(pour donner une idée du bouquin)
La table des matières
Avant-propos
Critique de la raison républicaine
Entre sacré et profane, novation et tradition
De la République combattante à la République établie
De l'idée républicaine à l'idéal républicaine
La sécularisation républicaine ou les métaphorphoses
du théologico-politique
Du renouveau des études républicaines en France
Marxisme, libéralisme, positivisme : une même disposition
Un «germe» d'avenir
La République libérale
Émancipation et solidarité : une révolution copernicienne
L'archaïsme républicain ou les cercles de la méconnaissance
Les paradoxes de l'individualisme et de l'égalité selon
Jean-François Spitz
L'adieu à François Furet ou la vraie nature du libéralisme ........................... 58
Une républicanisme offensif
[...]
La République humanitaire
Du pouvoir spirituel, ou comment révolutionner la religion elle-même
Une République écrasée dans l'immanence
La religion comme éternelle répétition du même
La République entre religion laïque et irreligion de l'avenir
La Révolution, la religion et l'école
Une religion pour la liberté
Libre-pensée religieuse et religion de la révolution
Du socialisme comme religion ..................................................................192
La République vivante
Libre-pensée, république et socialisme
Poursuivre la Révolution française
Index .................................................................................................... 211
Un aperçu des ouvrages qui reviennent assez souvent en notes
infra dans le corpus du livre :
L.Blanc, Histoire de la Révolution française, 1888
Ferdinand Buisson, La Foi laïque, 2007 (1913)
Léon Blum, A l'échelle humaine, 1945
Gaston Isambert, Les idées socialistes en France de 1815 à 1848, le socialisme fondé sur la fraternité et l'union des classes, 1905
Jean-Fabien Spitz, Le moment républicain en France, 2005
Lucien Jaume, L'individu effacé, ou le paradoxe du libéralisme français, 1997
Jean Pierre Gross, Égalitarisme jacobin et droits de l'homme, 2000 (p.37)
François Furet, Penser la Révolution française, 1978 (cf.«La Révolution française est terminée», chapitre 1)
Pierre Rosanvallon, «La république du suffrage universel», in F. Furet et M. Ozouf (dir.), Le siècle de l'avénement républicain, 1993,
etc ...
L'ouvrage est intéressant globalement pour les vues opposées qu'il permet de recenser.
Un exemple qui se trouve à la page 37 :
- [+] Texte masqué
- «... dans l'introduction Lire Saint-Just qu'il a donnée à sa récente édition des Oeuvres complètes de Saint-Just , Paris, 2004, Miguel Abensour écrit : «La vulgate née de l'oeuvre de François Furet - aussi néfaste que le «catéchisme révolutionnaire» - et qui exalte la belle révolution de 1789-1791 pour mieux déprécier, disqualifier la révolution hideuse de 1792-1794 est si prégnante qu'une entreprise qui s'autoproclame Dictionnaire critique de la Révolution française ne contient pas d'entrée au nom de Saint-Just, tout au moins dans sa première édition. Cette vulgate lit le jacobinisme comme anticipation du léninisme et du totalitarisme. Pour une critique historique de cette lecture du jacobinisme, [il faut voir] le très beau livre de Jean-Pierre Gross [...]»
Puis à la page 58 est initié un survol de la critique que Spitz ferait des analyses de François Furet touchant la Révolution française :
- [+] Texte masqué
- «... la première des «trois erreurs essentielles» de François Furet consisterait, selon Jean-Fabien Spitz, à poser une incompatibilité de principe entre société des individus et égalité. Cette erreur reposerait sur la confusion entretenue entre deux sortes d'égalité qui doivent être pourtant distinguées : l'égalité des résultats d'une part, l'égalité des chances d'autre part. C'est pourquoi sans cesse François Furet ferait comme si le modèle républicain était la caserne ou le couvent, c'est à dire une juxtaposition d'individus non pas différents mais identiques. C'est pourquoi il serait amené à prendre de telles libertés à l'égard des textes, puisqu'il ne peut jamais prendre en compte dans son argumentation, la revendication portée par les républicains d'une différenciation des individus, alors même que cette différenciation est au coeur de leur argumentation, et cela selon un double mode. D'abord, comme critique du marché et des théories de la main invisible, lorsqu'ils montrent que l'abandon aux seuls lois ou forces du marché conduit au contraire à l'incapacité, pour le plus grand nombre, de produire leur émancipation, à l'asservissement maintenu de ceux et celles qui ne possèdent pas les moyens de choisir leur existence, à leur indifférenciation, voire à leur choséification.
Ensuite, de façon plus positive, lorsque les républicains montrent que les différences ne sont légitimes, acceptables, que lorsqu'elles se sont produites de façon libre et individuelle, qu'elles ne sont pas seulement la reproduction d'un héritage, d'une hiérarchie, d'une appartenance communautaire, mais bien une production de la liberté elle-même. C'est ce qui justifie que la doctrine républicaine soit toujours construite à partir d'une priorité accordée à l'éducation, éducation républicaine qui s'est toujours présentée comme une éducation libérale.
Pour assurer cela, et donc mettre en oeuvre une égalité réelle des chances telle qu'elle permette de compenser les inégalités de départ et de produire une inégalité de résultats qui échappe au déterminisme social, l'Intervention de la puissance publique est nécéssaire. C'est à elle qu'il revient de créer les conditions de cette égalité des chances, et cela, selon Jean-Fabien Spitz, par trois moyens : «la dissolution des héritages, la formation initiale des individus et l'assurance mutuelle contre le hasard».
Ainsi restitué, le modèle républicain apparait comme un libéralisme et un individualisme plus conséquents que ceux des libéraux purs ou prétendus tels. Sans doute parce qu'il substitue comme moyen de l'individualisation la liberté à la nature, mais aussi parce qu'il substitue des différences individuelles à des différences sociales. Le modèle républicain accomplit ainsi l'idéal de liberté porté par la Révolution en lui conférant une légitimité, mais aussi une effectivité, que le strict libéralisme détruit. Dans cette théorie républicaine telle que la restitue Jean Fabien Spitz, l'égalité des chances apparait comme un concept central qui détermine la condition de la légitimité de l'ordre juridique : c'est parce que les individus voient que l'organisation sociale tend à ne laisser subsister que les inégalités résultant de différences individuelles et elles seules qu'elles peuvent considérer que la loi n'est pas un ordre de contrainte mais un ordre de droit. Sans égalité des chances, et sans une intervention conséquente de la puissance publique pour assurer celle-ci, toute liberté se transforme en destin et le droit se résorbe dans le fait.
Source : V. Peillon, La Révolution française n'est pas terminée, pp.58-60
Le livre de Vincent Peillon veut faire écho à l'oeuvre de François Furet, tout en ressortant au passage certaines perles, dans le genre de ce que pouvait exprimer Louis Blanc en 1850 apparemment :
- [+] Texte masqué
- «... c'est en combattant pour la liberté que Louis Blanc devint démocrate, devient socialiste. «Disons-le bien haut : la liberté consiste non pas seulement dans le droit mais dans le pouvoir donné à chacun de développer ses facultés» Sinon, la liberté peut être seulement la liberté du plus fort d'opprimer le plus faible, vaste hypocrisie; «Quoi ! voilà d'un côté des hommes qui sont en possession du sol, du numéraire, qui ont cette force immense qu'on appelle le dévelopement de l'intelligence; voilà, de l'autre, des hommes à qui toutes les ressources manquent; on déchaîne au milieu d'eux la concurrence; on crie : laissez-faire ! laissez passer ! c'est à dire que l'on met aux prises l'homme fort avec l'homme faible, l'homme instruit avec l'ignorant, l'homme ingambe avec le paralytique et on appelle cela la liberté !» - Louis Blanc, Pages d'histoire de la révolution de Février, Paris, 1850
Ce propos de Louis Blanc de 1850 se révèlerait d'une actualité brûlante pour peu que l'on songerait aussi à ces politiques «libérales» que le FMI aura pressé les pays africains d'adopter ces dernières années.
Le livre proposerait une sorte de défi au lecteur et qui serait celui de revisiter tout le XIXe siècle au moins. A lire, je trouverais de plus en plus sympathique Vincent Peillon (Oui, en ce qui me concerne), si c'est pour considérer son aptitude à vouloir capter ce que de grands devanciers auraient pu vouloir dire. Une chose n'empêchant pas l'autre, ni le désaccord ponctuel l'humanité du bonhomme. Je réalise finalement que le thème de la quasi-religion n'est vraiment pas une invention du monsieur comme plutôt un thème récurrent chez tous les socialistes de jadis.
Ainsi :
- [+] Texte masqué
- «... Léon Blum, autre disciple de Lucien Herr, gardera lui aussi plus discrète sa conviction profonde. En janvier 1900, dans La Revue blanche, il écrivait : «Nulle n'ignore, parmi les socialistes réfléchis, que la métaphysique de Marx est médiocre. Nul n'ignore que sa doctrine économique rompt une des ses mailles chaque jour.» Jusqu'en 1919, Léon Blum maintient son ton, comme l'atteste la fameuse brochure Pour être socialiste dans laquelle il affirme que «le socialisme est une morale et presque une religion», au service, et d'abord par l'instruction, des individus.
Source : V. Peillon, La Révolution n'est pas terminée, p.79