Droit au logement "opposable" & Doctrine sociale de l'Eglise
Je renvoie nos courageux lecteurs à l'article que j'avais écrit sur ce véritable "droit au revenu opposable" que constituait le
dividende universel que promouvait la député chrétienne Christine Boutin dans un rapport parlementaire resté - Dieu merci - lettre morte. Vous trouverez cet article à cette adresse :
http://www.cite-catholique.org/viewtopic.php?t=279
Le problème révoltant du mal-logement ; le droit au logement comme droit humain fondamental
Le pénurie de logements et le mal-logement constituent objectivement, aujourd'hui en France, un scandale. On peut à juste titre parler du "droit au "logement" comme l'un des droits fondamentaux de la personne, le besoin matériel d'un logis étant un besoin primaire - et même vital - de l'être humain. Combien de sans-logis meurent du froid chaque hiver et de la canicule chaque été ? Et si chaque créature de Dieu a le droit objectif aux moyens de satisfaire les besoins nécessaires à son bien-être physique, intellectuel et spirituel, qui peut nier que tout homme ait droit à un logement ?
L'antériorité morale du droit sur le devoir
Dans l'ordre moral, le droit est antérieur au devoir, car c'est le droit (des uns) qui crée le devoir (des autres), et non le devoir qui crée le droit. Considérer que le devoir crée le droit est une conception anti-chrétienne du droit, car elle amène à nier le droit des plus faibles et de tous ceux qui sont - pour des raisons diverses - incapables d'accomplir pleinement un devoir. Ainsi, une telle conception amène à nier les droit des enfants, des handicapés, des vieillards, des animaux...
Richesses naturelles et richesses sociales
Il existe deux sortes de richesses : les richesses naturelles et les richesses sociales. Les richesses naturelles forment le patrimoine commun de l'humanité, et appartiennent en justice à tout le genre humain (bien que l'usufruit puisse - et, en certaines occasions, doive - être exercé par quelques uns seulement). Les richesses sociales, quand à elles, naissent du travail (utile) des hommes et sont d'abord la propriété de ceux qui les ont crées, puis de ceux qui les acquièrent honnêtement. Les logements, depuis que le gros de l'humanité a décidé de déserter les grottes, appartiennent à cette seconde catégorie. (Notons d'ailleurs que très peu de ressources naturelles sont directement utilisables sans nécessiter aucune valorisation ou extraction par le travail humain).
Droit à l'accès aux richesses et devoir de travail
Le "droit au logement" est donc un droit de participation à des richesses sociales. Mais un droit de participation à des richesses sociales implique un devoir de participation à la création de ces richesses sociales. Concrètement, depuis que le travail est le principal moyen de création des richesses sociales (cf. Genèse : "
Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front") , cela se traduit par un "devoir de travail". L'apôtre nous dit "
Que celui qui ne veut pas travailler, qu'il ne mange pas non plus". Que celui qui se dérobe
volontairement à son devoir de participation renonce également à toute revendication sur les richesses sociales crées à la sueur du front... de son prochain.
Droit à l'accès aux richesses et dignité humaine
Il en va bien évidemment autrement lorsque c'est par une incapacité (jeunesse, infirmité, chômage, maladie, vieillesse, etc.) que l'homme est privé de pouvoir participer, par son travail, à l'accroissement des richesses sociales. (Il est effectivement vécu comme une véritable privation le fait de ne pouvoir contribuer à l'utilité commune et de se sentir à la charge d'autrui). En effet, ceux-là conservent leur droit à des conditions d'existence pleinement compatibles avec leur dignité de personne humaine, notamment par l'accès à des richesses matérielles élémentaires telles que la nourriture, le vêtement, le logement, les soins médicaux. Ceux-là, et ceux-là seuls, jouissent d'un droit "opposable" au reste de la société à la participation aux richesses sociales.
Première erreur de la théorie du "droit au logement opposable"
La première erreur de la théorie du "droit au logement opposable" que défend l'association
les Enfants de Don Quichotte et le gouvernement Chirac-Villepin-Sarkosy, est donc de dissocier le droit à la participation aux richesses sociales et le devoir de participation à la création des richesses sociales. Cela dans la continuité du "droit opposable à l'accès au soin" que constitue la CMU, de la théorie "droit opposable au revenu" que défendent certains membres de la majorité UMP (Christine Boutin, par exemple). En faisant un peu plus des citoyens des "ayants-droits sans devoirs", la reconnaissance juridique d'un tel "droit au logement opposable" éloignera encore davantage la France de l'ordre moral juste et contribuera à l'affaiblissement moral de la nation et des citoyens.
Devoir de solidarité et subsidiarité
Nous l'avons écrit plus haut : certaines personnes qui sont dans l'incapacité de travailler jouissent d'un droit au logement (et - plus largement - à la subsistance) "opposable". Mais
à qui ce droit est-il opposable ? N'est-ce pas aux parents qu'il revient d'abord la responsabilité de subvenir aux besoins de leurs enfants ? N'est-ce pas aux enfants, devenus adultes, qu'il revient d'abord la responsabilité de subvenir aux besoins de leurs parents devenus vieux ? N'est-ce pas au chef de famille qu'il revient d'abord le devoir de subvenir aux besoins matériels de son foyer ? A qui, sinon au frère, revient-il de veiller sur le frère ? Le mari et la femme ne se sont-ils pas mutuellement promis assistance "jusqu'à ce que la mort les sépare" ? C'est cette solidarité naturelle dans le cadre de la famille que nous enseigne la Révélation chrétienne et la loi naturelle. Certes, les pouvoirs civils ont un rôle
subsidiaire (cf. principe de subsidiarité) à jouer en cas de défaillance de la structure familiale : d'abord confirmer - par sa justice - chacun dans ses droits et dans ses devoirs, puis en suppléant à la famille et aux autres corps sociaux s'ils sont eux aussi incapables de répondre convenablement à leurs devoirs.
Deuxième erreur de la théorie du "droit au logement opposable"
Voici donc la seconde erreur de la théorie du "droit au logement opposable" que défend l'association
les Enfants de Don Quichotte et le gouvernement Chirac-Villepin-Sarkosy : passer au-dessus et court-circuiter la responsabilité des corps sociaux, en violation du principe de subsidiarité. Cette négation de la responsabilité familiale contribue à affaiblir les familles, la déresponsabilisation des familles ne pouvant que les amener à devenir irresponsables. La décomposition des familles qui s'opère mériterait pourtant - pour être enrayée - une autre politique familiale...
Troisième erreur de la théorie du "droit au logement opposable"
Pour finir, notons que si l'État a - en justice - une responsabilité subsidiaire en la matière à l'égard de ses ressortissants, cette responsabilité existe SEULEMENT à l'égard des citoyens de cet État, et non pas de l'ensemble de l'humanité. Ceci constitue la troisième et dernière erreur de la théorie du "droit au logement opposable" que défend l'association
les Enfants de Don Quichotte et que le gouvernement Chirac-Villepin-Sarkosy ou le gouvernement suivant mettra en oeuvre. L'État est un lieu de solidarité nationale, il ne peut être le lieu d'une solidarité universelle sans risquer la banqueroute et sans léser les bénéficiaires légitimes de cette solidarité. L'État doit se limiter à répondre de son devoir de justice à l'égard de ses concitoyens et laisser les corps civiles répondre de leur devoir de charité à l'égard du prochain et de l'étranger. Il n'appartient pas à quiconque de donner à autrui ce qui ne lui appartient pas, et l'argent de l'État français appartient aux français.
Conclusion : De l'État-providence et du Droit au travail opposable
En conclusion, l'État-providence, d'inspiration social-démocrate, n'est une aubaine pour personne. Certes, le problème du mal-logement est réel, sérieux, et pour tout dire révoltant. Le socialisme surfe sur des "bonnes intentions", mais l'enfer est pavé de ces bonnes intentions ! En prenant à sa charge le devoir de loger l'ensemble de ses concitoyens, il va incorporer dans la sphère publique des pans entiers de l'activité économique. Il va s'obliger à réquisitionner, comme le droit français l'y autorise déjà, les logements vacants. Un premier pas vers l'expropriation... et un nouveau pas vers le communisme.
L'accès aux richesses sociales passe essentiellement par le travail. Or, dans un contexte de chômage de masse, c'est l'accès même au travail qui est menacé. C'est le travail qui, pour l'homme capable, ouvre droit au revenu ("
Tout travail mérite salaire", cf. Evangile selon saint Luc) qui est un "pouvoir d'achat" et un moyen d'accès aux richesses sociales. Ce qu'il est de la mission de l'État de garantir de façon subsidiaire, et qui devrait être en premier lieu "opposable" aux pouvoirs publics, c'est le droit de chacun à travailler : le droit au travail. Soit que nous soyons - et c'est le mieux - dans un contexte de plein emploi ; soit que nous n'y soyons pas et l'État doit alors rendre effectif ce droit au travail (Cf. le fil sur le
Revenu Minimum d'Activité :
viewtopic.php?t=225).
Merci de m'avoir lu jusqu'au bout.
Christophe