Tout le monde fait de la politique

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Cinci
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Tout le monde fait de la politique

Message non lu par Cinci » lun. 26 déc. 2016, 4:21

Texte soumis à vos appréciations. C'est moi qui vous le soumet. Je donnerai la source un peu plus tard.
  • Tout le monde, le sachant ou ne le sachant pas, fait de la politique. La question n'est pas d'en faire ou de ne pas en faire, elle est d'en faire consciemment, Le silence ou l'abstention en matière politique sont une pesée politique positive. Beaucoup pensent ne pas faire de politique. Pourtant, en n'en faisant pas, ils en font parce que leur silence, leur abstention font partie du rapport des forces. Tout est rapport des forces dans un pays et dans le monde : il y a les forces morales, militaires, économiques, etc.

    Il ne faut pas dire du mal de la force : la santé, par exemple, est une force. Il faut dire du mal de la violence, c'est une tout autre affaire. Car la violence est une force détachée de la raison et qui, par conséquent, devient animale. Ce n'est pas parce qu'une société a un ordre juridique que les rapports de force sont supprimés pour autant, ils sont partout.

    Les chrétiens avaient tendance autrefois à dire qu'il ne faut pas se mêler de politique parce qu'on se salit toujours les mains. Un slogan des milieux catholiques était : avant tout, garder les mains pures. S'il en était encore ainsi, ce serait l'Église elle-même qui apparaîtrait dans le pays comme une force d'inertie réelle et tout le monde le saurait. C'est ce que Mounier appelait le "faux apolitisme des mains pures"; ce n'est pas un apolitisme, c'est à dire une absence de politique, c'est une pesée politique réelle. La pire des impuretés consiste à ne pas vouloir se salir les mains, selon le mot fameux : celui qui ne fait rien ne commet jamais d'erreurs mais c'est toute sa vie qui est une erreur. La pire des choses consiste à exercer une pesée politique en prétendant qu'on ne fait pas de politique. Car, à ce moment-là, on est victime de son hérédité : mon père qui ... mon grand-père que ... dans tel milieu ... dans telle circonstance ..., etc.

    L'éducation reçue pèse aussi sur chaque personne.

    Vous croyez que vous êtes libre mais vous n'êtes pas libre du tout, c'est la pression de votre milieu qui agit à travers vous. Votre hérédité, votre éducation, votre égoïsme, vos préjugés, vos préférences sentimentales ou passionnelles que vous n'avez jamais remises sérieusement en question, c'est tout cela qui va déposer un bulletin dans l'urne électorale.

    Vous n'êtes pas libre, puisque vous n'avez pas travaillé à vous libérer. Je ne dirai jamais que le chrétien est libre de ses options politiques ou économiques, sans préciser auparavant qu'il doit travailler à se libérer, de telle sorte que ce soit un homme libre qui se sera remis en question pour avoir une action authentique sur le plan temporel.

    D'autant qu'on ne devient soi-même un homme libre qu'en travaillant à libérer les autres. La conquête de notre liberté personnelle passe par l'action, le travail, l'accomplissement de la tâche humaine pour la liberté de tous. Sinon, méfions-nous, nous n'aurions pas affaire à la vraie liberté.

Je trouve le contenu assez saisissant. C'est beau mais c'est exigeant. On ne devient libre qu'en travaillant à libérer les autres. Mazette! En ne faisant rien, on est acteur également. Celui qui ne fait rien en politique ou autrement, mais rien dans le but de libérer les autres : toute sa vie est une erreur. Ouch! Pour une paire de baffes, on peut dire que c'en est tout une. Suis-je libre? Ai-je déjà travaillé à libérer les autres?

Ce n'est pas de la petite bière, pas de la gnognotte. Il s'agit ici d'un véritable alcool fort. Pour adulte seulement!

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Re: Tout le monde fait de la politique

Message non lu par gerardh » lun. 26 déc. 2016, 11:57

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Bonjour,

Une épître nous dit que les chrétiens sont des citoyens des cieux. Jean nous dit que nous sommes dans le monde mais que nous ne sommes pas du monde. On peut s'intéresser à la politique, quoique sans y mettre son cœur. Mais faire de la politique (voire même voter) ne me semble pas le chemin du chrétien.

Cela dit le chrétien doit obéir aux autorités (mais à Dieu plutôt qu'aux hommes) lesquelles sont instituées par Dieu (même les fâcheuses) et aussi démises par Dieu. Il doit prier pour elles tant en ce qui concerne leurs âmes que leurs décisions.

Un homme politique a récemment dit que personnellement il était contre l'avortement (ou le mariage gay), mais qu'il ne reviendrait pas dessus légalement. C'est mieux que rien, mais néanmoins il est dans un fausse position comme chrétien revendiqué, en se compromettant avec le monde.


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prodigal
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Re: Tout le monde fait de la politique

Message non lu par prodigal » lun. 26 déc. 2016, 15:00

Merci pour ce texte, Cinci, et pour le petit jeu qui consiste à en deviner l'auteur.
Personnellement j'en approuve sans réserve la thèse, j'aime un peu moins la forme, car je goûte en général assez peu le style prédicateur, mais c'est pure affaire de goût.
Je n'ai aucune idée de qui c'est, mais c'est quelqu'un qui me semble nourri de philosophie française du vingtième siècle, de Simone Weil aux existentialistes.
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Re: Tout le monde fait de la politique

Message non lu par papillon » lun. 26 déc. 2016, 19:30

C'est de François Varillon, je crois.

Je l'ai trouvé en m'amusant à chercher sur internet.

http://www.jesuites.com/actu/2011/madelin_varillon.htm

Cinci
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Re: Tout le monde fait de la politique

Message non lu par Cinci » mar. 27 déc. 2016, 17:45

Bonjour,

Tout à fait. C'est bien un texte du père jésuite François Varillon. :) On tombant là-dessus, je trouvais le contenu plutôt interpellant.



Il rajoutait plus loin :
  • "Si vous me demandez pourquoi je suis chrétien, je vous répondrai : j'ai choisi l'Évangile comme éducateur de ma liberté. Si le bouddhisme ou l'islam éduquaient mieux ma liberté, j'aurais le devoir de me faire bouddhiste ou musulman. Nous connaissons tous l'adage : j'aime bien Platon mais j'aime encore mieux la vérité. Je transposerais volontier : j'aime bien Jésus-Christ mais je préfère encore le plus haut niveau d'existence et, si ce n'est pas Jésus-Christ qui éduque ma liberté pour atteindre le plus haut niveau d'existence, je vais chercher ailleurs. Si celui qui vous parle est chrétien, c'est qu'il a la certitude qu'il est impossible que le Coran , les Upanishads ou d'autres livres sacrés puissent conduire l'homme aussi haut que l'Évangile. Telle est ma certitude, telle est ma foi.

    La liberté ne consiste pas à faire ce qu'on veut mais à vouloir ce qu'on fait. C'est à dire à assumer la responsabilité de ses actes. Un homme n'est authentiquement un homme que lorsqu'il assume la responsabilité de sa vie. La véritable liberté consiste à être capable d'affronter la mort, pas nécessairement la mort finale, définitive, mais cette mort quotidienne qu'impliquent la justice, la vérité, la liberté.

    Quand on se donne vraiment, quand on s'engage à fond pour les autres, il est évident que cela fait mal, demande de véritables sacrifices.

    Comprenons bien que la liberté n'est pas le pouvoir de choisir ou d'opter entre le bien et le mal. Cela, c'est le libre-arbitre. Il n'existe pas en Dieu qui ne peut opter pour l'injustice ou la haine. Mais, nous, créatures, nous construisons notre liberté à travers nos choix. Jésus aussi à eu à choisir.

    Si Jésus avait écouté Satan , il aurait eu une existence honorable, glorieuse. Satan est d'ailleurs le porte-parole d'Israël et notre porte-parole à tous, dans la mesure où nous voudrions bien que Dieu soit un Dieu qui nous domine et nous commande, tellement, dans le fond, nous avons peur d'être des hommes libres. Ce n'est pas une petite affaire, en effet, que d'être un homme libre et une femme libre.

    [...]

    Nous n'empêchons pas, dans le monde moderne, les hommes de tourner en rond dans des activités économiques, sociales et politiques. Nous nous plaignons, nous nous disons que le monde va mal et que nous ne savons pas où il va. A qui la faute? Si, au moins, les chrétiens étaient chrétiens! Seulement, l'enjeu est la croix. Quand le chrétien fait ce qu'il a à faire, quand il est libre de la liberté du Christ, il n'évite pas la croix.

    [...]

    L'Évangile est la révélation de la "liberté libérante" de Dieu. C'est la définition même de l'amour. Aimer les hommes, c'est vouloir qu'ils soient (au sens fort). Vouloir que l'autre soit, c'est la justice, donc le respect qui est au coeur de la justice. Mais l'autre n'existe que s'il est libre, car c'est par la liberté que l'homme est homme. En dehors de la liberté, il n'y a pas d'humanité véritable.

    Finalement, on est libre que d'aimer, car partout ailleurs que dans l'amour, il y a puissance de domination qui opprime et empêche l'homme d'être pleinement homme. "Dieu est Amour" (1 Jean 4,8) et "Nous sommes appelés à la liberté" (Ga 5,13) : quand on a compris l'identité ou la liaison intime, étroite de l'amour et de la liberté, on a compris vraiment l'essentiel de la foi.

    Source : F. Varillon, "L'Évangile, appel à la foi, à la liberté" dans Joie de croire, joie de vivre, Bayard, 1981, pp.240-244

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