Cher Charles,
La question ici disputée ne porte pas sur le pouvoir mais sur l'autorité dans l'Eglise et en général
Oui.
La critique des libéraux porte sur la possibilité et la légitimité même de l'autorité, quelle qu'elle soit
Que non. Ce serait autodestructeur, car de quelle autorité alors se réclamerait le libéralisme lui-même ?
Plus une société est libérale, plus elle vibre, se densifie ; libérée de la relation hiérarchique du politique, elle est irriguée d’une infinité horizontale d’associations, entreprises, syndicats, clubs, églises, où chacun reconnaît une autorité par le fait même de s’y agréger.
Parce que le libéralisme est un individualisme, parce qu'il récuse toute antériorité sur l'individu, de la société, de Dieu...
Tu confonds antériorité et supériorité. Il n’existe pas d’individus hors d’une société. Cela ne veut pas dire que la société soit supérieure à l’individu ni que ce dernier lui soit asservi. « L’homme n’est pas fait pour le sabbat ». Par ailleurs, le libéralisme, n’a pas vocation à remplacer l’Eglise, il ne lui appartient simplement pas de poser la question de Dieu.
... et tout dépassement, c'est-à-dire toute hiérarchie, il est la négation radicale à la fois de l'insertion naturelle de l'homme dans la société et de tout rapport appaisé à Dieu et à l'Eglise.
Je ne sais d’où tu tires cette affirmation.
Individuellement, ce refus se traduit par une revendication d'indépendance absolue vis-à-vis d'une quelconque autorité morale ;
Au contraire. Dans la mesure où une conduite humaine n’est plus dictée par le pouvoir politique, elle est renvoyée aux autorités morales, églises, sages, parents, qui peuvent et doivent informer notre conscience morale.
[ce refus se traduit ] esthétiquement par ce qu'Harold Rosenberg appelait la tradition du nouveau ;
Encore une fois, affirmation gratuite. Esthétiquement, la plupart des libéraux sont diantrement conservateurs, et j’ai beaucoup de mal à arracher mes amis idéologiques à Carolus Duran et à Bouguerau.
[ce refus se traduit ] politiquement, par une revendication d'absolue originalité de la législation dans l'indépendance totale vis-à-vis de toute morale ; économiquement, par la revendication d'absolue liberté d'action des entreprises.
Juste, car la morale qui devient législation cesse d’être morale. Elle n’est plus obéie en conscience, mais par crainte de la répression (sauf par ceux qui lui obéissaient déjà et pour qui la législation était donc inutile).
La liberté d’action des entreprises est inscrite dans la reconnaissance de la propriété privée.
Comme je l'ai déjà dit, je défends une conception politique de la vie sociale, ni libérale, ni totalitaire. Ta remarque sur "les mesures policières" montre que tu ne conçois de société possible qu'appartenant à l'une de ce deux extrêmes.
Que je sache, les mesures policières, et même militaires, ne sont pas le seul fait des Etats totalitaires. Or, elles sont dirigées trop souvent contre des gens pacifiques, qui n’ont commis d’autre crime que de vouloir vivre ‘autrement’.
Je reconnais une autorité morale et politique absolue de l'Eglise catholique, la nécessité d'un pouvoir politique temporel, et la possibilité de conflits éventuels entre les deux. J'appartiens à l'Eglise selon ma liberté et par une grâce, j'appartiens à une société temporelle particulière par ma naissance et j'y consens volontiers. Ces choses que je n'ai pas choisies ne me paraissent pas être nécessairement des violences qu'on me ferait et qui mériteraient que je m'insurge contre elles.
Raisonnement tautologique. Si tu y consens, tu ne subis pas de violence. Les libéraux pensent simplement que le reflux de la politique permet à ceux qui ne sont pas d’accord entre eux de néanmoins vivre en paix. Je ne vois ce que « la possibilité de conflits éventuels » a d’attrayant.
Je n'ai pas le sentiment que la loi soit NECESSAIREMENT un viol de ma conscience.
Elle ne l’est pas lorsqu’elle sert tes intérêts ou tes convictions. Mais dans ce cas, l’unanimité étant rare, elle viole les intérêts ou les convictions d’un autrui. Précisément, ce qui me gêne. C’est d’ailleurs une raison pour laquelle je ne vote pas. Je ne me sens pas d’imposer un programme politique à des braves gens qui me font savoir par affiches et discours qu’ils n’en veulent pas. (J’aimerais d’ailleurs, par courtoisie, qu’ils me rendent la pareille et ne m’imposent pas le leur, de programme).
Ni que je doive contester l'autorité de l'Eglise, sous le seul prétexte qu'elle n'est qu'une autorité - pas un pouvoir - et donc qu'elle ne peut exister comme telle sans mon consentement.
Il n’y a que le pouvoir, pas l'autorité, qui soit à contester. Car c’est lui qui peut imposer sa loi, même aux dissidents.
Contrairement à ceux d’un pouvoir, les dissidents d’une autorité, entreprises, église, association, discutent bien sûr, mais ne contestent pas. S'ils sont en désaccord irrémédiable, ils deviennent tout simplement les clients, fidèles ou membres d‘une autre entreprise, église ou association.
De plus les rapports de force que suppose finalement le libéralisme me répugnent, car sans autorité c'est à cela qu'on arrive nécessairement : acheter, manipuler, écraser.
Non sequitur.
Bien à toi
Christian