Pie XII et la shoah

Anthropologie - Sociologie - Histoire - Géographie - Science politique
jean_droit
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 8381
Inscription : jeu. 08 déc. 2005, 13:34
Localisation : Périgord

Re: Pie XII - Des milliers de Juifs sauvés...

Message non lu par jean_droit » ven. 02 juil. 2010, 11:54

Des chercheurs américains ont trouvé dans les archives du Vatican des documents montrant bien l'aide portée par Pie XII aux juifs.
C'est une fondation juive américaine qui l'a découvert.

L'article de Americatho est le plus complet de tous les articles des différents sites internet.

http://www.americatho.org/article-pave- ... 02469.html

Début article :
Pave the Way révèle des documents sensationnels sur Pie XII et les Juifs
La fondation américaine Pave the Way, créée et dirigée par des juifs américains a révélé, mardi dernier, l’existence de documents sensationnels découverts par ses chercheurs dans une partie des Archives secrètes du Vatican, récemment ouverte, des documents qualifiés « de grande importance » par la fondation.
Michael Hesemann, historien représentant de Pave the Way en Allemagne, a découvert une lettre du cardinal Eugenio Pacelli, futur Pie XII, datée du 30 novembre 1938, trois semaines après la funeste « Nuit de Cristal ». Dans cette lettre, adressée par le cardinal Secrétaire d’État à toutes les nonciatures et délégations apostoliques, ainsi qu’à 61 évêques européens, Eugenio Pacelli demandait 200 000 visas pour des « catholiques non aryens » (mot de code pour « juifs », comme on le verra plus loin). Un moi plus tard, le 9 janvier 1939, il envoyait trois nouvelles lettres aux mêmes destinataires.

Avatar de l’utilisateur
taupin
Barbarus
Barbarus

Re: Pie XII - Des milliers de Juifs sauvés...

Message non lu par taupin » jeu. 08 juil. 2010, 8:13

Un article récent du jewish chronicle (le plus ancien périodique israélite) invite à reconnaître Pie XII comme juste.

End this misguided criticism of 'Hitler's Pope'
"Jewish interference in papal moves to canonise Pius XII are entirely misplaced"
"Pius risked his life plotting against Hitler. He also saved thousands of Jewish lives by securing forged papers to facilitate Jews’ emigration to Palestine, as well as by ordering Jews to be hidden and cared for in buildings belonging to the Church"

David Conway, January 7, 2010

http://www.thejc.com/comment/comment/25 ... tlers-pope

Cinci
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 11765
Inscription : lun. 06 juil. 2009, 21:35
Conviction : catholique perplexe

Re: Pie XII - Des milliers de Juifs sauvés...

Message non lu par Cinci » mar. 24 août 2010, 1:45

Des nouvelles de Pierre Blet, Cgs ?

[...]


http://fr.wikipedia.org/wiki/L%C3%A9on_Poliakov
(Léon Poliakov, un autre à connaître)

Sur la page Wiki l'on trouve :

«[...] Léon Poliakov est également le premier historien à mettre en cause l'attitude du pape Pie XII et du Vatican durant l'Holocauste.»

Seulement :

«... dans un article intitulé « Le Vatican et la question juive » : « Pie XII mit personnellement plusieurs kilos d’or à la disposition des Juifs de Rome lorsqu’une participation de leur part fut exigée des Allemands. Tout au long des neuf mois que dura l’occupation de Rome des dizaines de Juifs Romains trouvèrent refuge dans les édifices du Vatican. »

Le même [Poliakov] dans « Bréviaire de la Haine » calman Lévy 1951: « Face à la terreur hitlérienne, les Eglises déployèrent sur le plan de l’action humanitaire une action inlassable et inoubliable avec l’approbation ou sous l’impulsion du Vatican. »

http://www.terredisrael.com/wordpress/?p=16891

Avatar de l’utilisateur
Cgs
Prætor
Prætor
Messages : 2840
Inscription : mar. 24 mars 2009, 14:20
Conviction : Catholique

Re: Pie XII - Des milliers de Juifs sauvés...

Message non lu par Cgs » dim. 12 sept. 2010, 18:21

Titre : Pie XII et la seconde guerre mondiale d'après les archives du Vatican
Auteur : P. Pierre Blet s.j.
Editions Perrin

Le livre est un recueil d'archives historiques provenant du Saint Siège, dont S. S. Paul VI a autorisé la diffusion en 1964. Ces documents sont les lettres, documents, discours du pape, notes de la Secrétairie d'Etat du Vatican, les notes diplomatiques, la correspondance du Saint-Siège avec les différentes nonciatures concernées et lesautres éléments qui relatent, avec une précision parfois surprenante, les faits et les relations du Vatican avec le reste du monde, et particulièrement les belligérants.

Ces documents ont été compilés par le Père Blet et trois de ses confrères de 1965 à 1982, afin de pouvoir le publier en douze volumes, intitulés "Actes et documents du Saint-Siège relatifs à la seconde guerre mondiale". Ce travail d'érudit a pu être vulgarisé dans le livre dont la référence figure ci-dessus.

Ce travail est une réponse définitive aux gens qui se croient informés en affirmant que Pie XII n'a rien fait pendant la guerre. Si l'on aborde le sujet, cette référence de Pierre Blet devrait définitivement clore le débat. En particulier, il fait voler en éclat les préjugés suivants :

:arrow: le Pape avait le pouvoir d'arrêter la guerre
:arrow: le Pape n'a rien fait ni rien dit
:arrow: les alliés ont joué un rôle clair et facilité l'action du Vatican (c'est faux : en réalité, ils ont tenté de mouiller le Saint-Siège pour servir leurs objectifs, sans regarder aux conséquences éventuelles en vies humaines)
:arrow: les allemands étaient hostiles en tous points au Saint-Siège (en réalité, certains hauts-dignitaires allemands, par exemple l'ambassadeur Ernst von Weizsäcker, ont fait de nombreux efforts pour éviter une rupture diplomatique totale entre l'Allemagne et le Vatican, ce qui a eu des répercussions concrètes sur le terrain et le cours de la guerre)

Je n'en liste pas d'autres, les faits parleront d'eux-mêmes. Je vais reprendre les principales parties du livre en donnant quelques exemples (mais promis, je ne révèle pas la fin :) ).
Cgs
Mes propos qui apparaissent en vert comme ceci indiquent que j'agis au nom de la modération du forum.

Avatar de l’utilisateur
Cgs
Prætor
Prætor
Messages : 2840
Inscription : mar. 24 mars 2009, 14:20
Conviction : Catholique

Re: Pie XII - Des milliers de Juifs sauvés...

Message non lu par Cgs » dim. 12 sept. 2010, 18:56

I) Le Vatican a tout fait pour éviter la guerre.

Le premier chapitre attaque fort. Au vu des très nombreux courriers, dépêches, télégrammes entre le Vatican et les pays d'Europe, on voit bien que le pape a voulu très vite éviter le pire. Le 2 mars 1939, Eugenius Cardinalis Pacelli devient Pius XII. Le lendemain matin à 11 heures, Pie XII prononce un discours sur la paix. L'élection de Pie XII et son discours sont acclamés par la plupart des pays, sauf l'Allemagne. Le 11 mars, le cardinal Maglione est nommé Secrétaire d'Etat. Mgr Tardini reste Secrétaire de la Congrégation des Affaires Ecclésiastiques extraordinaires (il occupe le poste depuis 1937). Ces deux hommes, avec le pape Pie XII, mèneront de front toutes les actions du Saint-Siège durant la seconde guerre mondiale.

Et ils durent très vite réagir. Le 15 mars, les troupes allemandes entrent dans Prague, violant l'accord conclu avec les alliés conclu en septembre 1938. La diplomatie vaticane communiqua avec les nonces des différents pays pour formuler des inquiétudes quant aux événements. Le 7 avril, jour du vendredi saint, l'Italie bombarde Tirana et occupe l'Albanie. Le dimanche suivant (Pâques), Pie XII, dans son homélie, confie son inquiétude quand à la paix qui se fissure, et prophétise de grands troubles dans les mois et les années à venir.

Le 14 avril, Roosevelt demande aux pays de l'Axe d'observer un moratoire d'invasion de dix ans pour tout un ensemble de pays d'Europe. Il demande également de l'aide au Vatican pour appuyer sa demande. Ce dernier juge l'intercession auprès de l'Allemagne dangereuse, et ne prend pas le risque de paraître pro-allié à ce moment-là. En revanche, dans la mesure où les rapports avec Mussolini sont bons, le Saint-Siège tente une démarche, sans se faire véritablement d'illusion sur son issue. Le pape, à la demande croissante de nombreux fidèles de toute l'Europe, va tenter de persuader le Duce de convoquer une conférence internationale pour régler les différends entre nations européennes. Mussolini approuve le projet. Le 3 mai, lendemain de l'entrevue avec le Duce, quatre télégrammes partent pour la France, l'Allemagne, l'Angleterre et la Pologne, pour exposer le projet de conférence internationale. Le projet fut reçu par l'Angleterre et la France de façon froide, au vu de l'échec de la conférence de Munich l'an passé. L'Allemagne et la Pologne remercient la sollicitude du pape, mais refuse l'idée d'une conférence. Les nonces de ces pays, en tâtant le terrain, se rendent compte qu'une action discrète du pape serait plus efficace, et mettrait moins le feu aux poudres. Pie XII en prend acte.

Le 6 juin, le Père Venturi, déjà intervenu auprès du Duce, revient voir Mussolini pour tenter encore une médiation et apaiser les vues de Hitler sur la Pologne. mais Mussolini a changé d'avis et croit la guerre inévitable. C'est peu après la signature du pacte d'acier entre l'Allemagne et l'Italie... La situation s'envenime peu à peu. Les troupes allemandes s'amassent aux frontières polonaises, et l'Angleterre menace d'entrer en guerre en cas d'attaque de la Pologne...

Le 24 août à 19h, Pie XII diffuse un message radio, rédigé avec soin par le substitut Montini, et corrigé de sa main. le souverain pontife affirme avec force que "c'est par la force de la raison, et non par celle des armes, que la justice fait son chemin [...] rien n'est perdu avec la paix, tout peut être perdu par la guerre". Ce discours ne fut pas au goût des alliés, il était trop timoré, et ne condamnait pas assez l'ennemi allemand. Pourtant, Hitler, qui avait prévu l'attaque de la Pologne dans la nuit du 25 au 26 août, différa l'attaque, et ce fut un temps précieux de gagné pour la paix. Les négociations diplomatiques reprirent de plus belles, sur des bases à peine apaisées, mais néanmoins plus sereines.

En particulier, le Vatican demanda une nouvelle fois à Mussolini de jouer le rôle d'intermédiaire auprès de l'Allemagne pour la Pologne et Dantzig. Le Duce fut flatté de la sollicitude du pape à son égard, et conseilla de convaincre la Pologne de lâcher Dantzig pour la paix future. Toutefois, le pape et Mgr tardini comprirent que cette offre pouvait n'être qu'un moyen de grignoter la Pologne, et après l'obtention de Dantzig, on repartirait de zéro, avec la même menace allemande. Mais le Vatican accepta quand même de jouer ce jeu risqué, en informant l'Angleterre, et en convaincant la Pologne de la nécessité de contrôler les vexations des minorités allemandes dans le couloir de Dantzig, et ce au niveau international. Le 31 août, le pape renouvela l'appel du 24 août, et au même moment fit partir des dépêches aux cinq grandes puissances européennes pour négocier la paix. Le 31 au soir, l'ambassadeur Ribbentrop et son homologue polonais se rencontrèrent, pour un simulacre de réunion. Quand les réponses commencent à arriver au Saint-Siège le 1er septembre, la Wehrmacht entre en Pologne...

En bref, le Saint-Siège a tout fait pour tenter d'amener les grandes puissances à s'entendre pour la paix. La complexité de la situation internationale et la détermination des alliés comme des puissances de l'axe à ne pas céder, n'a pas pu éviter le pire.
Cgs
Mes propos qui apparaissent en vert comme ceci indiquent que j'agis au nom de la modération du forum.

Avatar de l’utilisateur
Cgs
Prætor
Prætor
Messages : 2840
Inscription : mar. 24 mars 2009, 14:20
Conviction : Catholique

Re: Pie XII - Des milliers de Juifs sauvés...

Message non lu par Cgs » dim. 12 sept. 2010, 19:12

II) Pie XII, Mussolini et Roosevelt :

Au moins pour un temps, Mussolini reste en dehors de l'attaque de la Pologne. Le Père Venturi a au moins convaincu le Duce de ne pas intervenir...

Jusqu'à la fin de l'année 1939, Pie XII continue son oeuvre de paix, malgré les pressions françaises et anglaises d'amener les pays neutres à prendre part à la guerre. Il permet ainsi de conserver, au moins pour un temps, la neutralité de l'Italie. Le Duce ira même persuader Hitler de reconstituer un état polonais indépendant sous contrôle du Reich, afin de désamorcer les raisons d'entrer en guerre de la part de la France et de l'Angleterre.

Parallèlement à cela, Pie XII continue de renforcer les liaisons diplomatiques avec Londres et Washington au début de l'année 1940. Les alliés étaient d'accord sur une chose : la guerre était inévitable, mais on pouvait essayer de tenir l'Italie hors du conflit le plus longtemps possible. Le Vatican voyait ainsi ses efforts de persuasion auprès de Mussolini couronnés d'un bref succès. De plus, la venue de Ribbentrop au Vatican le 11 mars avait convaincu le Saint Père que l'Allemagne ne changerait pas d'avis : elle allait remporter sur le monde une victoire décisive, point barre. En revanche, le pape put discuter de la situation des catholiques en Allemagne, point que nous verrons plus loin.

Les efforts du pape pour modérer les initiatives alliées à rendre la guerre inévitable, et pour tenir l'Italie hors de la guerre se poursuivent, mais l'Italie, sous les pressions allemandes, finit par entrer en guerre le 10 juin 1940. Le 25 juin, la France s'effondre en six semaines sous la Blitz Krieg. Le Vatican joue un rôle important dans les demandes d'armistice des différents pays annexés par l'Allemagne (Pays-Bas, Belgique et France), mais le gouvernement français, au début favorable à l'intercession du Saint-Siège, s'en écarte pour traiter directement avec l'Allemagne et l'Italie. Ainsi, le pape est mis à l'écart des négociations de paix, et devra poursuivre son action de façon plus discrète.

Dans le mois de juillet 1940, l'Allemagne, qui voit monter la menace à l'Est, propose la paix à l'Angleterre. Cette dernière n'est pas dupe et néglige cette proposition. Le cardinal Maglione y voit une chance de trève, et rédige un message à l'attention de l'archevéché de Westminster, afin de convaincre l'Angleterre de considérer la proposition allemande. Le texte sera retouché par Pie XII, mais d'une part, l'archévêque ne croyait pas vraiment au désir de paix de Hitler, et Osborne, le ministre anglais, refusera finalement de considérer cette offre. A ce stade, toutes les ressources de la diplomatie étaient épuisées...
Cgs
Mes propos qui apparaissent en vert comme ceci indiquent que j'agis au nom de la modération du forum.

Avatar de l’utilisateur
Anne
Prætor
Prætor
Messages : 6923
Inscription : jeu. 21 févr. 2008, 1:05
Conviction : Catholique romaine
Localisation : Provincia Quebecensis

Re: Pie XII - Des milliers de Juifs sauvés...

Message non lu par Anne » lun. 13 sept. 2010, 1:54

:> Très intéressant, Charles!

Merci à vous de condenser cette information et de nous la présenter! :clap:
"À tout moment, nous subissons l’épreuve, mais nous ne sommes pas écrasés;
nous sommes désorientés, mais non pas désemparés;
nous sommes pourchassés, mais non pas abandonnés;
terrassés, mais non pas anéantis…
".
2 Co 4, 8-10

Avatar de l’utilisateur
Cgs
Prætor
Prætor
Messages : 2840
Inscription : mar. 24 mars 2009, 14:20
Conviction : Catholique

Re: Pie XII - Des milliers de Juifs sauvés...

Message non lu par Cgs » lun. 13 sept. 2010, 8:58

III) Le pape et l'Eglise d'Allemagne :

Depuis 1933, date du concordat entre l'Eglise et l'Allemagne, des garanties avaient été prises pour respecter les croyances religieuses et l'organisation de l'Eglise sur le territoire allemand. Peu à peu, le régime nazi a oublié ce qu'il avait signé, et une véritable persécution contre l'Eglise s'installe en Allemagne, notamment après l'encyclique Mit brennender Sorge du 19 mars 1937. L'encyclique dénonce le nazisme comme une machine totalitaire, l'apostasie en Jésus-Christ, le triomphe du matérialisme, le culte de la force, l'idolâtrie de la race et du sang, etc. L'activité pastorale de l'Eglise fut restreinte par la force, victime de gestes et propos vexatoires, des perquisitions dans les évéchés furent réalisées par la Gestapo. Une ordonnance du 29 décembre 1937 imposa la fermeture de 82 établissements catholiques d'enseignement. De même, dans la foulée, en Autriche juste après l'annexion allemande, les facultés de Salzbourg sont autoritairement fermées, la faculté de théologie d'Innsbrück est dissoute, les religieuses sont expulsée des écoles et des hôpitaux, et ce, au mépris du concordat de 1934 entre l'Eglise et l'Autriche.

Le pape réagit très vite, et dès Noël 1937, il n'hésite pas à qualifier les actes du régime national-socialiste de "persécutions contre l'Eglise". En revanche, en 1939, le contexte a changé, et il devient de plus en plus difficile de protester publiquement, tant la machine nazi s'emballe. Il oeuvrera donc plus discrètement, en communiquant beaucoup avec les nonces des pays annexés par l'Allemagne et avec l'épiscopat. La politique du Saint-Siège fut claire dès que Pie XII fut élu souverain pontife : avec les cardinaux allemands Bertram, Faulhaber et Schukle, le pape était d'accord pour fare tout ce qui était possible pour conserver un lien diplomatique avec l'Allemagne. En effet, la seule façon d'arrêter ce régime dans son escalade était de pouvoir faire entendre raison à certains de ses membres, ce qui n'était plus possible si l'Allemagne rompait définitivement les relations avec Rome. Le pape se souvient de la réaction de son prédécesseur Léon XIII, qui, en 1878, opta pour une politique similaire envers la Prusse, ce qui désamorça progressivement la culture du KulturKampf. Mais cette politique, au vu de la force de la propagande nazie, s'avèrera difficile. A ce moment-là, le cardinal Faulhaber est persuadé qu'en Allemagne, on ne veut que la guerre, et que l'on écoutera rien. Toutefois, il a confiance dans l'action de Pie XII pour tenter toutes les manoeuvres pour la paix possibles.

Le Saint-Siège s'emploiera à communiquer les persécutions nazies, à combattre idéologiquement le néo-paganisme nazi, et l'ensemble des évêques allemands aidèrent sur le terrain pour éviter que la parole de l'Eglise soit noyée dans la propagande de Goebbels. En particulier, ils informèrent de près Rome de la réelle situation en Allemagne de l'Eglise, situation déformée par la presse nationale-socialiste. Cet état de fait dura jusqu'à la fin de la guerre, et le pape, qui voulait réagir face aux persécutions, fut très souvent réduit au silence par voie de faits. Toutefois, l'objectif fut atteint : jamais l'Allemagne ne rompit ses relations avec le Saint-Siège. Le nonce Orsenigo, proche du cardinal Bertram, reconduit dans ses fonctions par Pie XII au moment de son élection comme pape, fit un travail formidable, et joua sur les deux tableaux pour éviter le pire en Allemagne. En particulier, à la fin de la guerre lorsque l'Allemagne croulait sous les assauts alliés, le lien avec Rome permit d'éviter les pires catastrophes. Nous y reviendrons.
Cgs
Mes propos qui apparaissent en vert comme ceci indiquent que j'agis au nom de la modération du forum.

Avatar de l’utilisateur
Cgs
Prætor
Prætor
Messages : 2840
Inscription : mar. 24 mars 2009, 14:20
Conviction : Catholique

Re: Pie XII - Des milliers de Juifs sauvés...

Message non lu par Cgs » sam. 18 sept. 2010, 11:31

IV) L'Eglise dans la Pologne envahie :

Dès 1939, la Pologne était dans l'étau. A l'ouest, la puissance allemande, à l'est, le régime communiste. Les deux puissances ont, dès la fin des années 30, mis en oeuvre la persécution religieuses à grande échelle, sans aucun égard pour la dignité humaine. Lorsque l'Allemagne attaque la Pologne le 11 septembre 1939, tout le monde attend une condamnation du Saint-Siège au vu de la cruauté et de la violence de l'attaque, tant à l'égard des militaires que des civils polonais. Pourtant, Pie XII préfèrera ne pas politiser son discours, et adresser plutôt une paroel de réconfort auprès de la population. Dans l'encyclique Summi Pontificatus, Pie XII inclut des éléments de réconfort pour les polonais, comme le primat de Pologne le demande. Le cardinal Hlond remerciera le Saint Père pour son initiative qui a permis aux polonais de se sentir soutenu, là où toute les autres puissances alliées ne manifestaient pas particulièrement d'égards à la population polonaise.

Pendant les années qui suivent, la situation de l'Eglise en Pologne est dramatique : de nombreux sièges épiscopaux sont vacants, de nombreux clercs sont déportés. On estime le nombre de mises à mort à 4 évêques, 1996 prêtres, 113 clercs, 238 religieuses. De plus, environ 5500 prêtres, religieux et soeurs seront déportées dans les camps de concentration, dont beaucoup mourront là-bas. Cela n'empêchera pas l'ambassadeur du Reich auprès du Saint-Siège, Diego Von Bergen, d'affirmer que "l'on envisage aucune interférence dans la vie religieuse des populations des territoires occupés". Il précise même que si les directives d'Hitler changent sur ce sujet des pratiques religieuses, l'ambassadeur en informerait le Vatican. Dans ce contexte de pure hypocrisie, les dirigeants allemands décidèrent de mettre à l'écart l'épiscopat polonais, pour le remplacer par des prélats allemands. Le 17 octobre 1939, l'Allemagne refusa que le cardinal Hlond revienne dans son diocèse, et demanda à ce que l'on y installe Mgr Frantz Hartz. Mais la nomination d'évêques étant du ressort du pape, l'Allemagne ne peut pas décider du transfert du prélat sans Rome. Mgr Tardini relayera la réponse du pape, très courageuse dans un contexte très tendu de persécution religieuse :
Mgr Tardini, le 20 octobre 1939 a écrit : Son Eminence ne croit pas opportun de confier en ce moment des diocèses polonais à des prélats allemands. Sa Sainteté reconnaît la justesse de cette observation et décide de surseoir.
Pour la suite fut loin d'être simple. Certains diocèses étant aux abois, Pie XII dut nommer des évêques allemands, notamment dans le diocèse de Chelmno-Pelplin. Le Saint-Père insista bien sur le fait que que c'était une mesure provisoire en raison de la situation extrême que l'épiscopat polonais vivait, mais les polonais prirent cette décision comme une trahison du concordat de 1925, qui n'autorisait pas la nomination d'évêques étrangers. Vu la situation, le vatican était dans une position très délicate, voulu par Berlin. L'Allemagne voulait forcer la main du Vatican, et exigea désormais que toute nomination d'évêques passât par Berlin.

Le cardinal Maglione répondit très clairement, au risque de dégrader les relations avec le Reich, qu'il en était hors de question. Jamais l'administration de l'Eglise n'avait été modifiée sous la pression d'un belligérant, et la nomination d'évêque ne concernait pas le pouvoir politique. Et effectivement, la réaction d'Hitler fut immédiate : l'Allemagne ne prendrai plus en compte les requêtes du Saint-Siège concernant les territoires annexés hors de l'ancien Reich.

Dans ce contexte, les persécutions continuent. Pie XII décide d'utiliser la radio pour informer de la situation polonaise. Il y est écrit explicitement les exactions nazies, qualifiées de barbares et violentes. Ces dénonciations publiques, qui sont venues alors que toutes les autres solutions avaient été mise en oeuvre sans aucune efficacité, ont eu un écho très important dans la presse mondiale, et très bien accueillie par les Alliés. Pourtant, la réaction allemande ne se fit pas attendre : le conseiller d'ambassade Menshausen s'adresse à la Secrétairie d'Etat du Vatican pour déplorer la dernière émission de Radio-Vatican, qui véhiculait un sentiment anti-allemand à l'échelle mondiale, ce qui aurait "des répercussions désagréables"...

Les faits suivants explicitèrent ce que les dirigeants du IIIème Reich avaient derrière la tête quand ils parlaient de répercussions désagréables. Le Saint-Siège comprit immédiatement que ces mots constituaient de graves menaces pour l'avenir, et Maglione fit interrompre l'émission, pour montrer la bonne foi du Saint-Siège quant à l'image de l'Allemagne aux yeux du monde. L'objectif était néanmoins atteint : le Vatican avait su dénoncer les exactions nazies, mais en conservant des relations diplomatiques avec le Reich. Malheureusement, les conséquences de ces dénonciations aggravèrent quand même la situation, la machine nazie s'accomodant peu de la morale la plus élémentaire : les prêtres ne pouvaient plus quitter la Pologne envahie, la persécution envers les civils s'accentua, les églises furent fermées autoritairement, et le dialogue entre l'Eglise en Pologne et le Saint-Siège fut de plus en plus difficile, au point que l'on avait du mal à savoir ce qui se passait là-bas. Dénoncer publiquement eu un coût certain en vies humaines...

Les appels au Vatican pour supplier d'arrêter le massacre en pologne étaient très nombreux. Malheureusement, la tactique de dénonciation publique avait prouvé son inefficacité. ll fallait trouver autre chose, même si les polonais commençaient à presser le Vatican de dénoncer encore publiquement les exactions du régime nazi. Pie XII se concentra plutôt, de façon discrète sur la priorité absolue de réorganiser l'épiscopat en Pologne, afin d'avoir des relais efficaces sur le terrain. Les prélats polonais pressaient le pape de nommer un nonce apostolique allemand, et un autre polonais, pour éviter le pire. Pie XII le fit, avec un certain délai, non convaincu de cette nécessité, mais cela permit d'atténuer temporairement les persécutions.

Un autre élément qui mit le Saint-Siège dans une situation très délicate fut la propagande allemande. Cette dernière affirmait que tout ce qui était fait en Pologne était approuvé par le Saint-Siège. Rome se devait de réagir face à ces mensonges, mais une prise de position publique aggravait les persécutions. Le Saint-Siège décida plutôt d'agir discrètement, dans les couloirs des chancelleries. Mais les Alliées et les victimes de la guerre n'en avaient pas conscience, et étaient victimes de la propagande nazie qui affirmait faussement que le Vatican approuvait l'action du Reich. D'où une extrême ambiguité à l'époque en pologne durant les années 1941, 1942 et 1943, ambiguité qui fut levée plus tard lorsque le Saint-Siège intervient à nouveau à visage plus découvert vers la fin de la guerre.
Cgs
Mes propos qui apparaissent en vert comme ceci indiquent que j'agis au nom de la modération du forum.

Cinci
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 11765
Inscription : lun. 06 juil. 2009, 21:35
Conviction : catholique perplexe

Re: Pie XII - Des milliers de Juifs sauvés...

Message non lu par Cinci » lun. 20 sept. 2010, 4:38

Cgs,

Merci pour l'effort. Comme s'astreindre à retaper le texte est parfois un peu comme une punition. Je le sais. N'ayez crainte en tout cas. Car je lis bien ce que vous écrivez. Puis ce dernier post en particulier est intéressant. Ce n'est pas mauvais d'avoir un peu de détails sur l'Église sous l'occupation, je pense bien. Ça aide. On dira bien ce qu'on voudra.

:oui:

Avatar de l’utilisateur
Cgs
Prætor
Prætor
Messages : 2840
Inscription : mar. 24 mars 2009, 14:20
Conviction : Catholique

Re: Pie XII - Des milliers de Juifs sauvés...

Message non lu par Cgs » lun. 20 sept. 2010, 10:23

V) Au temps du Reich triomphant :

Les succès foudroyants de la Wehrmacht jusqu'au milieu de l'année 1940 furent impressionnants et surprirent tout le monde. Dans ce contexte, le Vatican choisit de rester dans une stricte neutralité pour éviter que le moindre parti-pris ne soit récupéré par les propagandes des belligérants. Cette neutralité fut difficile à maintenir, tant chaque pays voulût utiliser le Saint Siège et sa potentielle influence sur des millions de personne à son profit.

La première difficulté, nous l'avons déjà vu avec la Pologne, fut l'influence que l'Allemagne voulait exercer auprès de la nomination des nonciatures et des évêques. Dès l'invasion de la Belgique et des Pays-Bas, le nonce allemand Orsenigo reçut un mot du gouvernement allemand comme quoi les nonciatures de La Haye et de Bruxelles n'existaient plus, et que toute relation avec ces pays devait passer par la nonciature de Berlin. Orsenigo eut beau expliquer qu'un nonce n'est pas qu'un diplomate poloitique, mais aussi investi d'une mission religieuse, Weizsäcker ne l'entendait pas de cette oreille, et fit rappeler les nonces concernés. Le Vatican n'eut pas vraiment le choix, au vu des circonstances.

Ce qui fut plus étonnant est que l'Angleterre se comporta de façon similaire. Le délégué apostolique d'Angleterre, Mgr Riberi (rien à voir avec celui que vous connaissez :) ) étant de nationalité italienne, donc ennemie, il n'était pas bon qu'il restât à son poste. Mgr Tardini expliqua tant qu'il put la vacuité de cet argument, mais le gouvernement resta intraitable. Pie XII lui-même intervint, sans plus de succès, et fut obligé de rappeler Mgr Riberi.

Ces ingérences du politique dans l'administration de l'Eglise portait à mal la décision de neutralité du Saint-Siège. Pie XII préféra obtempérer, non par faiblesse, mais pour conserver la neutralité et pouvoir agir autrement, même si ces décisions forcées compliquaient grandement les possibilités du Vatican d'aider les populations. Toutefois, chaque pays belligérant qui obtenait quelque chose du Saint-Siège allait encore plus loin. Quand l'Allemagne obtint le rappel des nonces belges et hollandais, il demanda la nimination d'éveues allemands en Pologne. On repartait de zéro, et le pape dut, au nom de la Vérité, s'y opposer, au prix, nous l'avons vu, de nouvelles persécutions.

Dans ce domaine, le cardinal Maglione fut d'un courage exemplaire pour faire triompher la Vérité. Lorsque l'ambassadeur du Reich Menshausen parlait de la politique du Reich en Alsace-Lorraine comme modérée et respectueuse des droits de l'homme, et se plaignait que Radio-Vatican fît mauvaisse presse aux actiosn allemandes, le cardinal Maglione répondait de façon ironique : "En effet, la politique de l'Allemagne est très modérée et respectueuse des droits de l'homme : expulsion dans les deux heures de l'évêque de Metz par la Gestapo, pillage à Innsbruck d'un couvent capucin par la Gestapo, en ravissant jusqu'au repas de la communauté, fermeture des écoles catholiques et des séminaires, innombrables persécutions un peu plus à l'est, etc... Menshausen voulut se procurer le texte de l'émission, sans succès, et accusa, devant un tel refus du Saint-Siège, le Vatican d'être l'état le plus totalitaire qui soit (sic!).

La propagande allemande fit pire : elle inventa des émissions soit-disant infamantes pour obliger le Vatican à reconnaître un parti pris. De l'autre côté, la propagande alliée reprenait les émissions de Radio-Vatican, en y ajoutant des choses qui n'avaient pas été dites par le pape, et qui accusaient le Saint-Père de compromissions avec les puissances de l'Axe. On voit bien, dans ce contexte, combien était difficile une allocution publique du Saint-Siège, tant les risques de récupérations de toutes sortes étaient grandes. C'est pourquoi Pie XII décida au cours de l'année 1940 de limiter au strict minimum les émissions radio-diffusées, tout en continuant la guerre de l'information et de la Vérité.

Ce ne fut pas tout. Pour compliquer encore la situation, le Vatican et sa liberté d'expression étaient également menacé par la presse fasciste. Si les rapports avec Mussolini étaient encore bons en 1940, ce qui se disait sur l'attitude du Vatican était empreint de propagande et d'erreurs importantes qui servaient les intérêts fascistes. Difficile donc de rétablir la vérité, tout en conservant de bonnes relations avec Mussolini, que Pie XII voulait à cette époque éloigner le plus longtemps possible de la guerre.

De plus, le 06 novembre 1940, Roosevelt fut réélu pour la troisième fois, et poursuivit sa politique d'aide au Royaume Uni, sans entrer formellement dans la guerre. Pie XII félicita le président pour sa réélection. Roosevelt, toutefois céda à la tentation de faire faire une protestation publique du Vatican à l'encontre du Reich, pour servir les intérêts alliés. Pie XII flaira le piège, et se borna à rappeler la supériorité de la loi de Dieu sur celle des hommes. Ceci permit néanmoins de conserver de très bons rapports diplomatiques avec l'Amérique.

En revanche, le Vatican put quand même intervenir de façon efficace durant l'année 1941 en Espagne. En effet, les Etats-Unis étaient en lien avec Franco pour éviter que le général rejoigne les forces de l'Axe, au moment où l'Allemagne s'apprétait à lancer l'opération Barbarossa contre l'URSS. Lorsque l'opération fut déclenchée le 22 juin 1941, de grands troubles éclatèrent en Espagne envers l'ambassade britannique. Le cardinal Maglione télégraphia au nonce de Madrid pour calmer au plus vite les esprits dans ce contexte tendu. Les évêques espagnols y parvinrent assez rapidement, ce qui apaisa les relations diplomatiques entre l'Espagne et l'Angleterre, et évita sans doute un raidissement du régime de Franco.

Et pendant ce temps, la lutte pour la paix du pape Pie XII continuait...
Cgs
Mes propos qui apparaissent en vert comme ceci indiquent que j'agis au nom de la modération du forum.

Cinci
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 11765
Inscription : lun. 06 juil. 2009, 21:35
Conviction : catholique perplexe

Re: Pie XII - Des milliers de Juifs sauvés...

Message non lu par Cinci » dim. 10 oct. 2010, 19:16

Bonjour,

Juste dire : j'ai fini par trouver le livre d'Annie Lacroix-Riz. Ça s'intitule Le Vatican, l'Europe et le Reich, de la Première Guerre mondiale à la guerre froide.

À première vue, le livre est étrange. On dirait davantage ''le marché en vrac", une sorte de collection de sources; de documents. Ce que je remarque pour l'instant, l'historienne semble avoir une prédilection pour certains personnage et qui vont être comme ses informateurs pour l'époque traitée. Un certain Charles Roux revient pas mal souvent. Elle utilise beaucoup sa correspondace privée avec d'autres personnages officiels du temps. Étrange ? Oui, car j'ai du mal à voir pour l'instant l'effort de synthèse d'Annie Lacroix-Riz là-dedans. On dirait bien plus qu'elle eût adopter, elle-même, sans distance critique, ce qui dût être la perception de ''quelque'' individu de cette époque, et pour nous élever cela au rang de vérité officielle. En tout cas, il vaut la peine de consulter cela quand même. Parce qu'avec la masse de correspondance qu'elle évoque, je préssens tout de même une ligne politique de l'Église catholique du temps (fait réel, pas un fantasme) et qui n'est pas vraiment abordé dans les ouvrages plus biographique voulant mettre l'accent sur Pie XII, lui seul ou presque.

À quelque part, Lacroix-Riz me rappelle une certaine Esther Delisle, une diplomée en maîtrise de l'université McGill et dont un livre avait été fait il y a quelques années à partir de ses travaux de recherche sur le Québec catholique et puis l'époque du chanoine Lionel Groulx ( ce qui couvre en gros la périodicité retenue par Lacroix-Riz). Il va sans dire que l'ouvrage de Delisle était un brûlot dirigé sans fard contre l'Église catholique et le nationalisme québécois de ce temps. Delisle accusait bien sûr l'Église en générale d'avoir été «collabo» avec les différents fascismes des années trente. Mais ce n'est qu'une impression pour l'instant, la comparaison que je fais ici, je veux dire, n'ayant lu que deux courts chapitres de Lacroix-Riz pour l'instant.

( une affaire à suivre)

_____

Note : E. Delisle était diplômée de McGill et la controverse avait parut à partir de 1991 au Québec à l'occasion d'une thèse de doctorat qu'elle devait soutenir en 1992 finalement et à l'université Laval, le tout avant un fameux référendum de 1995. L'acceptation de sa thèse par l'U. Laval était en soi un scandale, une fraude sur le plan intellectuel. Je cite le cas, me le remémore parce qu'il s'agit des mêmes mécanismes idéologiques à l'oeuvre que dans le cas de la diffamation pure et simple de Pie XII pour la même période, puis portant sur le même thème.

http://agora.qc.ca/liens/gcaldwell.html

Cinci
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 11765
Inscription : lun. 06 juil. 2009, 21:35
Conviction : catholique perplexe

Re: Pie XII - Des milliers de Juifs sauvés...

Message non lu par Cinci » dim. 17 oct. 2010, 3:27

Lacroix-Riz ...

Il y a beaucoup de matériel dans son ouvrage. Ce qui se dessine : elle fait valoir en gros que depuis Léon XIII au moins, la politique vaticane en Europe aurait consisté toujours à faire alliance avec l'empire autrichien d'abord et ensuite avec la dynastie des Hohenzollern de Prusse (au sortir du Kulturkampf), et ce, à la fois contre la France (cette république de Franc-maçons, laïciste, etc) et la Russie orthodoxe à l'est, contre les bolchéviques ensuite comme de juste. Je dois dire que pour le canevas de base le scénario n'est pas sans vraisemblance. Au début de son livre, elle s'active à montrer que le Vatican n'aurait pas du tout été neutre durant la Première guerre mondiale. C'est assez intéressant. En fait, elle explique que Rome aurait carrément souhaité la victoire des empires centraux en 1917-18 et illustre le fait d'une règle de deux poids, deux mesures, dans les interventions de Rome durant la grande guerre, quant aux zones occupées soit par les Allemands (en Belgique par exemple) soit par les Russes en Galicie et territoires semblables.

Il faudrait que je donne un exemple.

Cinci
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 11765
Inscription : lun. 06 juil. 2009, 21:35
Conviction : catholique perplexe

Re: Pie XII - Des milliers de Juifs sauvés...

Message non lu par Cinci » dim. 17 oct. 2010, 5:26

Le Vatican et les zones occupées de l'Ouest

La stricte impartialité refusée aux Serbes et aux Russes fut appliquée aux zones occidentales occupées par les armées allemandes, très catholique Belgique incluse. Ce pays divisé entre Flammands et Wallons, avait joué un rôle majeur dans la tactique consistant à isoler la France et la discréditer auprès des gouvernements catholiques non-inféodés à la Triplice. Pie X avait livré les attaques contre les modernistes dans tous les États catholiques notamment via la correspondance de Rome puis l'agence internationale Roma (respectivement fondé en 1904 et 1911). Dotée de filiales dans tous les États catholiques, tels la Correspondance catholique de Gand en Belgique, La Croix, La Vigie, L'Univers et les Nouvellistes en France, l'entreprise avait visé en France à faire échouer toute tentative d'entente nationale et maintenir l'agitation dans le pays pour l'affaiblir au-dehors. L'intrigue ourdie contre la politique et l'influence française en Europe supposait d'intimider l'épiscopat loyaliste. Rome avait lancé ses féaux du parti intransigeant aux trousses des éléments modérés et républicains du catholicisme, particulièrement contre leurs chefs de file, les cardinaux Mercier de Malines et Mgr Amette de Paris, dénoncés comme «modernistes». Il fallait à tout pris empêcher l'entente entre catholiques et libéraux. «À un moment où la Belgique est disputée si âprement par l'influence allemande, il n'est pas difficile de voir la portée de ces attaques», affirma Pinon en 1913. Les chefs de la Curie passèrent via leur presse belge les années précédant la guerre à assurer les catholiques de Belgique des excellentes intentions du Reich : à les inciter à préserver la neutralité de leur pays, arme de choix contre l'alliance avec cette pauvre France sous le joug de la Franc-maçonnerie. La presse catholique célébra avec éclat en octobre 1910 le voyage du Kaiser à Bruxelles; elle exalta le rapprochement bilatéral tant au point de vue politique puisque la puissance de l'Allemagne est aujourd'hui une garantie de sécurité pour la Belgique, qu'au point de vue économique en raison des débouchés considérables que l'Allemagne ouvre aux produits de l'industrie belge. On venait de rendre publique une information anglaise reprise par L'indépendance Belge - confirmée d'après des documents certains - sur l'offre allemande faite à la Belgique d'autoriser le passage des troupes allemandes vers la France.

Ayant échoué à écarter la Belgique de son alliance militaire à l'Ouest, le Vatican prononça dès le début de l'occupation des propos explicites sur la responsabilité de l'indocile dans la violation de sa neutralité. Au cours d'une audience privée, Benoit XV déclara en décembre 1914 : « Tout n'est pas clair dans le cas de la Belgique, et l'Allemagne invoque des griefs dont il faut tenir compte», Mgr Gasparri observa : « l'Allemagne a publié des documents de l'État-major belge, par où elle prétend démontrer qu'antérieurement à la guerre la Belgique avait manqué aux devoirs de la neutralité, laquelle par conséquent n'existait plus au moment de l'invasion». Les souffrances des populations, aggravées au fil des années, n'émurent pas davantage le Vatican. Son nonce, Mgr Tacci, l'avait précocement avisé des crimes et délits commis par une soldatesque effrénée. Et ce non exceptionnellement, mais presque en manière de règle et avec le consentement des officiers. Il décrivit aussi l'amertume éprouvée par les catholiques belges devant l'attitude présumée ici du Saint Siège. Sa demande le 6 décembre 1914 que ce dernier fit entendre sa voix en faveur d'un pays aussi injustement attaqué et durement traité ne trouva pas d'écho.

Les zones occupées de la ''fille aînée de l'Église'', frappée dans des régions catholiques ferventes, ne lui valurent ni considération ni soutien. Aucun mot ne fut prononcé contre les bombardements allemands mais, par exemple, à propo d'Ypres, fin octobre 1914, l'Osservatore Romano rappela dans une note historique que la ville martyr (victime de qui ?)avait été maintes fois prise et reprise par les Français, notamment en 1794, après un terrible bombardement. On résumera le gigantesque dossier du mutisme pontifical de guerre [...] Lorsque fin décembre 1918-début janvier 1919, la secrétairie d'État fit rechercher dans l'Osservatore Romano des quatre années précédentes les traces d'articles favorables à la Belgique, ce fut en vain : non seulement on n'en a pas trouvé un seul, mais on trouvé plusieurs protestations du vieux baron d'Erns, alors ministre de la Belgique, contre la façon dont le journal traitait son pays.

Ce silence sur les zones occupées apparut d'autant plus éloquent que le Vatican continuait à presser la Belgique de lâcher l'Entente [...] le pape intervint en personne, ainsi en octobre 1915, auprès du roi des Belges pour l'engager à conclure la paix. La concertation fut permanente entre Berlin, Rome et la Belgique occupée. En janvier 1916, Benoit XV appuya la vaste manoeuvre en vue de la paix séparée avec l'Allemagne par une série d'initiatives destinées à démontrer aux catholiques belges que l'intransigeance devait cèder devant les pressions pacifistes : il envoya notamment dans les territoires occupées une mission de sept catholiques allemands qui du 2 au 10 janvier, prêcha la paix par tout le pays en se réclamant du pape [...] ce mélange d'indifférence à l'égard des misères populaires et de harcèlement en vue de faire capituler le petit pays suscita dans le camp franco-anglais de vives réactions. On en trouve l'écho dans la littérature accumulée au long du conflit et contre la germanophilie de Benoit XV. En témoigne, outre l"important fond conservé à la BDIC, la correspondance du quai d'Orsay, notamment la lettre du catholique français Guérin adressée à Mgr Tedeschini le 30 août 1917, époque où le catholicisme français (Action française incluse) exprimait une rancoeur que l'après-guerre refoulerait ; le mutisme du Vatican avait fait scandale, alors que la loi morale se trouvait en jeu, comme les violations en Belgique, les massacres perpétrés par les Allemands dans les provinces de Namur et de Dinant, du saccage des villes ouvertes, comme Lille, Tourcoing, Roubaix, des déportations et des travaux forcés imposés aux populations de Belgique et de France, des destructions massives, comme celle de la cathédrale de Reims et de tant d'autres sanctuaires.

Des critiques fermes suivirent la note pontificale du 1er août 1917, tel l'épisode, connu, du discours sur la paix française prononcé par le père Sertillanges en l'église sainte Madeleine le lundi 10 décembre 1917, en la cérémonie religieuse et patriotique présidée par Mgr Amette : le dominicain, avec l'aval de l'archevêque de Paris, repoussa les appels de paix de Benoit XV faisant fi des responsabilités allemandes et des revendications françaises, et déclara celui-ci «non infaillible ou impeccable en politique». Gasparri, furieux, convoqua l'assistant de l'ordre des Dominicains pour la France, qui défendit le père Sertillanges, et fut exilé par le Vatican (après-guerre) au couvent de Corbara en Corse. La hargne ne s'arrêta pas là. Gasparri adressa en décembre 1917 un courrier au recteur de l'institut catholique, Mgr Baudrillart (qui, mandaté et financé par l'État, avait depuis 1915, via le comité catholique de propagande française à l'étranger, incarné l'effort français de propagande anti-allemande auprès des neutres) : après avoir rappelé le contenu du discours et la présence de Mgr Amette, il exigea de savoir quelles sanctions ont été prises contre le père Sertillanges qui est professeur à l'Institut catholique, afin que l'autorité ecclésiastique puisse à son tour se prononcer sur son cas.

L'épisode mérite réflexion, particulièrement utile pour tous les pays situés hors de la Duplice (puis de l'Axe) et pour la suite de cet ouvrage. [...] Manifestation de l'extrême centralisation du pouvoir pontifical qui comporte un corollaire : toute prise de position d'un prélat non combattu par le Saint-Siège avait été prescrite. La thèse du non-contrôle sur les épiscopats nationaux - en vertu de laquelle Anthony Rhodes dégage la responsabilité vaticane du philofascisme des évêques italiens - est infirmée par le prompt châtiment de toute déviation.

- Le Vatican, l'Europe et le Reich, pp.10-13

Cinci
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 11765
Inscription : lun. 06 juil. 2009, 21:35
Conviction : catholique perplexe

Re: Pie XII - Des milliers de Juifs sauvés...

Message non lu par Cinci » lun. 18 oct. 2010, 0:28

LES ACTIVITÉS DU VATICAN AU SERVICE DES EMPIRES CENTRAUX
Liens politiques et bancaires germano-vaticans avant 1914 et financement de guerre.

Tout acquis à Vienne, le Vatican s'était adapté aux impératifs crées par l'hégémonie prussienne en Allemagne. Les vieux conflits entre l'Allemagne catholique longtemps soumise à l'Autriche et la Prusse luthérienne avaient culminés dans le Kulturkampf des années 1870 : Bismarck prussianisa le Reich unifié en le soustrayant à l'influence des Habsbourg. Ce conflit sur les compétences respectives de l'État et de l'Église [...] ne ternit pas un accord de fond : il reposait sur l'extrême générosité du Reich envers l'Église catholique fonctionnarisée et sur l'adhésion commune à des ambitions extérieures, continentales et coloniales, ou le pangermanisme catholique ne se dissociait pas du luthérien.
[...]

Pie IX respecta promptement l'article 6 du traité de Francfort de 1871 stipulant la coïncidence des territoires ecclésiastiques cèdés par la France au Reich avec la nouvelle frontière politique. Et la germanisation des anciens diocèses français dut beaucoup à la Curie. Léon XIII réconcilié avec Berlin montra le même souci d'imprimer la présence prussienne. Von Hertling, en obtint en 1902 après près de quatre ans de tractations la liquidation finale des traditions françaises : par la suppression du séminaire de Strasbourg, considéré comme le dernier bastion francophile, déjà fort entamé, et la création d'une faculté de théologie allemande. Berlin put ainsi y envoyer des professeurs prussiens pour former le clergé d'Alsace [...] dans le même sens était allé le remaniement épiscopal de l'été 1901, mûri depuis 1899. Fut en juillet nommé successeur de l'évêque de Metz (le naguère Français Dupond des Loges) le bénédictin allemand de l'abbaye de Maria Laach - ordre et abbaye tout dévoué aux Hohenzollern - Otto Benzler : il saurait dans ses nouvelles fonctions instruire ses diocésains dans la vénération de la personne impériale et dans l'amour de la patrie allemande. En août, la succession de l'évêque de Strasbourg, l'allemand Fritzen, complaisant mais sensible encore aux susceptibilités alsaciennes, alla à plus ferme que lui. Son évêque auxiliaire, l'alsacien indigène Mgr Marbach, qui s'était montré toujours, sur le terrain religieux, l'adversaire déterminé de la politique allemande, fut acculé à la démission [...] le poste fut remis à Zorn von Bulach, clerc tout récent, diplomate issu d'une famille essentiellement alsacienne ralliée à l'Empereur allemand, bien que fils d'un ancien chambellan de l'Empereur Napoléon III : il fut naturellement obligé de se montrer allemand avec zèle, c'est à dire de surrenchérir en tendances germaniques, sur les Allemands d'origine.

En mai 1903, le triomphal voyage de Guillaume II au Vatican [...] marqua l'acmé d'une entente intéressant la politique religieuse de l'Empire, et incluant la question vitale des ordres missionnaires. Il consacra l'idylle amorcée par Léon XIII au tournant du siècle avec le Kaiser en quête d'expansion mondiale. [...]

Les liens établis entre le Vatican et le Banco di Roma, «principale banque catholique italienne», présidée par le commandeur Pacelli (frère d'Eugénio, pivot de ce livre), cimentèrent l'alliance allemande : cet établissement finançait depuis 1906 l'expansion méditerranéenne et la pénétration pacifique en Tripolitaine, où ses investissements atteignaient en 1911 cinq millions de dollars. Le Reich s'était aussi, par son implantation bancaire, assuré des fiefs dans l'Italie en cours d'industrialisation : à la fondation en 1894 à Milan de la Banca commerciale italiana, les trois-quarts d'un capital initial total de vingt millions de lires avaient été souscrits par les banques allemandes, maison Bleichröder au premier rang; le reste se partageait entre Italiens et Suisses. Le contrôle de ce qui devint la première banque d'affaires italienne donna à la finance germanique un bastion de tout premier ordre : elle acquit une influence décisive sur l'industrie, surtout la sidérurgie, les industries électriques et les compagnies de navigation, son influence fut encore plus marquée sur le commerce, l'Italie importait massivement les produits industriels allemands depuis le tournant du siècle. La Curie était intégrée à la partie des classes dirigeantes qui avait crée et développé la Banca commerciale italiana [...] plus largement, la Banca commerciale fédérait les milieux italiens les plus liés au Reich, par le truchement de Bernardino Nogara, futur gestionnaire des biens du Vatican (de 1929 à sa mort, en novembre 1958, à l'âge de 88 ans) « Arme secrète de Pie XI, Nogara, présenté par un cardinal comme la meilleure chose advenue au Vatican depuis Notre Seigneur Jésus Christ, était avant 1914 un gros bonnet de la Banca commerciale [...] Cette responsabilité liée à l'expansion italo-germanique lança sa carrière vaticane : Benoit XV, qui avait fait des investissements personnels dans les titres de l'Empire turc avec l'aide et les conseils de Nogara, accordait couramment audience privée au futur vice-président de la Banca commerciale italiana [...]

Suisse, Italie, Allemagne et Autriche se mêlèrent pendant la guerre pour fournir au Vatican les fonds indispensables, via les canaux bancaires [...] ils servirent d'abord à dissuader l'Italie de rejoindre l'Entente : une des lettres d'Erzberger interceptées par les Français, celle du 2 aoüt 1915, mentionna sa visite à Rome du 6 au 10 mai 1915 pour offrir à l'Italie, au nom de l'Allemagne, un emprunt d'un milliard en or sans intérêt [...] les empires centraux assurèrent pendant la guerre une part considérable de ses revenus, dont nous avons trouvé les chiffrages que vers la fin. Les fonds autrichiens furent régulièrement signalés, ainsi en novembre 1917, où le Credit Anstald de Bâle envoya chaque semaine en Italie des millions [...] à ces financements étatiques s'ajoutaient des contributions de la cour impériale, comme fin juin 1918, où le courrier diplomatique de Vienne fut accompagné d'un don personnel de 500 000 francs de l'Empereur pour l'obole de Saint-Pierre . Le renseignement militaire mentionna à l'été 1918 des versements austro-allemands mensuels d'un million de lires effectués via la Suisse. Les fonds, toujours sous le couvert du denier de Saint-Pierre, étaient souvent transférés par les ordres; surtout par la compagnie de Jésus qui, associée aux plans germaniques de réorganisation du continent après la victoire, envoyait de grosses sommes à Gasparri : deux chèques du Crédit suisse de Saint Gall de 600 000 et 400 000 francs le 1er juillet 1918. Les envois de cette seule banque au secrétaire d'État s'élevèrent entre le 3 août 1917 et le 3 août 1918 à 5 404 076, 69 francs. [...] reflet de l'hégémonie du Reich, l'essentiel du financement vint de Berlin, via Erzberger. C'est dans la semaine qui suivit son séjour à Rome du 17 au 25 février 1915 que commença la manne poursuivie toute la guerre (et au-delà) [...] l'accord du chancellier Bethmann-Hollweg et du ministre des affaires étrangères von Jagow avec le chef du Zentrum sur la nécéssité d'assurer au Vatican une contribution très considérable permit le transfert massif et régulier de fonds de la Deutsch Bank sur un compte Rome.[...] le nom du cardinal Hartmann, archevêque de Cologne, porte-parole du Kaiser et interlocuteur privilégié du Vatican, revient comme une litanie; par exemple, à l'été de 1918, 200 000 marks en une fois au nom de l'organisation catholique de Cologne chargée du denier de Saint-Pierre et des oeuvres de propagande catholique, 500 000 lires dans la troisième semaine d'octobre [...] les diocèses étaient certes assez riches pour soutenir de leurs ressources l'action politique allemande auprès de l'allié vatican, mais leurs cassettes étaient remplies par l'État.

- Ibid., pp. 18-21

Répondre

Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 178 invités