Métazét a écrit :
marchenoir a écrit :Que voulez-vous ? Des arguments rationnels qui emporteraient votre adhésion ? Laissez-moi rire, du coup. Non, il vous est simple de jouer le ratiocineur qui exige d'être convaincu par des arguments purement rationnels alors qu'il sait, pardonnez-moi le procès d'intention, pertinement que c'est en grande partie la foi qui permet d'affirmer que la seule façon d'accéder au véritable bonheur ne passe pas par l'homosexualité.
Eh bien figurez-vous que je m'attendais vraiment à au moins quelques tentatives supplémentaires allant dans ce sens (il y en a d'ailleurs eu quelques-unes, mais qui avaient tendance à réduire l'homosexualité à la sodomie entre hommes). Mais il est vrai que mon intime conviction était que, consciemment ou inconsciemment, c'était bel et bien la foi seule qui pouvait fournir ce genre de certitude. Je suis donc heureux de voir que : 1) vous en avez pleinement conscience ; 2) vous avez le courage de l'admettre. A partir de là, j'estime que mon "travail" est accompli. Ne partageant pas votre foi, ce qu'elle peut bien enseigner ne m'intéresse que d'un point de vue "ethnologique" et extérieur...
Cher Mikaël,
Pardonnez-moi d’avoir tardé à vous répondre. Je regrette vraiment de ne l’avoir pas fait plus tôt, tant votre message qui fait suite au mien a pu prêter à de très lourdes confusions.
Me suis-je réellement mal exprimé à ce point que vous me prêtiez des pensées exactement contraires aux miennes ?
NON, cher Métazet,
NON je n’ai pas clairement conscience que c’est la foi seule qui peut fournir la certitude que l’homosexualité n’est pas bonne. J’ai même la claire conscience de l’exact contraire, c’est pourquoi j’avais écrit
« c'est en grande partie la foi qui permet d'affirmer que la seule façon d'accéder au véritable bonheur ne passe pas par l'homosexualité », ce qui, croyais-je, sous-entendait que ce n’était pas uniquement une question de foi.
Il me semble que vous ne soyez pas au courant de ce que l’Église appelle la loi naturelle. Quelques mots s’imposent. Je serai schématique, donc imprécis, vous voudrez bien me pardonner.
La loi naturelle est celle dont parlait Cicéron lorsqu’il écrivait, dans
De la République :
« Il existe certes une vraie loi, c’est la droite raison ; elle est conforme à la nature, répandue chez tous les hommes ; elle est immuable et éternelle ; ses ordres appellent au devoir ; ses interdictions détournent de la faute ... C’est un sacrilège que de la remplacer par une loi contraire ; il est interdit de n’en pas appliquer une seule disposition ; quant à l’abroger entièrement, personne n’en a la possibilité »(Cicéron, rép. 3, 22, 33). Cette loi que chaque homme (et chaque femme) trouve inscrite en son cœur, quand bien même il s’en défend, et qui lui commande de faire le bien, le chrétien croit qu’elle y a été mise par son Créateur. Les débats auxquels elle donne lieu se situent au niveau de la conscience et, en soi, n’ont pas en appeler à l’autorité de la Révélation et de la foi, j’y reviens bientôt.
Saint Paul, dans sa
Lettre aux Romains (2, 15), souligne que les païens, eux aussi, peuvent marcher vers le bien, grâce « à une loi inscrite dans leur cœur ». Le Catéchisme de l’Église Catholique, quant à lui, appelle cette loi «
Œuvre très bonne du Créateur » :
« Œuvre très bonne du Créateur, la loi naturelle fournit les fondements solides sur lesquels l’homme peut construire l’édifice des règles morales qui guideront ses choix. Elle pose aussi la base morale indispensable pour l’édification de la communauté des hommes. Elle procure enfin la base nécessaire à la loi civile qui se rattache à elle, soit par une réflexion qui tire les conclusions de ses principes, soit par des additions de nature positive et juridique. » (paragraphe 1959)
Cette loi naturelle, donc, en tant qu’elle est présente dans le cœur de chaque homme, s’adresse à tous, croyant ou non. Et l’homosexualité relève de cette loi. C’est pourquoi Joseph Ratzinger, alors Cardinal Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, écrivait dans
Considérations à Propos des Projets de Reconnaissance Juridique des Unions entre Personnes Homosexuelles :
« Comme il s'agit d'une matière qui concerne la loi morale naturelle, ces argumentations ne sont pas proposées seulement aux croyants, mais aussi à tous ceux qui sont engagés dans la promotion et dans la défense du bien commun de la société. »
Pour le dire à la façon de quelqu’un que vous appréciez : par là est suffisamment montré l’inanité de vos propos lorsque vous dites :
« Ne partageant pas votre foi, ce qu'elle peut bien enseigner ne m'intéresse que d'un point de vue "ethnologique" et extérieur... ». Je blaaaaague ! Il n’empêche que vous faites là fausse route.
Je m’empresse de répondre à l’argument classique : mais alors d’où viennent ces désaccords sur la morale, et ces générations (heu...spontanées) de personnes homosexuelles ? Et pourquoi avoir parlé de foi dans mon message ? C’est que depuis le péché originel, la nature de l’homme, sans être déchue, est blessée à ce point qu’elle peut ne plus discerner le bien du mal. C’est là une expérience amère que fait tout homme de prendre conscience qu’il peut perdre la boussole du bien. Le devoir de chacun (je ne parle pas ici de commandement de l’Église, je parle de devoir d’homme en tant qu’homme) est d’éclairer sa conscience, le plus honnêtement possible. Et si ceux qui me lisent font partie de l’humanité, ils savent très bien à quoi je fais référence lorsque je dis que parfois, même lorsque nous voyons le bien qu’il faudrait faire, ou le mal qu’il ne faudrait pas faire, nous préférons laisser notre conscience enténébrée, parce que c’est tellement plus facile de céder à la facilité de nos penchants, quels qu’ils soient. Le Christ dit Lui-même :
« Ils ont préféré les ténèbres à la lumière parce que leurs œuvres étaient mauvaises » (Jean, 3, 19). Le chrétien sait très bien qu’il est parfois désigné par « ils ». Voilà pour le premier argument. Quant au second maintenant.
Que vient faire alors la foi là-dedans ? Le chrétien catholique, conscient que livré à ses seules forces il peut être (comme tout un chacun) capable de pratiquer certaines exigences de la morales naturelles, mais qu’il est incapable de les pratiquer toutes ensemble sans en méconnaître aucune, croit que l’Église a le pouvoir et le devoir d’enseigner certaines exigences de la morale naturelle. Il est devenu un lieu commun, depuis le pape Jean-Paul II, de dire que nos sociétés engendrent des structures de péchés, structures dans lesquelles les consciences sont affaiblies et vulnérables. La loi naturelle, si elle ne peut s’effacer du cœur de l’homme, peut être perdue de vue quant à certains points. C’est aujourd’hui le cas pour la morale sexuelle, et c’est pourquoi, même si cela relève initialement de l’exercice de la raison, le fidèle peut et doit se fier à l’enseignement de l’Église dans ces matières. Dans ce cas, la foi peut suppléer la raison.
Je le répète, le domaine de la sexualité relève de la morale naturelle et est donc un terrain où chrétiens et non chrétiens peuvent s’accorder. Il est du devoir de l'Eglise d'enseigner ce qu'elle sait, il est du devoir du chrétien de dire ce qu’enseigne l’Église, et dans ces domaines plus que dans les autres, il doit avoir conscience que les non chrétiens sont concernés par ce que dit l’Église. Pour parler comme vous, cher Mickaël, le chrétien aura dans ce cas fait ce qu’il avait à faire, il aura accompli son devoir. C’est mon cas ce soir.
Bien à vous.
Marchenoir
Il n'y a qu'une tristesse, c'est de n'être pas des saints (Léon Bloy, La Femme Pauvre)