Christian a écrit :La critique des libéraux porte sur la possibilité et la légitimité même de l'autorité, quelle qu'elle soit
Que non. Ce serait autodestructeur, car de quelle autorité alors se réclamerait le libéralisme lui-même ?
D'aucune autorité mais du pouvoir du plus fort. La hiérarchie politique ou dans l'entreprise est une protection de l'individu contre l'écrasement qui le guette dans la mêlée des rivalités.
Les sociétés les plus libérales : New-York, Londres, Berlin, Paris... sont pleines de célibataires stériles et dépressifs épuisés par une compétition dont le but est le pouvoir, c'est-à-dire le pouvoir d'achat.Christian a écrit :Plus une société est libérale, plus elle vibre, se densifie ; libérée de la relation hiérarchique du politique, elle est irriguée d’une infinité horizontale d’associations, entreprises, syndicats, clubs, églises, où chacun reconnaît une autorité par le fait même de s’y agréger.
L'antériorité implique une certaine supériorité. Et même l'autorité se fonde en partie sur cette antériorité... "Avant les siècles, Je Suis"... Pour aller au fond de cette question, nous devrions faire l'analyse du terme grec "archè", le commencement qui gouverne, qui commande ce qui vient après lui.Christian a écrit :Tu confonds antériorité et supériorité. Il n’existe pas d’individus hors d’une société. Cela ne veut pas dire que la société soit supérieure à l’individu ni que ce dernier lui soit asservi. « L’homme n’est pas fait pour le sabbat ». Par ailleurs, le libéralisme, n’a pas vocation à remplacer l’Eglise, il ne lui appartient simplement pas de poser la question de Dieu.Parce que le libéralisme est un individualisme, parce qu'il récuse toute antériorité sur l'individu, de la société, de Dieu...
Il n'est pas question de souhaiter que la société asservisse l'individu mais de lui reconnaître sa légitime supériorité, non pas supériorité absolue ce qui serait du totalitarisme mais supériorité inscrite dans la nature humaine elle-même, car la société est la relation humaine. Et il serait absurde de concevoir l'homme comme un individu délié de toutes les exigences de la relation humaine.
Elle est renvoyée d'abord et presque exclusivement à la télévision et au médias :Christian a écrit :Au contraire. Dans la mesure où une conduite humaine n’est plus dictée par le pouvoir politique, elle est renvoyée aux autorités morales, églises, sages, parents, qui peuvent et doivent informer notre conscience morale.Individuellement, ce refus se traduit par une revendication d'indépendance absolue vis-à-vis d'une quelconque autorité morale ;
Pour la dixième année consécutive, l’institut de sondage « Eurodata Worldwilde TV » rend public son rapport annuel. Sur les 2,5 milliards de téléspectateurs dans le monde, ce sont les Américains qui regardent le plus la télévision : 4 heures et 25 minutes par jour, et par personne ! L’Europe figure en deuxième position avec une moyenne de 3 heures 30 de télé quotidienne.
S'il s'agit d'une autorité, elle est complètement immorale, n'exprimant que des impératifs catégoriques du genre "Just do it" (quoi d'ailleurs, acheter des chaussures ?) ou "C'est ça !" (quoi, le bonheur ? boire du soda ?)...
L'art contemporain, obsédé par l'avant-gardisme, manifeste l'incapacité à admettre qu'on est précédé, dépassé et qu'on puisse s'inscrire avec bonheur dans une histoire culturelle (voir Harold rosenberg, Jean-Phillipe Domecq et Jean clair), d'où l'expression "la tradition du nouveau" ou de la rupture.Christian a écrit :Encore une fois, affirmation gratuite. Esthétiquement, la plupart des libéraux sont diantrement conservateurs, et j’ai beaucoup de mal à arracher mes amis idéologiques à Carolus Duran et à Bouguerau.[ce refus se traduit ] esthétiquement par ce qu'Harold Rosenberg appelait la tradition du nouveau ;
Pas du tout, la morale devient aussi législation pour ceux qui ne peuvent se comporter correctement sans risque d'une sanction. Ce n'est pas parce que tels ou tels principes moraux sont inscrits dans la loi que soudainement, je ne les reconnaîtrais plus comme bons en conscience mais seulement par crainte de la répression. Par contre, pour celui qui serait tenté de se ficher complètement de respecter mes biens, ma santé, mes enfants, etc. et d'agir en conséquence, cela change peut-être quelque chose.Christian a écrit :Juste, car la morale qui devient législation cesse d’être morale. Elle n’est plus obéie en conscience, mais par crainte de la répression (sauf par ceux qui lui obéissaient déjà et pour qui la législation était donc inutile).[ce refus se traduit ] politiquement, par une revendication d'absolue originalité de la législation dans l'indépendance totale vis-à-vis de toute morale ; économiquement, par la revendication d'absolue liberté d'action des entreprises.
Et avant cela, l'inscription dans la loi de principes moraux manifeste que la société à laquelle j'appartiens les reconnaît comme "nos" valeurs communes, les valeurs de notre vie commune, la morale regardant d'abord le comportement dans la relation humaine, société ou communauté.
Oui mais cette liberté ne peut être sans limites : les conditions de travail imposées aux ouvriers européens au XIX° siècle ou aujourd'hui dans le tiers-monde sont abusives.Christian a écrit :La liberté d’action des entreprises est inscrite dans la reconnaissance de la propriété privée.
Oui enfin, cela n'est pas le cas en Europe aujourd'hui. L'Etat de droit est une conquête, il ne faut pas exagérer non plus : "ton trop souvent" et ton "contre des gens pacifiques" me paraissent un peu fantasmés. Le "pacifisme" des petits et grand délinquants doit être une notion nouvelle. ;-)Christian a écrit :Que je sache, les mesures policières, et même militaires, ne sont pas le seul fait des Etats totalitaires. Or, elles sont dirigées trop souvent contre des gens pacifiques, qui n’ont commis d’autre crime que de vouloir vivre ‘autrement’.Comme je l'ai déjà dit, je défends une conception politique de la vie sociale, ni libérale, ni totalitaire. Ta remarque sur "les mesures policières" montre que tu ne conçois de société possible qu'appartenant à l'une de ce deux extrêmes.
Choisir et consentir ne sont pas la même chose. Bien que je consente à être déterminé par ma naissance, à avoir une langue maternelle, etc. et à être précédé par la grâce, je ne les ai pas choisis et donc je pourrais considérer que ce sont des violences qui me sont faites absolument. Un certain existentialisme défend cette possibilité, que ma liberté implique que je ne sois pas même précédé par une nature humaine déterminée.Christian a écrit :Raisonnement tautologique. Si tu y consens, tu ne subis pas de violence. Les libéraux pensent simplement que le reflux de la politique permet à ceux qui ne sont pas d’accord entre eux de néanmoins vivre en paix.Je reconnais une autorité morale et politique absolue de l'Eglise catholique, la nécessité d'un pouvoir politique temporel, et la possibilité de conflits éventuels entre les deux. J'appartiens à l'Eglise selon ma liberté et par une grâce, j'appartiens à une société temporelle particulière par ma naissance et j'y consens volontiers. Ces choses que je n'ai pas choisies ne me paraissent pas être nécessairement des violences qu'on me ferait et qui mériteraient que je m'insurge contre elles.
Penser qu'on puisse arriver à un rapport de l'Eglise et du monde exempt de conflits me paraît complètement utopique. Les conflits sont faits pour être résolus.Christian a écrit :Je ne vois ce que « la possibilité de conflits éventuels » a d’attrayant.
J'ai plutôt le sentiment d'une crise générale de l'autorité qui accompagne d'ailleurs une crise de pouvoir (voir les articles et essais récurrents sur "La France est-elle gouvernable ?")Christian a écrit :Il n’y a que le pouvoir, pas l'autorité, qui soit à contester. Car c’est lui qui peut imposer sa loi, même aux dissidents.Ni que je doive contester l'autorité de l'Eglise, sous le seul prétexte qu'elle n'est qu'une autorité - pas un pouvoir - et donc qu'elle ne peut exister comme telle sans mon consentement.
Contrairement à ceux d’un pouvoir, les dissidents d’une autorité, entreprises, église, association, discutent bien sûr, mais ne contestent pas. S'ils sont en désaccord irrémédiable, ils deviennent tout simplement les clients, fidèles ou membres d‘une autre entreprise, église ou association.
Mais l'enjeu me semble, au fond, bien plus celui de l'autorité que du pouvoir. Je pense qu'on vit dans le "Je Me mets par-dessus tout" de Max Stirner et le "Il est interdit d'interdire" de Mai 68, c'est-à-dire dans la négation pure et simple de l'autorité.