Pour être tout à fait franc, je me sens parfois un peu perdu avec vos croyances. On me dit bien souvent, en effet, que c'est une affaire fondamentalement spirituelle et mystique et non pas mécanique, ce qui me donne à penser, logiquement, que peu importe les questions de mécanique : à partir du moment où la dimension spirituelle et mystique est présente, c'est bien... et là, paf ! on me chipote sur les affaires de mécanique... que l'on venait juste avant de disqualifier en les prétendant non fondamentales...
Tenez, le discours de Pie XII est tout à fait exemplaire de ce point de vue : il condamne moralement l'étreinte réservée, alors que que ce n'est qu'une affaire de mécanique, preuve s'il en est que les affaires de mécanique ne le laissaient pas indifférent...
Mais non justement, vous n'avez pas du tout compris
L'erreur c'est de croire que la question de l'adultère, par exemple, est mécanique et donc que si dans l'adultère ce qui est mauvais c'est de faire avec autrui ce que je devrai faire avec mon conjoint, et si ce que je dois faire avec mon conjoint c'est d'entretenir avec lui des rapports sexuels ouverts sur la procréation, alors je peux avoir avec autrui des rapports intrinsèquement non-procréatifs (type retrait, préservatifs etc.).
Mais le fond de l'affaire n'est pas dans l'acte d'éjaculation qui envoie les spermatozoïdes qui à leur tour etc. Non, le fond de l'affaire est dans le cœur et dans la dimension spirituelle de l'acte (qui ne se distingue pas de la dimension matérielle mécanique non plus !). Ainsi, si vous avez un rapport sexuel avec une autre personne que votre conjoint en utilisant une méthode qui coupe toute possibilité de procréation, l'adultère reste. Pourquoi ? Parce que vous ne faites que tricher avec la mécanique, mais vous ne retirez pas à l'acte sexuel pour autant sa visée intrinsèquement reproductive.
C'est un exemple un peu grossier. Mais voyez-vous où je veux en venir ?
Le spirituel n'est pas séparé du matériel dans le monde réel. Ainsi la mécanique importe pourrait-on dire, mais "tricher avec elle" n'est pas une solution. Car au fond il s'agit de cela.
Voyez le tableau :
- Chéri tu m'as trompé avec cette femme !
- Non, non je t'assure, jamais je ne t'ai trompé.
- Mais je t'ai vu !
- Non, tu ne comprends pas, nous pratiquions l'Amplexus reservatus, jamais je n'ai envoyé de spermatozoïdes dans son vagin. Il n'y a donc aucuns problèmes !
Vous ne voyez pas que quelque chose cloche ?
La chose qui cloche c'est que le bonhomme dans cette affaire il oublie que son acte est intrinsèquement un acte procréatif, conjugual donc pour un chrétien, et qu'il n'a fait que détourner la finalité naturelle de l'acte par divers moyens. Mais l'acte dans son fond reste le même ! Il y a simplement tromperie, au sens propre !
Cela dépasse donc la mécanique (cause - effet), mais a à faire fondamentalement avec la matière et ses finalités.
Mais de toute manière ce type de sujets est extrêmement difficile à saisir pour nous autres modernes qui avons appris à oublier les causes finales et à ne penser qu'en terme de causalités simples.
Et pourtant le fond est là, car Dieu présuppose par son essence que les choses ont une fin et qu'il nous faut donc penser, nous aussi, comme les Anciens, en termes de causes finales.
À moins que l'on soit athée
Auquel cas, s'il serait dommage de rejeter par principe les causes finales, on ne risque tout de même pas de tomber dans l'incohérence en n'y "croyant pas" !
Pour résumer : je crois simplement que vous n'arrivez pas à comprendre le discours de l'Église sur la sexualité parce que certains schémas mentaux qui le structure vont sont étrangers. Et de la même manière ce qui paraît parfaitement faux à un chrétien ne l'est pas nécessairement pour son interlocuteur de bonne foi pour les mêmes raisons.
Deux pistes donc pour que vous essayez d'y voir plus clair que je vous invite à creuser : d'une part les différents types de causalités ; de l'autre la relation entre la matière et l'esprit qui, dans le christianisme, et tout sauf intrinsèquement antagoniste.