Re: L’apôtre Thomas en Chine ?
Publié : mer. 06 juil. 2016, 10:48
Bonjour AdoramusTe,
Pardon, je n’avais pas vu la question plus tôt.
Cet article commence par 2 paragraphes sur la frise de Kong Wang Shan, puis sans liaison évidente, par d’autres images « primitives » de la Vierge Marie.
Je ne commenterai que ces 2 premiers paragraphes (à signaler quand même que la datation de la fresque de la catacombe de Priscilla, annoncée par le père Gallez comme d’environ l’an 150, est un « scoop », car les livres d’historiens la datent du début du IIIe siècle : voir Le premier art chrétien (1966) de A. Grabar, page 108, et Les premières images chrétiennes (1996) de F. Tristan, page 304, ouvrages qui font référence jusqu’à présent.)
Ces 2 premiers paragraphes :
« Pour tous ceux qui connaissent déjà les recherches les plus récentes, la représentation la plus ancienne que l’on possède de la Vierge Marie se trouve en Chine, sur la falaise de Kong Wang (port de Lianyungang), et elle remonte à l’année 69 – au plus tard au début de l’an 70 – selon les annales impériales chinoises.
À ce moment-là, il y a déjà presque 20 ans que la Vierge Marie a quitté cette terre (en 51 selon les traditions orientales). Sa représentation n’a donc en soi rien de surprenant ; la position adoptée est celle, traditionnelle, de l’accouchement à l’époque – au Moyen-Orient mais certainement ailleurs aussi –, et elle présente son enfant comme on le verra par la suite dans la plupart des représentations. »
Mes commentaires :
1- Datation de la frise (69 apr. J.-C.)
J’ai déjà expliqué précédemment qu’il est impossible de dater précisément cette frise, et que la datation de 69 apr. J.-C. est hautement improbable. Je rappelle succinctement les arguments.
Les annales impériales chinoises ne parlent pas de cette frise (contrairement à ce que le père Gallez laisse entendre). Le raisonnement de P.Perrier est le suivant : le songe de Mingdi, rapporté dans les annales chinoises est daté de 69. D’après P.Perrier, ce songe ne concerne pas Bouddha, mais le Christ (démonstration faite par P.Perrier en introduisant dans le texte chinois des mots qui lui permettent de déduire que le personnage vu en songe par l’empereur Ming est le Christ). Donc la frise représente le songe de Mingdi et date de 69. J’ai tenté de montrer que ce raisonnement était faux, car :
- Le texte du songe de Mingdi ne parle pas du Christ.
- La « reconnaissance » de signes chrétiens dans la frise ne tient pas : tous ces signes sont anachroniques. Si la frise date de 69, et si on y voit effectivement des croix et des auréoles, elle ne peut pas être chrétienne.
- Le songe de Mingdi est unanimement reconnu par les historiens comme une légende créée à la fin du IIème siècle. Donc la frise ne peut en aucun cas, si elle représente le songe de Mingdi (qu’elle soit bouddhique ou chrétienne), dater d’avant la fin du IIe siècle. Par ailleurs A.Thote l’a datée du IIIe siècle.
2- Représentation de la Vierge Marie ?
Voilà la photo censée représenter la Vierge Marie, dans « Thomas fonde l’Eglise en Chine »
J’avoue que je n’ai pas assez d’imagination pour reconnaître la Vierge avec son enfant dans cette photo. Le personnage me fait plutôt penser à un homme, quand à l’enfant, il est invisible comme le dit P.Perrier : « Un éclairage rasant met en évidence des rayures horizontales et verticales à l’emplacement de la tête de l’enfant, probablement pour les faire disparaître, ce qui a été réussi comme on le voit sur le premier croquis, qui ignore la présentation de l’enfant au visiteur ».
P.Perrier utilise ici un procédé qu’il utilise également par ailleurs : puis qu’on ne le voit pas, c’est qu’il a été supprimé (argument aussi utilisé pour voir une croix là où n’apparaît qu’un T, mais c’est parce que la branche de la croix a été supprimée (?)).
Pour moi, il n’y a aucun argument scientifique dans cette « démonstration ».
A noter la phrase du père Gallez : « À ce moment-là, il y a déjà presque 20 ans que la Vierge Marie a quitté cette terre (en 51 selon les traditions orientales). Sa représentation n’a donc en soi rien de surprenant… ». Cela est au contraire très surprenant, car ce serait la seule connue avant les années 270-280.
Pardon, je n’avais pas vu la question plus tôt.
Cet article commence par 2 paragraphes sur la frise de Kong Wang Shan, puis sans liaison évidente, par d’autres images « primitives » de la Vierge Marie.
Je ne commenterai que ces 2 premiers paragraphes (à signaler quand même que la datation de la fresque de la catacombe de Priscilla, annoncée par le père Gallez comme d’environ l’an 150, est un « scoop », car les livres d’historiens la datent du début du IIIe siècle : voir Le premier art chrétien (1966) de A. Grabar, page 108, et Les premières images chrétiennes (1996) de F. Tristan, page 304, ouvrages qui font référence jusqu’à présent.)
Ces 2 premiers paragraphes :
« Pour tous ceux qui connaissent déjà les recherches les plus récentes, la représentation la plus ancienne que l’on possède de la Vierge Marie se trouve en Chine, sur la falaise de Kong Wang (port de Lianyungang), et elle remonte à l’année 69 – au plus tard au début de l’an 70 – selon les annales impériales chinoises.
À ce moment-là, il y a déjà presque 20 ans que la Vierge Marie a quitté cette terre (en 51 selon les traditions orientales). Sa représentation n’a donc en soi rien de surprenant ; la position adoptée est celle, traditionnelle, de l’accouchement à l’époque – au Moyen-Orient mais certainement ailleurs aussi –, et elle présente son enfant comme on le verra par la suite dans la plupart des représentations. »
Mes commentaires :
1- Datation de la frise (69 apr. J.-C.)
J’ai déjà expliqué précédemment qu’il est impossible de dater précisément cette frise, et que la datation de 69 apr. J.-C. est hautement improbable. Je rappelle succinctement les arguments.
Les annales impériales chinoises ne parlent pas de cette frise (contrairement à ce que le père Gallez laisse entendre). Le raisonnement de P.Perrier est le suivant : le songe de Mingdi, rapporté dans les annales chinoises est daté de 69. D’après P.Perrier, ce songe ne concerne pas Bouddha, mais le Christ (démonstration faite par P.Perrier en introduisant dans le texte chinois des mots qui lui permettent de déduire que le personnage vu en songe par l’empereur Ming est le Christ). Donc la frise représente le songe de Mingdi et date de 69. J’ai tenté de montrer que ce raisonnement était faux, car :
- Le texte du songe de Mingdi ne parle pas du Christ.
- La « reconnaissance » de signes chrétiens dans la frise ne tient pas : tous ces signes sont anachroniques. Si la frise date de 69, et si on y voit effectivement des croix et des auréoles, elle ne peut pas être chrétienne.
- Le songe de Mingdi est unanimement reconnu par les historiens comme une légende créée à la fin du IIème siècle. Donc la frise ne peut en aucun cas, si elle représente le songe de Mingdi (qu’elle soit bouddhique ou chrétienne), dater d’avant la fin du IIe siècle. Par ailleurs A.Thote l’a datée du IIIe siècle.
2- Représentation de la Vierge Marie ?
Voilà la photo censée représenter la Vierge Marie, dans « Thomas fonde l’Eglise en Chine »
J’avoue que je n’ai pas assez d’imagination pour reconnaître la Vierge avec son enfant dans cette photo. Le personnage me fait plutôt penser à un homme, quand à l’enfant, il est invisible comme le dit P.Perrier : « Un éclairage rasant met en évidence des rayures horizontales et verticales à l’emplacement de la tête de l’enfant, probablement pour les faire disparaître, ce qui a été réussi comme on le voit sur le premier croquis, qui ignore la présentation de l’enfant au visiteur ».
P.Perrier utilise ici un procédé qu’il utilise également par ailleurs : puis qu’on ne le voit pas, c’est qu’il a été supprimé (argument aussi utilisé pour voir une croix là où n’apparaît qu’un T, mais c’est parce que la branche de la croix a été supprimée (?)).
Pour moi, il n’y a aucun argument scientifique dans cette « démonstration ».
A noter la phrase du père Gallez : « À ce moment-là, il y a déjà presque 20 ans que la Vierge Marie a quitté cette terre (en 51 selon les traditions orientales). Sa représentation n’a donc en soi rien de surprenant… ». Cela est au contraire très surprenant, car ce serait la seule connue avant les années 270-280.