V) Au temps du Reich triomphant :
Les succès foudroyants de la Wehrmacht jusqu'au milieu de l'année 1940 furent impressionnants et surprirent tout le monde. Dans ce contexte, le Vatican choisit de rester dans une stricte neutralité pour éviter que le moindre parti-pris ne soit récupéré par les propagandes des belligérants. Cette neutralité fut difficile à maintenir, tant chaque pays voulût utiliser le Saint Siège et sa potentielle influence sur des millions de personne à son profit.
La première difficulté, nous l'avons déjà vu avec la Pologne, fut l'influence que l'Allemagne voulait exercer auprès de la nomination des nonciatures et des évêques. Dès l'invasion de la Belgique et des Pays-Bas, le nonce allemand Orsenigo reçut un mot du gouvernement allemand comme quoi les nonciatures de La Haye et de Bruxelles n'existaient plus, et que toute relation avec ces pays devait passer par la nonciature de Berlin. Orsenigo eut beau expliquer qu'un nonce n'est pas qu'un diplomate poloitique, mais aussi investi d'une mission religieuse, Weizsäcker ne l'entendait pas de cette oreille, et fit rappeler les nonces concernés. Le Vatican n'eut pas vraiment le choix, au vu des circonstances.
Ce qui fut plus étonnant est que l'Angleterre se comporta de façon similaire. Le délégué apostolique d'Angleterre, Mgr Riberi (rien à voir avec celui que vous connaissez
) étant de nationalité italienne, donc ennemie, il n'était pas bon qu'il restât à son poste. Mgr Tardini expliqua tant qu'il put la vacuité de cet argument, mais le gouvernement resta intraitable. Pie XII lui-même intervint, sans plus de succès, et fut obligé de rappeler Mgr Riberi.
Ces ingérences du politique dans l'administration de l'Eglise portait à mal la décision de neutralité du Saint-Siège. Pie XII préféra obtempérer, non par faiblesse, mais pour conserver la neutralité et pouvoir agir autrement, même si ces décisions forcées compliquaient grandement les possibilités du Vatican d'aider les populations. Toutefois, chaque pays belligérant qui obtenait quelque chose du Saint-Siège allait encore plus loin. Quand l'Allemagne obtint le rappel des nonces belges et hollandais, il demanda la nimination d'éveues allemands en Pologne. On repartait de zéro, et le pape dut, au nom de la Vérité, s'y opposer, au prix, nous l'avons vu, de nouvelles persécutions.
Dans ce domaine, le cardinal Maglione fut d'un courage exemplaire pour faire triompher la Vérité. Lorsque l'ambassadeur du Reich Menshausen parlait de la politique du Reich en Alsace-Lorraine comme modérée et respectueuse des droits de l'homme, et se plaignait que Radio-Vatican fît mauvaisse presse aux actiosn allemandes, le cardinal Maglione répondait de façon ironique : "En effet, la politique de l'Allemagne est très modérée et respectueuse des droits de l'homme : expulsion dans les deux heures de l'évêque de Metz par la Gestapo, pillage à Innsbruck d'un couvent capucin par la Gestapo, en ravissant jusqu'au repas de la communauté, fermeture des écoles catholiques et des séminaires, innombrables persécutions un peu plus à l'est, etc... Menshausen voulut se procurer le texte de l'émission, sans succès, et accusa, devant un tel refus du Saint-Siège, le Vatican d'être l'état le plus totalitaire qui soit (sic!).
La propagande allemande fit pire : elle inventa des émissions soit-disant infamantes pour obliger le Vatican à reconnaître un parti pris. De l'autre côté, la propagande alliée reprenait les émissions de Radio-Vatican, en y ajoutant des choses qui n'avaient pas été dites par le pape, et qui accusaient le Saint-Père de compromissions avec les puissances de l'Axe. On voit bien, dans ce contexte, combien était difficile une allocution publique du Saint-Siège, tant les risques de récupérations de toutes sortes étaient grandes. C'est pourquoi Pie XII décida au cours de l'année 1940 de limiter au strict minimum les émissions radio-diffusées, tout en continuant la guerre de l'information et de la Vérité.
Ce ne fut pas tout. Pour compliquer encore la situation, le Vatican et sa liberté d'expression étaient également menacé par la presse fasciste. Si les rapports avec Mussolini étaient encore bons en 1940, ce qui se disait sur l'attitude du Vatican était empreint de propagande et d'erreurs importantes qui servaient les intérêts fascistes. Difficile donc de rétablir la vérité, tout en conservant de bonnes relations avec Mussolini, que Pie XII voulait à cette époque éloigner le plus longtemps possible de la guerre.
De plus, le 06 novembre 1940, Roosevelt fut réélu pour la troisième fois, et poursuivit sa politique d'aide au Royaume Uni, sans entrer formellement dans la guerre. Pie XII félicita le président pour sa réélection. Roosevelt, toutefois céda à la tentation de faire faire une protestation publique du Vatican à l'encontre du Reich, pour servir les intérêts alliés. Pie XII flaira le piège, et se borna à rappeler la supériorité de la loi de Dieu sur celle des hommes. Ceci permit néanmoins de conserver de très bons rapports diplomatiques avec l'Amérique.
En revanche, le Vatican put quand même intervenir de façon efficace durant l'année 1941 en Espagne. En effet, les Etats-Unis étaient en lien avec Franco pour éviter que le général rejoigne les forces de l'Axe, au moment où l'Allemagne s'apprétait à lancer l'opération Barbarossa contre l'URSS. Lorsque l'opération fut déclenchée le 22 juin 1941, de grands troubles éclatèrent en Espagne envers l'ambassade britannique. Le cardinal Maglione télégraphia au nonce de Madrid pour calmer au plus vite les esprits dans ce contexte tendu. Les évêques espagnols y parvinrent assez rapidement, ce qui apaisa les relations diplomatiques entre l'Espagne et l'Angleterre, et évita sans doute un raidissement du régime de Franco.
Et pendant ce temps, la lutte pour la paix du pape Pie XII continuait...