Les cinq dubia de quatre cardinaux au pape François à propos d'Amoris Laetitia

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Re: Les cinq dubia de quatre cardinaux au pape François à propos d'Amoris Laetitia

Message non lu par Tristan » mer. 22 mars 2017, 20:52

Bonjour à vous tous,

Je me permets de vous signaler un article que je viens de commettre, qui prend partie dans cette controverse. J'examine dans le détail non seulement la question épineuse des divorcés remariés, mais également l'approche philosophique et le contexte dans lesquels se place Amoris laetitia.

"L’exhortation apostolique Amoris laetitia contient de nombreuses ambiguïtés, notamment concernant l’accès à la communion des divorcés civilement remariés, dont elle refuse de trancher explicitement la question à la lumière de la doctrine de l’Eglise Catholique. Ce manque de clarté est préjudiciable. Il est susceptible d’être utilisé à l’encontre du Magistère. Il est également révélateur d’une approche philosophique occidentale marquée par l’individualisme et le relativisme. Or cette approche est de plus en plus contestée par l’actuelle « révolution conservatrice »."

Il s'agit de ma première tentative en théologie morale (je suis un spécialiste du linceul de Turin). Toutes les critiques sont donc les bienvenues. Merci !

https://www.academia.edu/31967149/Amori ... lart%C3%A9

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Re: Les cinq dubia de quatre cardinaux au pape François à propos d'Amoris Laetitia

Message non lu par Toto » jeu. 23 mars 2017, 20:27

Quoique n'étant évidemment pas spécialiste en théologie morale, et de loin, j'ai bien apprécié votre article, que j'ai eu plaisir à lire.

Merci

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Re: Les cinq dubia de quatre cardinaux au pape François à propos d'Amoris Laetitia

Message non lu par Tristan » sam. 25 mars 2017, 10:39

Merci,
Je crois que ce qui me frappe le plus à la lecture d'AL est bien comment le flou du langage est utilisé pour contourner l'enseignement clair de Veritatis Splendor.
AL prend soin de ne jamais citer une des encycliques les plus importantes de Jean-Paul II, Veritatis Splendor. Elle semble faire droit à la contestation très « soixante-huitarde » de l’encyclique Humanae Vitae de Paul VI. C’est comme s’il ne fallait pas insister sur la conséquence logique d’actes intrinsèquement mauvais (contraception, adultère, etc.) pour ne pas culpabiliser l’homme moderne, perçu comme un nouvel adolescent fragile obnubilé par sa sexualité, peu à même d’entendre la vérité sans détour. On assiste ainsi au retour en force de « l’éthique de situation », qui juge de la moralité d’un acte en fonction de la situation particulière qui le produit.

https://www.academia.edu/31967149/Amori ... lart%C3%A9
Essayer de contourner cet enseignement sans jamais le mentionner me laisse pantois et, pour tout dire, ne me semble pas intellectuellement défendable. Et là, je ne parle même pas du paragraphe 304 qui sort de son contexte une citation de saint Thomas d'Aquin pour lui faire dire le contraire de ce qu'il dit (pour saint Thomas, les interdictions absolues restent absolues dans tous les cas).

Je crois que c'est assez symptomatique de toute une école philosophique moderne, qui au fond se dit : qu'importe le texte, l'important c'est ce que je peux lui faire dire.

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Re: Les cinq dubia de quatre cardinaux au pape François à propos d'Amoris Laetitia

Message non lu par Tristan » lun. 15 mai 2017, 21:04

Thibaud Collin analyse sévèrement sur son blog le dernier livre de Mgr. Bordeyne sur les divorcés remariés (Philippe Bordeyne, Juan Carlos Scannone, Divorcés remariés, ce qui change avec François, Paris, Salvator, 2017). Pour Collin,
[Bordeyne] considère la loi, en bon disciple du Père Xavier Thévenot, comme un idéal vers lequel il s’agit de progresser toujours. L’homme étant limité par le péché, il ne peut obéir à la loi au présent et à ce titre peut la transgresser à condition de rester tendu vers cet idéal. Ce qui est important est d’être en marche. Comment Dieu pourrait-il commander l’impossible ?

Cette conception s’oppose de facto à l’enseignement de saint Jean-Paul II.
Je n'ai pas lu le livre de Mgr. Bordeyne, mais je dois dire que si c'est bien ce qu'il propose, il s'agit effectivement d'une position logiquement intenable.

Du reste, plus d'un an après la sortie d'Amoris Laetitia, je dois dire que je n'ai toujours pas vu une seule argumentation logiquement serrée en faveur de nouvelles règles d'accès à la communion pour les divorcés remariés... Beaucoup d'appels à l'émotion, beaucoup de sociologie, et jamais de démonstration implacable.

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Re: Les cinq dubia de quatre cardinaux au pape François à propos d'Amoris Laetitia

Message non lu par prodigal » mar. 16 mai 2017, 7:37

Tristan a écrit :
lun. 15 mai 2017, 21:04
Plus d'un an après la sortie d'Amoris Laetitia, je dois dire que je n'ai toujours pas vu une seule argumentation logiquement serrée en faveur de nouvelles règles d'accès à la communion pour les divorcés remariés... Beaucoup d'appels à l'émotion, beaucoup de sociologie, et jamais de démonstration implacable.
Que voulez-vous qu'on vous dise? Cela confirme qu'il n'est pire sourd que celui qui ne veut point entendre, ou plus exactement dans votre cas pire aveugle que celui qui ne veut point voir.
J'en suis sincèrement désolé, croyez-le bien.
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Re: Les cinq dubia de quatre cardinaux au pape François à propos d'Amoris Laetitia

Message non lu par Tristan » mar. 16 mai 2017, 10:01

Prodigal a écrit :Que voulez-vous qu'on vous dise? Cela confirme qu'il n'est pire sourd que celui qui ne veut point entendre, ou plus exactement dans votre cas pire aveugle que celui qui ne veut point voir.
L'argumentation par le proverbe... N'aurait-il pas été plus fructueux de m'indiquer quelle était l'argumentation qui vous semblait intellectuellement la plus rigoureuse, et ce que j'en pensais ?

Puisque vous tentez une incursion dans ma psychologie (vous avez du courage !!!), je dois dire que, plus j'ai étudié les différentes positions, plus j'ai admiré la profonde logique dans l'argumentation de Jean-Paul II, de Benoît XVI et maintenant du cardinal Müller contre l'élargissement de l'accès de la communion aux divorcés remariés vivant more uxorio. J'ai mieux compris leur opposition absolue à cette proposition, et pourquoi ce n'était en rien un quelconque caprice d'un cœur rigide fermé à l'amour : toucher à cette pierre de l'édifice, c'est rendre incohérente la doctrine de l'Eglise. Et cela ne peut être.

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Re: Les cinq dubia de quatre cardinaux au pape François à propos d'Amoris Laetitia

Message non lu par prodigal » mar. 16 mai 2017, 10:53

Si vous voulez bien vous donner la peine de lire ce fil, vous découvrirez des explications et des arguments qui ne relèvent ni de la sociologie ni de l'émotion. Vous arrivez à la page 7 si je ne m'abuse, vous décrétez que tout ce qui précède ne vaut rien, sans examen, donc vous ne vous prêtez pas aux règles élémentaires de la discussion courtoise.
Mais je veux bien essayer de faire l'effort de résumer le plus rapidement possible ce qui occupe de nombreuses pages sur ce forum, ainsi nous pourrons oublier cette fâcherie entre nous et discuter du sujet, si vous le souhaitez, en personnes civilisées et soucieuses de vérité.
Tout catholique baptisé et en âge de communier est en droit de le faire s'il n'est pas en état de péché mortel.
Or certains divorcés remariés sont des catholiques baptisés qui ne sont pas en état de péché mortel.
Donc certains divorcés remariés peuvent communier.
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Re: Les cinq dubia de quatre cardinaux au pape François à propos d'Amoris Laetitia

Message non lu par Héraclius » mar. 16 mai 2017, 12:52

Tout catholique baptisé et en âge de communier est en droit de le faire s'il n'est pas en état de péché mortel.
Or certains divorcés remariés sont des catholiques baptisés qui ne sont pas en état de péché mortel.
Donc certains divorcés remariés peuvent communier.
Évidemment c'est la seconde prémisse qui fait débat.

Je me permet de donner un exemple concert : Deux époux athées/indifférents, mariés civilement, vivent en France. Ils ont eu une éducation catholique et sont donc baptisés. Ils ont trois enfants, dont deux en bas-âge.

Un des deux conjoints se converti et professe la Foi Catholique. Immédiatement, elle prend conscience que sa relation avec son époux pose problème, parce qu'ils ne sont pas mariés religieusement, sacramentellement - soit en un sens, pas mariés du tout. L'autre conjoint, anticlérical, s'oppose absolument au mariage sacramentel.

Le conjoit converti doit-il/elle donc détruire son couple et mettre en péril le futur psychologique et économique de ses enfants ? N'est-il pas compréhensible qu'il/elle, tout en désirant fortement la chasteté et l'obéissance à l'Église, ne puisse ne résoudre à mettre en danger les structures permettant le bien de sa progéniture ?

On peut donc concevoir, dans ce genre de cas, que tout en conservant absolument un caractère mauvais, l'adultère soit vécu comme un mal nécéssaire, préférable au mal supérieur que constituerait la destruction des conditions nécessaires au développement des enfants.

Je ne dit pas que je suis convaincu du raisonnement, mais il est, à l'évidence, construit et rationnel.

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''Christus Iesus, cum in forma Dei esset, non rapínam arbitrátus est esse se æquálem Deo, sed semetípsum exinanívit formam servi accípiens, in similitúdinem hóminum factus ; et hábitu invéntus ut homo, humiliávit semetípsum factus oboediens usque ad mortem, mortem autem crucis. Propter quod et Deus illum exaltávit et donávit illi nomen, quod est super omne nomen, ut in nómine Iesu omne genu flectátur cæléstium et terréstrium et infernórum.'' (Epître de Saint Paul aux Philippiens, 2, 7-10)

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Re: Les cinq dubia de quatre cardinaux au pape François à propos d'Amoris Laetitia

Message non lu par Tristan » mar. 16 mai 2017, 13:49

Héraclius a écrit :
Tout catholique baptisé et en âge de communier est en droit de le faire s'il n'est pas en état de péché mortel.
Or certains divorcés remariés sont des catholiques baptisés qui ne sont pas en état de péché mortel.
Donc certains divorcés remariés peuvent communier.
Évidemment c'est la seconde prémisse qui fait débat.
Cette seconde prémisse n'est pas contestée. Car depuis Familiaris Consortio 84, on sait que les divorcés et civilement remariés peuvent accéder à la communion, du moment qu'ils vivent "en pleine continence".
Donc le problème ici est mal posé.

L'argument de l'opposition à une plus grande ouverture est, je pense, celui-ci :
1) Ne sont pas en droit d'accéder à la communion les personnes "qui persistent avec obstination dans un péché grave et manifeste" (code de droit canonique, art. 915).
2) Or les divorcés civilement remariés vivant more uxorio persistent avec obstination dans un péché grave et manifeste (Déclaration du conseil pontifical pour les textes législatifs, 6 juillet 2000,).
Donc 3) les divorcés civilement remariés vivant more uxorio ne sont en droit d'accéder à la communion.

L'argument supplémentaire est celui-ci :
1) La doctrine de l'Eglise est immuable et intangible.
2) L'interdiction de l'accès à la communion aux divorcés civilement remariés vivant more uxorio fait partie de la doctrine de l'Eglise (Congrégation pour la Doctrine de la foi, 1994, 6)
Donc 3) L'interdiction de l'accès à la communion aux divorcés civilement remariés vivant more uxorio est immuable et intangible.
Héraclius a écrit :On peut donc concevoir, dans ce genre de cas, que tout en conservant absolument un caractère mauvais, l'adultère soit vécu comme un mal nécéssaire, préférable au mal supérieur que constituerait la destruction des conditions nécessaires au développement des enfants.
En ce qui concerne "l'argument du moindre mal" relatif à des actes intrinsèquement mauvais, le débat est clos depuis longtemps puisqu'il a été définitivement condamné par le Magistère.
Jean-Paul II a écrit : Si les actes sont intrinsèquement mauvais, une intention bonne ou des circonstances particulières peuvent en atténuer la malice, mais ne peuvent pas la supprimer. Ce sont des actes « irrémédiablement » mauvais ; par eux-mêmes et en eux-mêmes, ils ne peuvent être ordonnés à Dieu et au bien de la personne : « Quant aux actes qui sont par eux-mêmes des péchés (cum iam opera ipsa peccata sunt) — écrit saint Augustin —, comme le vol, la fornication, les blasphèmes, ou d'autres actes semblables, qui oserait affirmer que, accomplis pour de bonnes raisons (causis bonis), ils ne seraient pas des péchés ou, conclusion encore plus absurde, qu'ils seraient des péchés justifiés ? » De ce fait, les circonstances ou les intentions ne pourront jamais transformer un acte intrinsèquement malhonnête de par son objet en un acte « subjectivement » honnête ou défendable comme choix.
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Re: Les cinq dubia de quatre cardinaux au pape François à propos d'Amoris Laetitia

Message non lu par Cendrine » mar. 16 mai 2017, 14:29

Merci Héraclius, pour cet exemple parlant et clair comme de l'eau de roche. Cette femme qui prend conscience du trésor de son baptême est dans une situation qui n'est tenable que dans l'approfondissement de sa foi. Approfondissement qui peut la mener, par amour, à renoncer à recevoir la communion. Ou pas, si elle suit les prêtres qui se basent sur l'encyclique pour lui indiquer que certains peuvent recevoir la communion après un discernement au cas par cas.

Le problème à mon avis n'est pas tellement de savoir que certains en situation de péché objectif reçoivent la communion car d'après ce que j'ai compris, beaucoup ne se posent même pas la question de savoir s'ils communient légitimement ou non, mais le problème vient de ce que le magistère fait un appel du pied vers la libéralisation de cet état de fait, vers sa banalisation. Je comprends que dans la situation imaginée par Héraclius il puisse être vécu comme injuste par cette femme de ne pouvoir communier, mais si elle reste dans la main du Christ en lui obéissant, que se passe-t-il pour elle ? Sans doute le meilleur, malgré - ou plutôt grâce à - la décision de ne pas communier.

Bien sûr c'est paradoxal de renoncer à recevoir le corps du Christ par amour pour lui, mais, comme le soulignait quelqu'un plus haut dans le fil, c'est aussi de renoncements qu'est faite la foi chrétienne. Je comprends tout à fait ce qui est proposé par Amoris Lætitia, mais j'ai peur que cela ne prive beaucoup de personnes d'une vision absolue qui peut être fertile malgré le manque. Nous sommes dans une société où la moindre frustration est vécue comme la violation d'un droit, or, raisonner en termes de droits concernant la foi est à mon avis une mauvaise piste. Se laisser creuser par la faim du corps du Christ, renoncer à l'accueillir par l'Eucharistie peut aussi être un chemin de sainteté, et qui sait jusqu'où cela va mener cette âme ? :saint:

J'ai beau comprendre cette envie légitime de sa Sainteté le Pape François de voir certaines personnes s'approcher de la table du Christ Notre Seigneur, je ne peux que m'interroger sur les conséquences d'un possible affadissement des exigences de notre Église.

Ce qui me fait également sourire, c'est que beaucoup de personnes qui se disent ravies des ouvertures de Amoris Lætitia sont aussi celles pour qui, le plus souvent, la Présence réelle dans l'hostie semble être un lointain souvenir, un peu ingénu ; ainsi je me demande où est la logique : quel besoin a-t-on de faire tout ce brain-storming pour un geste symbolique ou une simple commémoration fraternelle ? Je ne demande qu'à être éclairée par ceux qui ne partagent pas ma méfiance devant ce qui est présenté comme une avancée pour la vie de foi.

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Re: Les cinq dubia de quatre cardinaux au pape François à propos d'Amoris Laetitia

Message non lu par prodigal » mar. 16 mai 2017, 14:35

Tristan,
merci pour cet exposé.
Il y a trois arguments, mais un présupposé commun, qui est que l'acte sexuel est intrinsèquement mauvais, quand bien même il se passe entre époux, sauf l'exception d'une autorisation de l'Eglise conférée par le sacrement.
Si l'on accepte ce présupposé, alors oui votre raisonnement est valide. Mais heureusement l'on n'est pas tenu de l'accepter.
Si l'on nie ce présupposé, les trois arguments tombent.
En effet, le premier concerne des époux civils. Si l'on nie le présupposé, alors votre mineure (le point 2) n'est plus universellement valable. Tout dépend de la conduite des époux en question. C'est assez clair il me semble.
Le second argument, quant à lui, confond ce qui est de l'ordre de la doctrine et ce qui est de l'ordre de la discipline.
Quant au troisième argument, qui répond à Héraclius, il présuppose à nouveau que l'acte sexuel soit intrinsèquement mauvais.
La question peut donc, du point de vue strictement logique, se réduire à celle-ci : l'acte sexuel est-il intrinsèquement mauvais, ou bien est-il en soi bon, même s'il est très souvent perverti par de nombreuses déviations? Il existe aussi une question subsidiaire : l'Eglise suit-elle sur ces matières le droit naturel, ou bien impose-t-elle une juridiction qui va contre le droit naturel?
Je réponds pour ma part que l'acte sexuel est de soi bon, et que cette bonté est à l'évidence reconnue par le droit naturel.
Chère Cendrine,
je découvre à l'instant votre message et ma lecture est un peu précipitée. Mais convenez qu'il y a quelque chose d'absurde à mettre en valeur une attitude (celle des fidèles s'abstenant de communier) qui n'a de sens que parce qu'on les suppose en état de péché mortel, et qu'ils s'y tiennent à demeure. Pardon si j'ai mal compris.
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Re: Les cinq dubia de quatre cardinaux au pape François à propos d'Amoris Laetitia

Message non lu par Toto » mar. 16 mai 2017, 14:37

Héraclius a écrit :
mar. 16 mai 2017, 12:52

Évidemment c'est la seconde prémisse qui fait débat.

Je me permet de donner un exemple concert : Deux époux athées/indifférents, mariés civilement, vivent en France. Ils ont eu une éducation catholique et sont donc baptisés. Ils ont trois enfants, dont deux en bas-âge.

Un des deux conjoints se converti et professe la Foi Catholique. Immédiatement, elle prend conscience que sa relation avec son époux pose problème, parce qu'ils ne sont pas mariés religieusement, sacramentellement - soit en un sens, pas mariés du tout. L'autre conjoint, anticlérical, s'oppose absolument au mariage sacramentel.

Le conjoit converti doit-il/elle donc détruire son couple et mettre en péril le futur psychologique et économique de ses enfants ? N'est-il pas compréhensible qu'il/elle, tout en désirant fortement la chasteté et l'obéissance à l'Église, ne puisse ne résoudre à mettre en danger les structures permettant le bien de sa progéniture ?
A un moment il faut savoir ce que l'on veut et arrêter de vouloir le beurre, l'argent du beurre et la crémière.
Personne n'oblige le conjoint converti à se séparer de son conjoint ; ils peuvent tout à fait habiter la même maison. Ce qui leur est demandé, est de dormir chacun de son côté, point. Cela voudrait dire que le conjoint anticlérical, d'une part refuserait le mariage religieux, et d'autre part voudrait tout de même pouvoir coucher avec son conjoint? Bah je suis désolé mais à un moment faut savoir ce que l'on veut, et ne pas faire des choix contradictoires.
Supposons maintenant que le conjoint anticlérical menace de partir si l'autre ne reprend pas la vie maritale ; le conjoint ainsi menacé devrait résister à ce genre de menaces, sans céder à l'excuse trop facile de "ah, mais c'est pour le bien des enfants...du couple...de mon chien...de la voisine". Que serait-ce si, au moment des persécutions, un tel disait "j'aurais bien maintenu ma proclamation de foi, mais bon, comme j'aide mon épouse qui est sans ressources, si je suis tué, elle vivra sans rien, donc je vais apostasier"? C'est la même "logique" ; on se permet de faire un péché, grave, en toute connaissance de cause et avec plein et entier consentement (donc péché mortel), au prétexte de vouloir éviter certaines circonstances qui si cela se trouve ne se produiront pas. Je pense que ce genre d'excuses est un peu trop facile.
La vérité est que l'on subit les contre-coups du délabrement conciliaire et de l'invasion progressiste et moderniste qui ne cesse de gagner du terrain, encouragée par de très hauts responsables de l'Eglise, qui, à coup d'arguties jésuites, de casuistique obsessionnelle, de subtilités byzantines, appellent "blanc" ce qui est noir et reviennent sur des siècles de Tradition, piétinant les Saintes Ecritures et le Magistère de toujours. Qu'ils arrivent à embobiner le catholique de base de bonne volonté mais manifestement un peu trop crédule ne fait que confirmer l'ampleur du problème.
Ces personnes qui osent proclamer que des personnes non mariées ont le droit de coucher ensemble (ou mariées civilement, ce qui revient quasiment au même) auraient été condamnées par l'Inquisition si elles avaient vécu au Moyen-Age.

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Re: Les cinq dubia de quatre cardinaux au pape François à propos d'Amoris Laetitia

Message non lu par Cendrine » mar. 16 mai 2017, 14:54

Bonjour Prodigal, :)

Oui, vous avez bien compris. Si je reste avec ce couple imaginé par Héraclius, il me semble que cette jeune femme ne peut décemment pas (si j'ose dire) refuser l'union charnelle avec son conjoint si elle l'aime d'un amour authentique et fécond et d'autant plus qu'ils ont des enfants. Comme le dit Toto, pourquoi ne romprait-elle pas, à tout prendre ? Cette option me semble bien dure pour tous les membres de la famille et l'Espérance n'existe pas pour rien. Si l'on pose comme évident que leur union est équilibrée et heureuse, malgré l'indifférence pour Dieu du conjoint, comment prendrait-elle le risque de la perturber en cessant de s'unir à celui qu'elle aime et pour qui elle prie sans doute pour qu'il entende l'appel de Dieu ? La mission commence aussi au cœur des familles.

Comment rendre sa foi encore plus féconde, non seulement pour elle mais aussi pour son entourage ? Je ne pense pas que ce soit en cessant d'avoir des liens dans l'intimité, ni en se séparant de son conjoint alors que l'amour est bel et bien là. Par contre il n'y a rien d'absurde au fait de ne pas communier par amour, ne pensez-vous pas ?

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Re: Les cinq dubia de quatre cardinaux au pape François à propos d'Amoris Laetitia

Message non lu par Héraclius » mar. 16 mai 2017, 15:53

Sur l'argument du mal nécessaire : il est vrai quand dans un certain nombre de cas il est évident que le Christianisme n'est pas un utilitarisme et que les conséquences n'engagent pas toujours la moralité d'un acte. Exemple : le Confesseur torturé à qui on exige de renier sa foi sous peine de tuer 10 de ses frères ne doit pas céder ; la responsabilité morale objective reste pleinement celle du persécuteur et le Confesseur doit rester ferme dans sa foi.

Maintenant la situation du conjoit est différente : il ne peut pas être attentiste, soit il commet un mal (mise en danger des enfants) soit un autre (l'adultère). On dit "le péché ne peut être justifé par un mal plus grand" mais en soit l'un et l'autre de ces maux sont des péchés en puissance si commis toutes choses égales par ailleurs.

Évidemment il est tout à fait juste de soulever la possibilité de la vie en frère et soeur qui effectivemment règle le problème de façon très satisfaisante... si elle est possible, ce qui ne me semble pas systématique.


Bon, je me fait ici un peu l'avocat du diable, puisque moi-même je suis assez sceptique, et de la logique de l'argument, et (et surtout) des conséquences pratiques d'une telle pastorale avec les désastres que nous savons déjà à l'oeuvre à Malte ou en Argentine.

Que cette pastorale soit promise à la catastophe dans nos chrétientés occidentales profondément ignorantes de la doctrine morale de la Sainte Eglise n'est pas en débat, et ce indépendament de la valeur de ladite pastorale sur le plan abstrait.


Pour rebondir sur ce que dit Cendrine, et qui me semble sensé, la priorité dans ce genre de cas me semble de redécouvrir la valeur de la communion spirituelle. Dans des cas complexes comme cela, la communion spirituelle apporte une certaine sécurité sans pour autant rien enlever aux bienfaits objectifs de la Communion. Il est aussi temps de se rappeller qu'on assiste d'abord à la Messe pour faire face au sacrifice renouvellé, pas pour recevoir la Communion. Nos ancêtres ne la recevaient qu'une fois l'an, et ne s'en tiraient pas plus mal que nous dans la foi, l'éspérance et la charité. Au fond la façon même dont le problème est formullé "la communion des divorcés-remariés" révèle l'ignorance théologique profonde de nos contemporains, en ce sens que le problème est en réalité celui de "l'absolution des divorcés-remariés".

Donc bref, même si des "consciences bien formées" pouvaient effectivemment discerner en conscience, sous l'autorité de leur pasteur et dans l'obéissance à l'Église, ce genre de sujet, force est de constater que les conscience n'ont jamais été aussi ignorantes des vérités de bases de la foi catholique et plus rebelles au magistère.



Héraclius,
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Re: Les cinq dubia de quatre cardinaux au pape François à propos d'Amoris Laetitia

Message non lu par prodigal » mar. 16 mai 2017, 16:46

En ce qui concerne ce qu'on appelle "communion spirituelle" (ce qui me gêne parce que je trouve dommageable que spirituel soit employé comme un contraire de réel mais passons), je suis tout à fait d'accord avec Cendrine, et donc aussi avec vous, Héraclius, du point de vue des fidèles que l'on exclut. Il est bien évident que le fidèle qui n'est pas autorisé à communier, même dans le cas où cette interdiction est une absurdité, ce fidèle, donc, doit s'abstenir. Nul ne peut s'inviter lui-même à la table du Seigneur.
Mais en revanche le raisonnement ne tient plus du tout du côté de l'Eglise. Si l'Eglise ne donne pas la communion à tel ou tel baptisé, c'est qu'elle le juge en état de péché mortel. Elle ne peut donc inciter chacun à imiter celui qu'elle juge ainsi.
Quant à dire que les bienfaits de la communion spirituelle sont les mêmes, voire supérieurs, à ceux de la vraie communion, je ne vois pas comment on peut concilier cela avec le dogme de la présence réelle, justement.
J'ajoute qu'il y a un argument que je ne comprends pas, celui des inconvénients pastoraux éventuels d'une redéfinition de la discipline. Je ne vois pas d'une part, comme je l'ai dit plus haut, comment on peut faire pire qu'en laissant tout le monde et son frère communier, sauf une certaine catégorie administrative de vrais chrétiens. Et d'autre part, ce qui est juste et bon doit être fait sans crainte, la règle n'est quand même pas si difficile à comprendre : on peut communier si on n'est pas en état de péché mortel.
Je voudrais aussi, cher Héraclius, vous demander de repréciser certaines petites choses.
Héraclius a écrit : Il est aussi temps de se rappeller qu'on assiste d'abord à la Messe pour faire face au sacrifice renouvellé, pas pour recevoir la Communion.
Vous êtes quand même bien d'accord pour dire que l'un n'empêche pas l'autre, et même que l'un trouve son aboutissement dans l'autre. Non?
Héraclius a écrit :Nos ancêtres ne la recevaient qu'une fois l'an, et ne s'en tiraient pas plus mal que nous dans la foi, l'éspérance et la charité.
Mais une fois l'an, c'est beaucoup, par rapport à jamais de la vie!
Héraclius a écrit :Au fond la façon même dont le problème est formullé "la communion des divorcés-remariés" révèle l'ignorance théologique profonde de nos contemporains, en ce sens que le problème est en réalité celui de "l'absolution des divorcés-remariés".
Je ne pense pas, car le problème existe aussi là où n'entre aucune culpabilité (cas du converti qui découvre que sa situation administrative pose problème).
"Dieu n'a pas besoin de nos mensonges" (Léon XIII)

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