L'immigration comme remède

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Cinci
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L'immigration comme remède

Message non lu par Cinci » mer. 29 févr. 2012, 21:25

Bonjour,

J'aimerais présenter dans ce fil un petit aperçu d'un ouvrage qui a parut au Québec depuis peu, et portant sur la question de l'immigration. Je suis en train de découvrir l'ouvrage. C'est fort intéressant. Certains faits pourraient se révéler surprenants, en comparaison, si c'est pour partir du contraste que formerait un certain nombre d'idées préconçues et que nous pourrions avoir ici et là. Je veux donc vous partager un peu la trouvaille.

Voici :



Un lieu commun

... une telle diversité d'idées n'existe pas lorsqu'il s'agit de l'impact de l'immigration sur la démographie et l'économie. Ici politiciens et commentateurs forment une véritable chorale, psalmodiant un même chant à l'unisson. Exagérons-nous ? Pas du tout. La revue de presse de la dernière décennie montre la domination sans partage d'un seul et même point de vue.

Commençons par les journalistes et éditorialistes. Qu'en pensent-ils ? André Pratte, éditorialiste en chef du quotidien La Presse, affirme que, «parce qu'ils sont jeunes (70% ont moins de 35 ans) et instruits les immigrants pourront donner à l'économie québécoise un souffle qui viendrait à lui manquer en raison du vieillissement de la population» Son homologue du Devoir, Bernard Descôteaux - pourtant en désaccord avec lui sur plusieurs sujets - affiche sur ce point une unité de vue complète :

  • À partir du moment où l'on admet que l'immigration est indispensable au développement aussi bien économique que social et culturel du Québec, le débat sur l'intégration des immigrants ne peut que devenir plus rationnel. Il faut insister sur cette nécéssité, qui est d'abord démographique. Le vieillissement de la population québécoise se fait de façon accélérée [...]
Pratte et Descôteaux ne manquent pas de collègues pour partager leur interprétation. Rima Elkouri, de La Presse, n'hésite pas à affirmer, «l'avenir du Québec dépend de l'immigration». Marie-Andrée Chouinard, du Devoir, nous dit pour sa part que «le Québec multiplie les opérations de charme auprès d'une population immigrante dont il a cruellement besoin et que les précieuses entrées d'immigrants permettront notamment de résorber une criante pénurie de main d'oeuvre.»

Amélie Gaudreau, dans Le Devoir, n'en pense pas moins :«Le Québec dépend grandement de l'immigration pour assurer son avenir, avoir une main d'oeuvre qui peut répondre à la pénurie future [....]» On pourrait aussi citer Claude Turcotte qui, commentant les perspectives d'emploi au Québec, affirme que «l'immigration apparait déjà comme un apport tout à fait essentiel pour assurer le développement de l'économie». La même hypothèse est présentée par Lisa-Marie Gervais d'une manière particulièrement limpide :
  • «Les Québécois vieillissent, prennent leur retraite. Devant cette désertion du marché du travail, le Québec est forcé de s'en remettre à sa main d'oeuvre immigrante, qui représente en 2006 11% de la population totale. Il n'est d'ailleurs pas de question qui fasse davantage consensus tant dans les partis politiques que dans les syndicats et autres groupes de pression.»
Nous pourrions poursuive cette énumération qui deviendrait lassante. La communauté journalistique partage un seul et même point de vue.

L'idée s'est imposé avec une même force ailleurs dans la société, aussi bien à gauche qu'à droite, Du côté syndical, elle est défendue par Michel Arsenault, président de la fédération des travailleurs du Québec : « Avec la pénurie de travailleurs qu'on est en train de vivre et qui va en s'accélérant, on va devoir, au Québec, avoir recours à l'immigration pour combler les postes dans les années à venir». Le côté patronal ne fait pas exception. [...] La PDG des Chambres de commerce du Québec, Françoise Bertrand, croit de son côté que, sans être une panacée, «l'immigration apportera une contribution absolument indispensable au fonctionnement de notre économie.»

L'idée s'est également imposée dans les milieux politiques. Questionnés par La Presse aux élections de 2008, le Parti québécois, le Parti libéral, l'Action démocratique du Québec et Québec solidaire répondaient oui à la question suivante : faut-il augmenter l'immigration afin de régler la pénurie de main d'oeuvre ? Le ministre de l'emploi Sam Hamad, par exemple, commentait récemment ainsi la politique d'immigration du Québec : «Si nous ne réglons pas la pénurie de main d'oeuvre, ça peut signifier une décroissance économique pour le Québec» [...] Kathleen Weil, remplaçant Yolande James au ministère de l'immigration en 2010 avouait adhérer à une théorie semblable : «L'immigration est un outil important pour l'avenir du Québec, tant sur le plan économique que démographique.» Il faut dire que les ministres ne font que suivre l'exemple du chef du gouvernement puisque, selon Jean Charest, «le Québec ne peut se permettre de freiner l'immigration, et ce, en raison du vieillissement de la population et du faible taux de natalité.»

[....]

Une hausse planifiée

Si la pensée magique d'une immigration nous permettant de résoudre nos problèmes démographiques et économiques s'est imposée largement au Québec, il serait faux de croire qu'elle existe depuis toujours. En fait, une revue de presse des principaux quotidiens au cours des dix dernières années montre que cette idée est plutôt récente. Au Québec, elle semble s'être imposée à partir de 2007, alors que la ministre de l'Immigration et des communautés culturelles, Yolande James, tentait de déterminer le nombre d'immigrants que le Québec devait admettre entre 2008 et 2010. [...]

Avant 2005, l'idée était à peu près absente chez les politiciens québécois, mais elle avait déjà gagné quelques esprits du côté fédéral. Par exemple, le premier ministre Paul Martin affirmait dans un discours que «l'immigration était la clé de la réussite économique du Canada à une époque de faible taux de natalité, de vieillissement de la population et d'un manque de plus en plus grand de main d'oeuvre qualifiée.» En 2004, Joe Fontana, alors ministre du travail, soutenait que «le Canada pourrait devoir envisager de doubler ses niveaux d'immigrations afin de combler la demande en matière de main d'oeuvre qualifiée.» Dès 2002, son collègue Denis Coderre, alors ministre fédéral de l'Immigration, exprimait la même idée : «Le dernier recensement a été très clair. D'ici cinq ans, il va manquer un million de travailleurs qualifiés. D'ici 2025, notre croissance démographique va dépendre uniquement de l'immigration» (Joël-Denis Bellavance, «Dénatalité : Coderre veut révolutionner l'immigration », La Presse, 15 octobre 2002, p. A4)

La pensée magique sur l'immigration existait donc avant 2007, mais elle n'était pas aussi largement partagée qu'elle l'est aujourd'hui. Avec la planification du volume de l'immigration, elle s'est imposée comme une vérité incontestable au sein de tous les partis politiques, de la société civile, des journalistes et des commentateurs. Comment expliquer cette situation ? Une démonstration des effets démographiques et économiques de l'immigration a-t-elle été faite lors de la consultation publique menée par la ministre James à l'automne 2007 ? Rien n'est moins sûr.

Plus de 70 mémoires ont été déposés lors de la consultation. [....] Le premier mémoire a été déposé par le démographe Michel Paillé, spécialisé en démographie linguistique. Paillé y explique que le Québec sélectionne aujourd'hui davantage d'immigrants connaissant le français qu'autrefois, mais aussi davantage d'immigrants connaissant l'anglais. Par conséquent, il ne va pas du tout de soi que l'intégration se fera en français. Paillé est un chercheur sérieux, et il apporte une information importante , mais il ne dit rien de la thèse selon laquelle le Québec a besoin d'immigration. Si Paillé n'aborde pas l'enjeu démo-économique, qu'en est-il de l'autre démographe a avoir présenté un mémoire ? Il s'agit d'un jeune démographe [...] son mémoire s'intitulait Démystification de l'impact de l'immigration sur la démographie québécoise [...] les conclusions allaient directement à l'encontre du lieu commun : la hausse proposée aurait peu d'effets sur la population en âge de travailler, et il faudrait admettre un volume irréaliste pour mitiger les effets du vieillissement.

(à suivre)

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Re: L'immigration comme remède

Message non lu par Cinci » jeu. 01 mars 2012, 21:56

(suite)

Si aucun démographe n'est venu appuyer l'interprétation dominante, est-il possible que la ministre ait été convaincue par des économistes ? Les seuls économistes à présenter un mémoire furent Pierre Fortin, de l'UQAM, Marc Van Audenrode de l'université de Sherbrooke et Pierre Emmanuel Paradis, de la firme de consultants Groupe d'analyse, d'excellents économistes toujours capables d'offrir une lecture perspicace des défis économiques auxquels le Québec fait face. Alors, viennent-ils justifier l'enthousiasme général ? Aucunement.

Si aucun démographe ni économiste n'est venu défendre le point de vue dominant, qui a pu convaincre la ministre que l'immigration est essentielle pour combler nos pénuries de main d'oeuvre et faire face au vieillissement ? Il est possible que ce soit nos fonctionnaires. Après tout, le ministère de l'immigration avait préparé un document de consultation, afin d'orienter la discussion lors de la commission parlementaire. Que peut-on y lire ?

Le document débute avec un bref portrait de l'évolution de la population québécoise. Le vieillissement annonce une baisse de la population en âge de travailler, ce qui menace de produire une baisse de la croissance, une diminution du niveau de vie [....] Mais quel est l'impact de l'immigration sur le viellissement ? Le document présente différents scénarios.

Il compare par exemple l'impact sur la population en âge de travailler de volumes d'admission annuels de 43 000, 50 000 et 60 000. En supposant un indice de fécondité de 1,55 enfant par femme, les simulations prévoient qu'en 2030 un volume d'admission annuel de 43 000 produirait un rapport de dépendance des personnes âgées de 0,46, c'est à dire qu'il y aurait 46 personnes âgées pour 100 personnes en âge de travailler. En revanche un volume de 60 000 produirait un raport de dépendance de 0,44. En d'autres mots, cette augmentation relativement importante de l'immigration produirait une baisse modeste du rapport de dépendance; il y aurait 44 personnes âgées au lieu de 46 pour 100 personnes en âge de travailler, ce qui est négligeable si l'on considère que le rapport de dépendance aura doublé par rapport à son niveau de 2006 (qui est de 0,22)

Mais alors comment passe-t-on de ces résultats à des conclusions plus générales sur l'impact économique de l'immigration ? Comment parvient-on à conclure, comme le font les auteurs (fonctionnaires), qu'une amélioration de l'évolution de la population d'âge actif aurait des effets positifs, tant sur l'économie que sur les finances publiques ? Suivons le raisonnement.

[...]

Premièrement, ils notent que l'immigration est susceptible d'apporter un élément de complémentarité à la main d'oeuvre déjà disponnible, puisqu'une part importante de l'immigration est séléctionnée en fonction des besoins spécifiques du marché du travail - nous verrons plus loin que ce n'est pas tout à fait le cas mais passons pour l'instant. Deuxièmement, ils émettent l'hypothèse que les immigrants, à cause de leurs liens avec leur pays d'origine, pourrait favoriser le commerce international. Possible, mais qu'en sait-on vraiment ? Peu de chose. Finalement, ils soulignent que les immigrants, étant en moyenne plus jeunes que le reste de la population, pourrait être un facteur d'innovation et de création d'entreprise. Ici aussi nous nageons dans la spéculation la plus totale.

En principe, l'immigration pourrait être un atout, tout comme elle peut ne pas en être un. Or ce qui nous intéresse n'est pas l'impact que peut avoir l'immigration en principe, mais l'impact qu'elle aura - ou est susceptible d'avoir dans la réalité. Et voilà où le bât blesse : le document du MICC ( ministère de l'immigration et des communautés culturelles) ne dit strictement rien à cet effet. Rien en tout cas qui pourrait donner raison au premier ministre d'affirmer que « ... le Québec ne peut se permettre de freiner l'immigration, et ce, en raison du vieillissement de la population et du faible taux de natalité.»

Le Québec vieillit et l'immigration peut le rajeunir très légèrement. Soit. Mais comment peut-on conclure que l'impact de l'immigration sur l'économie et les finances publiques sera positif ? [...] tout dépend de la performance économique des immigrants, que les auteurs du rapport ne tentent pas de prévoir. Si les performances des immigrants sont bonnes, l'impact de l'immigration pourrait être positif, À l'inverse, si elles sont mauvaises, l'impact pourrait être plutôt nul ou négatif. Sur le plan économique, il est impossible de savoir si l'impact de l'immigration sera positif ou négatif, tant et aussi longtemps qu'on est incapable de déterminer les performances économiques qu'auront au cours de leur vie active les immigrants que l'on accueille aujourd'hui.

[...]

Qui a donc pu convaincre la ministre, les membres de la société civile et les commentateurs de la validité de leur hypothèse ?

(à suivre)

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Re: L'immigration comme remède

Message non lu par Cinci » jeu. 01 mars 2012, 22:05

(suite)

Une dernière possibilité est donc qu'elle a été convaincue par les interventions d'économistes ou de démographes en marge de la consultation, dans nos grands quotidiens par exemple.

La chose serait surprenante. Notre revue de presse sur la question montre que très peu d'économistes ou de démographes se sont prononcés publiquement sur la question de l'impact démo-économique de l'immigration. Pire : ceux qui l'ont fait sont allés à l'encontre du lieu commun. Voyons quelques exemples. Pendant la campagne électorale de 2008, le ministre Hamad répétait pour une enième fois la position officielle du gouvernement sur la question : «Nous croyons que l'immigration peut combler nos besoin de main d'oeuvre.» L'économiste Pierre Fortin, invité à commenter, affiche avec le ministre un désaccord prudent : «Avant d'augmenter le nombre d'immigrants, qu'on concentre plutôt nos efforts sur ceux qui sont déjà chez nous, dit-il. Nous sommes déjà débordés de néo-québécois que l'on est incapable d'intéger au marché du travail québécois.»

L'économiste Carlos Leitano, de la banque laurentienne, est également en accord avec Pierre Fortin. Questionné sur l'apport potentiel de l'immigration à l'économie, celui-ci se montre plutôt prudent : «Pour la pénurie de main d'oeuvre, la solution numéro un reste la formation de la main d'oeuvre. Dans ce contexte-là, on peut toujours aller chercher des immigrants dans des domaines spécialisés, mais l'immigration ne réglera pas la pénurie de main d'oeuvre de façon générale.» Si nous souhaitons recevoir de l'immigration, précise Leitano, nous devons plutôt le faire pour des raisons humanitaires.

[...]

Le démographe Marc Termote, s'exprimant au colloque de l'Institut de recherche en économie contemporaine est encore plus explicite. Citons d'abord son point de vue sur l'impact de l'immigration sur la démographie :


  • Il est inquiétant de voir que le Québec attend toujours les solutions de l'immigration. .Bien sûr, ça va faire augmenter la population. Mais le problème n'est pas de savoir s'il faut faire augmenter le nombre d'habitants ad infinitum, le problème est de savoir si l'on peut, par l'immigration, empêcher un éventuel déclin démographique. Et tous les scénarios démontrent que ça dépend beaucoup plus de la fécondité et de l'immigration inter-provinciale.
Si l'impact sur la démographie est négligeable, qu'en est-il maintenant de l'impact sur l'économie ? Selon Termote :
  • ... l'impact de l'immigration internationale sur le revenu par habitant et sur le taux de chômage est nul. Il est temps que l'on accepte cette réalité. On dit toujours que l'on va faire venir des immigrants pour augmenter le niveau de revenu par habitant. Ce n'est pas vrai.
[...]

Ce survol des débats n'est peut-être pas suffisant pour convaincre le lecteur que l'économie du Québec n'a pas besoin d'un volume d'immigration élevé. Nous espérons au moins avoir démontré que l'idée ne s'est pas imposée dans la société québécoise au terme d'une réflexion informée. En fait, la reconstruction des débats nous oblige à conclure qu'on y a adhéré sans chercher à voir ce qu'il en était vraiment.

(à suivre) [/color]

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Re: L'immigration comme remède

Message non lu par MB » ven. 02 mars 2012, 1:00

Avé

Remarques très intéressantes. Je ne connais pas du tout le contexte québecois, je ne parlerai que du contexte franchouillard :
- l'argument du comblement en besoin de main d'oeuvre est assez limité : en France, la plupart des immigrants sont de qualification très basse et occupent des emplois mal payés, souvent précaires (quand ils en occupent). Cela n'empêche pas le pays de connaître un chômage très fort. Y a-t-il un "trop-plein" ? Je n'en sais rien. Cela doit être mis en balance avec le fait que la plus grande partie de l'immigration en France est due au regroupement familial et aux rapprochements de conjoints, et non au travail.

- de même avec l'argument du comblement du déclin démographique. Il ne fonctionne qu'à court terme : les immigrés de la première génération font beaucoup d'enfants, comme autrefois au bled. Mais à la génération suivante, ils s'adaptent à la démographie locale. Au demeurant, la vitalité démographique de la France d'aujourd'hui est aussi explicable par le comportement des "locaux".
De plus, ce phénomène doit être couplé avec un autre : l'avortement massif. En France, depuis 1975, le nombre d'IVG pratiquées chaque année correspond plus ou moins à celui des entrées sur le territoire. Autrement dit, on assiste à la substitution d'une population à une autre.

Amicalement
MB

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Re: L'immigration comme remède

Message non lu par Cinci » ven. 02 mars 2012, 19:05

Poursuivre :


Une goutte d'eau dans l'océan

En 2000, l'ONU a publié un rapport sur la migration de remplacement qui fut le précurseur de nombreuses recherches subséquentes sur le sujet. La migration de remplacement y est définie comme étant la migration internationale dont un pays aurait besoin pour éviter le déclin et le vieillissement de la population. L'objectif premier du rapport était de vérifier si la migration de remplacement pouvait être envisagé comme une solution au déclin et au vieillissement des populations. [...] Les auteurs réalisent cet exercice pour deux régions (l'Europe et l'Union européenne) et huit pays (la France, l'Allemagne, l'Italie, le Japon, la Corée du Sud, la Russie, le Royaume uni, les États-Unis) sur une période allant de 1995 à 2050.

Jakub Bijak et ses collègues ont également travaillé sur l'impact démographique de l'immigration, en étudiant notamment la migration de remplacement. Qu'ont-ils à dire sur ce sujet ?

Seule une combinaison de politiques visant à accroître le taux de fécondité et la participation au marché du travail, de pair avec un niveau raisonnable d'immigration, peut contribuer à faire face aux défis socio-économiques que pose le vieillissement de la population. (Jakub Bijak, «Replacement Migration Revisited : Simulation of the Effect of Selected Population and Labor Market Strategies for the Ageing Europe», 2002-2052)

Bref, la migration ne doit pas être perçue comme un remède efficace aux problèmes du vieillissement, mais plutôt comme une mesure très limitée pour en réduire certaines conséquences à court terme. Pour le long terme, il faut miser sur une hausse de la fécondité, ce qui est possible en modifiant nos politiques de manière à ce qu'il soit plus facile pour les individus d'avoir les enfants qu'ils souhaitent avoir. p.57

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Re: L'immigration comme remède

Message non lu par Cinci » ven. 02 mars 2012, 19:16

MB,

Bonjour. Je voudrais vous remercier pour l'intérêt, le temps pris de vôtre côté. Le bouquin que j'essaie d'illustrer fait état de nombreux points touchant les immigrants et le marché du travail. Ce sont toutes des choses intéressantes à savoir en soi et qui surprennent parfois. Ce n'est pas toujours ce que l'on imagine.

Après, c'est amusant que vous touchiez cet aspect de l'adaptation des immigrés aux moeurs locales et tel sur le plan de la démographie. Je voulais justement faire ressortir ce point en partant toujours de ce que mes deux auteurs québécois racontent. Je vais vous éditer cela tout de suite.

Merci.

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Re: L'immigration comme remède

Message non lu par Cinci » ven. 02 mars 2012, 19:23

Il s'agira d'un autre argument.


Une hausse de la fécondité : la clé pour améliorer la structure démographique

« ... dans une étude sur le vieillissement de la population, David A. Coleman a comparé l'effet d'une fécondité plus élevée à celui d'une forte immigration pour le Royaume-Uni. Ses résultats sont sans équivoques : une hausse de la fécondité serait largement plus efficace qu'une immigration plus nombreuse. Sans vouloir encombrer le lecteur de dizaines d'autres études sur le sujet, soulignons seulement qu'une conclusion est récurrente : une hausse de la fécondité est le seul remède contre le vieillissement de la population. Au Québec, une hausse de seulement 0,1 de la fécondité moyenne correspond avec la structure démographique actuelle, à 5000 naissances supplémentaires. Entre 2000 et 2008, la fécondité a augmenté de 0,3 pour atteindre 1,74 enfants par femme et semble s'être stabilisée depuis. Le nombre de naissance est donc passé d'environ 72 000 à plus de 87 000 . Cette augmentation de la fécondité permet maintenant et pour la première fois depuis de nombreuses années d'envisager un avenir sans déclin substantiel de la population. Si la tendance se maintient, il va sans dire. La fécondité n'a donc pas besoin d'un grand bouleversement pour modifier considérablement la dynamique de la population.

Certains diraient : «Si une hausse de la fécondité est la solution, faisons venir plus d'immigrants qui, puisqu'ils sont plus féconds, auront des enfants à notre place !» Les immigrantes sont-elles fécondes à ce point ? La littérature sur le sujet est révélatrice : Non. Ou, du moins, elles ne le sont pas suffisamment pour que cela ait une incidence majeure sur le niveau de fécondité national. Alain Bélanger et Stéphane Gilbert ont mesuré la fécondité des immigrantes et leurs filles entre 1971 et 2001 au Canada. Chez les femmes nées à l'étranger, ils observent une fécondité légèrement supérieure à celle des Canadiennes (entre 0,3 et 0,4 enfant de plus par femme), et ce, pour toutes les périodes depuis 1971. Cependant, la fécondité des femmes immigrantes demeure en moyenne inférieure au seuil de renouvellement de la population (qui est de 2,1 enfant par femme) : elle varie de 1,82 à 2,03 enfant par femme. [...]

La fécondité relativement faible des femmes immigrantes ne devrait pourtant pas surprendre : dans les pays du Tiers-monde, les femmes vivant en ville et les femmes éduquées font beaucoup moins d'enfants que les autres. Or les immigrantes que nous recevons sont spécifiquement choisies pour leurs diplômes et proviennent généralement des grandes capitales. Ces femmes, même si elles restaient dans leur pays d'origine, n'auraient pour la plupart pas beaucoup d'enfants. Rien d'étonnant à ce qu'elles n'en aient pas davantage en arrivant au Canada.

Soulignons qu'une transition démographique est en cours dans à peu près tous les pays en développement. Ces pays passent d'une situation de forte natalité et de forte mortalité à des niveaux de faible natalité et de faible mortalité. Les temps où les grandes familles étaient la norme est révolu dans la plupart des pays. Ceux d'où proviennent les immigrants au Québec n'y échappent pas. Certains pays ont encore une forte natalité, comme le Mali (7,7 enfants par femme) ou l'Ethiopie (6,1 enfants), mais ceux-ci ne comptent pas parmi les principaux pays fournisseurs d'immigrants au Québec. Les cinq principaux pays d'origine des immigrants au Québec, soit l'Algérie (2,3 enfants par femme), la France (1,9 enfants), le Maroc (2,3), la Chine (1,8) et la Colombie (2,3), sont tous sous le seuil du renouvellement ou s'en approchent. p.65


Source : Benoit Dubreuil, Guillaume Marois, Le remède imaginaire, pourquoi l'immigration ne sauvera pas le Québec, Montréal, Boréal, 2011, 315 p.

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Re: L'immigration comme remède

Message non lu par Virgile » sam. 03 mars 2012, 4:33

MB a écrit :Autrement dit, on assiste à la substitution d'une population à une autre.
Bonjour,

cette substitution, qui n'aura fait et ne fera jamais l'objet d'aucune sanction démocratique, permet bien entendu de construire une nouvelle identité sociologique de la France. On peut noter que les évolutions auxquelles nous assistons ne sont plus la résultante d'un débat de nature politique, démocratique, mais d'une manipulation de l'identité sociale française, de la réalité sociale elle-même à partir de la promotion de nouveaux comportements sociétaux fondées sur des conceptions idéologiques précises.

D'autre part, cette population de substitution est - pour le moment, majoritairement musulmane : elle dispose aussi du droit de vote, introduisant une nouvelle donne dans le jeu que mènent les partis politiques - essentiellement en raison des naturalisations massives opérées depuis la dernière élection présidentielle.

Mais il me semble aussi que le développement actuellement observable de l'Islam en France (et ailleurs...) n'est sans doute qu'une phase particulière d'une évolution qui conduira à sa "neutralisation" - elle aussi inéluctable : sa promotion actuelle n'est qu'une façon d'anéantir ce qui ne convient plus aux intérêts immédiats des classes dirigeantes de notre société.

Amicalement.
Virgile.

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Re: L'immigration comme remède

Message non lu par Anonymus » sam. 03 mars 2012, 20:22

MB a écrit : En France, la plupart des immigrants sont de qualification très basse et occupent des emplois mal payés, souvent précaires (quand ils en occupent). Cela n'empêche pas le pays de connaître un chômage très fort.
Il se pose tout de même la question de la valorisation de certains travaux.

Les autoroutes françaises sont construites à 90% par des immigrés.
Pour faire les vendanges en Champagne, on fait venir des polonais par cars entiers alors que l'Aisne est l'un des départements avec le plus fort taux de chômage.
Mettez une offre d'emploi pour faire la plonge à Paris : 25 candidats, 20 n'ont pas la nationalité française, 5 sont des français d'origine étrangère. Si un "français de souche" se présente, il y a de grandes chances que ce soit un étudiant qui veut juste un travail pour l'été.

Et ce ne sont que des exemples. Les immigrés accomplissent parfois des métiers pénibles que personne ne veut faire. Je ne juge personne, vu que moi-même je n'ai pas un métier pénible, mais il faut avoir ça en tête.

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Re: L'immigration comme remède

Message non lu par Cinci » dim. 04 mars 2012, 5:57

Virgile,
cette substitution, qui n'aura fait et ne fera jamais l'objet d'aucune sanction démocratique, permet bien entendu de construire une nouvelle identité sociologique de la France.
Tout à fait. Et alors c'est la citoyenneté qui fiche le camp. Une broutille ...
Mais il me semble aussi que le développement actuellement observable de l'Islam en France (et ailleurs...) n'est sans doute qu'une phase particulière d'une évolution qui conduira à sa "neutralisation" - elle aussi inéluctable : sa promotion actuelle n'est qu'une façon d'anéantir ce qui ne convient plus aux intérêts immédiats des classes dirigeantes de notre société.
Possible. Ce serait bien une façon de voir.

Peut-être trouverait-on, là-dedans, comme une façon de démoraliser l'opposition, provoquer une dévaluation de ce qui devrait rester à défendre, occasionner un abattement, une stupeur, la résignation sans plus d'espoir. Et par opposition j'entendrais les travailleurs, les prolétaires, les patriotes-nationalistes et tout. Le cas québécois est plutôt parlant à cet égard.

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Re: L'immigration comme remède

Message non lu par Virgile » dim. 04 mars 2012, 9:20

Anonymus a écrit :Il se pose tout de même la question de la valorisation de certains travaux.
Les autoroutes françaises sont construites à 90% par des immigrés.
Pour faire les vendanges en Champagne, on fait venir des polonais par cars entiers alors que l'Aisne est l'un des départements avec le plus fort taux de chômage.
Mettez une offre d'emploi pour faire la plonge à Paris : 25 candidats, 20 n'ont pas la nationalité française, 5 sont des français d'origine étrangère. Si un "français de souche" se présente, il y a de grandes chances que ce soit un étudiant qui veut juste un travail pour l'été.
Et ce ne sont que des exemples. Les immigrés accomplissent parfois des métiers pénibles que personne ne veut faire. Je ne juge personne, vu que moi-même je n'ai pas un métier pénible, mais il faut avoir ça en tête.
Bonjour,

ce ne sont pas les travaux qu'il s'agit de valoriser, mais les personnes : aucune société ne peut tenir très longtemps sans le travail effectif d'une masse d'individus disponibles pour effectuer les tâches que les individus "libérés" du travail ne veulent ou ne peuvent pas faire.

La société française n'échappe aucunement à cette réalité - quoique certains puissent prétendre. Quant au respect qu'elle manifeste à ceux qui sont inclus dans la "masse" - de leur naissance à leur mort, il se réduit le plus souvent à des déclarations d'intentions assorties d'une masse de "droits" compensatoires - dont l'objectif semble être davatange de créer l'illusion d'une justice sociale que de rendre justice aux personnes qui travaillent et dont l'appellation exacte à considérablement variée selon les lieux et les époques...

Promouvoir une société dans laquelle soit respectée la dignité des personnes, c'est exactement ce que fait la doctrine sociale de l'Eglise.

Amicalement.
Virgile.

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Re: L'immigration comme remède

Message non lu par Lilian » dim. 04 mars 2012, 17:06

Juste pour reprendre ce que disais MB plus haut: une subsitution de population par une autre ça s'appelle un génocide.
Donc c'est très grave. Et pourtant, ça passe comme une lettre à la Poste.
Il m'arrive très souvent de dire à Dieu dans mes prières: mais Seigneur, tu sais que lorsqu'il n'y aura plus de chrétiens sur cette
Terre il n'y aura plus personne pour te prier et tu seras un Dieu sans peuple, sans sujets?

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Re: L'immigration comme remède

Message non lu par Cinci » lun. 05 mars 2012, 21:10

@ Lilian,
Juste pour reprendre ce que disais MB plus haut: une subsitution de population par une autre ça s'appelle un génocide.
Je ne suis pas certain que vous pourriez dire cela, s'agissant simplement du contexte actuel de l'immigration.

Je croirais plutôt que l'argument d'un manque (un déficit de naissance allégué) sert de prétexte pour cautionner une immigration assez importante en Occident. Les Japonnais auraient certainement les mêmes statistiques «désastreuses» sur le plan du renouvellement de la population par chez eux, mais il ne leur viendrait pas à l'idée pour autant d'ouvrir le Japon par exemple à l'immigration en provenance d'Afrique, du Moyen-Orient ou même d'Angleterre s'il le fallait (en imaginant ici des hordes de britanniques blanc fuyant le Royaume-Uni, la charia et tout).

Génocide ? Hum ... Moi j'évoquerais plutôt une forme de relativisme anti-national et idéologiquement concerté afin de nier qu'il puisse même exister des différentes manières d'êtres, de goûts, de choix; pour nier que des valeurs non-commerciales puissent avoir de l'importance réelle, qu'un truc comme l'histoire d'un pays puisse impliquer ceci au lieu de cela. On a affaire à une idéologie sous-jacente qui se révèle aveugle à certaines réalités. C'est comme le patron de la marque de Blue Jeans qui veut vendre la même sorte de fringues à tout le monde, qui veut faire consommer par tous le même produit standardisé et puis basta ! L'important c'est le chiffre d'affaire et qu'il puisse se trouver des consommateurs. Le reste ...

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Re: L'immigration comme remède

Message non lu par Anonymus » mar. 06 mars 2012, 1:28

Lilian a écrit :une subsitution de population par une autre ça s'appelle un génocide
Pas du tout. Faites attention avec les mots que vous employez.
Les Japonnais auraient certainement les mêmes statistiques «désastreuses» sur le plan du renouvellement de la population par chez eux, mais il ne leur viendrait pas à l'idée pour autant d'ouvrir le Japon par exemple à l'immigration
Et où cela va-t-il mener les japonais ? A ce rythme, il parait que la population sera divisée par 2 dans 100 ans et composée majoritairement de personnes âgées...
(en imaginant ici des hordes de britanniques blanc fuyant le Royaume-Uni, la charia et tout)
:roule:
Je ne vois pas ce qu'apporte ce genre d'imagination.

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Re: L'immigration comme remède

Message non lu par Anonymus » mar. 06 mars 2012, 19:10

le gyrovague a écrit :
mais il faut avoir ça en tête.
Attention aux préjugés... ;)
Je ne sais pas si ce sont des préjugés, mais en tout cas, c'est du vécu et des faits.
Actuellement, des secteurs entiers de l'économie française ne pourraient pas fonctionner sans les immigrés.
De plus, le manque de compatibilité entre l'offre et la demande sur le marché de l'emploi est un problème persistant de l'économie française.

Je ne traite personne de faignants, car il faut prendre en compte les contraintes de chacun, et puis aussi et surtout du conditionnement plus ou moins inconscient (conditionnement qui va dans les 2 sens : on ne s'imagine pas faire certains métiers peu reconnus, mais on ne s'imagine pas aussi accéder à des postes/études prestigieux).

Le fait est que certains agriculteurs de produits très saisonniers font faillites car personne ne veut ramasser leurs fruits, et que quand vous proposez 1600€/mois en comptant les heures sup et les horaires de nuit (ce qui correspond à peu près au salaire médian) dans un restaurant, aucun "français de souche" ne se propose.

Les préjugés, c'est aussi de croire que les immigrés "volent" le travail des français, qu'ils ne sont que des parasites et des profiteurs du système (je ne dis pas que c'est votre cas).

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