Un plan d'urgence en cas d'élection de Marine Le Pen ?

« Par moi les rois règnent, et les souverains décrètent la justice ! » (Pr 8.15)
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Christophe67
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Un plan d'urgence en cas d'élection de Marine Le Pen ?

Message non lu par Christophe67 » ven. 09 juin 2017, 14:29

Bonjour à tous,

« Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux. »
Benjamin Franklin, 1785–1788.
C'est cette citation qui m'est venue à l'esprit lorsque j'ai découvert un article sur la possibilité d'un plan de l'état (la minuscule est volontaire) pour contrecarrer l'éventuelle élection de Mme Le Pen à la Présidence de la République, mais surtout le commentaire d'une personne qui remerciait d'être si bien protégée. Ne voulant pas réagir à un possible "hoax" j'ai donc cherché des sources officielles pouvant confirmer ou non cette information.

En voici quelques unes que j'ai essayé de diversifier :

RTL le 18 Mai 2017
L'Express du 18 Mai 2017
Nouvel Obs du 17 mai 2017
Midi Libre
Figaro du 19 Mai 2017
Le point du 19 Mai 2017
...

Je fais le choix de ne pas trop commenter personnellement, mais d'amener cette info à ceux qui, comme moi il y a encore deux jours, l'ignorait.

Bien que ne me sentant pas représenté par ce parti, je trouve néanmoins ce déni de l'expression populaire - au profit d'un certain protectionnisme - suffisamment grave pour m'inquiéter de ne pas avoir été traité aux infos nationales, et même ignoré dans mon entourage. Certes il y a un démenti, mais les faits étant passés et non réalisés pouvait il en être autrement ?

Comment ne pas être conforté dans cette réflexion que la République est une vaste supercherie, mais surtout continuer à croire que nous sommes encore en démocratie ?


Cordialement.

Cinci
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Re: Un plan d'urgence en cas d'élection de Marine Le Pen ?

Message non lu par Cinci » ven. 09 juin 2017, 15:44

Bonjour,

Une réflexion déjà rencontrée il y a quelque temps chez André Comte-Sponville dans son Petit traité des grandes vertus :

"... la tolérance ne vaut donc que dans certaines limites, qui sont celles de sa propre sauvegarde et de la préservation de ses conditions de possibilité. C'est ce que Karl Popper appelle "le paradoxe de la tolérance" : "Si l'on est d'une tolérance absolue, même envers les intolérants et qu'on ne défende pas la société tolérante contre leurs assauts, les tolérants seront anéantis, et avec eux la tolérance."

[...]

Au contraire de l'amour ou de la générosité, qui n'ont pas de limites intrinsèques ni d'autre finitude que la nôtre, la tolérance est donc essentiellement limitée : une tolérance infinie serait la fin de la tolérance! Pas de liberté pour les ennemis de la liberté? Ce n'est pas si simple. Une vertu ne saurait se cantonner dans l'intersubjectivité vertueuse : celui qui n'est juste qu'avec les justes, généreux qu'avec les généreux, miséricordieux qu'avec les miséricordieux, etc., n'est ni juste ni généreux ni miséricordieux. Pas davantage n'est tolérant celui qui ne l'est qu'avec les tolérants. Si la tolérance est une vertu, comme je le crois et comme on l'accorde ordinairement, elle vaut donc par elle-même, y compris vis à vis ceux qui ne la pratiquent pas. La morale n'est ni un marché ni un miroir.

S'il ne faut pas tout tolérer, puisque ce serait vouer la tolérance à sa perte, on ne saurait non plus renoncer à toute tolérance vis à vis ceux qui ne la respectent pas. Une démocratie qui interdirait tous les partis non démocratiques serait trop peu démocratique, tout comme une démocratie qui leur laisserait faire tout et n'importe quoi le serait trop, ou plutôt trop mal, et par là condamnée : puisqu'elle renoncerait à défendre le droit par la force, quand il le faut, et la liberté par la contrainte. Le critère n'est pas moral ici mais politique.

Ce qui doit déterminer la tolérabilité de tel ou tel individu, de tel ou tel groupe ou comportement, n'est pas la tolérance dont ils font preuve (car alors il eût fallu interdire tous les groupes extrémistes de notre jeunesse, et leur donner raison par là), mais leur dangerosité effective : une action intolérante, un groupe intolérant, etc., doivent être interdits si, et seulement si, ils menacent effectivement la liberté ou, en général, les conditions de possibilité de la tolérance.

Dans une République forte et stable, une manifestation contre la démocratie, contre la tolérance ou contre la liberté ne suffit pas à les mettre en péril : il n'y a donc pas lieu de l'interdire, et ce serait manquer de tolérance que de le vouloir.

Mais que les institutions soient fragilisées, que la guerre civile menace ou ait commencé, que des groupes factieux menacent de prendre le pouvoir, et la même manifestation peut devenir un danger véritable : il peut alors être nécessaire de l'interdire, de l'empêcher, même par la force, et ce serait manquer de fermeté ou de prudence que de renoncer à l'envisager. Bref, cela dépend des cas, et cette "casuistique de la tolérance", comme dit Jankélévitch, est l'un des problèmes majeurs de nos démocraties.

Après avoir évoqué "le paradoxe de la tolérance", qui fait qu'on l'affaiblit à force de vouloir l'étendre à l'infini, Karl Popper ajoute ici :

Je ne veux pas dire par là qu'il faille toujours empêcher l'expression de théories intolérantes. Tant qu'il est possible de les contrer par des arguments logiques et de les contenir avec l'aide de l'opinion publique, on aurait tort de les interdire. Mais il faut revendiquer le droit de le faire, même par la force si cela devient nécessaire, car il se peut fort bien que les tenants de ces théories se refusent à toute discussion logique et ne répondent aux arguments que par la violence. Il faudrait alors considérer que, ce faisant, ils se placent hors la loi et que l'incitation à l'intolérance est criminelle au même titre que l'incitation au meurtre, par exemple.


Source : A. Comte-Sponville, Petit traité des grandes vertus, Paris, P.U.F., 1996, p. 214

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Christophe67
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Re: Un plan d'urgence en cas d'élection de Marine Le Pen ?

Message non lu par Christophe67 » ven. 09 juin 2017, 16:17

Bonjour Cinci,


Texte intéressant, qui me fait penser à la réaction du gouvernement Algérien à l'élection des Frères Musulmans, cependant peut être en décalage avec le contenu des articles.

On voit que le danger qui est craint vient plutôt des actes à venir de groupes d'extrême gauche, plutôt que l'élection de l'extrême droite.
L'élection des uns activerait l'action des autres en gros.

Entre Charybde et Scylla mon coeur ne balance pas, mais n'est ce pas un recul démocratique plus qu'une mesure préventive ?


Cordialement.

Cinci
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Re: Un plan d'urgence en cas d'élection de Marine Le Pen ?

Message non lu par Cinci » ven. 09 juin 2017, 17:00

Pour la question :
Comment ne pas être conforté dans cette réflexion que la République est une vaste supercherie, mais surtout continuer à croire que nous sommes encore en démocratie ?
C'est que le système politique dit "démocratique" représente un jeu d'équilibre de forces et qui est animé, mis en oeuvre et maintenu en place par certains grands groupes d'intérêts, habituellement les "possédants", les riches qui ont un intérêt vital à trouver sur place un gouvernement capable de protéger leurs intérêts. La démocratie ne se fonde pas dans des idées pures, des concepts abstraits.

Donc, le jeu d'alternance des partis politiques peut s'opérer d'une manière fluide tant que l'un ou l'autre de ces partis ne risquerait pas d'endommager sérieusement l'orientation politique de fond ( et les intérêts matériels bien sûr) de quelques piliers du régime. Tous les acteurs du système pourraient toujours tomber d'accord pour modifier légèrement les règles du jeu afin de préserver le statut quo et en le cas où un irresponsable s'emparerait légalement du pouvoir via les urnes.

Le système se défend.

Ça ne veut pas dire que la démocratie est une vaste supercherie. Non, car un système qui veut se fonder sur la primauté du droit au lieu de la force brute vaut mieux qu'une tyrannie. Sauf que la démocratie ou même le droit lui-même peuvent être légèrement biaisés en sorte de toujours favoriser davantage un certain parti de possédants. Le pouvoir effectif ne repose pas réellement dans les mains de tous les citoyens quoi!

Dire que "le" peuple est souverain représente une fiction utile. Il s'agit bien plus d'une partie du peuple seulement qui l'est bien plus que l'autre, et en le sens que ce sont les atermoiements des puissants ou des riches qui seront tout naturellement pris en compte, bien avant la contestation des autres.

Le gouvernement actuel de monsieur Macron présente tous les signes, d'après moi, d'être le gouvernement des bourgeois riches de la république française, le parti des riches, des grands notables, des "gens de bien" et archi-défenseurs de l'ordre établi.

Ce n'est pas la dictature. Sauf il est incroyablement plus difficile pour les dissidents d'en arriver jamais à pouvoir changer "quelque chose" au fonctionnement du régime que ce peut l'être pour les collaborateurs de ce même régime d'appliquer l'agenda politique des grands propriétaires. La gravité matérielle et les intérêts bien concrets (argent, sinécure, poste, chaire offerte, bourse, tribune accordée, notoriété, avancement, réputation etc.) exercent une force d'inertie qu'on le veuille ou non, en face de laquelle même la meilleure des utopies se révèle sans force.

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Re: Un plan d'urgence en cas d'élection de Marine Le Pen ?

Message non lu par Altior » ven. 09 juin 2017, 19:36

Christophe67 a écrit :
ven. 09 juin 2017, 14:29

Comment ne pas être conforté dans cette réflexion que la République est une vaste supercherie,
Supercherie ? N'oublions pas que la République a commencé par le régicide, a continué par l'assassinat en masse des prêtres, des religieux et des religieuses et, pendant la Terreur et le Directorat, a continué par assassiner les simples gens de façon presque aléatoire, pour finir avec le génocide vendéen et chouan. Notre France n'a rien à voir avec leur République.
mais surtout continuer à croire que nous sommes encore en démocratie ?
Oui, nous sommes bien en démocratie. Macron a été très démocratiquement élu avec une large majorité. L'UMPS sera, probablement, élu pour une très large majorité à l'Assemblée. Le seul parti d'opposition qui compte, le FN, par la voix de sa présidente, a félicité le vainqueur, et a reconnu sa défaite.

Le problème n'est pas là, car jamais la démocratie n'a été si bien respecté que de nos jours. Le problème est que la démocratie commence a montrer ses limites. Du point de vue philosophique la démocratie est une utopie tout comme le communisme est une utopie ou le nazisme est une utopie. D'ailleurs, ce sont les trois grandes utopies inventées par les même loges de gauche, trois régimes criminels, chacun avec ses millions de victimes innocentes. La différence est que, tendis que le nazisme est fini depuis belle lurette, tendis que le communisme n'est plus pratiqué que par ci par là, la démocratie semble encore florissante. On ne peut plus être nazi, on a du mal à être communiste de nos jours (au moins dans la variante originaire bolchévique), mais être démocrate est encore de bon ton. Jusqu'à une prise de conscience sur les méfaits de la démocratie il y a encore de l'eau à couler sous les ponts.

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Re: Un plan d'urgence en cas d'élection de Marine Le Pen ?

Message non lu par Cinci » ven. 09 juin 2017, 22:30

Christophe67 :

Texte intéressant, qui me fait penser à la réaction du gouvernement Algérien à l'élection des Frères Musulman
Oui, ce n'est peut-être pas sans rapport.

Le processus électoral peut s'exercer à l'intérieur d'un certain couloir. Au pire, ceux qui détiennent le pouvoir effectif peuvent corriger le résultat des urnes.

Dans votre exemple, les principaux bénéficiaires du régime issu de la révolution algérienne estimaient avoir toutes les raisons de penser que les islamistes ne respecteraient pas les limites du jeu. Ils croyaient que ces derniers s'attaqueraient franchement à leurs intérêts à eux. Ils auront réagi immédiatement. Tant pis pour le vote populaire!


Dans la République d'Iran, il y a le poids des religieux avec lequel les politiciens doivent composer à l'inverse. Les religieux fixent les limites.

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Re: Un plan d'urgence en cas d'élection de Marine Le Pen ?

Message non lu par Christophe67 » lun. 12 juin 2017, 15:53

Bonjour Altior,
Altior a écrit :
ven. 09 juin 2017, 19:36
Oui, nous sommes bien en démocratie.
Question de point de vue, me concernant je pense que nous sommes plutôt dans une "oligarchie de fait" : société dont le gouvernement est constitutionnellement et démocratiquement ouvert à tous les citoyens mais où en fait ce pouvoir est confisqué par une petite partie de ceux-ci".

Cordialement.

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Re: Un plan d'urgence en cas d'élection de Marine Le Pen ?

Message non lu par Cinci » lun. 12 juin 2017, 19:41

Bravo!

:)

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Re: Un plan d'urgence en cas d'élection de Marine Le Pen ?

Message non lu par Cinci » lun. 12 juin 2017, 20:34

Christophe67 :
je pense que nous sommes plutôt dans une "oligarchie de fait" : société dont le gouvernement est constitutionnellement et démocratiquement ouvert à tous les citoyens mais où en fait ce pouvoir est confisqué par une petite partie de ceux-ci".
Je partage cet avis.

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Re: Un plan d'urgence en cas d'élection de Marine Le Pen ?

Message non lu par Christophe67 » mer. 14 juin 2017, 10:34

Bonjour,

Une réflexion intéressante sur les élections législatives de la part de Michel Onfray, la partie sur les chiffres en milieu de vidéo m'a parue particulièrement pertinente : Suffrage et enfumage, Michel Onfray commente le 1er tour des législatives tout particulièrement sur la différence de sièges entre Mélenchon et Lepen avec des résultats proches ...

Cordialement.

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