Suliko a écrit : ↑dim. 15 oct. 2017, 21:28
Je n'ai pas encore eu le temps de lire cette étude dans son intégralité, mais pour être honnête, le peu que j'ai pu en lire ne me convainc guère. Les textes du concile de Trente et de son catéchisme sont en effet limpides sur l'indissolubilité du lien matrimonial. Comment, devant une telle évidence, prétendre que ledit concile aurait en réalité laissé une porte ouverte à la pratique grecque ? Cette thèse me paraît contraire au bon sens le plus évident, sans compter que l'Eglise a clairement interprété et mis en oeuvre les passages relatifs au mariage dans le sens d'une interdiction absolue du remariage du vivant du conjoint.
L'historique des débats est pourtant clair! Pour la "limpidité", il m'a toujours sauté aux yeux qu'il y avait une nette différence entre "Si quelqu'un dit que l'Église se trompe quand elle a enseigné et enseigne (...) qu'il soit anathème" et "Si quelqu'un dit que... qu'il soit anathème". Mais le PDF a l'avantage d'expliquer clairement la genèse de cette formulation.
Quant au Concile d'
Union de Florence, il est encore plus clair qu'il n'a pas souhaité remettre en question la pratique grecque. Il est clair d'ailleurs qu'il ne se plaçait pas dans votre perspective d'"amener les Orthodoxes à abjurer leurs erreurs". Si je ne m'abuse, l'Eglise n'a d'ailleurs jamais formulé une telle exigence.
Je ne suis pas théologienne, mais il se peut qu'au premier millénaire l'Eglise ait toléré, parce qu'elle ne pouvait faire autrement, la pratique orientale du remariage, mais on ne peut en conclure qu'elle considérait cela comme une pratique légitime, sans quoi elle l'aurait acceptée également dans l'Eglise latine, ce qui ne fut jamais le cas.
Sauf que ça l'a été, voir entre autres le document que j'avais indiqué plus haut qui contient certains exemples (l'Ambrosiaster, St Ambroise quand il explique que c'est le mari adultère qui est coupable de l'obligation de sa femme de se remarier, les pénitenciers francs...). Quant à St Augustin, quand il dédie un livre à ce sujet, il commence par écrire que la question est la plus obscure et la plus difficile qu'il connaisse... ce qui va à l'encontre de l'idée que les principes étaient clairs pour tous et qu'il n'y a pas de questions à se poser.
N'oublions pas que l'ancienne règle prescrivait aussi le renvoi de l'épouse adultère (la plupart des citations patristiques traitent en fait de ce sujet)... et que l'interdiction pour le mari de se remarier qui y était souvent associée pouvait logiquement être interprétée comme une façon d'éviter les accusations fallacieuses servant à justifier un divorce.
J'ai l'impression que la tolérance ("oekonomia" en grec) dans le domaine était juste moins systématisée en Occident qu'elle ne l'a été en Orient. Au IIe millénaire, je suis tombé récemment sur un autre cas, celui du Pape Célestin III (XIIIe Siècle) à qui on avait demandé de trancher le cas suivant: une femme ayant été abandonnée par son mari parti vivre avec une païenne, a demandé au responsable (j'ai oublié le titre exact) de son Eglise locale la permission de se remarier, qui lui a été accordée. Un peu plus tard le mari adultère est revenu à la foi et a demandé à ce que son épouse revienne chez lui. Le Pape a tranché en décidant que la femme devait rester dans sa nouvelle situation (en tenant compte dans sa décision que le 2e mariage lui avait été accordé par l'Eglise). Ce jugement a été inclus par Grégoire IX dans sa liste de Décrétales, qui sont restées en vigueur dans le droit canon jusqu'au CIC de 1917.
Sachant que les jugements de ce Pape en matière de mariage sont loin de montrer du laxisme, notamment en interdisant même à des adultères de se remarier après la mort de leur ex-conjoint, ce n'est pas anodin.
N'oublions pas que dans la pratique actuelle, l'Eglise non seulement s'autorise à dissoudre expressément des mariages naturels tout aussi indissolubles en principe que les mariages sacramentels, mais aussi de porter des jugements canoniques - donc par nature contestables - sur des mariages sacramentels, avec le risque de déclarer par erreur un mariage invalide. Ce qui signifie bien que le jugement de l'Eglise a un rôle essentiel, de même que la doctrine actuelle s'est en fin de compte élaborée à coups de jurisprudence. Ce n'est pas illogique, l'Eglise ayant reçu du Christ le pouvoir de lier et de délier. Dès lors, ce qui importe le plus, me semble-t-il, est que la charité chrétienne soit respectée - et pas le respect absolu d'une règle abstraite.
Quant aux problèmes pastoraux liés au non respect par des baptisés non croyants de l'indissolubilité du mariage, que voulez-vous que je vous dise ? Si l'Eglise déniait seulement transmettre la morale traditionnelle dans les paroisses, on n'en serait sans doute pas là.
Il faut bien dire que les problèmes pastoraux en question ne datent pas d'hier, ils étaient déjà mentionnés dans des textes de l'époque conciliaire, et en France c'est la Révolution qui a réintroduit le divorce dans la société. Enseigner la morale traditionnelle est une bonne chose, mais elle ne fait pas tout.
J'avoue ne pas du tout comprendre la mentalité actuelle : au lieu de se soumettre à Dieu, on exige de Lui une religion accommodante.
Je ne vais pas refaire les 26 pages de la discussion, mais il ne s'agit pas d'exiger une religion accommodante, mais de tolérance canonique pour éviter un plus grand mal.
In Xto,
archi.