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par Serge BS » sam. 09 août 2008, 21:43
Donc, quelques réflexions sur la Russie...
N’oublions d’abord pas qu’il y a eu avancée de l’Islam vers le nord sous l’impact soviétique et non sous celui de Poutine... Mais aujourd’hui, la Russie est la plus petite des « Russies » depuis Pierre le Grand, trop petite par rapport à ses ambitions et à ses minorités dispersées en diasporas. Cependant, hormis la zone caucasienne – principalement en Tchétchénie -, ceci semble se passer dans le calme, les russes eux-mêmes ne prenant pas au sérieux les nouvelles frontières, même en Lettonie ou au Kazakhstan, d’où l’absence de véritable problème de minorités russes, même si ces dernières n’ont jamais été aussi importantes avec 25 millions de russes sur 175 millions hors de la Russie.
Aujourd’hui, les indépendances sont très développées dans l’ex-monde soviétique et les sentiments nationaux s’y développent . Une crise dans les pays baltes ou en Ukraine est cependant peu vraisemblable, même si les russes tenteront toujours, d’une manière ou d‘une autre, de récréer un espace plus vaste. Il est désormais en fait assez aisé d’intégrer les pays de l’Europe centrale et orientale - PECO - dans la sphère occidentale, surtout depuis que l’Europe occidentale et les Etats-Unis reconnaissent la Russie comme une priorité diplomatique et économique.
Il existe cependant dans l’ex-monde soviétique une volonté à terme de changer les frontières, la question étant celle du « comment ? », la paix restant la volonté. Il y a néanmoins un risque lié aux « néophytes ignorants », qui négligent les réalités mondiales - ex-Yougoslavie - et les pratiques internationales. Le plus grand danger en provenance de l’ex-monde soviétique est donc plus extra-russe que russe, même si le russe est par nature expansionniste. En fait, le monde russe est à la recherche d’une nouvelle frontière, alors que le monde musulman est à la recherche d’une nouvelle identité, d’où une ligne de convergence entre ces deux mondes, un même mouvement animant deux sociétés traditionnelles dans leurs tréfonds pour rejoindre le développement de l’Europe occidentale et de l’Asie, d’où de nouveaux déchirements dans les tentations entre ces deux pôles. On comprend ainsi mieux le pourquoi de la crise tchétchène malgré les convergences, la Tchétchénie se trouvant à la frontière entre ces deux mondes. Cette ligne devient également un critère de divergences à court terme du fait des méfiances réciproques et de la persistance de dossiers « explosifs ». Une solution pour l’Occident réside dans la recherche du développement du régime parlementaire en Russie et dans le maintien de la démocratie parlementaire en Turquie. Il faut donc que l’Occident développe une diplomatie préventive afin de protéger la Russie et la Turquie comme démocraties. Le principal risque tient cependant en la question de l’identité de la Turquie et de son basculement certain en cas de lâchage par l’Occident.
Pour en revenir au bloc russe, il est nécessaire d’agir sur tous les termes de la contradiction évoquée précédemment pour faire face à ces situations. Or, les occidentaux restent partagés tant quant à l’attitude à tenir face à une Russie qui est elle-même partagée dans es choix, que quant à l’attitude à adopter face à la Turquie. Il serait nécessaire d’engager rapidement des actions communes :
- le peuple russe a toujours aimé l’Armée tout en étant anti-guerre, la volonté expansionniste n’étant jamais venue des russes eux-mêmes mais de leurs dirigeants. De ce fait, il est nécessaire de contrôler « discrètement » leurs dirigeants, en leur donnant par exemple parfois l’impression de céder ;
- il faudrait être très attentif à la reconnaissance des frontières, notamment lorsque ces frontières sont considérées comme des frontières de sécurité. C’est là un risque avec les États baltes ;
- il faudrait encourager les liens intra-ex-bloc soviétique afin de recréer une sphère d’influence russe sans pour autant affaiblir la Turquie ou provoquer la Chine ;
- il faudrait casser les alliances de revers irano-russe et irano-indienne, notamment afin d’éviter la nucléarisation de l’Iran, d’autant plus que l’Inde possède – tout comme son « ennemi » pakistanais – une arme nucléaire bien moins contrôlée que les armements nucléaires russes ;
- il faudrait renforcer la puissance turque et la faire évoluer vers une position de phare de la démocratie laïque du monde musulman. Cependant, l’intégration de la Turquie au développement économique européen ne rime pas forcément avec intégration de la Turquie à l’Union européenne, bien au contraire, car ce serait se priver et la priver d’une certaine liberté de manœuvre face au reste du monde musulman, donc se priver d’un atout non négligeable ;
- il faudrait intensifier les relations turco-russes en insistant sur les questions du Turkménistan, de l’Ouzbékistan, de l’Azerbaïdjan et.. de la Bosnie-Herzègovine ;
- il faudrait enfin donner des signes positifs de l’intérêt de l’Occident pour le Pakistan, ce qui est le cas depuis quelques années, car il pourrait devenir une démocratie stable, un pilier du développement régional de l’Asie et une aile de revers contre l’islamisme moyen-oriental. Les enjeux afghans actuels vont donc bien plus loin que Ben Laden …
La question des équilibres internes aux anciennes républiques est aussi importante ; le Kazakhstan compte 60 % de russophones, alors que le Tadjikistan, le Kirghizstan, le Turkménistan et l’Ouzbékistan sont homogènes avec plus de 90 % de population nationale. Il faut donc raisonner au cas par cas, tout en prenant en compte la globalité de la situation. Par exemple, l’Ouzbékistan a d’excellentes relations économiques avec la Russie, tout en ayant d’excellentes relations culturelles et énergétiques avec la Turquie… De même, l’Iran reste influent en Azerbaïdjan malgré sa prise de position en faveur de l’Arménie, alors que cet État considère le kémalisme comme une solution européenne acceptable, car non arabe, l’Arabie Saoudite étant considérée dans ce pays comme traître du fait de sa non intervention au moment de l’éclatement de l’Empire ottoman et du génocide… Enfin, la question ismaélienne, présente dans certaines ex-républiques, vient encore plus compliquer le jeu des alliances…
Il faut donc trouver de délicates solutions d’équilibre qui conviennent à tous. L’Occident se trouve donc, depuis la levée du verrou soviétique, devant une triple alternative : - Russie ou Turquie ; - ex-républiques soviétiques ou Russie ; - ex-républiques soviétiques ou Turquie. C’est pourquoi il faut faire des choix clairs, prendre des positions à long terme et ne pas continuer à raisonner en termes de zone d’influence dans les relations avec la Russie. On voit très bien ici les rôles pivots de la Turquie, du Caucase et de l’Afghanistan, et on comprend mieux l’interventionnisme américain en Afghanistan et en Irak, ainsi que son soutien à la Turquie par volonté de l’ancrer au monde atlantique.
Par ailleurs, depuis la fin de la guerre froide et l'enclenchement du processus démocratique des pays de l'ancien bloc soviétique, il est possible de prendre la mesure réelle des dégâts écologiques considérables que représentent ainsi certains sites. Si le risque chimique est très présent en République tchèque, c'est probablement en Russie que les dégâts et les risques pour l'avenir sont les plus importants. La Commission européenne a d'ailleurs intégré dans son programme d'action pour l'environnement la question de l'Europe centrale et orientale : « Les bouleversements politiques et sociaux que connaissent l'Europe centrale et orientale ont considérablement ébranlé la hiérarchie des problèmes politiques internationaux. Les questions environnementales figurent en tête des problèmes à discuter en priorité. L'amélioration des normes environnementales et la protection de la santé humaine et de la qualité de la vie ont été considérées par les nouveaux gouvernements démocratiques comme une priorité à traiter parallèlement au processus de réforme économique et de libéralisation. Dans de nombreuses régions de l'Europe centrale et orientale, l'environnement est profondément dégradé. Dans certains cas, les dégâts risquent d'être irréversibles. Bien que l'étendu et le type des dégâts diffèrent de pays à pays, et de région à région, ces pays connaissent des problèmes communs, notamment les dégâts provoqués aux forêts par les pluies acides (d'aucuns estiment que près des trois quarts des forêts polonaises sont atteintes) et l'empoisonnement de réseaux hydrographiques entiers (l'eau de la Vistule ne peut même plus être utilisée à des fins industrielles). Il y a un risque élevé et permanent de graves accidents industriels, notamment dans les secteurs nucléaires et chimiques. Un bon nombre de ces problèmes possèdent une dimension régionale, transfrontalière : le bassin de la Vistule couvre la plupart des pays d'Europe de l'est, l'Elbe traverse la Tchécoslovaquie et l'Allemagne, le bassin du Danube s'étend sur la plupart des pays du sud : la pollution qu'ils engendrent atteint la Baltique, ma mer du Nord et la mer Noire. (...) Les tâches auxquelles sont confrontés ces gouvernements sont colossales. Des progrès sensibles et durables ne seront possibles qu'avec une aide extérieure, en particulier de la Communauté... »
Prenons ici un exemple lié à la prolifération nucléaire. La presqu'île de Kola présente ainsi la plus grande concentration d'installations nucléaires militaires et civiles d'Europe, celles-ci menaçant la sécurité de l'ensemble des régions septentrionales de l'Europe; ceci s'explique par la fait que la plupart des installations utilisées par la Flotte russe du Nord s'y trouvent implantée, le plus vaste dépôt mondial « temporaire » de combustible nucléaire irradié se trouvant par exemple dans la baie d'Andreïeva à 40 kilomètres de la frontière norvégienne ; c'est là que sont stockés dans de très mauvaises conditions 21.000 barres de combustible irradié, correspondant à 90 réacteurs nucléaires. d'importantes fuites radioactives y ont été détectées dès les années 80…. De plus, selon Lord Newall,« des déchets radioactifs navals russes ont été déversés dans l'Arctique jusqu'en 1991, l'unique train qui assure les transports de déchets vers l'installation de retraitement de Tcheliabinsk ne desservant les ports que trois fois par an. de pleins conteneurs de combustible irradié sont entreposés à l'air libre depuis plusieurs années maintenant et des accidents se sont produits. En septembre 1996, un mémorandum d'entente sur la coopération en matière d'environnement a été signé entre les ministres de la défense des États-Unis et de la Russie, à la suite d'accidents de ce type. »
Et, sans même évoquer les risques de prolifération liés à des dépôts sans grande surveillance, que dire de la zone du complexe Mayak, près de Tcheliabinsk, toujours en Russie ou encore de l'Ukraine avec Tchernobyl et Zaporodjié ? Mayak ? C'est là qu'a eu lieu le 29 septembre 1957 l'une des plus grandes catastrophes liée au nucléaire avec l'explosion d'un dépôt de déchets radioactifs, dispersant environ 80 tonnes de ces déchets pour environ 20 millions de curies, dont au moins 2 millions dispersés sur environ 1000 km2. Quand au Lac Karachaï, dans la même zone, il est considéré comme le plus pollué au monde [120 millions de curies (Cs 170, Sr 90)], et l'on estime que la dose mortelle de radiations en reçue en moins d'une heure sur ses rives du fait des déchets déversés.....