Verbe incarné, elle débouchera sur une conformation de toute la vie, et donc des actes, à ce désir. Sauf cas de miracle, toujours possible mais par définition peu fréquent, Dieu agit en effet à travers l’homme qui accepte d’être mû par la volonté divine ; pour cela il l’a doté de talents naturels et surnaturels, à faire fructifier. Il nous reste donc à œuvrer au projet, à nous en occuper sans, idéalement, nous en préoccuper (préoccupation qui trahit l’interférence d’une ambition toute humaine, inévitable ici-bas mais qui ne doit pas devenir un mobile prépondérant).
A nous donc de proclamer, parler, diffuser le mieux possible. Dieu fera le reste. Si le projet est assez largement diffusé il pourra susciter, parmi le public, l’adhésion d’un nombre suffisant de personnes compétentes dans le domaine de l’enseignement, de l’éducation, de la levée de fonds, de la construction et de la gestion matérielle, administrative et juridique d’un établissement scolaire.
Nous parions donc sur la Providence (sans d’ailleurs avoir le choix), donc sur l’action de l’Esprit saint au cœur des hommes de bonne volonté et sur la réponse d’un nombre suffisant de ceux-ci à cet appel. Comme à la pêche au filet ou à la ligne, nous lançons l’idée, nous jetons le filet, sans trop y croire nous-mêmes ; Dieu le remplira de tous ceux qui voudront bien répondre présents (Jean, ch. 21, vv. 4 à 6).

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