Le regard du Pape François sur la vérité du mariage actuel

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Xavi
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Le regard du Pape François sur la vérité du mariage actuel

Message non lu par Xavi » ven. 26 août 2016, 14:43

Dans son récent discours du 16 juin 2016 à Saint-Jean-de-Latran, le Pape François a prononcé deux déclarations qui demandent une grande attention :

« une grande majorité de nos mariages sacramentels sont nuls, car ils, les époux, disent : « Oui, pour toute la vie », mais ils ne savent pas ce qu’ils disent, car ils ont une autre culture. Ils le disent et ils sont de bonne volonté, mais ils n’en ont pas la conscience »

et :

« j’ai vraiment vu une grande fidélité dans (des) concubinages, une grande fidélité; et je suis certain que c’est un véritable mariage, ils ont la grâce du mariage, précisément en raison de la fidélité qu’ils vivent »

Ne nous arrêtons pas trop vite aux réactions que ces affirmations surprenantes peuvent nous inspirer. C’est le Pape : prenons le temps d’écouter et de regarder ce qu’il nous montre.

C’est certes d’autant plus difficile que le Vatican lui-même a modifié la version officielle de la première affirmation en relatant (ce qui est contraire a la réalité prouvée par une video) que le Pape aurait dit (ce qui n’est pas le cas) qu’ « une partie » des mariages sacramentels sont nuls, ce qui est vague et de moins d’intérêt (une partie, cela peut être un pour cent).

Contrairement à ce que suggère l’intitulé du sujet qui a déjà été développé sur ce thème dans la section de l’Actualité décryptée de ce forum, le Pape n’a pas non plus affirmé que « la moitié » des mariages sacramentels sont nuls, comme un titre du Figaro l’a affirmé dans un essai d’interprétation.

Le Pape, qui s’exprimait en italien a parlé réellement de « una grande maggioranza », une grande majorité, comme le montre une video sur YouTube (cf. Opening of the Pastoral Conference of the Diocese of Rome : écouter le moment situé à 1.14.32-34 sur 1.37.31) :
https://www.youtube.com/watch?v=jQ5h2ef ... e=youtu.be

Le Pape n’a pas retiré ses propos. On ignore par qui et pourquoi les propos réels du Pape ont été modifiés sur le site officiel du Vatican. Rien ne permet d’affirmer que ses propos ont dépassé sa pensée.

Mais à quoi pensait-il ? De quoi parlait-il ?

D’une question de droit canon. Car, la nullité est une notion juridique.

On imagine guère parler de la nullité d’un baptême ou d’une eucharistie parce que leur validité ne dépend pas de la conscience du baptisé ou du communiant.

Mais, l’importance de la conscience de ceux qui se confèrent le sacrement du mariage a, par contre, pris une place déterminante en droit canon.

Une place tellement déterminante que, dans la réalité juridique actuelle du droit canon tel qu’il est interprété et appliqué par les tribunaux ecclésiastiques, le Pape sait que, aujourd’hui, l’examen du consentement de ceux qui demandent une déclaration de nullité aboutit presque toujours à constater que les époux n’avaient pas une conscience de leurs engagements à la mesure de la grâce du sacrement.

Selon le témoignage que j’ai personnellement recueilli d’un juge ecclésiastique, la nullité semble quasi toujours reconnue.

Les chiffres des statistiques semblent très peu connus mais ils existent puisqu’ils ont été précisés lors de la présentation de l’instruction Dignitas Connubii le 8 février 2005 qui est publiée en anglais sur le site du Vatican :
http://www.vatican.va/roman_curia/ponti ... ii_en.html

A cette époque, il a été précisé que, en 2002, dans le monde entier, il y avait eu 56.236 décisions concernant des procès ordinaires en déclaration de nullité d’un mariage, et que 46.092 ont abouti à une sentence affirmative, soit 81 %, et qu’il n’y avait eu que 2.894 décisions négatives, soit seulement 5 %, les autres décisions constatant des procédures irrégulières ou des causes abandonnées.

Il a aussi été précisé que, parmi ceux qui tentaient un ultime recours auprès de la Rote Romaine, il y a surtout ceux qui font l’objet de décisions négatives.

Mais, ici encore, les chiffres de 2010 dont j’ai connaissance indiquent que, sur 175 décisions rendues par la Rote Romaine en 2010, la majorité des recours intentés à Rome ont abouti positivement par une déclaration de nullité (93 sentences affirmatives).

Il semble probable que le Pape, qui connaît les chiffres, a ainsi pu constater que la quasi totalité des contestations de la validité d’un mariage sacramentel aboutissent à une déclaration de nullité.

C’est la vérité, certes dérangeante, du droit canon actuel. Le Pape François ne l’a pas inventée.

Ce qu’il nous dit à tous, de manière implicite, en mentionnant une grande majorité (outre les nombreux mariages fidèles valables), c’est que la quasi-totalité des divorcés remariés civilement après un premier mariage sacramentel peuvent, aujourd’hui, selon le droit canon actuel tel qu’il est appliqué, obtenir une déclaration de nullité de leur mariage sacramentel suivi d’un divorce et d’un remariage civil.

On peut contester le droit canon, mais le Pape constate un fait. Il ne dit qu’une vérité objective : vous croyez que le mariage sacramentel des divorcés-remariés est indissoluble ? La réalité, c’est que la nullité de ce mariage sacramentel peut être constatée dans quasi tous les cas si une demande en est faite. Sachez-le et pensez-y.

Bien sûr, en théorie, il y a la présomption de validité, mais ce n’est qu’une présomption. La vérité c’est que celui qui demande de faire déclarer nul son mariage sacramentel semble pouvoir l’obtenir à coup sûr ou quasiment.

Alors, cela devient très dérangeant, car les plus pauvres et les moins informés des divorcés remariés ne s’adressent pas aux tribunaux ecclésiastiques, ni ceux qui refusent de nier la vérité du mariage qu’ils ont vécu même s’il a pris fin.

On sait que la première réponse pratique du Pape François a été de simplifier l’accès aux procédures. Mais, cela ne fera qu’augmenter le constat : n’importe qui veut contester son mariage sacramentel semble pouvoir obtenir une déclaration de nullité. C’est très surprenant, mais faut-il fermer les yeux ?

En réalité, aucun être humain n’est jamais à la hauteur de la grâce divine. Qui peut prétendre avoir une pleine conscience des engagements du mariage ? A fortiori à 20 ou 25 ans.

Mais, si nous pensons à la foule qui écoutait Jésus lorsqu’il disait que l’homme ne sépare pas ce que Dieu à uni, si nous pensons au premier couple d’Adam et Eve que Jésus a présenté comme modèle valable jusqu’à la fin des temps, si nous pensons aux mariages de l’ancien testament, si nous pensons au mariage de Marie et Joseph…

Ne devons-nous pas réfléchir d’urgence à la pertinence ou à la portée de la définition juridique actuelle du mariage sacramentel si, en vérité, une grande majorité des mariages sacramentels sont nuls, selon le droit canon actuel ?

N’y a-t-il pas une vision déformée du sacrement du mariage lorsque la volonté des époux devient plus essentielle que la grâce de Dieu ? Une vision assez similaire à celle des protestants qui déclarent nul le baptême des nouveaux nés parce qu’ils n’ont pas la conscience de leur baptême.

Si le droit canon actuel permet de déclarer nul une majorité de mariages sacramentels et permet de déclarer nuls quasi tous les mariages abandonnés, ne faut-il pas le constater avec lucidité comme le fait le Pape et, surtout, nous interroger sur la valeur du droit canon actuel ?

Dans ses déclarations du 16 juin 2016 à Saint Jean de Latran, le Pape fait une constatation essentielle : « on ne sait pas ce qu’est le sacrement: on ne sait pas qu’il est indissoluble, on ne sait pas que c’est pour toute la vie » et, plus encore, car même « ceux qui disent : « Oui, pour toute la vie », … ils ne savent pas ce qu’ils disent, car ils ont une autre culture. Ils le disent et ils sont de bonne volonté, mais ils n’en ont pas la conscience ».

Et cela introduit sa deuxième déclaration surprenante : le Pape reconnaît, et il s’en déclare « certain », que des concubinages sont parfois un « vrai mariage ».

Ici, il faut se rappeler que la manière de se marier a fortement changé au cours de l’histoire.

Au-delà des discussions canoniques fondées sur un droit canon qui permet de déclarer nul tout mariage qui échoue, ne faut-il pas revenir à la vérité des faits naturels ?

Même sans sacrement, et les couples qui écoutaient l’enseignement de Jésus sur le mariage n’étaient pas mariés sacramentellement au sens de notre droit canon mais étaient souvent unis pas des mariages arrangés par les familles, il ne faut pas oublier que le mariage est un don de Dieu pour toute l’humanité de toutes les époques.

Des papes n’ont pas hésité à parler de « sacrement naturel » (pas seulement de mariage naturel).

Dans le modèle d’Adam et Eve, qui sert de base à l’enseignement de Jésus sur le mariage, la grâce de Dieu qui unit les époux, depuis les origines, est beaucoup moins compliquée que notre droit canon : après un éblouissement amoureux, les époux quittent père et mère (ils forment un foyer distinct), les époux s’attachent l’un à l’autre (ils forment une union stable) et les époux font une seule chair (ils s’unissent corps et âme).

Dieu unit encore des époux dans le monde entier, dans tous les peuples, quelle que soit leur religion ou leurs pensées. Et c’est à tous que Jésus enseigne : que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a unit.

Et c’est sur cette réalité naturelle et divine du mariage qui a toujours existé, qui peut se constater sous des formes multiples, que le pape attire notre regard : un couple de concubins fidèles, même en dehors des règles juridiques prévues et des sacrements de l’Eglise, peut manifester un vrai mariage, uni par Dieu. Le Pape François s’en déclare « certain ».

Qui peut prétendre que de jeunes cohabitants, formant un foyer distinct, liés l’un à l’autre par un amour non limité et fidèle, et unis sexuellement, ne sont pas déjà engagés et invités par le Christ à respecter une fidélité indissoluble, à ne pas séparer ce que Dieu a uni ?

Plus de 90 % de ceux qui se confèrent aujourd’hui le sacrement du mariage sont, déjà, de fait engagés dans un état de vie commune qui est celui d’un mariage naturel.

Le Pape nous invite à reconnaître une réalité de fait.

Le mariage n’est pas une invention humaine. C’est Dieu qui unit par un souffle d’amour. Et ce souffle d’amour ne souffle pas seulement pour les chrétiens ou les croyants.

Et, il souffle bien avant que des fiancés catholiques ne se confèrent le sacrement de mariage qui n’est que le signe et le moyen par lequel ils accueillent la grâce du mariage dont ils ont déjà reconnu la présence dans leur vie.

Tout cela ne doit, ni ne peut en rien diminuer la grâce du sacrement. Mais, ne faut-il pas d’urgence reconsolider son indissolubilité gravement blessée par un droit canon qui permet de déclarer nuls une grande majorité des mariages sacramentels et qui ignore l’indissolubilité de tant de mariages naturels par lesquels Dieu continue à unir tant d’hommes et de femmes partout sur la terre ?

Il n’y a pas de nullité au regard de Dieu lorsqu’un homme et une femme sont unis par Dieu et tous sont invités à reconnaître l’indissolubilité de ce que Dieu unit.

Même les concubins, les jeunes cohabitants, sont invités à reconnaître la grâce de Dieu dans leur vie lorsqu’ils forment dans l’amour un couple fidèle.

Qui dira à un couple de cohabitants non liés par une autre union : vous êtes libres, cherchez librement s’il n’y a pas un meilleur partenaire ailleurs, séparez-vous si votre union présente une difficulté quelconque ou si votre désir vous attire vers d’autres projets ?

Le désir naturel de la fidélité et de s'y engager, pour le meilleur et pour le pire, est généralement déjà présent bien avant le sacrement du mariage, même sans aucune consécration juridique.

Ne faut-il pas considérer qu’en vérité, un engagement indissoluble par un sacrement du mariage n’est indissoluble que parce qu’il confirme un lien indissoluble tissé d’abord par Dieu lui-même.

Cette grâce qui précède le sacrement, nous pouvons parfois la constater, comme le Pape, chez bien des couples fidèles qui se constituent et avancent loin des règles de l’Eglise, voire de la société.

Même si le chemin royal pour accueillir cette grâce reste inchangé depuis les origines et consacré dans le sacrement de l’Eglise du Christ qui en est le signe et le moyen.

Que celui qui est bouleversé par un souffle amoureux, comme celui qui a soufflé entre Adam et Eve dans le jardin d’Eden, observe la vérité d’une union réalisée par Dieu : quitte ton père et ta mère, sois lié à ta (ton) bien-aimé et sois une seule chair.

Celui qui fait une seule chair, sans foyer distinct et/ou sans être lié, blesse l’œuvre de Dieu.

Car, pour que le don total des corps exprime vraiment le don total des personnes, il implique des époux un attachement l’un à l’autre dans une fidélité mutuelle promise quoi qu’il arrive et dans une union qui demeure et forme ainsi un foyer que chacun des époux ne délaisse plus pour retourner chez ses père et mère.

Les relations sexuelles sans cohabitation et sans lien blessent profondément l’œuvre de Dieu.

Les relations sexuelles avec cohabitation mais sans lien blessent profondément l’amour des époux l’un pour l’autre, insufflé par Dieu.

Les relations sexuelles avec un lien dans le cœur mais sans cohabitation blessent aussi cet amour des époux.

Mais, parfois, et même de plus en plus souvent, il y a cohabitation, lien fidèle et relations sexuelles dans des conditions concrètes semblables en tout à celles d’un mariage civil ou sacramentel, mais sans union juridique et sans sacrement. Ici, ne devons-nous pas être attentif à ne pas nier et à parfois reconnaître une possible grâce du mariage que la fidélité des partenaires peut exprimer ?

Car, surtout dans notre société contemporaine, on est bien obligés de constater que beaucoup s’engagent dans les liens naturels sans égard pour les liens juridiques ou rituels.

Mais, les liens juridiques et rituels ne créent pas un mariage, ils le consacrent et l’établissent dans l’ordre civil ou dans l’ordre religieux. N’oublions pas que le sacrement du mariage est un signe et un moyen de la présence de Dieu dans le couple des époux qui précède toujours ceux qui reçoivent un sacrement. C'est Lui qui les unit avant que les époux ne reconnaissent et ne s'engagent dans cette union que Dieu réalise.
Dernière modification par Xavi le ven. 09 sept. 2016, 13:03, modifié 1 fois.

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Re: Le regard du Pape François sur la vérité du mariage actuel

Message non lu par PaxetBonum » ven. 26 août 2016, 18:50

Cher Xavi,

Vous défendez les paroles du pape : « une grande majorité de nos mariages sacramentels sont nuls, car ils, les époux, disent : « Oui, pour toute la vie », mais ils ne savent pas ce qu’ils disent, car ils ont une autre culture. Ils le disent et ils sont de bonne volonté, mais ils n’en ont pas la conscience » en disant qu'il énonce cela parce qu'il a lu les statistiques d'obtention de nullité de mariage auprès des tribunaux ecclésiastiques.
Avez-vous une source sur cette interprétation ?
Sinon vous pourriez postuler auprès du site officiel du vatican pour atténuer ces remarques à l'emporte-pièce qui caractérise sa sainteté François.

Malgré tout, le pape n'a pas dit 'une majorité des mariages sacramentels peuvent être reconnus nuls", mais "sont nuls"
Je vous rejoins donc dans le laxisme des tribunaux ecclésiastiques plus que dans votre tentative de défense des propos du saint Père.

Je pense que vous oubliez un point crucial : pourquoi ces mariés n'ont pas la conscience de ce à quoi ils s'engagent ?

- parce que l'on a abandonné le catéchisme pour des découpages
- parce que la catéchèse est un cour de politiquement correct
- parce que les prêches de nos prêtres sont souvent des discours sociaux
- parce que l'on a abandonné les fiançailles pour le concubinage
- parce que les époux n'ont plus de préparation au mariage digne de ce nom

Bref parce que l'on marie des personnes qui ne sont pas catholiques et souvent pas en état de grâce…
Donc bien des mariages sont nuls et non même non avenus.

Ajouter à cela la déliquescence généralisée des mœurs de nos contemporains, présentée comme normale par les vedettes, les politiciens, les lois…

Mais quant à faire les louanges du concubinage il va falloir mettre à l'index pas mal de textes de la tradition, voire du Christ Lui-même…
Pax et Bonum !
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Re: Le regard du Pape François sur la vérité du mariage actuel

Message non lu par Suliko » ven. 26 août 2016, 21:13

Bref parce que l'on marie des personnes qui ne sont pas catholiques et souvent pas en état de grâce…
Donc bien des mariages sont nuls et non même non avenus.
Non. L'absence présumée de foi tout comme le fait de n'être pas en état de grâce ne rendent pas un mariage nul. En fait, le très gros problème, c'est le laxisme dans les procédures d'annulation de mariages. La reconnaissance de la nullité d'un mariage était autrefois quelque chose de très rare et aurait dû le rester, voilà tout. Faire dépendre une institution aussi importante que le mariage de critères aussi subjectifs que l’immaturité ou la jeunesse des conjoints, l'absence de foi ou d'état de grâce, etc...n'est pas conforme à ce qu'a toujours enseigné l'Eglise.
C'est pourquoi elle seule, prédestinée avant les générations et annoncée par les prophètes, la Mère du Créateur de tout l'univers, non seulement n'a participé en rien à la tache originelle, mais elle est toujours demeurée pure comme le ciel et toute belle. (extrait du règlement pour le monastère de Biélokrinitsa (1841)

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Re: Le regard du Pape François sur la vérité du mariage actuel

Message non lu par Xavi » lun. 29 août 2016, 14:25

Merci à Paxetbonum et à Suliko pour leur contribution.

Mon message initial ne cherche pas à défendre les propos du Pape, mais seulement à essayer de les comprendre.

Et, hélas, je n’ai pas davantage de sources que celles déjà mentionnées.

Si Sa Sainteté le Pape François s’est exprimé du point de vue juridique du droit canon, un juriste peut le comprendre, mais, pour l’immense majorité des chrétiens et des non chrétiens, ses paroles paraissent pouvoir être mal comprises par un grand nombre dans le sens commun des mots.

Ne risquent-elles pas de décourager ceux qui ont la vocation du mariage par un doute excessif de leur propre conscience des engagements du mariage (Puis-je me prétendre mieux éclairé que la grande majorité de ceux qui ne font qu’un mariage nul malgré leur bonne volonté ?) ?

Ne risquent-elles pas d’affaiblir ceux qui doutent de leur union après plusieurs années de mariage et découvrent, par un examen de conscience actuel, toutes les limites de ce dont ils avaient conscience lors de leur mariage sacramentel ?

Ne risquent-elles pas d’inciter les époux séparés, voire divorcés, à aller chercher dans les faiblesses de leur conscience des motifs de renoncer à leur mariage sacramentel ?

Les paroles du Pape pourront cependant avoir un effet positif dans les explications ultérieures.

Car, comme l’observe Suliko, on va actuellement loin, beaucoup plus loin que jadis, jusqu’à faire dépendre le sacrement de la subjectivité des consciences.

Faire dépendre la validité d’un sacrement de la conscience de celui qui le reçoit est très délicat.

N’est-ce pas une voie qui va révéler ses limites au fur et à mesure de l’importance de l’attention qui lui est portée ?

Le droit canon n’est et ne peut être que du droit, de la réglementation de la discipline dans l’Eglise, dont les clés sont confiées au Pape qui a le pouvoir (juridique) de lier et de délier.

Mais, un mariage nul, selon le droit canon, ce n’est pas nécessairement un mariage inexistant mais seulement un mariage déclaré juridiquement non valide et sans effet. C’est « comme » s’il n’avait pas existé.

Le non juriste peut toujours dire et constater qu’il a existé et que sa réalité concrète demeure.

C’est un peu comme la vérité des paroles du Pape.

Selon le site officiel du Vatican, il a « dit » que « une partie » des mariages sacramentels sont nuls. C’est une « vérité » officielle.

Mais, chacun sait qu’en réalité, la vérité historique est autre.

Le droit canon, comme toute vérité juridique en général, est une fiction, une construction artificielle de la réalité pour gérer la discipline dans l’Eglise.

Elle ne correspond pas complètement, et même parfois pas du tout, à la vérité historique, à la vérité réelle, concrète.

Le Pape François, à la suite du synode, paraît préoccupé par la question de l’exclusion disciplinaire et juridique des divorcés remariés civilement et le droit canon qui concerne cette question paraît dans un état interpellant.

Quand la nullité d’un acte juridique affecte une « grande » majorité, c’est le droit qui l’organise (ici, le droit canon) qui est en cause et sa révision en profondeur peut devenir une priorité.

L’Eglise ne pourra que se remettre sans cesse à l’écoute des paroles du Christ qui ne concernent pas principalement ni a fortiori uniquement le mariage sacramentel organisé par le droit canon, mais le mariage naturel.

N’est-ce pas le mariage naturel, celui qui existe depuis Adam et Eve, que Jésus a révélé comme un sacrement en exprimant sa volonté que l’homme ne sépare pas « ce que Dieu a unit » ?

Et ce mariage naturel dépend-t-il des critères subjectifs de la conscience que le droit canon actuel retient comme essentiels pour le mariage sacramentel ?

Lorsqu’un mariage naturel est constaté et qu’il a été consacré par un mariage sacramentel, est-il bon et juste de déclarer « nul » ce mariage sacramentel, dans le chef de divorcés, du fait d’un défaut de la conscience subjective individuelle de l’un ou des époux divorcés en cause ?

Le Pape François présente très exactement les éléments de la réalité qu’il faut considérer : « ils, les époux, disent : « Oui, pour toute la vie », mais ils ne savent pas ce qu’ils disent, car ils ont une autre culture. Ils le disent et ils sont de bonne volonté, mais ils n’en ont pas la conscience… ».

Puisque c’est Dieu lui-même qui unit ceux qui se marient, puisque la grâce de tout sacrement vient de Dieu et que ce n’est pas un don de Dieu mais seulement son efficacité qui peut dépendre de celui qui le reçoit, le mariage qui est l’œuvre de Dieu lui-même demande-t-il davantage pour exister, outre les éléments objectifs (la vie commune, le lien et une seule chair, conformément au modèle du premier couple indiqué par le Christ), que la « bonne volonté » ?

Les paroles du Christ sur l’indissolubilité du mariage ne s’adressent-elles qu’aux catholiques unis par un sacrement de mariage canonique valide ?

Faut-il nier la réalité d’un mariage naturel et sacramentel, dont la réalité objective est présente, parce que les époux « ne savent pas » et « n’en ont pas la conscience » ?

Qui peut prétendre « savoir » et « avoir la conscience » de la grâce de Dieu ?

Lorsque le souffle d’amour de Dieu unit un homme et une femme, gardons-nous de déclarer nul ce que Dieu a uni.

L’Evangile, n’est-il pas un appel à se tourner, à se convertir vers Dieu, pour nous libérer du joug de nous-mêmes ?

Attention de ne pas nier, rejeter ou entraver ce souffle de Dieu par un examen de conscience davantage tourné vers soi-même que vers Dieu.

Attention de ne pas se détourner de la grâce de Dieu par un examen de conscience tel que chacun ne pourrait y découvrir que sa profonde et désespérante incapacité pécheresse à répondre de manière satisfaisante au don de Dieu.

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Re: Le regard du Pape François sur la vérité du mariage actuel

Message non lu par Suliko » lun. 29 août 2016, 15:11

Bonjour Xavi,
Mais, un mariage nul, selon le droit canon, ce n’est pas nécessairement un mariage inexistant mais seulement un mariage déclaré juridiquement non valide et sans effet. C’est « comme » s’il n’avait pas existé.
Non, un mariage nul est bien un mariage inexistant, un mariage qui n'a jamais existé..
Et ce mariage naturel dépend-t-il des critères subjectifs de la conscience que le droit canon actuel retient comme essentiels pour le mariage sacramentel ?
Oui, mais entre des baptisés, il ne saurait y avoir de mariage seulement naturel. Soit il y a mariage sacramentel, soit il n'y a pas de mariage du tout (càd concubinage ou adultère).
Les paroles du Christ sur l’indissolubilité du mariage ne s’adressent-elles qu’aux catholiques unis par un sacrement de mariage canonique valide ?
Non, les mariages entre des baptisés non catholiques sont sacramentaux et indissolubles. Pour ce qui est des non chrétiens, je crois que c'est également le cas, bien qu'il ne s'agisse là que de mariages naturels. A confirmer.

Cher Xavi, je trouve que vous tournez beaucoup autour du pot. Ce qu'a dit le pape François était tout simplement erroné, voilà tout, car la validité d'un mariage ne dépend pas de l'humeur des contractants. Ce n'est pas parce que des fiancés étaient "jeunes", insouciants et non pratiquants lors de leur union que le mariage n'est pas valide. Pour établir qu'un mariage n'a jamais existé, il faut des conditions bien précises qui se rencontrent très rarement. On est bien loin de la pratique moderne des annulations trop facilement concédées, qui ne sont rien moins qu'un divorce catholique.
C'est pourquoi elle seule, prédestinée avant les générations et annoncée par les prophètes, la Mère du Créateur de tout l'univers, non seulement n'a participé en rien à la tache originelle, mais elle est toujours demeurée pure comme le ciel et toute belle. (extrait du règlement pour le monastère de Biélokrinitsa (1841)

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Re: Le regard du Pape François sur la vérité du mariage actuel

Message non lu par Xavi » mar. 30 août 2016, 11:52

Bonjour Suliko.

Merci pour votre réponse attentive.

Je ne vais pas essayer de vous convaincre sur le plan juridique, mais vous optez pour une approche du droit canon qui paraît contredite par tous (ou quasi tous) les tribunaux ecclésiastiques.

Votre approche vous fait considérer que les juges ecclésiastiques sont laxistes et n’appliquent pas bien le droit canon. Mais, est-ce les juges ou le droit canon qu’il faut mettre en cause ?

Etes-vous sûre de votre connaissance du droit canon ? Le droit est une science complexe et il me semble difficile de considérer que tous (ou quasi tous) les juges ecclésiastiques se trompent lorsqu’ils appliquent le droit matrimonial de l’Eglise.

Dans un état de droit ordinaire, lorsque les juges disent le droit et le font de manière unanime ou à une large majorité, il est vain de contester le droit appliqué. En cas de désaccord, il ne reste que la possibilité de faire voter d’autres lois.

Vous écrivez que « Faire dépendre une institution aussi importante que le mariage de critères aussi subjectifs que l’immaturité ou la jeunesse des conjoints, l'absence de foi ou d'état de grâce, etc...n'est pas conforme à ce qu'a toujours enseigné l'Eglise. ».

C’est la bonne question.

Mais, pour savoir ce qu’en dit le droit canon actuel, nous sommes bien obligés de constater ce qu’en disent les juges ecclésiastiques unanimes (ou quasi) et de nous y référer.

C’est ici que les déclarations du Pape François sont importantes car elles nous font observer que le droit canon actuel aboutit aujourd’hui à pouvoir considérer comme nuls la majorité des mariages sacramentels et permet quasiment à tous les divorcés remariés civilement d’obtenir une déclaration de nullité de leur mariage sacramentel.

Les propos du pape n’entrent pas dans les nuances juridiques mais me semblent un constat sincère qui invite à une réflexion en profondeur de la place prépondérante que le droit canon a donné à la conscience subjective dans la validité d’un mariage sacramentel.

La question est difficile et ne peut être simplement évacuée par une critique des décisions des juges ecclésiastiques.

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Re: Le regard du Pape François sur la vérité du mariage actuel

Message non lu par Suliko » mar. 30 août 2016, 13:01

Bonjour Xavi,
Votre approche vous fait considérer que les juges ecclésiastiques sont laxistes et n’appliquent pas bien le droit canon. Mais, est-ce les juges ou le droit canon qu’il faut mettre en cause ?
Effectivement, le droit canon est d'après moi déformé et appliqué de manière laxiste. Comment expliquer autrement la multiplication incroyable des annulations de mariages depuis les années 70? J'ai vraiment l'impression que le pape François commet la même erreur que Paul VI, lorsqu'il a simplifié de manière expérimentale la procédure d'annulations aux USA au début des années 70. Résultat, le nombre d'annulations dans ce pays a explosé. Il est évident que ce n'est là pas le droit canon en lui-même qui pose problème, mais l'état d'esprit des juges et leur non respect des normes traditionnelles. A force d'accorder - à tort - bien trop facilement des annulations de mariage, il ne faudra pas s'étonner que dans l'esprit de bien des catholiques, annulation devienne plus ou moins synonyme de divorce catholique.
Etes-vous sûre de votre connaissance du droit canon ? Le droit est une science complexe et il me semble difficile de considérer que tous (ou quasi tous) les juges ecclésiastiques se trompent lorsqu’ils appliquent le droit matrimonial de l’Eglise.
Non, je ne suis pas du tout spécialiste en droit canon. Je me contente de constater que jusqu'aux années 60-70, les annulations de mariage étaient fort peu nombreuses, car elles devaient répondre à des critères très stricts et difficiles à prouver et qu'au contraire, depuis quelques décennies, c'est une tendance laxiste qui s'est installée et qui n'est hélas pas freinée par notre pape, mais au contraire accélérée, avec ses réformes sur la simplification des procédures d'annulation. En somme, je ne fait que décrire un fait, à savoir que le mariage est aujourd'hui nettement plus facilement annulé qu'autrefois et que donc, ce ne peut pas être le droit canon qui est la source du problème, mais plutôt les errements humains des juges, influencés par l'atmosphère laxiste ambiante.
Je pense qu'en tant que catholiques, nous nous devons de prier pour le pape et les juges, mais que nous ne sommes pas pour autant tenus de justifier l'injustifiable et d'adhérer à ce qui nous paraît clairement contraire aux règles traditionnelles de notre religion.

Bien à vous,

Suliko
C'est pourquoi elle seule, prédestinée avant les générations et annoncée par les prophètes, la Mère du Créateur de tout l'univers, non seulement n'a participé en rien à la tache originelle, mais elle est toujours demeurée pure comme le ciel et toute belle. (extrait du règlement pour le monastère de Biélokrinitsa (1841)

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