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par DavidB » dim. 16 mars 2008, 19:16
... bien, après on me dira que le Québec n'est pas Cathophobe...
LE SOLEIL - RÉFLEXION
Le carême? Ah oui, c'était dans le temps...
Bernard Viau
Le carême, ça vous dit quoi? Le simple mot déclenche souvent des réactions négatives et des visages sombres, surtout chez les plus vieux. Si vous demandez aux plus jeunes ce qu'ils en pensent, vous entendrez des réflexions du genre : «Le carême? Ah oui, c'était dans le temps... Ça fait longtemps. Ça marches-tu encore ça le carême?»
Non, ça marche plus le carême, mais ça existe encore de nos jours. Pour répondre à la première question, le carême est une période religieuse chrétienne d'une durée de 40 jours précédant la fête de Pâques. Pour connaître les dates, il faut d'abord trouver celle de Pâques. Pour cela, il suffit de trouver la première pleine lune du printemps, juste après le 21 mars. Cette année, la première pleine lune du printemps sera le jour même de l'équinoxe soit le 21 mars. La fête de Pâques est fixée au premier dimanche après cette pleine lune soit le 23 mars 2008. Difficile d'avoir plus tôt dans la saison. L'an dernier, la pleine lune du printemps avait été le lundi 2 avril et donc Pâques a été le dimanche suivant soit le 8 avril 2007.
Il faut ensuite reculer dans le calendrier pour fixer les limites du carême: dimanche de Pâques, semaine sainte, dimanche des Rameaux — aujourd'hui même — puis 40 jours de carême précédés du mercredi des cendres et du mardi gras, l'ancêtre de nos carnavals. Au début du siècle dernier, pour la journée du mardi gras, on faisait de la tire d'érable et on organisait des danses chez l'un puis chez l'autre. C'était aussi un jour où les adultes se déguisaient. On passaient d'une maison à l'autre dans les rangs et on buvait, et on dansait, n'en déplaise à monsieur le curé. Il suffisait de ne pas danser trop collés et de s'en confesser le dimanche suivant.
Pas une partie de plaisir!
Durant le carême, nos grands-parents se restreignaient sur tout : la nourriture, les bonbons, la boisson évidemment, mais aussi le tabac. Plusieurs ne fumaient pas pendant les quarante jours du carême. Les vendredis on mangeait des sardines, du hareng et du turbot salés qu'on préparait dans de gros barils et qu'on avaient pêchés à l'île Verte ou à Cacouna. Le carême n'était pas une partie de plaisir et certains le prenaient très au sérieux.
À partir du mercredi saint, plusieurs ne prenaient que du pain de ménage, de l'eau ou du thé, sans sucre évidemment. Certains ne parlaient pas de toute la journée du vendredi saint. On ne relâchait le jeûne que le samedi saint autour de midi. Évidemment, certains passaient outre cette dernière journée et se levaient en cachette la nuit du vendredi saint pour se préparer des tartines de cassonade avec de la crème, mais la majorité de nos grands-parents attendaient patiemment et sagement le dimanche de Pâques pour se régaler de ces sucreries.
Le jour de Pâques, avant le lever du soleil, on allait chercher l'eau de source. C'était une tradition remontant aux débuts du christianisme et qui voulait que l'eau recueillie avant le lever du soleil ait des propriétés médicinales particulières. Il suffisait de trouver une source, un ruisseau, une rivière, bref de l'eau qui coulait et d'en faire provision pour l'année. Certains s'en frictionnaient pour guérir les crampes et les courbatures, d'autres la buvaient avec ferveur, espérant une amélioration de leur santé.
Pour devenir meilleurs
Le carême, ça servait à quoi, me direz-vous. Pourquoi faire baptiser son enfant quand on ne fréquente pas l'église? Tout est une question de croyances. J'ai demandé aux doyens de Saint-Épiphane ce qu'ils en pensaient. Après quelques secondes de réflexion, un homme osa dire: «Bien, on étaient peut-être un peu trop catholiques dans ce temps-là». Lorsque j'ai demandé à quoi servait le carême, il y eu d'abord un silence, puis une dame me déclara simplement : «Vous savez, si on faisait ça c'était pour s'améliorer nous-mêmes, on faisait des sacrifices pour devenir meilleurs, pour se rappeler que la vie, c'est pas juste drôle. Aujourd'hui, les jeunes ne savent pas faire de sacrifices. Ils veulent tout avoir tout de suite.»
Cette tradition chrétienne du carême a été abandonnée au Québec, mais une autre tradition religieuse similaire fait parler d'elle depuis quelques années. Le ramadan est le mois sacré pour les musulmans, un mois durant lequel nul ne peut consommer de nourriture ou de boisson entre le lever et le coucher du soleil. L'idée reste la même : on se sacrifie pour, symboliquement, se rappeler que la vie n'est qu'un passage et qu'il faut chercher à devenir meilleur. Deux traditions religieuses, une étrange similitude de symboles.
Aux jeunes qui se demandent à quoi sert le carême, je répondrais qu'il ne sert à rien de «concret», mais que tout est question de croyance; le carême symbolise cette renaissance souhaitable de cette partie de notre être qui sait que la vie n'est qu'un pont entre deux infinis.
Un gros merci à mesdames Bernadette Lévesque, Berthe Caron, Cécile Thériault Gagnon et Louise Bélanger ainsi qu'à messieurs Gustave Thériault et Gustave Pelletier doyens de Saint-Épiphane pour avoir partagé leurs souvenirs avec moi. Joyeuses Pâques et bon carnaval !
Comme un petit enfant, moi aussi, je veux me laisser prendre dans les bras de Dieu, mon Père en Jésus-Christ, me laisser asseoir sur ses épaules, et voir enfin, devant moi, au loin, s'élargir mes horizons.