Décès de Simone Veil

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Cinci
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Re: Décès de Simone Veil

Message non lu par Cinci » mar. 04 juil. 2017, 14:15

Kerniou :
Même si Simone Veil est une grande dame, elle n'en reste pas moins, le ministre de la santé qui a opéré les premières coupes et restrictions budjétaires dans les établissements spécialisés et hospitaliers. [...] Politiquement, Madame Veil était un agent actif , convaincu et très efficace du libéralisme triomphant !
Il serait difficile d'être un personnage public occupant une fonction de ministre un temps, échappant ensuite à toute controverse.

:coffee:


Mais vos remarques sembleraient entrouvrir une porte, chère Kerniou.

Je ne connais rien de la carrière politique de Simone Veil à proprement parler. Je ne connais pas le fond de sa pensée et comment elle aurait pu déployer ses idéaux, si elle y serait parvenu ou pas, en fonction d'obstacles rencontrés. Je ne pourrais même pas dire si elle était croyante ou pas. Et si oui, de quelle religion. En attendant, je trouverais logique d'interpréter sa volonté d'agir comme ayant pu être aiguillonnée ou inspirée par le libéralisme. Le fait d'introduire une notion de triomphe ("libéralisme triomphant") suggérerait un parti-pris chez elle à l'encontre des petites gens, comme une bonne bourgeoise sachant tenir sa maison et mal rémunérer le cuisinier, le cocher, la lingère et la bonne. Il vaudrait la peine d'explorer tout ça un jour. Je dis cela sans prendre parti dans un sens ou dans l'autre. Comme je viens de dire, je ne la connais pas suffisamment, sous l'angle politique en tout cas.

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Re: Décès de Simone Veil

Message non lu par Cinci » mar. 04 juil. 2017, 15:03

Paxetbonum :
Parler de la conviction de Mme Veil à dire que l'avortement est toujours un drame est là pour occulter que son œuvre a permis que ce drame se perpétue 8 millions de fois en France avec remboursement de la sécu à la clef !
Je vous accorde qu'il y aurait moyen de se payer de mots, encourageant la pratique abortive à main gauche tout en parlant de drame à main droite et comme pour se dédouaner soi-même face à sa conscience bien à soi. Un certain malaise aurait beau être réel chez l'intéressé(e), il est vrai que de s'en tenir à quelque bon sentiment éprouvé pourrait toujours masquer l'insuffisance de la réaction ou une certaine compromission quand même avec le péché, du mal, etc.

Sauf ...

Pourrait-on parler d'hypocrisie dans le cas de Simone Veil? Je ne sais pas. Pas sûr. Pour moi, je n'en sais pas assez sur son compte.

Au départ, il est quand même vrai que beaucoup de femmes pouvaient vivre une situation d'injustice dans le cadre de la mentalité conservatrice d'une certaine époque, et qu'en ce sens notre ex-ministre aura sans doute voulu remédier à ce qui lui apparaissait comme un mal intolérable dans l'ensemble, le système punitif ne permettant pas réellement d'empêcher des avortements, empoisonnant la vie des gens, etc. Et puis c'est vrai aussi qu'on peut difficilement tenir pour responsable un ministre d'une époque de décisions ultérieures prise par d'autres ou de la modification de l'état d'esprit avec lequel les gens évoluent.

Enfin, il est vrai aussi qu'on ne peut pas réduire une personne au seul fait de telle décision, le fait d'un seul geste. Là-dessus, c'est pourquoi j'aurais un peu de mal avec le comportement consistant à vouloir vilifier ou démoniser cette championne de la cause des femmes, à supposer aussi qu'elle aurait pu se tromper dans son appréciation de la situation ou sur les dangers de glissements éventuels devant découler de sa loi.

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Re: Décès de Simone Veil

Message non lu par Marc Oh » mar. 04 juil. 2017, 16:07

Bonjour, elle à voulu il me semble faire du "mieux" (selon son point de vue qui n'est pas le mien) en ne prenant pas en compte que c'était à l'encontre du "bien". A chaque foi que nous nous autorisons un mal pour éviter un mal plus important, nous nous prenons pour Dieu qui souvent fait une bonne chose de la conséquence d'une mauvaise chose. Nous nous "relativisons": C'est mieux.
Nous sommes misérables!

Aujourd'hui dénoncer l'avortement tout simplement comme un meurtre, même s'il est douloureux pour les bourreaux, est en effet inavouable.
Dénoncer la contraception.... n'en parlons pas! C'est attaquer le dogme du droit absolu (et "pour tous") à la jouissance sexuelle. C'est même une obligation: les récalcitrants doivent se cacher. C'est comme cela que je ressent les choses.
Une grossesse non désirée est quelque chose de très dérangeant dans le culte à l'idole "jouissance sexuelle". Ce qui dérange on le supprime et c'est tout: la fin justifie les moyens.
Dans le monde la vie n'est plus sacrée et elle à participer à cette transition. Notez que j'ai été misérable moi aussi et je ne lui jette pas la pierre.
Marc Oh!
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Re: Décès de Simone Veil

Message non lu par PaxetBonum » mar. 04 juil. 2017, 20:17

Cinci a écrit :
mar. 04 juil. 2017, 15:03
Enfin, il est vrai aussi qu'on ne peut pas réduire une personne au seul fait de telle décision, le fait d'un seul geste. Là-dessus, c'est pourquoi j'aurais un peu de mal avec le comportement consistant à vouloir vilifier ou démoniser cette championne de la cause des femmes, à supposer aussi qu'elle aurait pu se tromper dans son appréciation de la situation ou sur les dangers de glissements éventuels devant découler de sa loi.
Cher Cinci

Vous balayez ce génocide d'un revers de la main comme si il s'agissait d'une erreur de jeunesse.
Que nenni !
Si Mme Veil est encensée aujourd'hui ce n'est pour rien d'autre que sa loi autorisant à une mère de tuer son enfant aux frais des concitoyens !
Pas une erreur de jeunesse, une loi, pensée, écrite, vérifiée, présentée, soutenue… et jamais de repentance exprimée.
Il n'y a pas de glissement à prévoir ou non, la loi est déjà une décision de solution finale contre des innocents.
Et en plus présumé que les divers glissements ne puissent avoir lieu c'est soit de la bêtise, soit de l'acceptation masquée.

Bref cette dame arrive devant Notre Seigneur avec au bas mot 8 millions de meurtres à son actif… et nos évêques d'en faire les louanges ???!!
Ils auraient bien mieux dû inviter à prier et à faire pénitence pour cette grande pécheresse publique, cela lui aurait été utile.
Leurs propos sont une invitation a un aller simple pour l'enfer.

Il est urgent de prier pour cette âme !
Pax et Bonum !
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St François d'Assise

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Re: Décès de Simone Veil

Message non lu par axou » mar. 04 juil. 2017, 20:20

Cinci a écrit :
mar. 04 juil. 2017, 15:03

Au départ, il est quand même vrai que beaucoup de femmes pouvaient vivre une situation d'injustice dans le cadre de la mentalité conservatrice d'une certaine époque, et qu'en ce sens notre ex-ministre aura sans doute voulu remédier à ce qui lui apparaissait comme un mal intolérable dans l'ensemble, le système punitif ne permettant pas réellement d'empêcher des avortements, empoisonnant la vie des gens, etc. Et puis c'est vrai aussi qu'on peut difficilement tenir pour responsable un ministre d'une époque de décisions ultérieures prise par d'autres ou de la modification de l'état d'esprit avec lequel les gens évoluent.
Mais c'est bien cela Cinci. Mme Veil n'a pas choisi entre une France sans avortement et une France avec avortement mais entre l'avortement clandestin (chiffre officiel : 300000 avortements clandestins en France avant la loi, environ 300 femmes mourant de la chose chaque année) et l'avortement légal.
Non Paxet Bonum, la loi n'a pas provoqué d'avortements, les avortements se font avec ou sans autorisation et avant cette loi, ils étaient très nombreux ! C'est bien pour cela qu'elle l'a emporté en faisant une question de santé publique : puisqu'on ne peut appliquer la loi et arrêter 300000 femmes par an, puisque qu'une femme par jour en meurt, on légalise.

Rappelons aussi que ce n'est pas sa décision : Valéry Giscard d'Estaing a pris la décision de légaliser l'avortement et lui a confié ce dossier qu'elle amené à bien avec courage et parfois soue les huées et insultes de parlementaires déchaînés....

Comment l'avortement est -il devenu un sujet tabou et qu'on ne puisse plus dire officiellement que c'est un drame comme elle le disait ?
Je ne sais pas.

Bien à vous,

Axou

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Re: Décès de Simone Veil

Message non lu par Suliko » mar. 04 juil. 2017, 23:24

Chère axou,

Vous ne devriez pas gober les statistiques sans fondements des pro-avortement. Elles sont ridicules. 300'000 avortements par an, cela signifierait plus d'avortements qu'aujourd'hui, sans compter que la population était moins nombreuse autrefois ! Il est bien évident qu'une des tactiques les plus connues de toute propagande est de faire croire au peuple qu'un acte répréhensible est bien plus fréquent qu'il ne l'est en réalité. Plus un acte est banalisé, moins un individu aura de scrupules à le commettre. Et lorsque cet acte est en plus légalisé, le phénomène s'amplifie, étant donné que pour la majorité des personnes, ce qui est légal est jugé - consciemment ou non - juste. La vérité, c'est qu'il y avait beaucoup moins d'avortements avant sa légalisation qu'après. Et soit dit en passant, même si le taux d'avortement avait été plus fréquent avant qu'après la loi Veil (ce qui est évidemment faux !), cette loi n'en demeurerait pas moins totalement injustifiable. L'enseignement moral de l'Eglise nous interdit formellement de permettre un grave péché dans le but (aléatoire !) d'en éviter d'autres ou d'en réduire le nombre.
C'est pourquoi elle seule, prédestinée avant les générations et annoncée par les prophètes, la Mère du Créateur de tout l'univers, non seulement n'a participé en rien à la tache originelle, mais elle est toujours demeurée pure comme le ciel et toute belle. (extrait du règlement pour le monastère de Biélokrinitsa (1841)

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Re: Décès de Simone Veil

Message non lu par Relief » mar. 04 juil. 2017, 23:26

axou a écrit :
mar. 04 juil. 2017, 20:20
[ l'avortement clandestin (chiffre officiel : 300000 avortements clandestins en France avant la loi,
Il n'y a jamais eu 300.000 avortements clandestins par an en France. Le chiffre réel se situerait entre 50 000 et 80 000.
Même l’hypothèse la plus haute ne dépasse pas 89.000 avortements clandestins par an. D'ailleurs l'INED a reconnu à demi-mot son erreur mais bien tardivement.

Comme l'a dit Suliko, un peu de bon sens suffit pour comprendre que :
"Il est toujours suspect d'entendre expliquer que le nombre d'avortement lorsqu'il était difficile à obtenir, car illégal, dangereux et coûteux n'a pas augmenté après être devenu légal, remboursé et accepté par la société, voire encouragé par des campagnes publicitaires."

La suite ici : http://www.avortementivg.com/node/80

Étude statistique détaillée ici : http://www.contraception.fr/inedcpf.htm

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Christophe67
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Re: Décès de Simone Veil

Message non lu par Christophe67 » mer. 05 juil. 2017, 10:52

Bonjour LaurentVan,

LaurentVan a écrit :
mar. 04 juil. 2017, 11:14
Il y a pléthore de contraceptions et pourtant ils arrivent à assassiner 200,000 bébés légalement par an, c’est à dire un bébé tué toutes les trois minutes!
La contraception n'a rien solutionné, il est même possible qu'elle est encore plus déresponsabilisée certaines personnes.
Je veux pour exemple, il y a quelques années dans l'hôpital où je travaille, une dame qui me demandait un renseignement sur l'endroit où se trouvait un gynécologue. Ne connaissant pas très bien la service de gynécologie j'hésitais sur l'ascenseur à prendre (très grand hôpital) quand l'échange nous a mené sur cette réflexion de sa part : "faites moi confiance, je connais, c'est mon 5ème IVG ..."

Je donne juste ce témoignage afin qu'il n'y ait pas de confusion sur le fait que la contraception serait un "moindre mal" qui empêcherait un mal plus grand.

Alizee
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Re: Décès de Simone Veil

Message non lu par Alizee » mer. 05 juil. 2017, 11:09

La contraception vend de la sécurité - le plaisir sans les conséquences. Et l'avortement est certainement vu par un certain nombre comme le SAV de la contraception, en cas de défaillance.
L'avortement est aussi le SAV de l'accident de la vie, que sont les malformations, trisomies etc. que l'on n'accepte pas.

La vie n'a parfois que peu de valeur, quand elle n'arrive pas quand on veut.
Le corollaire, c'est la PMA - la vie a d'un coup énormément de valeur, quand elle ne vient pas quand on veut.

Dans un contexte du "quand je veux, comme je veux et si je veux", une loi qui protègerait la vie comme valeur absolue, n'a absolument aucune chance d'être votée. Alors œuvrons par notre témoignage pour que le moins de femmes possible n'y recourent.

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Re: Décès de Simone Veil

Message non lu par Marc Oh » mer. 05 juil. 2017, 11:18

chère Axou vos derniers propos sont globalement mesurés et j'y adhère globalement bien qu'assez peu renseigné. Mais.... J'y adhère mise à part les chiffres car je suppose que ces chiffres sont ceux qui sont "politiquement correct". Il est pour moi bien évident que la désinformation est de mise, c'est bien pour cela que les media ont si mauvaise réputation dans l’Église. Si nous ouvrons les yeux, nous pouvons tous être témoin de contrevérités tenus pour vrai par beaucoup de ses membres (je pense à la moralité de la contraception). Évidement votre bonne foi n'est pas en cause et nous nous faisons tous "avoir" d'une manière ou d'une autre avec des informations invérifiables pour nous lancer dans des actions avec des fausses bonnes intentions.
Mme Veil s'est peu être bien fait également manipulé dans cette histoire ce qui prouverai son humanité.
Quelles sont les relations entre naïveté, absence de préjugé et culpabilité dans cette affaire (pour elle, pour vous, pour moi)? Je n'en sait rien et je préfère ne pas jugé car je risque fort de me trouver, moi aussi, sur le banc des accusés.

Quel que soit les "vrais" chiffres une action mauvaise est toujours une mauvaise action et les aspects quantitatifs nous conduise automatiquement à relativiser entre la vie des fœtus et celles des mères.
Ce n'est pas parce-que la mentalité de l’époque était dans une logique de domination inacceptable (peut-être) en soit que les changements qui se sont produit sont louables s'ils nous conduisent à pire.


bonne journée
Marc Oh!
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Re: Décès de Simone Veil

Message non lu par LaurentVan » mer. 05 juil. 2017, 11:33

Bonjour Suliko,

Bien entendu, cependant la société devra se hisser vers un niveau spirituel et moral élevé avant de pouvoir promouvoir ce concept.

Cordialement,
« Nous ne sommes pas des êtres humains ayant une expérience spirituelle. Nous sommes des êtres spirituels ayant une expérience humaine. »

Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955)

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Re: Décès de Simone Veil

Message non lu par Tristan » mer. 05 juil. 2017, 13:44

Est-ce que selon vous des représentants de l'Eglise en France doivent se rendre à la future cérémonie au Panthéon ?

Il me semble que ce serait bien qu'ils s'abstiennent, mais je crains qu'il n'en aient pas le courage (que dirait-on sur BFM ?...)

Cinci
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Re: Décès de Simone Veil

Message non lu par Cinci » mer. 05 juil. 2017, 15:43

Des passages de Simone Veil tiré de Une vie :
Une vie

Simone Veil accepte de se raconter à la première personne.

Personnage au destin exceptionnel, elle est la femme politique dont la légitimité est la moins contestée en France et à l'étranger; son autobiographie est attendue depuis longtemps. Elle s'y montre telle qu'elle est : libre, véhémente, sereine.
Un commentaire intéressant de Simone Veil à propos de Hannah Arendt dans le chapitre intitulé L'enfer :

"... je ne partage pas davantage les jugements négatifs sur le silence coupable des Alliés que le masochisme d'intellectuels, telle Hannah Arendt, sur la responsabilité collective et la banalité du mal. Un tel pessimisme me déplaît. J'ai même tendance à y voir un tour de passe-passe commode : dire que tout le monde est coupable revient à dire que personne ne l'est. C'est la solution désespérée d'une Allemande qui cherche à tout prix à sauver son pays, à noyer la responsabilité nazie dans une responsabilité plus diffuse, si impersonnelle qu'elle finit par ne plus rien signifier. La mauvaise conscience générale permet à chacun de se gratifier d'une bonne conscience individuelle : ce n'est pas moi qui suis responsable, puisque tout le monde l'est. Faut-il donc transformer en icône quelqu'un qui proclame à longueur d'écrits qu'immergés dans les drames de l'histoire, tous les hommes sont également coupables et responsables, que n'importe qui est capable de faire n'importe quoi, qu'il n'y a pas d'exception à la possibilité de la barbarie humaine? J'en doute, notamment en repensant aux commentaires qui ont été les siens à l'époque du procès Eichmann.

Ce qui ruine le pessimisme fondamental des adeptes de la banalisation du mal c'est à la fois le spectacle de leur propre lâcheté, mais aussi, en contrepoint, l'ampleur des risques pris par les Justes, ces hommes qui n'attendaient rien, qui ne savaient pas ce qui allait se passer, mais qui n'en ont pas moins couru tous les dangers pour sauver des Juifs que, le plus souvent, ils ne connaissaient pas. Leurs actes prouvent que la banalité du mal n'existe pas. Leur mérite est immense tout autant que notre dette à leur égard. En sauvant tel et tel individu, ils ont témoigné de la grandeur de l'humanité." (p. 95)



Sur les lectures qu'elle trouve les plus signifiantes au sujet de sa propre expérience de la déportation et des camps de la mort :

"... Si c'est un homme, de Primo Lévi. Je l'ai lu très vite dès sa sortie en 1947, et je me suis dit aussitôt :"Comment est-ce qu'il a pu si vite écrire un livre comme ça? Pour moi l'exploit relève du mystère. Cet homme avait immédiatement accédé à une totale lucidité, d'ailleurs tragique puisqu'elle l'a finalement conduit au suicide.

Il y eut aussi le grand livre de Robert Antelme, L'Espèce humaine, publié la même année, tout comme Ravensbrück de Germaine Tillion, magnifiquement écrit, et les deux contribution majeures de David Rousset, L'Univers concentrationnaire, et Les Jours de notre mort, aussi admirables l'un que l'autre. Plus tard, vers 1948, David Rousset publia un autre livre qui m'a fortement impressionnée, Le Pitre ne rit pas. Chacun de ces auteurs a vécu les choses à sa manière, a connu un sort particulier. Leurs témoignages sont essentiels." (p.100)


Sur mai 1968

"... ils représentaient une remise en question des hiérarchies, d'ailleurs moins celles des intelligences et des talents que celles des fonctions. Contrairement à d'autres, je n'estimais pas que les jeunes se trompaient : nous vivions bel et bien dans une société figée. Mai 68 fut très largement la contestation des patrons d'universités, des pontes de la médecine, des ministres, des chefs d'entreprise, de tous les mandarins qui croyaient détenir leurs pouvoirs d'une sorte de droit divin. Ce mouvement s'exprima d'abord un vaste besoin de s'affirmer, de prendre la parole, à la Sorbonne, à l'Odéon ou ailleurs. Contrairement à ce que répétaient les ténors de la droite, tout ne se résumait donc pas à des délires gauchistes; une réelle envie de faire bouger les choses se faisait jour au sein de la jeunesse. " (p.153)


Sur La tentative du culpabiliser les Français au sujet des Juifs et de la déportation

"... certains Français se plaisent à flétrir le passé de notre pays, Je n'ai jamais été de ceux-là. J'ai toujours dit, et je le répète ce soir solennellement, qu'il y a eu la France de Vichy, responsable de la déportation de soixante-seize mille Juifs, dont onze mille enfants, mais il y a eu aussi tous les hommes, toutes les femmes, grâce auxquels les trois-quart des Juifs de notre pays ont échappé à la traque. Ailleurs, aux Pays-Bas, en Grèce, quatre-vingt pour cent des Juifs ont été arrêtés et exterminés dans les camps. Dans aucun pays occupé par les nazis, à l'exception du Danemark, il n'y eut un élan de solidarité comparable à ce qui s'est passé chez nous. " (Discours du 18 janvier 2007 de Madame Simone Veil , présidente de la Fondation pour la mémoire de la Shoah à l'occasion de la cérémonie du Panthéon en hommage aux Justes de France) (p.383)


Le Chagrin et la pitié (le film)

"...les années 1970 avaient inversé la tendance des années 1950; à l'époque, réconcilitation des Français et reconstruction du pays obligent, les gaullistes étaient parvenus à imposer l'idée d'une France héroïque et résistante à laquelle tout le monde avait fait semblant de croire. Vint ans plus tard, la pensée dominante avait changée, tout aussi simplificatrice. Désormais les jeunes se montraient ravis qu'on leur dise que leurs parents s'étaient tous comportés comme des salauds, que la France avait agit de façon abominable, que pendant quatre ans la dénonciation avait été omniprésente, et qu'à l,exception des communistes, pas un seul citoyen n'avait accompli le moindre acte de résistance. Le Chagrin et la pitié tombait à pic dans ce concert d'autoflagellation, et c'est à ce titre que je trouvais ce film injuste et partisan. Il ne nous épargnait aucun raccourci mensonger. Ainsi, la ville de Clermond-Ferrant, où un grand nombre d'étudiants avaient rejoint la Résistance, où nombre d'entre eux furent arrêtés, et pour beaucoup fusillés ou déportés, était présentée en exemple de la collaboration universelle. Un tel choix témoignait des manoeuvres grossières du film. Germaine Tillion, qui avait elle aussi assisté à la projection, partageait largement mon point de vue.

J'ai exprimé avec vigueur ma réprobation, tant au conseil d'administration de l'ORTF qu'à l'extérieur. Certes je ne disposais que d'une voix, mais si le conseil décidait d'acheter l'oeuvre, j'avais annoncé que j'en démissionnerais aussitôt. [...] Quant à Marcel Ophuls, il ne décolérait pas, car cette décision le privait d'une recette espérée. Ses craintes comptables ne durèrent pas longtemps. Lors de sa sortie en salles, Le Chagrin et la pitié rencontra d'emblée un vif succès. Il est vrai qu'il bénéficia d'une large publicité parce que l'ORTF en avait refusé la diffusion; preuve irréfutable aux yeux de certains que le pouvoir ne voulait pas que la vérité éclate.

C'est peu dire qu'à l'époque, ces campagnes me choquèrent. La pseudo-vérité que le film prétendait faire éclater, j'en connaissais les limites. J,avais suffisamment travaillé sur la Shoah pour savoir que la France avait été de loin le pays où le pourcentage de Juifs déportés s'était révélé le plus faible, un quart de la communauté et, toujours en proportion, très peu d'enfants. Ce phénomène ne trouvait son explication que dans une réalité indéniable : nombreux étaient les Français qui avaient caché des Juifs, ou n'avaient rien dit lorsqu'ils savaient qui en protégeait. Or, le film n'en disait mot. Il se montrait en cela d'une grande injustice, moins d'ailleurs à l'égard du pouvoir de Vichy que des Français eux-mêmes.

Je mettais en avant les actes de tous ces gens perdus dans la foule qui avaient prévenu des familles entières, sauvé des enfants, caché des adultes. Ils avaient agi avec un courage digne de respect, alors même qu'ils ne savaient rien du sort qui attendait les déportés, mais ne pouvaient ignorer le leur au cas où les Allemands les arrêteraient. Ils n'en avaient tiré aucun profit; beaucoup durent même se priver pour nourrir des bouches supplémentaires." (p.329)


Encore :

"... cette mémoire des Justes est un trésor dont la sauvegarde est d'autant plus précieuse que le monde où nous vivons me semble menacé [...] par le retour des intégrismes, après un demi-siècle où l'on avait pu se bercer du sentiment que la tolérance et L'oecuménisme étaient en progrès.

Quelques semaines avant sa mort, au cours d'une longue conversation à l'unité de soins palliatifs où s'achevait son existence, dans la sérénité, le cardinal Lustiger m'a demandé de prendre la parole, le jour de ses obsèques, sur le parvis de la cathédrale, pour rappeler sa judéité. Sans doute pensait-il à sa mère, disparue à Auschwitz. Pour moi, ce voeu était sacré, et j'ai été meurtrie de devoir renoncer à l'exaucer, la hiérachie m'ayant fait savoir que c'eût été inopportun. D'où est venue ce que j'ai perçu au moins comme une hésitation dans le dialogue judéo-chrétien, est-ce de l'Église catholique, ou de l'intégrisme juif, qui considère que l'on ne peut se référer à la judéité lorsqu'on a embrassé une autre religion? Je ne peux que poser la question. " (p.330)

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Re: Décès de Simone Veil

Message non lu par jeje » mer. 05 juil. 2017, 16:31

bonsoir


franchement prions pour cette personne que Dieu ai pitié de son âme .

Cinci
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Re: Décès de Simone Veil

Message non lu par Cinci » mer. 05 juil. 2017, 16:56

A propos de la fameuse loi dépénalisant l'avortement :


"... avec l'Église catholique, les choses se sont mieux déroulées que j'aurais pu le craindre. [...] je me suis entretenu avec le prélat en charge de ces problèmes au sein de la hiérarchie catholique. Il n'a pas tenté de me dissuader. Il exprimait le voeu que la liberté de conscience soit assurée dans la loi et que nul ne puisse obliger un médecin soignant à pratiquer une IVG.

Quant aux Juifs et aux Protestants, je ne les ai pratiquement pas consultés, non que je ne l'aie pas voulu, mais ils étaient très divisés sur le sujet [...] certains luthériens étaient hostiles à l'avortement alors que la majorité de l'Église réformée y était favorable.

Parmi les Juifs très religieux, certains m'en ont gardé rancune. Il y a deux ans, le 27 janvier 2005, à l'occasion du soixantième anniversaire de la libération d'Auschwitz, j'ai reçu le texte d'une lettre que des rabbins intégristes de New-York, oui, de New-York, avaient adressée au président de la République polonaise pour contester que la Pologne m'ait choisie pour représenter les déportés alors que j'étais l'auteur de la loi sur l'IVG.

J'ai reçu des milliers de lettres au contenu souvent abominable, inouï. Pour l'essentiel, ce courrier émanait d'une extrême-droite catholique et antisémite. J'avais peine à imaginer que, trente ans après la fin de la guerre, elle demeure aussi présente et active. [...] Je regrette d'ailleurs que tout ce courrier, et notamment les lettres les plus agressives, ait disparu. Mes assistantes de l'époque, scandalisées, déchiraient les pires de ces lettres. C'était une erreur; il faut conserver ce genre de témoignages, afin de montrer de quoi certaines personnes sont capables, et rappeler aux esprits angéliques que les réformes de société s'effectuent toujours dans la douleur.

Finalement, la loi a été votée dans la nuit du 29 novembre [...] La victoire était ainsi plus large que nous ne l'avions imaginée et espérée. L'attitude de certains catholiques avaient été à cet égard déterminante. La position d'Eugène Claudius-Petit, par exemple , avait été très attendue. Après avoir fait part de ses hésitations face à ce que ce texte représentait pour lui, il tint à dire qu'en son âme et conscience, n'ignorant rien de la situation réelle des femmes en difficulté, entre ses propres convictions et la compassion pour elles, il faisait le choix de la compassion. Il vota donc la loi, et je suis convaincu que sa décison fit école.

A notre vive surprise, le texte passa plus facilement au Sénat, peut-être sous la pression de l'opinion désormais acquise à la réforme. Les outrances des "Laissez-les vivre", comme l'effervescence de l'extrême-droite et l'intégrisme des proches de Monseigneur Lefebvre ne parvinrent pas, bien au contraire, à convaincre les sénateurs, toujours hostiles aux excès, de faire obstacle au projet.

Après l'adoption du texte, nous avons eu la satisfaction de voir que la presse lui était presque unanimement favorable. Je ne parle ni du Nouvel Observateur, qui avait pris parti dès 1971 en publiant le fameux manifeste des 343, ni de L'Express, mais Le Figaro lui-même se fit une raison.

[...] le soutien du Premier ministre [Jacques Chirac] dans ce parcours difficile ne m'avait jamais fait défaut à l'Assemblée [...] après le vote, il m'envoya un gigantesque bouquet.


[...]

Et puis, si aucune attaque ne me touchait, c'est parce que, tout bien pesé, je n'avais pas d'état d'âme. Je savais où j'allais. Le fait de ne moi-même être croyante m'a-t-il aidé? Je n'en suis pas convaincue. Giscard était de culture et de pratique catholiques, et cela ne l'a pas empêché de vouloir cette réforme, de toutes ses forces. (p. 195)

Source : Simone Veil, Une vie, Paris, Stock, 2007, 400 p.

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