Avortement et insufflation de l'âme

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Charbel
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Avortement et insufflation de l'âme

Message non lu par Charbel » dim. 17 sept. 2017, 1:41

Bonjour à tous,

J'essaye souvent de mettre en perspective les positions des trois religions afin d'enrichir ma réflexion.

Concernant l'avortement j'ai longtemps eu "naturellement" une position très proche de celle de l'Église Catholique, sans la connaitre vraiment à l'époque, c'est à dire qu'il est absolument interdit et constitue un meurtre dès la conception (d'autant plus grave qu'il est fait contre un Être innocent et sans défense).

J'ai pris plus tard connaissance des positions du Judaïsme et de l'Islam (bien évidemment il n'y en a pas une unique par religion), que je pensais devoir être identiques.

La position de l'Islam m'a interpellé en évoquant un fait, qui me semble peu discuté et souvent omis dans le débat catholique : l'insufflation de l'âme, qui aurait lieu au bout de 120 jours (4 mois).
Au final la position de l'Islam reste très proche de celle de l'Église Catholique : l'avortement dès la conception est un péché grave, mais il le devient encore plus à partir de l'insufflation de l'âme où il devient logiquement un meurtre.
Est également souvent évoquée une période de 40 jours après la conception où cela serait un péché un peu moins grave, ce qui est aussi évoqué dans le Judaïsme.

Qu'en est-il donc de cette insufflation de l'âme dans le Catholicisme ?
Pourquoi cette absence du débat sur l'avortement ? (mais je me trompe peut-être sur l'ampleur de cette omission)
Peut-être parce qu'elle apporterait de la confusion sans rien changer à la conclusion ?
Peut-être aussi que, comme pour le mariage des homosexuels, le débat se faisant sur le terrain des athées, il faut jouer avec leurs règles en omettant tout argument spirituel comme l'âme ou la Loi, qui est sanctionné d'un carton rouge, et de toute façon inaudible par le citoyen moyen qui est déconnecté du spirituel ?

Merci à tous pour vos lumières. :)

Altior
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Re: Avortement et insufflation de l'âme

Message non lu par Altior » dim. 17 sept. 2017, 9:27

Cher Charbel,

Le terme «insufllation de l'âme» ne me semble pas très adapté à la foi catholique, car il pourrait suggérer que les âmes préexistent. Ce n'est pas ce que nous croyons. Je vais, pourtant, l'utiliser. Voilà, pour vous faire plaisir...

Cela dit, la question devient: quand cette insufflation de l'âme s'opère ? Eh bien, nous ne savons pas exactement. La plupart des catholiques pensent que cette insufflation arrive au moment même de la conception. Lorsque le spermatozoïde féconde l'ovule (l'ovocyte dans la métaphase de sa deuxième division, pour être rigoureux), nous avons un nouveau corps et ce nouveau corps a une nouvelle âme.

Il y a aussi des catholiques qui pensent que l'insufflation s'opère un peu plus tard. Ils sont moins nombreux, mais il ont avec eux St Thomas d'Aquin qui est un titan de la pensée catholique d'une telle stature qu'on ne peut pas s'en passer de ce qu'il dit.

En tout cas, cette insufflation arrive très tôt dans l'évolution de l'embryon. Je suis personnellement persuadé que, dans la troisième semaine de développement, l'âme est déjà là, parce que j'ai vu souvent, lorsque je faisais des échographies à mes patientes enceintes, le cœur de l'enfant battre à cette étape très précoce. Or, un cœur inanimé ne peut pas avoir des battements visibles.

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archi
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Re: Avortement et insufflation de l'âme

Message non lu par archi » dim. 17 sept. 2017, 9:51

L'insufflation ou animation "médiate" était effectivement l'opinion dominante à l'époque de St Thomas d'Aquin, aujourd'hui l'"animation immédiate" est l'opinion dominante (je ne crois pas qu'il y ait de définition magistérielle qui tranche le sujet, je me trompe peut-être).

Toujours est-il que même si on considère que l'âme est "insufflée" dans le corps après une certaine période de temps (idée qui, comme le fait remarquer Altior, n'est pas elle-même sans poser certains problèmes), le fait est... qu'on est incapable de dire quand. Scientifiquement parlant, il n'y a pas de limite claire. Tout ce qu'on constate, c'est que les "marqueurs" de l'âme (battements du coeur, respiration, donc en rapport avec le corps comme centre spirituel de l'être humain et le souffle de l'esprit) surviennent très tôt dans la gestation. Bref, dans le doute, on évite de commettre un meurtre...

Par ailleurs, et c'est essentiel, la tradition des Pères de l'Eglise condamne l'avortement sans faire de différence entre l'avortement en début de grossesse et plus tard (ceci encore une fois, sauf erreur de ma part). Les débats sur l'animation de l'âme étant survenus plus tard en Occident (Moyen-Age).

In Xto,
archi.
Nous qui dans ce mystère, représentons les chérubins,
Et chantons l'hymne trois fois sainte à la vivifiante Trinité.
Déposons maintenant tous les soucis de ce monde.

Pour recevoir le Roi de toutes choses, Invisiblement escorté des choeurs angéliques.
Alléluia, alléluia, alléluia.

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Re: Avortement et insufflation de l'âme

Message non lu par Charbel » dim. 17 sept. 2017, 17:53

Bonjour et merci à vous deux pour ces réponses. :)
Altior a écrit :
dim. 17 sept. 2017, 9:27
Le terme «insufllation de l'âme» ne me semble pas très adapté à la foi catholique...nous avons un nouveau corps et ce nouveau corps a une nouvelle âme.
archi a écrit :
dim. 17 sept. 2017, 9:51
Toujours est-il que même si on considère que l'âme est "insufflée" dans le corps après une certaine période de temps (idée qui, comme le fait remarquer Altior, n'est pas elle-même sans poser certains problèmes), le fait est... qu'on est incapable de dire quand. Scientifiquement parlant, il n'y a pas de limite claire.
...Bref, dans le doute, on évite de commettre un meurtre...
Oui effectivement ce raisonnement se tient, et je suis un adepte du principe de prudence en religion : mieux vaut la surérogation que la négligence.
Altior a écrit :
dim. 17 sept. 2017, 9:27
Il y a aussi des catholiques qui pensent que l'insufflation s'opère un peu plus tard. Ils sont moins nombreux, mais il ont avec eux St Thomas d'Aquin qui est un titan de la pensée catholique d'une telle stature qu'on ne peut pas s'en passer de ce qu'il dit.
archi a écrit :
dim. 17 sept. 2017, 9:51
L'insufflation ou animation "médiate" était effectivement l'opinion dominante à l'époque de St Thomas d'Aquin, aujourd'hui l'"animation immédiate" est l'opinion dominante (je ne crois pas qu'il y ait de définition magistérielle qui tranche le sujet, je me trompe peut-être).
archi a écrit :
dim. 17 sept. 2017, 9:51
Les débats sur l'animation de l'âme étant survenus plus tard en Occident (Moyen-Age).
Merci pour la mise en perspective.
Si vous avez des références sur ce que dit à ce sujet Saint Thomas d'Aquin je suis preneur.
Altior a écrit :
dim. 17 sept. 2017, 9:27
En tout cas, cette insufflation arrive très tôt dans l'évolution de l'embryon. Je suis personnellement persuadé que, dans la troisième semaine de développement, l'âme est déjà là, parce que j'ai vu souvent, lorsque je faisais des échographies à mes patientes enceintes, le cœur de l'enfant battre à cette étape très précoce. Or, un cœur inanimé ne peut pas avoir des battements visibles.
archi a écrit :
dim. 17 sept. 2017, 9:51
Tout ce qu'on constate, c'est que les "marqueurs" de l'âme (battements du coeur, respiration, donc en rapport avec le corps comme centre spirituel de l'être humain et le souffle de l'esprit) surviennent très tôt dans la gestation.
Là je vous suis moins : pour moi le corps physique peut être animé de mouvements même sans âme, je pense notamment aux réflexes post-mortem, et accessoirement on peut l'animer artificiellement avec des appareils plus ou moins sophistiqués ; donc le fait qu'il y ait circulation sanguine n'est pas pour moi une preuve en soi.
Mais là aussi peut-être y a-t-il un enseignement d'autorité de l'Église que je ne connais pas.
archi a écrit :
dim. 17 sept. 2017, 9:51
Par ailleurs, et c'est essentiel, la tradition des Pères de l'Eglise condamne l'avortement sans faire de différence entre l'avortement en début de grossesse et plus tard (ceci encore une fois, sauf erreur de ma part). Les débats sur l'animation de l'âme étant survenus plus tard en Occident (Moyen-Age).
C'est effectivement un argument d'autorité péremptoire.

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