L'oligarchie au pouvoir _ Yvan Blot

« Par moi les rois règnent, et les souverains décrètent la justice ! » (Pr 8.15)
Cinci
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L'oligarchie au pouvoir _ Yvan Blot

Message non lu par Cinci » sam. 21 oct. 2017, 5:05

Bonjour,

Un petit ouvrage qui présente de belles réflexions.

Introduction ;

Qu'est-ce que l'oligarchie?

Chapitre 1 : Démocratie ou oligarchie?
Histoire d'une imposture

chapitre 2 : La façon dont l'oligarchie traite l'homme
Une matière première
Chapitre 3 : L'idéologie réelle du système oligarchique
un égalitarisme déshumanisant
chapitre 4 : l'enlaidissement du monde (matériel et moral)
chapitre 5 : l'autodestruction du système occidental par
le développement de l'irresponsabilité et de la prédominance
du court terme

[...]

chapitre 9 : les contrepoisons philosophiques :
le courant existentiel et la tradition religieuse
de l'Occident
chapitre 10 : les contrepoisons politiques :
Enracinement national et démocratie directe
Yvan Blot, L'oligarchie au pouvoir, Economica, 2011, 145 p.

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Re: L'oligarchie au pouvoir _ Yvan Blot

Message non lu par Cinci » sam. 21 oct. 2017, 5:36

Qu'est-ce que l'oligarchie?

Pour Aristote, l'aristocratie (gouvernement d'un petit nombre recherchant le bien commun) dégénérait nécessairement en oligarchie (gouvernement d'un petit nombre recherchant son intérêt propre). Le problème actuel est un peu différent : c'est celui de la dérive des démocraties vers des formes oligarchiques de pouvoir.

Le terme oligarque a retrouvé un regain de faveur pour désigner des hommes d'affaires riches proches du pouvoir en Russie après la désintégration de la bureaucratie du régime soviétique. Mais la Russie n'a certainement pas le monopole des oligarques. Il y a aussi des oligarqes en Occident.

L'oligarchie ne se compose pas que des hommes politiques. La haute fonction publique joue un rôle majeur dans la fabrication des lois, en liaison avec toutes sortes d'intérêts organisés, syndicats patronaux ou ouvriers, associations défendant des groupes particuliers.


Deux critères permettent notamment de distinguer les élites dévouées au bien commun et celles qui ne le sont pas, un critère juridico-économique et un critère éthique.

Du point de vue juridique et économique, les propriétaires, rois ou aristocrates, ont une vision à long terme de la gestion de leurs biens, ce qui est beaucoup moins le cas des gérants salariés nommés pour une période courte (voir les travaux de l'économiste Hans Hermanm Hoppe sur la "préférence pour le futur"). A l'heure actuelle, ce sont les gérants salariés, les managers qui gouvernent non seulement l'État mais aussi la plupart des grandes entreprises et des médias. C'est le règne de l'intérêt à court terme qui domine les préoccupations des politiciens comme des managers salariés des grandes banques, comme on l'a bien vu avec la récente crise financière aux États-Unis. Cette "managérisation" des dirigeants est déresponsabilisation et est à la source de beaucoup de problèmes de gouvernance en Occident.

Un second critère peut être le caractère plus ou moins "héroïque" des gouvernants, c'est à dire leur capacité à se sacrifier eux-mêmes pour autrui. Cette capacité est plus grande, par vocation même, chez les religieux ou les militaires, ou encore chez les savants ou professeurs amoureux de la vérité ou certains juges et policiers attachés à la justice mais elle n'est pas universelle.

Autrefois, l'aristocratie occupait les postes supérieurs de l'État. Elle m'avait pas que des mérites mais elle avait celui d'être d'essence militaire : le soldat est prêt à mourir, à donner sa vie pour son roi ou son pays. L'éthique du sacrifice ne lui était pas étrangère. Ce n'est pas un hasard si le plus grand attentat contre le dictateur Hitler est venu en 1944 de ces familles d'officiers prussiens soutenus par une éthique du sacrifice à la fois militaire et religieuse. La religion qui imprégnait la vie quotidienne des rois chrétiens, eux-mêmes de formation militaire, donnait elle aussi ce goût du sacrifice en vue du bien commun. Les gouvernants actuels, issus du monde laïc et civil, ont une éthique de carrière souvent fort différente. Un humoriste a pu dire méchamment : un président des États-Unis , c'est un roi moins la morale!

Au vingtième siècle, on peut dire que les aristocraties militaires ont été remplacées par des oligarchies civiles.

p. 13

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Re: L'oligarchie au pouvoir _ Yvan Blot

Message non lu par Cinci » sam. 21 oct. 2017, 6:29

Dans sa "Politique", Aristote note qu'il est fréquent que la constitution soit, selon la législation proclamée, démocratique. mais que par la coutume et la façon de conduire les affaires, le régime soit oligarchique. (Aristote, Politique, livre 4, chapitre 5, p. 297, Garnier Flammarion, 1990)

Pour Aristote, l'oligarchie est un régime stable tant que les oligarques sont solidaires entre eux. Le système se fragilise selon lui, dans deux cas de figures : lorsque l'oligarchie traite injustement la masse populaire ou lorsque les oligarques deviennent "démagogues par jalousie" et se combattent entre eux.

Dans le monde moderne toutefois, l'oligarchie gouverne selon une logique nouvelle qui est celle du "Gestell", de l'arraisonnement utilitaire, selon la formule de Heidegger.

[...]

Selon Heidegger, le monde moderne est structuré par l'arraisonnement utilitaire.

Au XXe siècle, on a connu plusieurs formes politiques du Gestell, c'est à dire de l'arraisonnement utilitaire des hommes par le fonctionnel. Le communisme était une de ces formes. Il considère les êtres humains comme une matière première au service de sa puissance. En cela, il est inhumain au sens propre du terme. Pour Heidegger, le nazisme, surtout à sa fin, est devenu une autre forme d'application de la logique totalitaire du Gestell. Mais l'Occident n'est pas indemne face à cette domination de tout ce qui est fonctionnel. On l'a vu à la façon de faire la guerre. La logique purement utilitaire du Gestell conduit dans une guerre à tuer autant les civils que les soldats car les civils sont aussi un rouage de l'appareil ennemi. C'est ainsi que les alliés ont décidé de bombarder au phosphore des milliers de femmes et d'enfants dans les villes allemandes. Pour Heidegger, tant Roosevelt que Hitler ou Staline ont décidé pour des raisons utilitaires liées à leur volonté de puissance de tuer massivement des civils!

Pour Heidegger, l'Amérique et l'Union soviétique furent après la chute du IIIe Reich les deux bastions du Gestell. Les deux pays avaient selon lui une métaphysique commune, celle de l'utilitarisme déchaîné de la technique au service de la volonté de puissance.

L'arraisonnement utilitaire est donc le danger par excellence pour la survie même de l'homme en tant qu'homme.



L'homme interchangeable comme matière première

L'homme du Gestell doit donc avoir quatre caractéristiques :

- Ne pas avoir de racines (ni race, ni nation, ni religion notamment)
- Ne pas avoir d'idéal : il doit être un consommateur et un producteur matériel et relativiste prêt à gober tous les produits lancés sur le marché (y compris les produits bancaires permettant de l'endetter et donc de mieux le soumettre)
- Ne pas avoir de religion hors celle de son propre ego, pour être plus facilement isolé donc manipulable;
- Ne pas avoir de personnalité afin de se fondre dans la masse. Il doit donc être éduqué de façon purement technique et utilitaire sans culture générale lui permettant de se situer comme homme libre.

Cyniquement, l'idéologie des droits de l'homme est utilisée pour détruire tout ce qui fait la spécificité des hommes, pour mieux asservir l'homme au besoin du Gestell tout en prétendant défendre ses libertés fondamentales. Un des exemples les plus emblématiques fut le cas de cette femme députée néerlandaise Mme Ayaan Hirsi Magan menacée de mort par l'islamisme radical*. Ses voisins ont obtenu l'expulsion de celle-ci de son logement au nom des droits de l'homme parce qu'elle faisait subir un risque d'attentat sur eux. Écoeurée, celle-ci a quitté les Pays-Bas!

L'homme interchangeable dont le Gestell a besoin n'a rien à voir avec le citoyen animé par l'esprit civique, la conscience de ses libertés et l'amour de sa patrie.

Le Gestell, comme système d'arraisonnement utilitaire qui commande la société n'a absolument pas besoin de démocratie. Le discours démocratique est un voile de propagande pour tenir le peuple en lisière. Le Gestell a besoin de "gouvernance", d'experts venus en général de l'administration. La "gouvernance" ne se pose de questions sur la finalité ou les hommes mais seulement sur les normes et les budgets. Elle est fonctionnelle, procédurale et pragmatique dans le cadre normatif du politiquement correct.

p. 44

___
* Elle avait produit avec Théo Van Gogh un film sur la condition féminine dans le monde musulman. Van Gogh a été poignardé à mort. Quant à elle, elle a émigré aux États-Unis.

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Re: L'oligarchie au pouvoir _ Yvan Blot

Message non lu par Cinci » sam. 21 oct. 2017, 17:31

Enlaidissement du monde

Heidegger estime que les grandes passions sont des modes de "présence de l'être", car elles ne dépendent pas d'un calcul utilitariste. Elles sont liées à la liberté, qui est notre essence et cette liberté entre toujours en résistance face à l'être. La passion rassemble donc notre puissance et notre impuissance. Dans l'amour, l'autre reste opaque mais rien n'interdit de se passionner pour lui. En cela, l'amour advient, comme l'être et le temps. Heidegger a beaucoup apprécié cette phrase de saint Augustin qui lui a envoyé Hanna Arendt :"Je t'aime! Je veux que tu sois ce que tu es." L'amour prend l'allure d'un destin où un autre vous est confié. Aimer, c'est accepter librement ce qui advient (et auquel on ne peut rien). C'est pourquoi on peut écrire : l'amour offre l'être à la pensée et la pensée offre alors un poème à l'amour."

Le déchristianisation du monde moderne conduit ainsi à un abandon de l'amour de l'être, et de Dieu comme ce qu'il y a de suprême parmi ce qui est. La civilisation occidentale est fondée sur l'amour (agapé en grec) non seulement depuis le christianisme mais déjà chez les Grecs, chez Platon (Le Banquet) ou chez Sophocle (Antigone). A présent, on ne s'intéresse qu'aux objets de façon utilitaire et on n'a plus de gratitude envers ce qui advient (l'être). D'où une rupture de continuité dans notre civilisation. On construit plus Notre Dame de Paris mais des "maisons de la culture" en béton, comme dans l'ex-Union Soviétique.

Sans amour, pas de beauté!

Le monde moderne, indifférent à l'être, veut exploiter l'étant. La beauté n'est donc plus le but. On le voit dans l'art : un fan de musique contemporaine m'a dit un jour : le but de la musique n'est pas le beau, c'est le jeu mathématique!

Dans ce monde du Gestell, les quatre idoles qui structurent le monde évacuent la beauté : l'argent est la norme suprême : pourquoi ne pas remplacer l'Arc de triomphe par un immeuble de rapport? La technique passe en priorité : elle rapporte! La masse triomphe : elle est l'inverse de la qualité et donc de la beauté. L'ego devient le sujet de l'art , lequel ignore le monde et sa beauté. Salvador Dali a dit de son côté : "quand on ne croit à rien, on peint à peu près rien." On a tous des exemples de ce déclin de la beauté avec la modernité : architecture soviétique (il y en a plein en Occident, réalisé souvent par des maires de droite) , artistes minimalistes contemporains (Dali disait : il faut les payer de façon minimaliste), mise en scène d'opéra visant à détruire le monde du compositeur (on représentera Wotan en capitaliste et les géants en ouvriers exploités dans l'Or du Rhin de Wagner).

Le Gestell est donc un système où règnent quatre idoles : le technique, l'argent, la masse, l'ego.

Ainsi, officiellement, le régime n'avoue pas que la raison calculatrice (qui fonde l'essence de la technique) est son socle métaphysique sans racines : cette réalité est masquée par l'idée de "progrès" sur lequel on ne revient pas! Dans l'Union Soviétique, on appelait cela l'avenir radieux! On veut nous persuader exactement comme dans les sociétés communistes qu'il y a une nécessité historique du progrès, lequel est défini de façon arbitraire mais toujours en connexion avec l'égalitarisme : la parité homme/femme serait par exemple l'un de ces progrès ou bien la diversité ethnique ; ce sont des dogmes qui ne se discutent pas. L'antiracisme joue d,ailleurs la même fonction de progrès au service du Gestell : rendre les hommes déracinés interchangeables.

Le régime n'admet pas que l'on dise que l'argent est sa norme suprême. Ce fait bien réel est masqué par l'égalitarisme : on va d'ailleurs supprimer tout ce qui distingue les individus sauf l'argent. Vous pouvez sélectionner les hommes par l'argent* mais vous ne pouvez pas recruter pour votre grand-mère une dame de compagnie de race blanche ou même chrétienne : ce serait discriminatoire et condamnable au pénal!

Le régime condamne le moindre écart de langage considéré comme discriminatoire mais il est d'une tolérance immense pour la pornographie.

Cette idéologie va bien au-delà de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 adoptée alors que la France était encore une monarchie. Il s'agit des droits de l'homme comme instrument de destruction des normes dites "bourgeoises", ces droits de l'homme que Staline avait laissé approuver lors de la fondation de l'ONU! Il s'agit des droits de l'homme instrumentalisés pour empêcher la nation de se défendre elle-même, dans les questions d'immigration par exemple.

p.38


* En recrutant une femme de ménage à un salaire double de la normale, toujours possible à justifier en raison de qualifications spéciales, par exemple parler le Russe.

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Re: L'oligarchie au pouvoir _ Yvan Blot

Message non lu par Cinci » sam. 21 oct. 2017, 17:38

L'idolâtrie de la masse conduit à une société vulgaire, conformiste, inculte et politiquement correcte et fait des hommes, non des personnes mais des numéros conditionnés par le pouvoir des médias et soumis aux bureaucraties de technocrates et de managers chargés de la bonne gouvernance exigée par le Gestell. Il faut noter que le terme de "gouvernance" à la mode correspond à la mort de toute démocratie : c'est l'idée d'Auguste Comte que la souveraineté des experts doit remplacer la souveraineté des peuples. Mais les experts, par définition, n'ont aucun sens à fournir à l'existence des hommes. On est dans le nihilisme matérialiste le plus pur!

p. 39
C'est l'idée d'Auguste Comte que la souveraineté des experts doit remplacer la souveraineté des peuples.

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Re: L'oligarchie au pouvoir _ Yvan Blot

Message non lu par Cinci » sam. 21 oct. 2017, 17:41

Mattéï précise : "l'homme cultivé est celui qui sait prendre soin de son âme, comme s'il lui rendait un culte, de façon à habiter le monde à la manière d'un être humain et non d'un animal. La religion a longtemps servie d'éducatrice dans cette voie; un humanisme laïc a tenté la même chose, surtout au dix-neuvième siècle mais il s'est effondré sous les coups du matérialisme et du marxisme. En fait, l'ennemi était déjà le Gestell. Le Gestell flatte au contraire l'animalité en l'homme : volonté de puissance pour la puissance (grâce notamment à la technique et à l'argent), volonté de plaisir pour le plaisir (dans la fusion avec la masse et l'exaltation de l'ego)."

Jean-François Mattéï, La barbarie intérieure, PUF, Quadrige, 2004. p. 199

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Re: L'oligarchie au pouvoir _ Yvan Blot

Message non lu par Cinci » sam. 21 oct. 2017, 17:51

L'origine de l'oeuvre d'art

Heidegger a écrit un texte extraordinaire qui s'Intitule "l'origine de l'oeuvre d'art". Il montre que l'oeuvre d'art authentique est bien plus qu'un artifice décoratif. Il prend l'exemple du temple grec. Le temple grec ne représente rien qui existe déjà dans la nature. Il est construit en vue d'une cause finale, la religion grecque. Il est la maison d'un Dieu et à ce titre ressemble à une maison grecque. Le temple grec, explique Heidegger, crée une patrie et élève un monde. L'homme va habiter dans ce monde et sur cette patrie. Il y a une tension entre cette patrie et ce monde qui en est tiré et qui conduit à la transcendance. Ce processus de création d'une oeuvre d'art est ce que Heidegger appelle la "mise en oeuvre de la vérité". La vérité ici entendue n'est pas scientifique mais existentielle. C'est une vérité vécue, par exemple, celles des légendes religieuses de la Grèce qui forme l'esprit grec.

Le temple grec, comme la cathédrale de Paris ou le château de Versailles créent une patrie qui n'existait pas auparavant. On va dès lors habiter dans l'ombre de cette patrie qui fait sens, qui donne de l'enracinement à la vie.

Si l'on prend au sérieux cette analyse, on est conduit à voir différemment la construction de mosquées et de minarets sur notre territoire. L'oeuvre d'art musulmane, dont la cause finale est l'islam, crée une patrie islamique sur notre territoire en même temps qu'elle édifie un monde différent du nôtre. C'est une très grave erreur métaphysique que de confondre le minaret avec un tas de pierre sans signification collective. Ce n'est pas un bâtiment purement utilitaire comme un hangar ou un grand magasin. Mais le monde moderne du Gestell dans lequel nous vivons est si matérialiste qu'il considère tous les bâtiments comme interchangeables.

C'est par l'oeuvre d'art au sens de Heidegger que l'homme édifie son habitat historique sur la terre, qui est constitutif d'une vérité, d'un dévoilement de son être propre. La beauté est une des façons dont cette vérité se manifeste alors. Or cette vérité n'a rien à voir avec les objets utilitaires. Elle constitue l'essence d'une civilisation. C'est pourquoi le peuple suisse, dans un référendum controversé déclenché par une pétition populaire, a voté contre la construction des minarets. Il ne voulait pas empêcher les Musulmans d'exercer leur culte en privé mais refusait de voir changer le paysage familier qui est l'essence même de la patrie dans sa dimension matérielle.

p.50

___
Voir à ce sujet : Slobodan Despot "Oskar et les minarets", Lausanne, Favre 2010 qui traite de l'initiative populaire lancée en Suisse par le député UDC Oskar Freysinger qui avait pour but l'interdiction de la construction de minarets. Cette initiative a été soumise au référendum et a obtenu 58% des voix du peuple suisse.

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Re: L'oligarchie au pouvoir _ Yvan Blot

Message non lu par Cinci » sam. 21 oct. 2017, 18:24

Beauté et laideur morale

L'utilitarisme effréné est-il beau? Le financier véreux américain Madoff est-il beau? La réponse n'est pas douteuse! Selon nos philosophes classiques, une vie belle est une vie harmonieuse où l'équilibre entre les contraires se réalise, comme aurait pu dire Héraclite d'Éphèse. Il faut donc un équilibre entre ce que Nietzsche appelait la "vertu qui donne" (C'est un peu la charité des chrétiens) et la vertu qui gagne, entre le soldat et le marchand. Notre société est devenue purement utilitariste parce qu'elle est purement marchande. C'est la victoire du monde "mercurien" comme dit le professeur Youri Slezkine.

Slezkine oppose le monde mercurien des nomades et de l'astuce (la diaspora) au monde apollinien des guerriers et du sens de l'honneur militaire (l'État d'Israël). Il faut les deux. Là encore il faut démystifier le monde moderne qui est le monde du gain et non celui du don. Il y a certes des mouvements humanitaires mais sont-ils toujours si désintéressés que cela? Sont-ils prêts au martyr? C'est la pierre de touche. Le vrai soldat est prêt à donner sa vie pour sauver la patrie. Rien n'est plus important pour un mortel que de pouvoir donner sa vie. Une société sans honneur militaire est une société où l'esprit religieux est évanescent. Les deux vont de pair contrairement aux enseignements d'un christianisme moderne terriblement dégénéré.

Le Christ a dit : Je ne suis pas venu apporter la paix mais l'épée! Et sa seule grande colère fut contre les marchands du Temple! Aujourd'hui, les marchands du Temple dominent la place publique. La Divinité est marginalisée et l'on a honte de se servir encore de l'épée, là où il est impossible de faire autrement. La beauté morale ne consiste pas à être pacifiste dans un monde qui n'est pas de pure bonté. Il faut combattre pour le bien et la beauté ne peut donc pas exister moralement sans cette dimension combattante et héroïque.

[On pourrait ici avoir une petite pensée pour la pucelle d'Orléans]


La société doit-elle reposer sur un équilibre entre la féminité et la virilité (les deux reposent sur le don de soi, même si c'est de façon différente)? Ou doit-elle reposer sur le seul appât du gain, la recherche de la puissance pour la puissance qui conduit comme dit Hedeigger à la destruction de la terre, à l'obscurcissement du ciel, à la fuite de la divinité et à la massification des hommes?

La réponse n'est pas donnée par la science mais par la haute poésie, en l'occurence celle de Hölderlein : Là où est le danger, là aussi croît ce qui sauve!"

p. 53

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Re: L'oligarchie au pouvoir _ Yvan Blot

Message non lu par Cinci » sam. 21 oct. 2017, 18:33

En guise de complément (introduire une pause également) :


Le père Barron : Une génération qui refuse de devenir adulte. Homélie du 17 septembre 2017. Une douzaine de minutes.

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Re: L'oligarchie au pouvoir _ Yvan Blot

Message non lu par Anne » sam. 21 oct. 2017, 21:00

:lecteur:

Tout ça fait bien réfléchir (ou comme disent les "voisins" tout autour: "it's food for thought") !

Merci Cinci!
"À tout moment, nous subissons l’épreuve, mais nous ne sommes pas écrasés;
nous sommes désorientés, mais non pas désemparés;
nous sommes pourchassés, mais non pas abandonnés;
terrassés, mais non pas anéantis…
".
2 Co 4, 8-10

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Re: L'oligarchie au pouvoir _ Yvan Blot

Message non lu par gerardh » sam. 21 oct. 2017, 21:29

______

Bonjour,

Il est normal que les gens les plus capables soient à la tête, sinon c'est le populisme ou la tyrannie.

Cela n'exclut pas l'attention à porter aux plus vulnérables.


___________

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Re: L'oligarchie au pouvoir _ Yvan Blot

Message non lu par Cinci » dim. 22 oct. 2017, 4:41

Anne a écrit :
Merci Cinci!
Le plaisir est pour moi. ;)


gérardh a écrit :
Il est normal que les gens les plus capables soient à la tête, sinon c'est le populisme ou la tyrannie.
L'auteur décortique au fond la dérive oligarchique d'un système. Se trouver en présence d'une machine ou d'un monstre froid administratif ou bureaucratique, mais c'est autre chose que de parler de trois ou quatre champions dans leur domaine et qui pourraient être nommés à la tête d'un ministère ou nommés conseillers spéciaux du président.

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Re: L'oligarchie au pouvoir _ Yvan Blot

Message non lu par Cinci » dim. 22 oct. 2017, 19:57

Cher gérardh,

Je vous inviterais bien à consulter le fil parallèle que je veux mettre en place. cf le populisme ou les demeurés de l'histoire.

Là-bas, j'aimerais y soulever un peu (merci Chantal Delsol) le problème du populisme, sa conceptualisation, sa signification, son usage en terme d'épithète pour vous mettre hors jeu et facilitant l'évacuation du débat, la déconsidération de l'opinion d'autrui, l'opinion qui ne reçoit pas l'aval d'une élite, etc.

Le problème qu'il y a aussi à balancer des formules lapidaires (ce que vous faite ci-haut, il me semble) réside dans le fait qu'elles peuvent receler quand même une certaine ambiguïté. Ainsi, par la magie de cette seule sentence que vous venez de sortir : quelqu'un pourrait tirer la conclusion que vous aimeriez vous penser comme le représentant d'une élite et, encore, que d'une élite animée de sentiments antidémocratiques.

Votre propos paraîtrait rejoindre celui des anciens Grecs, aristocrates et adversaires de la démocratie. "Il est normal que les meilleurs règnent et les meilleurs c'est nous." Meilleurs = happy few Les gens bien nés, les "éclairés", les seuls qui savent raisonner sainement, etc. Voltaire était un partisan du despotisme éclairé. Je pense que vous le savez. C'est votre conception du monde?

Encore une fois, la confiscation d'une souveraineté populaire au profit d'un groupe d'hommes bien organisés et puissants : je pense que c'est un problème réel qui existe dans le monde. La perversion d'un système démocratique au départ, mais vers une inflation de puissance de certains n'ayant plus beaucoup de comptes à rendre aux gens : c'est une situation qui est grosse de dangers. Comme explique Yvan Blot dans son livre, il arrive que ce sont les oligarques qui mettent de l'avant une philosophie égalitariste, à l'instar de ces commissaires du peuple soviétique. Un peu comme avec la nomenklatura quoi!

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Re: L'oligarchie au pouvoir _ Yvan Blot

Message non lu par Cinci » dim. 22 oct. 2017, 20:10

Yvan Blot évoque ailleurs les piliers sur lesquels l'oligarchie s'appuie pour justifier son rôle.


L'idéologie "droit-de-l'hommiste"

Le prix Nobel d'économie Hayek avait raison de se méfier de l'expression "droits de l'homme". Il préférait la formule des libertés fondamentales qui, elle, n'est pas ambiguë. Les droits de l'homme peuvent être de deux natures. Soit il s'agit de liberté, soit il s'agit d'une créance sur la société : droit au travail, droit à un logement, etc ... Dans le deuxième cas, c'est un prétexte pour une intervention toujours plus grande de l'État et pour une restriction des libertés.

Je me souviens d'un fait divers dans les journaux. Une dame très âgée avait été condamnée sévèrement par un tribunal parce qu'elle avait publié une petite annonce pour avoir une dame de compagnie de race blanche et de religion catholique. Il avait été jugé que c'était discriminatoire et raciste alors que cette pauvre femme voulait juste être entourée par quelqu'un qui lui ressemble avec qui elle pourrait avoir des affinités. On voit ici comment la "bonne intention" humanitaire se révèle psychologiquement inhumaine.

Au nom des "droits de l'homme", on en vient à contester le droit pour un État à défendre ses frontières contre les immigrés clandestins. Je lis dans Le Monde (13 février 2010) ce titre :"Le gouvernement veut restreindre les droits des sans papiers" (sic!) Or, la notion de sans-papiers n'a aucun sens et a été inventé par la propagande d'extrême-gauche pour minimiser les délits des personnes qui franchissent la frontière sans en avoir le droit. L'expression "les droits des sans-papiers" est tout à fait surréaliste. C'est un bon exemple de droit-de-l'hommisme qui se retourne contre le droit. Car, en définitive, qui sont les victimes du franchissement illégal des frontières? Ceux qui violent les frontières ou les citoyens contribuables sommés de payer des impôts pour entretenir ces fameux sans-papiers?

On renverse ainsi la situation : i'innocent voir la victime devient coupable et le délinquant devient une victime qui devient objet de sollicitations médiatiques! Staline, qui parlait souvent des droits-de-l'homme de l'ONU, savait ce qu'il faisait. Les droits de l'homme peuvent être instrumentalisés à des fins politiques variés, ce qui n'est pas le cas des libertés fondamentales.

De plus, l'expression des "droits" permet de passer sous silence les "devoirs". Enfin, les droits de l'homme servent surtout à justifier tous les caprices de l'ego de l'individu et c'est en cela qu'ils sont affirmés comme les "valeurs suprêmes". Derrière les droits de l'homme se tient aujourd'hui, Gestell oblige, une conception essentiellement animale car matérialiste de la nature humaine.

Heidegger a bien vu que l'homme, dans notre Occident actuel, est conçu comme un "animal rationnel". Il doit se servir de sa raison pour s'émanciper des traditions, des préjugés, des disciplines sociales afin de pouvoir satisfaire aux mieux sa nature animale. Cette conception rabaisse toujours l'homme à sa dimension biologique et permet de s'opposer à la culture et à ses contraintes comme l'a bien vu Arnold Gehlen.

Toute l'ambiguïté est dans le mot homme. Qu'entend-on par là? Dans le système du Gestell, l'homme est à la fois conçu comme animal rationnel et comme la plus importante matière première. Cette conception détruit en l'homme son humanité même.

[plus loin]

Comme l'écrit Heidegger dans sa Lettre sur l'humanisme, "... reste à se demander si l'essence de l'homme, d'un point de vue originel et qui décide par avance de tout, repose dans la dimension de l'animalitas". Le fait d'ajouter que l'homme a la raison ne change rien à cet essentiel. "Par là, l'essence de l'homme est apprécié trop pauvrement. La métaphysique pense l'homme à partir de l'animalitas, elle ne le pense pas en direction de son humanitas."

La spécificité de l'homme est dans son existence, cette façon d'être qui lui permet de recevoir conscience de l'être et d'édifier un monde. Un prêtre dans son Église a accès au sens de l'être de cette Église, lequel en l'occurrence est religieux. Il n'y a rien d'animal ici. Pour Heidegger, "le vrai humanisme est l'humanisme qui pense l'humanité de l'homme à partir de la proximité de l'être". L'homme n'a pas simplement une vie biologique. Il a aussi une existence. Cette existence consiste à habiter le monde. Cet habitat est une patrie. Le Gestell prive l'homme de sa patrie.

L'homme comme existant a besoin que l'on respecte ses libertés fondamentales. Mais la notion de "droit de l'homme" reste à la fois unilatérale et floue. En pratique, la notion de droit de l'homme sert d'arme contre l'État et contre la société pour satisfaire les caprices de l'ego devenu une véritable idole.

p. 72

Cinci
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Re: L'oligarchie au pouvoir _ Yvan Blot

Message non lu par Cinci » dim. 22 oct. 2017, 20:13

L'idéologie égalitaire

L'idéologie du progrès est le socle de l'idéologie oligarchique. L'idéologie égalitaire est l'éthique, si l'on peut dire, que l'oligarchie met en avant pour justifier son pouvoir. L'oligarchie ne prétend pas qu'apporter le bien-être (idéologie du progrès) mais prétend l'accorder à tous, de façon le plus semblable possible. Sur ce sujet aussi c'est sans doute Nietszche qui a vu le plus clair. Il appelle les prêtres de l'égalitarisme, "les tarentules", c'est à dire des araignées venimeuses animées par l'esprit d'envie, de jalousie et de vengeance.

L'idéologie de l'égalitarisme cherche à se donner un aspect scientifique à l'aide des statistiques. Il s'agit de débusquer les "inégalités" pour mettre en place la parité (hommes-femmes), l'égalité des droits (des homosexuels par exemple) et la discrimination positive (privilèges accordés aux minorités ethniques). Ces politiques de création de privilèges catégoriels aboutissent à détruire les principes généraux du droit sur lesquels se fondent nos libertés.

J'ai eu autrefois une conversation intéressante à ce sujet avec le professeur Milton Friedman, prix Nobel d'économie, aujourd'hui décédé. Il me disait : "Je vous plains d'habiter en France, dans un pays où des lois briment la liberté d'expression." Je lui disais qu'il n'y avait pas que les lois mais une pratique des médias qui revient à la censure. Mais il précisait : "Je suis Juif. En tant qu'attaché aux libertés, j'affirme qu'on a le droit de ne pas aimer les Juifs, ou les chrétiens, ou toute sorte de catégorie d'homme. Mais le code pénal suffit à me protéger et je suis contre les lois qui protègent des catégories particulières. Il suffit que l'opinion change pour que ces lois s'inversent et c'est dangereux." Je lui répondis de dire cela sur les médias français. "Ah non! me dit-il; j'aime venir en France et si je fais cela, je ne serai plus invité!"

Le prix Nobel d'économie Friedrich von Hayek disait que cet égalitarisme n'est pas d'origine populaire. En effet, les pays qui ont la démocratie directe comme la Suisse et les États-Unis ne sont pas particulièrement égalitaristes. C'est le système combiné des lobbies politiques, culturels et syndicaux qui est le moteur qui propage l'égalitarisme en flattant des clientèles particulières.

A la limite, l'égalitarisme peut devenir meurtrier : on se souvient du slogan des Babouvistes sous la Révolution française : "Les p'tits, on les mettra sur l'escabeau, les grands, on leur coup'ra l'ciboulot! Y faut que tout le monde y soient égaux!" Les mêmes disaient : "périssent les sciences et les arts pourvu que nous ayons l'égalité réelle!" En fait, l'égalitarisme se pare de sentimentalisme égalitaire, alors que né de la haine, à travers la jalousie et la vengeance, il conduit toujours à la destruction.

Il y a dans Essais et Conférences de Heidegger un passage intéressant sur l'identité (das Selbe : le même) et l'égalité (das Gleiche). L'identité rassemble à travers les différences, donc respecte les libertés. L'égalité disperse dans une égalité fade qui n'accepte pas les différences. C'est pourquoi le principe d'identité doit avoir la primeur sur le principe d'égalité. On en est loin!

p. 71

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