La loi en régime libéral

« Par moi les rois règnent, et les souverains décrètent la justice ! » (Pr 8.15)
Christian
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le désordre établi

Message non lu par Christian » lun. 02 mai 2005, 12:51

Avant de critiquer mon post, veillez à vous cultiver un peu en matière juridique, notamment à faire les distinctions de base. (Droit public, droit privé, droit pénal, droit civil, droit personnel, droit réel etc.)

Pour l'instant, et en attendant, vous me cherchez une vaine querelle de mots.
Contrairement à Guelfo (que je remercie de son intervention), je ne suis pas juriste. Je serais donc content que vous m’éclairiez sur ces notions de droit que vous connaissez bien, et en particulier, que vous me montriez en quoi mon ignorance a rendu ma réponse impertinente, dans tous les sens du mot.

Christian

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Christophe
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Re: droit et moralité

Message non lu par Christophe » lun. 02 mai 2005, 22:32

[align=justify]Bonsoir Christian
Christian a écrit :
Le droit fonde la morale (le droit positif est obligatoire en conscience)
Sûrement pas. Le droit positif est simplement celui en vigueur dans une juridiction donnée (de lege late). Promulgué par quelque junte ou canailles accaparant le pouvoir, non seulement la conscience morale n’oblige nullement à le respecter, mais fait même obligation de lui désobéir.
C'est une doctrine qui plus proche de Bakounine que de saint Paul de Tharse que vous nous développez là... :roll:
Je ne partage pas l'idée selon laquelle "le droit fonde la morale", mais je suis bien obligé d'admettre que le droit positif est obligatoire en conscience, sous quelques réserves néanmoins. Je renvoie au sujet sur la désobéissance civique : http://www.cite-catholique.org/viewtopic.php?t=721
La charia est un des nombreux systèmes juridiques de notre époque. Son contenu peut nous choquer, certes, comme beaucoup de règles suivies par nos contemporains, ce n’est pas néanmoins ce qui la délégitime. Toutes les lois sont justes, par définition, (ce qui ne veut pas dire moralement justifiées), si elles sont approuvées formellement par chacun de ceux auxquelles elles s’appliquent. De quelle légitimité supérieure pourraient-elles se prévaloir ?
Vous avez raison sur un point : ce n'est pas parce que le contenu de la charia choque qu'il est illégitime... Pour autant, il l'est, illégitime. Ce qui fait la légitimité d'une loi, c'est son adéquation au bien commun. Un loi contraire au droit naturel ne peut avoir aucune légitimité.
Inutile de vous signifier ce que je pense du principe anarchiste de souveraineté individuelle. La seule légitimité pleinement conforme à la doctrine chrétienne est le droit divin.
Si un adulte s’est déclaré musulman et le manifeste par sa pratique, il sait à quoi il s’engage. Il prend des risques, comme un alpiniste, un soldat, un pompier… avec la différence que ces derniers ne peuvent parfois pas éviter d’être tués, alors qu’il ne dépend que du musulman de ne pas voler ou renier sa religion. Nous fusillons nos déserteurs passés à l’ennemi, lorsque souvent les malheureux sont des conscrits qui n’ont pas demandé à servir leur pays. La charia est barbare, offusquante, anachronique, mais ce qui la rend illégitime, comme le droit romain ou tout autre, est de s’appliquer à des êtres humains qui ont eu le malheur de tomber dedans à leur naissance.
Un libéral qui tente de légitimiter la négation de la liberté religieuse ? On croit rêver ! :blink:
La liberté religieuse est un droit naturel dont la négation est toujours illégitime. Je renvoie à l'encyclique Rerum novarum qui pose le principe selon lequel tout contrat contenant des dispositions contraires au droit naturel est illégitime. Nul ne peut abdiquer les droits attachés à la dignité de sa nature...
Le droit positif doit être laissé aux autorités légitimes des différentes communautés selon leur compétences

Ah ? Je croyais justement que vous critiquiez l’application de la charia par les autorités compétentes des juridictions islamiques.
Certaines dispositions de la Chariah sont contraires au droit naturel, donc illégitimes. Les clercs ne sont pas les autorités civiles compétentes pour exercer la justice. Cette collusion du politique et du religieux étant elle-même contre-nature et illégitime.


Bien à vous
Christophe[/align]
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Message non lu par guelfo » mar. 03 mai 2005, 10:21

Le droit positif est obligatoire en conscience dans la mesure où il ne viole pas le droit naturel. Ce principe a même été reconnu en droit positif lors des procès de Nuremberg et de Tokyo.
Deus lo volt

bajulans
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dangereuse ?

Message non lu par bajulans » mar. 03 mai 2005, 11:20

Avant d'accuser les gens d'être dangereux, vous feriez bien de réflechir et de lire celui que vous accusez. C'est grave ça.

C'est vous qui êtes dangereux mon jeune ami, vous enverriez bien des gens en prison, avec la meilleure conscience du monde, tout en vous trompant à force de vouloir trancher des choses que vous ne maîtrisez pas.

Le droit positif est obligatoire en conscience dans les relations privées (vente, location, droit patrimonial de la famille etc.) en droit privé. Il est évident que la "morale" ne précise pas si le transfert de propriété lors d'une vente se fait lors de la conclusion du contrat ou lors de la tradition de la chose ou lors du paiement du prix. Donc, le droit positif s'imposera en conscience car c'est lui qui le décidera.

La morale est obligatoire pour tous, c'est même ce que j'ai expressément écrit.
Loué soit Jésus-Christ

Christian
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RE: Droit et moralité

Message non lu par Christian » mar. 03 mai 2005, 15:24

Bonjour Christophe

Nous voilà repartis pour un tour :)
Je ne partage pas l'idée selon laquelle "le droit fonde la morale"
Le droit, effectivement, ne fonde pas la morale, il en est une des branches. Il est cette partie de la morale qui n’est pas seulement obligatoire en conscience, mais qui peut, et même doit, nous être imposée, par la force s’il le faut. Car le droit est simplement la norme qui légitime l’usage de la force.

Ce qui pose un problème. En effet, une action imposée de force cesse par nature d’être morale. Une femme mariée violée par un quidam n’est pas adultère. Un otage qui emmène des braqueurs en fuite dans sa voiture n’est pas leur complice. Et inversement, un contribuable qui paie ses impôts n’est pas généreux, ou pour reprendre un exemple que j’ai donné ici, des esclaves attelés à la construction d’une léproserie ne sont pas des philanthropes, ou si nous le croyions, il faudrait les fouetter davantage pour qu’ils soient encore plus généreux.

Le moyen du droit est la violence physique (ou la menace de l’appliquer) et la violence ne peut pas faire advenir le Bien. C’est précisément la leçon de Celui qui a renoncé à la tentation des royaumes de la terre, qui a mis en garde ceux qui tirent l’épée ; la leçon a contrario de tous les bâtisseurs d’utopies paradisiaques à coup de bottes. Si comme on dit « un bien peut survenir d’un mal », nous le devons à la résilience des êtres humains et au travail récupérateur de la Providence. Le Bien ne peut être que la conséquence de l’amour.

Le droit, incapable de réaliser le Bien, peut néanmoins limiter le Mal. Il peut prévenir une des conditions qui, justement, rendent le Bien impossible, c à d la violence. La seule fonction du droit est de préserver cette sphère où chacun de nous, préservé de l’agression physique d’autrui, y compris celle des autorités politiques, peut exercer sa responsabilité d’agir selon sa conscience (éclairée par l’enseignement des sages, de l’Eglise, etc.) et par amour.

Inutile de vous signifier ce que je pense du principe anarchiste de souveraineté individuelle

Si l’individu n’est pas souverain, la Croix n’a aucun sens. Une bonne légion d’anges, et nous entrions au paradis à grands coups d’ailes sur les fesses. Je ne suis pas théologien, mais si j’ai compris quelque chose de l’amour des époux, c’est qu’il est le reflet, très pâle mais néanmoins fidèle, de l’amour divin. Voudrais-je que mon épouse soit forcée de m’aimer sous peine de sanctions ? quel sens cela aurait-il ?

En amour, comme dans l’ensemble de notre vie quotidienne, faire des gestes sans y croire est pour moi l’exemple même de la pornographie. L’amour sanctifie tout. Mais la parodie de l’amour, les gestes du travail sans la passion du métier, les visites ‘parce que ça se fait’, les gestes de la charité par devoir subi, voilà ce qui salit la vie. Et un individu qui n’est pas souverain en droit vit cette vie-là.

Certaines dispositions de la Chariah sont contraires au droit naturel, donc illégitimes
J’ai un grand problème avec cette notion de ‘droit naturel’. Nous savons assez bien — le Seigneur nous l’a enseigné — ce qui est bon, donc naturel, pour l’être humain. Mais nous tâtonnons encore dans notre recherche de ce qui est bon pour la société. Le droit est la science des normes d’une société humaine, et cette science progresse, certes, mais elle n’est pas définitive. Nous ne pouvons donc pas démontrer, comme nous le ferions d’une loi de la chimie, que la charia est contraire au droit naturel.

Et donc si un groupe d’adultes décide de vivre selon la charia, au nom de quoi l’interdire ? Nous ne pouvons que traiter leur conviction comme une idéologie. Une idéologie ne se réfute pas, elle s’invalide toute seule ou se démode dans la concurrence avec d’autres idéologies.

Notre devoir est d’accueillir et donner refuge à ceux qui ne veulent pas vivre selon la charia, d’aller à leur secours là où ils se trouvent. Nous devons aussi par notre exemple attirer à nous des musulmans. Mais de même qu’il était profondément anti-chrétien de convertir de force, à peine de tortures, des infidèles, il serait anti-chrétien d’interdire à des adultes consentants, athées, communistes, socialistes, capitalistes ou musulmans, de vivre comme ils l’entendent. Entre eux.

Bien cordialement

Christian

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Re: Droit et moralité

Message non lu par Christophe » mar. 03 mai 2005, 22:29

[align=justify]Bonsoir Christian ;-)
Christian a écrit :Car le droit est simplement la norme qui légitime l’usage de la force.
:blink: Christian, je crois que votre compte a été usurpé... :lol:
En effet, une action imposée de force cesse par nature d’être morale.
Vous avez raison. Elle n'en devient pas pour autant immorale. ;-)
Il me semble que la moralité ou l'immoralité d'un acte accompli sous la contrainte provient essentiellement de l'adhésion ou du rejet de la conscience de celui qui agit. Obéir à une loi juste, non à cause de la coercition mais en raison d'une adhésion de la conscience me semble être une attitude que l'on peut en toute justice qualifier de "morale".
Le moyen du droit est la violence physique (ou la menace de l’appliquer) et la violence ne peut pas faire advenir le Bien.
Je préfère réserver le terme "violence" aux cas d'usage illégitime de la force. Car il est des usages légitimes de la force, par exemple quand il s'agit de faire respecter le droit, et il est impropre de parler dans ces cas de violence.
C’est précisément la leçon de Celui qui a renoncé à la tentation des royaumes de la terre, qui a mis en garde ceux qui tirent l’épée ; la leçon a contrario de tous les bâtisseurs d’utopies paradisiaques à coup de bottes.
Je vous renvoie au message de bajulans sur l'exégèse du " Tous ceux qui prendront l'épée périront par l'épée " ( Mt 26.52 ). Cette sentence extraite du droit pénal juif interdit - sous peine de mort - de se révolter contre une autorité, même injuste. Et cela vient contredire deux de vos positions : 1) pour Jésus, l'usage de la force par l'autorité publique n'est pas condamné et 2) l'obéissance aux lois et à l'autorité temporelle, même injuste, est requise.
Si comme on dit « un bien peut survenir d’un mal », nous le devons à la résilience des êtres humains et au travail récupérateur de la Providence. Le Bien ne peut être que la conséquence de l’amour.
Tout à fait d'accord. :wub:
Mais il faut se garder de sombrer dans le pacifisme yéyé. L'usage de la force n'est pas un mal, s'il est légitime. Lorsque le Christ - qui a offert le sacrifice de Sa vie par amour pour toute l'humanité - chasse par la force les marchands hors de la maison de Son Père, Il le fait par amour et en toute justice.
Inutile de vous signifier ce que je pense du principe anarchiste de souveraineté individuelle
Si l’individu n’est pas souverain, la Croix n’a aucun sens. Une bonne légion d’anges, et nous entrions au paradis à grands coups d’ailes sur les fesses. Je ne suis pas théologien, mais si j’ai compris quelque chose de l’amour des époux, c’est qu’il est le reflet, très pâle mais néanmoins fidèle, de l’amour divin. Voudrais-je que mon épouse soit forcée de m’aimer sous peine de sanctions ? quel sens cela aurait-il ?
Vous pratiquez la confusion des genres... Je ne suis pas fondamentaliste et je ne demande pas que la loi positive reprenne - sous peine de sanction - tous les articles de la loi divine. Mais certaines transgressions de la loi divine violent - outre les droits de Dieu - les droits d'autrui. Et je demande que les droits de chacun et de tous soient respectés, en faisant usage de la force publique si nécessaire. Parce que le Droit naturel et divin est une volonté de Dieu, il s'agit de souveraineté divine. Je demande que la vie des foetus humains soit respectée, je préférerai que ce soit par amour de la vie, mais je me contenterai de la contrainte. Je préférerai une adhésion de la conscience, mais je me contenterai de la peur du gendarme.
Je demande aussi que sur les routes à double sens les conducteurs que je croise conduisent du côté opposé au mien. Que ce soit à gauche, à droite, par contrainte ou par préférence personnelle, cela m'est égal. Il faut qu'un choix soit fait. C'est l'Etat qui le fait ? Quel est le problème ?
J’ai un grand problème avec cette notion de ‘droit naturel’. Nous savons assez bien — le Seigneur nous l’a enseigné — ce qui est bon, donc naturel, pour l’être humain. Mais nous tâtonnons encore dans notre recherche de ce qui est bon pour la société. Le droit est la science des normes d’une société humaine, et cette science progresse, certes, mais elle n’est pas définitive. Nous ne pouvons donc pas démontrer, comme nous le ferions d’une loi de la chimie, que la charia est contraire au droit naturel.
Parce que la société est une société humaine et que la société est ordonnée à l'homme comme à sa fin, il est assez évident qu'une loi positive qui est contraire à ce qui est bon pour l'homme n'est pas une loi conforme au droit naturel. Si vous n'en êtes pas capable, l'Eglise - " experte en humanité " - ne manque pas d'enseigner aux hommes les conditions d'une vie sociale juste et conforme à la nature de l'homme.
Et donc si un groupe d’adultes décide de vivre selon la charia, au nom de quoi l’interdire ?
Que signifie "vivre selon la charia" ? On peut vivre selon l'Islam, mais on vit sous la charia.
Que pensez-vous de l'article qui condamne à mort les apostats ? Pensez-vous qu'une telle disposition soit compatible avec le consentement libre dont vous demandez le respect ?

Bien à vous dans le Seigneur
Christophe[/align]
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Re: Droit et moralité

Message non lu par Christian » mer. 04 mai 2005, 7:03

Christophe,

J’ai l’impression que nous ne nous comprenons pas, et cela me navre car je crois nos positions assez proches.
Il me semble que la moralité ou l'immoralité d'un acte accompli sous la contrainte provient essentiellement de l'adhésion ou du rejet de la conscience de celui qui agit
Bien sûr. S’il y a adhésion de l’exécutant, il n’y a pas contrainte, par définition. C’est ainsi que toute société humaine fonctionne. Tous les jours, nous recevons des instructions et nous nous conformons à des pratiques librement consenties (prendre sa place dans la queue, suivre une prescription médicale, répondre à la demande d’un client ou d’un supérieur…).

Je préfère réserver le terme "violence" aux cas d'usage illégitime de la force
A mon avis, vous avez tort. Car mettre à l’amende ou mettre en prison quelqu'un est une violence physique, au Zimbabwe ou à Paris, commis par une mafia ou un gouvernement légitime. Il faut le répéter sans cesse et en prendre pleinement conscience pour souligner la gravité de l’acte. Le droit ne sait faire que ça, condamner une action ou la rendre obligatoire, sous peine de violence. Que parfois la violence soit justifiée en rétribution d’un acte prohibé demande à être soigneusement vérifié, contrôlé, entouré de sauvegardes, et n’élimine pas le fait qu’elle reste une violence (si elle ne l’était pas, elle n’aurait pas valeur de châtiment et dissuasion).

Je vous renvoie au message de bajulans sur l'exégèse du " Tous ceux qui prendront l'épée périront par l'épée " ( Mt 26.52 ). Cette sentence extraite du droit pénal juif interdit - sous peine de mort - de se révolter contre une autorité, même injuste. Et cela vient contredire deux de vos positions : 1) pour Jésus, l'usage de la force par l'autorité publique n'est pas condamné et 2) l'obéissance aux lois et à l'autorité temporelle, même injuste, est requise

Tout ce paragraphe me paraît contredit par l’examen de l’histoire et l’examen de conscience. Je ne sais pas d’où Bajulans tire son exégèse, mais les Juifs se sont révoltés constamment contre leur roi collaborateur des Romains, et loin de considérer la plus célèbre de ces révoltes comme un crime passible de la peine de mort, ils ont fait de ses combattants à Massada de véritables héros et modèles pour les générations à venir.

Quant à obéir « aux lois et à l'autorité temporelle, même injuste, », c’est se rendre soi-même complice de l’injustice. Quoi, il suffirait de déclarer « je n’ai fait qu’obéir aux ordres » pour s’exonérer d’avoir convoyé des innocents à la mort, d’avoir fusillé des civils ? Je ne crois pas que vous pensez ce que vous avez écrit là (d’ailleurs cela contredirait ce que vous écrivez par ailleurs de l’obéissance à la charia).
Je ne suis pas fondamentaliste et je ne demande pas que la loi positive reprenne - sous peine de sanction - tous les articles de la loi divine. Mais certaines transgressions de la loi divine violent - outre les droits de Dieu - les droits d'autrui. Et je demande que les droits de chacun et de tous soient respectés, en faisant usage de la force publique si nécessaire. Parce que le Droit naturel et divin est une volonté de Dieu, il s'agit de souveraineté divine. Je demande que la vie des foetus humains soit respectée, je préférerai que ce soit par amour de la vie, mais je me contenterai de la contrainte. Je préférerai une adhésion de la conscience, mais je me contenterai de la peur du gendarme.
Je demande aussi que sur les routes à double sens les conducteurs que je croise conduisent du côté opposé au mien. Que ce soit à gauche, à droite, par contrainte ou par préférence personnelle, cela m'est égal. Il faut qu'un choix soit fait. C'est l'Etat qui le fait ? Quel est le problème ?
Je ne dis pas autre chose. Car il s’agit dans les exemples que vous donnez, non pas de faire le Bien, mais de ne pas faire le Mal : ne pas tuer un être humain en gestation, suivre une règle simple pour ne pas tuer un automobiliste. C’est bien cette non agression physique d’autrui que le droit doit prévenir. Et seulement cela.
Parce que la société est une société humaine et que la société est ordonnée à l'homme comme à sa fin, il est assez évident qu'une loi positive qui est contraire à ce qui est bon pour l'homme n'est pas une loi conforme au droit naturel
Cette déclaration de principe soulève plus de problèmes qu’elle n’en résout. Est-ce que devoir faire un service militaire, payer des impôts, manger gras, avoir des relations sexuelles hors mariage, pratiquer l’alpinisme, la plongée sous-marine ou autre activité dangereuse, regarder la télévision plus d’une heure par jour, ne sont pas des comportements évidemment contraires à ce qui est bon pour l'homme ? Moi, je dirais oui. Ces activités sont donc non-conformes au droit naturel. Ne doivent-elles pas être prohibées ? ;-)
Que pensez-vous de l'article qui condamne à mort les apostats ? Pensez-vous qu'une telle disposition soit compatible avec le consentement libre dont vous demandez le respect ?
J’ai répondu à cette question dans ma contribution précédente. Etre libre, c’est être libre de s’engager. Que serait un homme sans une communauté, et une communauté sans l’engagement fort de ses membres ? Certains se sentent assez libres de leurs attachements matériels et de leurs instincts pour s’engager sur toute une vie et au risque de leur vie : les mariés, les prêtres, les soldats, les sauveteurs… Qu’un homme fasse ce choix (‘la fidélité ou la mort’) choque ma sensibilité par son anachronisme et sa stupidité, mais on ne saurait légiférer contre ces attributs humains (d'ailleurs pratiquement, comment procéder?). Il suffit de laisser l’Histoire les désélectionner.

Bien à vous
Christian

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Re: dangereuse ?

Message non lu par guelfo » mer. 04 mai 2005, 12:00

bajulans a écrit :Avant d'accuser les gens d'être dangereux, vous feriez bien de réflechir et de lire celui que vous accusez. C'est grave ça.

C'est vous qui êtes dangereux mon jeune ami, vous enverriez bien des gens en prison, avec la meilleure conscience du monde, tout en vous trompant à force de vouloir trancher des choses que vous ne maîtrisez pas.

Le droit positif est obligatoire en conscience dans les relations privées (vente, location, droit patrimonial de la famille etc.) en droit privé. Il est évident que la "morale" ne précise pas si le transfert de propriété lors d'une vente se fait lors de la conclusion du contrat ou lors de la tradition de la chose ou lors du paiement du prix. Donc, le droit positif s'imposera en conscience car c'est lui qui le décidera.

La morale est obligatoire pour tous, c'est même ce que j'ai expressément écrit.
Tout d'abord, je vous remercie de faire preuve d'un minimum de courtoisie et surtout de ne pas me faire de procès d'intention.

Je n'ai pas l'intention d'envoyer qui que ce soit en taule, je me permets simplement de vous faire remarquer que le droit et la morale sont deux choses différentes, et que leur confusion mène généralement vers des situations désagréables.

Un merveilleux exemple de ce phénomène est la théocratie iranienne. Itou pour le socialisme.

Donc non, la morale n'est pas "obligatoire pour tous": la morale est personnelle, contrairement au droit, qui lui s'impose à tous, par la force s'il le faut.
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Message non lu par guelfo » mer. 04 mai 2005, 13:48

Christian, je te suis sur toute la ligne, sauf en ce qui concerne tes propos sur la charia.

D'accord, tu n'aimes pas le concept de droit naturel, mais par quoi le remplaces-tu ? Dès lors que, très justement, tu refuses le positivisme juridique, je ne vois pas très bien ce qui peut fonder ta conception du droit.
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Re: Droit et moralité

Message non lu par Christophe » mer. 04 mai 2005, 22:33

Cher Christian
Christian a écrit :
Je préfère réserver le terme "violence" aux cas d'usage illégitime de la force
A mon avis, vous avez tort. Car mettre à l’amende ou mettre en prison quelqu'un est une violence physique, au Zimbabwe ou à Paris, commis par une mafia ou un gouvernement légitime.
Je ne confond pas légalité et légitimité, puisque je refuse ce que guelfo nomme - à juste titre - le positivisme juridique. Cela dit, j'ai l'impression de répondre à côté de votre remarque...
Quant à obéir « aux lois et à l'autorité temporelle, même injuste, », c’est se rendre soi-même complice de l’injustice. Quoi, il suffirait de déclarer « je n’ai fait qu’obéir aux ordres » pour s’exonérer d’avoir convoyé des innocents à la mort, d’avoir fusillé des civils ? Je ne crois pas que vous pensez ce que vous avez écrit là (d’ailleurs cela contredirait ce que vous écrivez par ailleurs de l’obéissance à la charia).
J'ai briévement exposé la conception catholique sur l'objection de conscience dans le fil suivant : http://www.cite-catholique.org/viewtopic.php?t=721
Il faut effectivement obéir aux lois et à l'autorité temporelle, même injuste... SAUF si elles obligent à transgresser la loi divine.


Au plaisir de vous lire.
Christophe
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Message non lu par Christian » dim. 30 oct. 2005, 20:13

Bon dimanche, Christophe,
Lors de discussions précédantes vous avez été contraint d'admettre - même à demi-mots - la nécessité d'un Etat minimal ( police, justice, peut-être armée ) pour garantir à tous les citoyens, sans égard à leur solvabilité, le respect de leur droit fondamental à la sécurité de leur personne et au respect de leur propriété.
Parce que les policiers, les juges et les militaires ne sont pas des travailleurs bénévoles, ces politiques nécessitent un financement. Si vous rejettez le principe de l'impôt, quelle autre forme de financement prévoyez-vous ? La création monétaire, en application des thèses du Crédit social ? Ou bien faut-il encore compter, comme pour l'éducation des pauvres, sur la générosité des plus riches ?
Je reprends ici la discussion entamée en février dernier et que vous relancez avec votre question ci-dessus. Pour la clarté de mon propos, je réitère les règles auxquelles les membres d’une société libérale doivent se plier. Ces règles appartiennent à trois domaines différents : la morale, les contrats et le Droit.

La morale
Personne ne peut physiquement nous contraindre à être tempérant, courageux, généreux, attentif aux autres, bon ami…. On peut nous forcer à faire les gestes, mais pas à avoir l’intention. Seule ma conscience, guidée par les conseils des sages et l’enseignement de mon Eglise, est comptable légitime de ma vie morale.

Les contrats
Mais bien sûr, nombre de mes engagements ne sont pas qu’envers ma conscience. De la promesse faite à un ami de venir le voir jusqu’aux vœux de mon mariage, de mon contrat de bail à mon contrat d’emploi, de mon adhésion au cercle d’échecs au renouvellement des promesses de mon baptême, je suis lié par un grand nombre de contrats et de règlements. Ils s’imposent à moi parce que le les ai voulus. Je les ai signés. Je suis redevable de leur exécution à tous les cocontractants, et à eux seuls.

Le Droit
Un élément de nature que je suis le premier à avoir découvert ou travaillé, ou que j’ai reçu dans un échange ou un don, devient ma propriété. Chaque être humain est propriétaire d’au moins d’une chose, son corps, et il y ajoute tout ce qu’il peut acquérir par son travail. Le droit de propriété est universel. Si mon corps ne peut être légitimement mutilé, détruit, violé, ni mes biens volés ou confisqués, c’est que je peux opposer mon droit de propriété à tout autre être humain. Réciproquement, je dois à tous les autres de ne jamais user de leur propriété sans leur consentement.

Ainsi se trouvent régulées toutes les relations humaines : la morale (y compris amour, amitié, charité) nous guide ; les promesses et les contrats permettent la coopération sans violence ; le Droit pose une limite claire et objective à la légitimité de nos actions.

La législation est inutile.

La législation n’est que l’instrument des plus puissants ou des plus nombreux pour imposer à d’autres leurs préjugés et leurs petits et grands intérêts.

La résolution des conflits

Dans une société d’hommes libres qui ignore toute législation, deux types de conflit peuvent surgir :

- soit quelqu’un a sciemment violé une promesse ou un contrat, ou la propriété d’autrui sur son corps ou ses biens
- soit deux parties se disputent de bonne foi à propos d’un manquement allégué à une promesse ou un contrat, ou d’une transgression de propriété (querelle de bornage, par exemple)

Dans les deux cas, il existe une victime. Sans victime, pas de délit. Ce principe est absolument essentiel à notre protection. Seule la présence d’une victime d'agression bien identifiable peut nous éviter d’être déclarés coupables de crimes imaginaires selon le bon plaisir des gouvernants : raison d’Etat, contrebande, trafic de drogues, bigamie, pornographie, immigration/émigration illégale, délit d’opinion, fraude fiscale, abus de biens sociaux alors qu’aucun actionnaire ne se plaint, travail au noir alors qu’aucun client ou employé ne se plaint, port d’armes, construction sans permis, émissions de radio/télévision sans licence, etc. etc. etc. etc.

Lorsqu’une transgression de propriété est alléguée, la victime (ou ses ayants-droit en cas de meurtre/incapacité) saisissent une instance de justice (‘agence judiciaire’). Cette dernière a pour seule fonction de répondre à 4 questions :

• Une personne se plaint-elle d’une violation de son droit de propriété sur son corps et sur ses biens ? (Sans cette plainte d’une victime déclarée ou de ses ayants-droit, aucune procédure ne peut commencer).
• Cette violation du droit de propriété est-elle réelle (par exemple, la mort n’est-elle pas accidentelle) ?
• Qui en est l’auteur ? Quelle démarche peut nous assurer qu’un innocent ne sera pas condamné à tort ?
• Le bien peut-il être rendu à son légitime propriétaire ? Sinon, à quelle réparation la victime atteinte dans son corps ou ses biens a-t-elle droit (et, sinon elle, ses ayants-droits) ?

La procédure

N’importe qui peut être juge. Il suffit que les parties acceptent de se soumettre au verdict. La plupart cependant feront appel à des professionnels dont la réputation d’impartialité est reconnue. Les parties habitant une même région connaîtront un juge local qui aura leur confiance, mais on verra surement apparaître quelques grandes firmes internationales. L’analogie ici est celle des cabinets d’audit. Si je connais Tartemolle au coin de la rue, je ne doute pas des comptes qu’il a vérifiés ; sinon, je préfère voir le sceau de PriceWaterhouse ou Deloitte.

Pour que le jugement soit accepté par les parties, il convient qu’une procédure rigoureuse et équitable soit respectée. Les juges feront leur publicité autour de la leur. Depuis les Lumières, des grands principes ont été validés par la réflexion et l’expérience et serviront certainement de base à tte future procédure : débats contradictoires, représentation par des professionnels (avocats) si souhaitée par les parties, validation des preuves, audition de tous les témoins, etc.

Tout jugement est rendu au nom des parties, victime et transgresseur. C’est à eux que la justice est due (certainement pas ‘au peuple français’ qui n’a rien à faire là-dedans). Une fois la culpabilité de l’accusé reconnue, la procédure consistera à déterminer entre les parties la réparation que le coupable doit à la victime. Cette dernière réclamera sa tête au bout d’une pique, le coupable estimera qu’une remontrance suffirait.

La gravité de l’agression, la situation personnelle et sociale des parties, les risques de récidive, l’avenir possible du coupable, seront des éléments d’appréciation éclairés par les exemples de jugements précédents. Excuses publiques, paiement à la victime, travail à son profit ou en faveur d’une institution qu’elle désignera, soit librement, soit dans un lieu fermé à cet effet, relégation à l’autre bout du monde, engagement à suivre des études ou une désintoxication, la gamme des réparations possibles s’enrichira en fonction des expériences ‘qui marchent’. Encore une fois, le but de la procédure n’est pas de punir, mais de ramener la paix entre les parties.

Voilà pour la philosophie.

Quelques questions pratiques

:arrow: Si les parties ne se mettent pas d’accord spontanément sur une agence judiciaire, elles désigneront chacune la leur et celles-ci ensemble s’accorderont sur un tiers qui conduira la procédure. Cette pratique est habituelle dans les arbitrages.

:arrow: Les parties peuvent décider à l’avance que le premier jugement sera final ou qu’elles retiendront la faculté de demander un second jugement si le premier ne convient pas à l’une d’elles (‘appel’), et soit accepter d’avance ce second jugement, soit trouver entre elles un compromis entre les deux, etc.

:arrow: Chaque être humain aujourd’hui doit exciper de son identité et des agences judiciaire et policière auxquelles il est soumis (autrement dit, sa nationalité). Dans un monde libéral, la notion de nationalité est purement culturelle (comme être breton ou occitan). En revanche, entre hommes libres, chacun s’assurera que les personnes avec lesquelles nous traitons peuvent assumer leur responsabilité pour les torts qu’elles pourraient causer. En prenant un emploi, en signant un bail, en louant une voiture, chacun sera invité à montrer, non pas une ‘carte nationale’ d’identité, mais une police d’assurance couvrant les frais d’une éventuelle procédure judiciaire et un certificat d’adhésion à une agence de protection. Ceux qui ne rempliraient pas ces conditions seraient ostracisés. Comment en effet s’assurer qu’ils sont solvables et justiciables en cas de conflit ?

:arrow: Réciproquement, un individu serait bien vulnérable sans cette assurance ni agence de protection. La pression sera donc forte pour s’affilier et le choix assez large selon son style de vie et le coût très bas (car sans les dizaines de milliers de textes législatifs liberticides, tatillons et humiliants, les risques de litige sont infimes).

:arrow: Le monde connaît aujourd’hui plus de 200 agences judiciaire et policière, dont les ¾ sont notoires pour leur incompétence, leur partialité et leur vénalité. Les malheureux justiciables n’ont pas le choix. Ces agences, appelées ‘Etats’, s’arrogent un monopole. Personne ne fait confiance à la justice russe, nigériane, cubaine, syrienne et une bonne centaine d’autres, mais le coût de les éviter pour ceux qui y sont soumis est immense : émigrer à condition de trouver une bonne juridiction d’accueil. Les juridictions sont réparties géographiquement ; or dans un monde globalisé, il est bien plus expédient que chacun choisisse ses juges et sa police. Et pour la même raison que personne ne voudra traiter avec des policiers et des juges zimbabwéens, tout le monde choisira une agence policière et une agence judiciaire qui auront bâti une réputation de compétence et d’intégrité.

:arrow: Des agences judiciaires et policières privées ont deux avantages sur un Etat. D’abord, elles ne peuvent contraindre personne à les choisir. Elles dépendent de leur réputation. Ensuite, elles ne poursuivent aucun but autre que la défense de leurs clients dans le respect du Droit. Là réside leur intérêt, c’est pour cette seule mission qu’elles sont payées. Elles ne connaissent aucune de ces passions mortifères nationaliste, religieuse, impériale, culturelle, idéologique, qui rendent si difficile la résolution des conflits.

Voilà, cher Christophe, à grands traits et rédigés trop rapidement, les prolégomènes à une nouvelle administration de la justice.
;-)

Fraternellement

Christian

PS. Je publie cet article tard, mon serveur était HS tte la journée.

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