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Personnalisme et Individualisme

Publié : jeu. 02 juin 2005, 22:33
par Christophe
[align=justify]J’ai lu un livre dont on m'avait conseillé la lecture : De la primauté du bien commun contre les personnalistes, par Charles de Koninck, 1943 (en ligne sur le site http://www.salve-regina.com)

Il est très intéressant à lire, et j’en conseille vivement la lecture. En effet, il expose de façon assez claire et compréhensible la conception chrétienne (catholicisme social…) du Bien Commun et donc de la Politique. Cela permettrait de lever un certain nombre d’incompréhensions.

Par contre la lecture de ce livre, loin de clarifier les choses sur la distinction à apporter entre individualisme et personnalisme [ c'est pour clarifier cette distinction que l'on m'avait conseillé la lecture de ce livre - ndr ], n’a fait que les embrouiller. En effet, pour l’auteur, il semble que l’individu (sous-entendu libéral) soit grosso modo la même chose que la personne des personnalistes, le matérialisme en plus (soit la spiritualité en moins).
Pour le dire autrement, l’individu (libéral), issu d’une pensée athée, matérialiste et contractualiste est un être égoïste, mu uniquement par ses intérêts, et de plus dénué de toute spiritualité et de toute sociabilité naturelle. La personne des personnalistes est issue d’une anthropologie un peu plus « riche » car il est spirituel et naturellement sociable, mais partage avec le précédent le fait d’être un « être-pour-soi », c’est-à-dire qu’il est lui-même sa propre fin. Dans le clivage individualiste/holiste, le personnaliste calque donc clairement ses positions sur celles des libéraux.

Ces réflexions ont l’avantage de montrer clairement que les conceptions du bien commun (et donc du politique) découlent directement de la vision anthropologique.

1] Pour les holistes (ou totalitaires), la collectivité possède une existence substantielle. Le Bien Commun est pour eux le bien de la collectivité considérée en elle-même, c’est-à-dire de façon autonome vis-à-vis de ses membres. La collectivité est donc un être-pour-soi tandis que les êtres humains qui la composent naturellement, sont des êtres-pour-la-collectivité. La communauté possède ainsi la primauté sur les êtres humains considérés individuellement et auxquels elle s’oppose manifestement.

2] Pour les individualistes libéraux, l’homme est un être rationnel et égoïste. S’il fait société, ce n’est pas par nature, mais par contrat et parce qu’il y trouve personnellement intérêt. L’intérêt des individus étant la raison d’être de la société, le Bien Commun qui doit être recherché est la raison pour laquelle la société a été institué : l’intérêt des individus. Cette sociabilité ne demeure que tant que les intérêts de l’individus sont garantis.

3] Pour les personnalistes, l’homme est un être spirituel et naturellement sociable mais il reste un être-pour-soi car il est à l’image de Dieu. La société a pour fin, dans l’ordre naturel, la personne humaine et le Bien Commun est le bien de la personne humaine, c’est-à-dire son développement intégral. La personne individuelle doit se mettre au service de la société, car c’est d’elle, par elle et en elle qu’il peut devenir un homme à part entière.

4] Pour les « communautaristes chrétiens », l’homme est un être spirituel, naturellement sociable, mais c’est un être-pour-Dieu, car il fait partie de la création et que toute la création est ordonnée au bien universel, c’est-à-dire à la volonté de Dieu. Dans l’ordre naturel, l’homme est ordonné à Dieu ; mais la société est ordonnée à l’homme. Le Bien Commun est proprement le « bien » de la société, au sens où le « bien » d’une chose se situe dans l’accomplissement de sa vocation naturelle. Le Bien Commun est ici encore le développement intégral de la personne humaine. Mais la personne individuelle ne sert pas la société pour elle-même ou pour soi-même, mais parce que cela fait partie du dessein divin. Il ne le fait pas par intérêt (bien ou mal compris), mais, comme chez les holistes, par devoir.

Dans tous les cas, l’Etat, institution du politique a pour rôle de promouvoir le Bien Commun, soit en luttant contre les intérêts individuels, soit en défendant les intérêts individuels, soit en mettant la société au service de la personne humaine, soit en se portant garant de l’ordre naturel transcendant.

Après ce long discours,
Bonsoir.

Christophe[/align]

Publié : ven. 03 juin 2005, 12:06
par guelfo
l’homme est un être rationnel et égoïste
Pas d'accord.

Dois-je en déduire que je ne suis pas libéral ? :cool:

Publié : ven. 03 juin 2005, 14:06
par Khalil_Gibran
guelfo a écrit :
l’homme est un être rationnel et égoïste
Pas d'accord.

Dois-je en déduire que je ne suis pas libéral ? :cool:
[align=justify]Je suis d'accord. L'homme, coupé de Dieu, devient égoïste, mais je ne dirais pas rationnel, pour moi au jour d'aujourd'hui, c'est plutôt irrationnel de n'en faire qu'à sa tête sans se soucier de son prochain. L'homme a besoin de Dieu pour vivre et Dieu... a besoin de l'homme pour faire sa volonté et répandre son Amour, car Dieu est Amour, Dieu a créé l'homme dans un élan de bonté, mais néanmoins avec une mission à accomplir, Dieu confie un but à chacun de nous. Que Ton Règne vienne, que Ta Volonté soit faite... Dieu nous a créé pour faire sa volonté et amener (construire) son Royaume, pas simplement pour qu'on se tourne les pouces en se regardant le nombril. C'est pas le tout d'aller à la messe le dimanche, il faut mettre en pratique les paroles qu'on y reçoit. Je connais bien des gens, dont ma mère, qui me disent : "Je n'ai pas besoin d'aller à l'église pour prier...", "Je n'est pas besoin de prier tout le temps, je ne suis pas curé...". Ces pauvres gens ne comprennent pas que prier n'est pas un besoin, mais une mission, un devoir. Peut-être n'ont-ils pas besoin de prier... pour eux-mêmes, certes, mais et les autres ??? Un chrétien digne de ce nom prie d'abord pour son prochain, avant de penser éventuellement à lui !!! Je prie énormément pour mon prochain, très peu pour moi. Prier "quand on en a besoin", c'est de l'égoïsme, avec circontances aggravantes. ;-)

Que Dieu vous bénisse ![/align]

Publié : ven. 03 juin 2005, 15:25
par guelfo
Je dirais plutôt que l'idée selon laquelle l'homme est égoïste et (plus ou moins) rationnel est typiquement conservatrice.

Publié : ven. 03 juin 2005, 17:41
par Khalil_Gibran
guelfo a écrit :Je dirais plutôt que l'idée selon laquelle l'homme est égoïste et (plus ou moins) rationnel est typiquement conservatrice.
Mais à quoi bon parler de conservatisme ? Qu'insinuez-vous par cette affirmation (gratuite) ? :???:

Publié : ven. 03 juin 2005, 17:48
par guelfo
Je n'insinue rien, je dis que cette vision du monde me semble typiquement conservatrice. :)

Publié : ven. 03 juin 2005, 21:05
par wanderer
Pourtant, je m'estime typiquement conservateur et je ne partage pas du tout cette opinion.

:)

Publié : ven. 03 juin 2005, 21:45
par zefdebruz
guelfo a écrit :Je dirais plutôt que l'idée selon laquelle l'homme est égoïste et (plus ou moins) rationnel est typiquement conservatrice.
Vous parlez de l'homme charnel ou de l'homme spirituel ?

Publié : ven. 03 juin 2005, 23:47
par Christophe
guelfo a écrit :Je dirais plutôt que l'idée selon laquelle l'homme est égoïste et (plus ou moins) rationnel est typiquement conservatrice.
Pourriez-vous nous expliquer pourquoi :?:

Publié : lun. 06 juin 2005, 11:37
par guelfo
Parce qu'elle implique:

1. qu'il faut une action extérieure pour tempérer cet égoïsme;

2. que c'est possible, puisque l'homme est (à peu près) rationnel et donc prévisible.

La seule différence avec le socialisme, c'est que le socialiste fait ce constat pour les autres mais s'en exempte ("tout le monde est égoïste mais pas moi !") :lol:



Le tropisme libéral est plutôt "tout le monde il est beau tout le monde il est gentil, donc la liberté ça marche".

A mon sens, la nature humaine et le monde sont trop complexes pour pouvoir fonder une idéologie politique sur des affirmations à l'emporte-pièce comme "l'homme est bon" ou "l'homme est mauvais".

Publié : lun. 06 juin 2005, 11:38
par guelfo
zefdebruz a écrit :
guelfo a écrit :Je dirais plutôt que l'idée selon laquelle l'homme est égoïste et (plus ou moins) rationnel est typiquement conservatrice.
Vous parlez de l'homme charnel ou de l'homme spirituel ?
Charnel, bien entendu.

Re: Personnalisme et Individualisme - 1

Publié : mar. 07 juin 2005, 22:16
par Christian
Quel lumineux exposé, Christophe !

(mais venant de toi, nous ne sommes pas surpris).

[Je te réponds de façon décousue, par trois commentaires, scribouillés à des moments différents dans le métro, et que je n’ai pas eu le temps de mettre en ligne avant.]
J’ai lu un livre dont on m'avait conseillé la lecture : De la primauté du bien commun contre les personnalistes, par Charles de Koninck, 1943 […]
ce livre, loin de clarifier les choses sur la distinction à apporter entre individualisme et personnalisme[…] n’a fait que les embrouiller. En effet, pour l’auteur, il semble que l’individu (sous-entendu libéral) soit grosso modo la même chose que la personne des personnalistes, le matérialisme en plus (soit la spiritualité en moins).
Pour le dire autrement, l’individu (libéral), issu d’une pensée athée, matérialiste et contractualiste est un être égoïste, mu uniquement par ses intérêts, et de plus dénué de toute spiritualité et de toute sociabilité naturelle. La personne des personnalistes est issue d’une anthropologie un peu plus « riche » car il est spirituel et naturellement sociable, mais partage avec le précédent le fait d’être un « être-pour-soi », c’est-à-dire qu’il est lui-même sa propre fin. Dans le clivage individualiste/holiste, le personnaliste calque donc clairement ses positions sur celles des libéraux.

Ces réflexions ont l’avantage de montrer clairement que les conceptions du bien commun (et donc du politique) découlent directement de la vision anthropologique.
Le problème de tous ces auteurs comme Koninck (et Arendt, et les collectivistes, et les libéraux classiques, e tutti) est de tomber dans le piège du politique, qui est de ne voir dans l’être humain qu’une seule dimension, tantôt individualiste, tantôt communautariste, tantôt mû par le froid calcul des intérêts égoïstes, tantôt dévoué corps et âme à une cause transcendante.

La réalité est que nous sommes tout cela à la fois.

Dans sa classification, Koninck confond la société (celle que forment les Français, les Européens, les êtres humains sur leur planète, qui n’ont pas d’autre projet commun que de coexister pacifiquement), et une organisation, qui a un projet précis, défini par ses membres, et qui est leur raison d’y appartenir.

Les tire-au-flanc croient que l’organisation est la société (ils ne s’y rendent que pour être ensemble, bavarder, boire du café.. ).

Les politiques croient à l’inverse que la société est une organisation. La France doit ‘rattraper son retard industriel’, ‘rester une grande puissance’, ‘faire entendre sa voix’, ‘défendre les valeurs de la culture’. Je croirais entendre mon patron.

La réalité est qu’il y a des Français, mais pas tous, qui veulent payer le coût d’être citoyens d’une grande puissance ; des Français qui veulent faire entendre leur voix, mais pour pas pour dire la même chose, loin de là ; des Français qui veulent défendre une culture, mais ils n’ont pas la même en tête, islamique, gay, basque, corse, etc.). La France, par conséquent, n’est pas une organisation. Elle n’a pas de téléologie, pas de but qui rallierait tous ses citoyens. elle occupe simplement un espace géographique formé par les accidents de l’Histoire, où des gens peuvent vivre ensemble, bavarder, boire du café, et vaquer en paix à leur divers projets au sein de leurs organisations. En d'autres termes, elle est une société.

Cette distinction entre société et organisation est centrale dans l’œuvre d’Hayek (on la retrouve chez Popper, et finalement chez tous les libéraux). Dans les posts suivants, j’utiliserai plutôt le terme de communauté qui me paraît avoir une résonance moins utilitariste qu'organisation.

A tout de suite, donc.

Christian

Re: Personnalisme et individualisme - 2

Publié : mar. 07 juin 2005, 22:34
par Christian
Pour les « communautaristes chrétiens », l’homme est un être spirituel, naturellement sociable, mais c’est un être-pour-Dieu, car il fait partie de la création et que toute la création est ordonnée au bien universel, c’est-à-dire à la volonté de Dieu. Dans l’ordre naturel, l’homme est ordonné à Dieu ; mais la société est ordonnée à l’homme. Le Bien Commun est proprement le « bien » de la société, au sens où le « bien » d’une chose se situe dans l’accomplissement de sa vocation naturelle. Le Bien Commun est ici encore le développement intégral de la personne humaine. Mais la personne individuelle ne sert pas la société pour elle-même ou pour soi-même, mais parce que cela fait partie du dessein divin. Il ne le fait pas par intérêt (bien ou mal compris), mais, comme chez les holistes, par devoir.



Je me situe personnellement parmi les communautaristes chrétiens. Comme sans doute nombre d’intervenants sur ce forum. Mais voilà le paradoxe : la classification de Koninck se veut politique, or notre adhésion au catholicisme ne l’est pas. Elle n’engage que nous. Nous ne voulons (je pense) ordonner à personne qui ne s’y reconnaîtrait pas d’œuvrer au Bien commun de notre communauté catholique.

Car si nous exigions de ces personnes extérieures ce service, ils (mettre ici n’importe quel groupe dont nous exécrons les valeurs) seraient en droit de nous demander d’œuvrer au bien commun de leur communauté. La politique vise justement ce but. Elle crée une asymétrie entre les personnes et entre les groupes. Elle permet aux plus puissants de faire servir leurs intérêts par les moins nombreux (en démocratie), par les moins violents ou les moins organisés (sous d’autres régimes). Le bien n’est plus commun, il n’est même plus le bien (car si les moyens utilisés, violence et coercition, ne sont pas moraux, comment le résultat pourrait-il l’être ?).

Les communautés et leur règlement

Seul, il est quasiment impossible de faire aboutir nos projets. Je ne parle pas seulement du projet de fonder une famille, de maintenir vivante une culture reçue de nos ancêtres, de participer à une entreprise économique, mais plus généralement du projet de vivre une ‘bonne vie’ dans le sens d’Aristote et qui pour les Chrétiens est celle illuminée de l’amour du Christ. Nous avons besoin pour tous ces projets de communautés (famille, églises, syndicats, associations, entreprises…).

Chacune de ces communautés se donne un règlement Il n’est pas seulement formel (contrat de mariage, règlement intérieur de l’entreprise, enseignement de l’Eglise), il ouvre sur une pratique vivante. Nous discutons au sein de la communauté, souvent avec passion, de l’application de ce règlement aux situations concrètes rencontrées, parce que nous voulons que ‘ça marche’, que le but réellement commun qui est le nôtre soit atteint (faire vivre notre couple, développer l’entreprise, approfondir notre engagement chrétien…). Ce dialogue ne pourrait plus avoir lieu avec des gens qui refuserait le but commun.

Mais ce n’est pas demain la veille que nous serons tous membres de la même communauté. Nous pouvons l’espérer s’agissant de l’Eglise universelle, c’est impensable s’agissant du couple, de la famille, d’une troupe de théâtre ou d’une entreprise. Il faut donc concevoir un espace où ces diverses communautés peuvent poursuivre leurs projets, pratiquer leurs valeurs, et néanmoins coexister sans conflit.

Cet espace est celui du libéralisme.

L’humanité et le Droit

L’espace qu’offre le libéralisme est structuré par un minimum de règles génériques. Un minimum, car l’espace se veut commun à chaque communauté, aucune ne doit s’y sentir rejetée. Ces règles très peu nombreuses sont en même temps suffisantes pour gouverner les échanges entre membres de toutes les communautés. Elles se résument au droit de propriété sur soi-même et sur ses biens et au respect des engagements pris. L’ensemble de ces quelques règles forme le Droit.

Le règlement tire sa légitimité d’avoir été formellement approuvé par chacun des membres de la communauté auquel il s’applique (le ‘oui’ des époux, la signature du règlement de copropriété ou de la lettre d’embauche, le renouvellement des promesses du baptême, etc.). Le Droit n’a pas besoin de cette approbation formelle. Il est inhérent à notre condition humaine d’être social. Personne ne souhaite être agressé, tué, violé, trompé, et le Droit n’a pour seul fonction que d’interdire ces agressions physiques.

[Parler ‘d’espace est une maladroite figure de style. Dans un monde globalisé, nos sociétés ne peuvent pas êtres définies par la géographie (matière), mais par nos engagements (esprit). L’engagement de chacun, plutôt que le hasard de la naissance à gauche ou à droite d’un fleuve ou d’un relief montagneux, signe nos appartenances (le pluriel est de mise, car ces appartenances sont plurielles, et certaines d’égale importance, pour constituer l’être humain unique que chacun de nous est en train de devenir). Nous vivons la fin du principe locus regit actum, tous les habitants d'un même lieu soumis à la même règle. Nous pouvons parfaitement avoir des gens au sein de la même ville ou du même immeuble appartenant à des communautés différentes et soumis à leur règlement respectif, ne partageant avec leurs voisins que les relations de la convivialité et du Droit. Le nettoyage ethnique n'est pas une fatalité.].

Le Bien commun de l’humanité est donc le Droit. Le bien commun de chaque société ou communauté est le projet que ses membres lui donnent et qui constitue leur raison de ‘faire société’ là plutôt qu’ailleurs.

Re: Personnalisme et Individualisme - 3

Publié : mar. 07 juin 2005, 22:46
par Christian
1] Pour les holistes (ou totalitaires), la collectivité possède une existence substantielle. Le Bien Commun est pour eux le bien de la collectivité considérée en elle-même, c’est-à-dire de façon autonome vis-à-vis de ses membres. La collectivité est donc un être-pour-soi tandis que les êtres humains qui la composent naturellement, sont des êtres-pour-la-collectivité. La communauté possède ainsi la primauté sur les êtres humains considérés individuellement et auxquels elle s’oppose manifestement.

2] Pour les individualistes libéraux, l’homme est un être rationnel et égoïste. S’il fait société, ce n’est pas par nature, mais par contrat et parce qu’il y trouve personnellement intérêt. L’intérêt des individus étant la raison d’être de la société, le Bien Commun qui doit être recherché est la raison pour laquelle la société a été institué : l’intérêt des individus. Cette sociabilité ne demeure que tant que les intérêts de l’individus sont garantis.

3] Pour les personnalistes, l’homme est un être spirituel et naturellement sociable mais il reste un être-pour-soi car il est à l’image de Dieu. La société a pour fin, dans l’ordre naturel, la personne humaine et le Bien Commun est le bien de la personne humaine, c’est-à-dire son développement intégral. La personne individuelle doit se mettre au service de la société, car c’est d’elle, par elle et en elle qu’il peut devenir un homme à part entière.

4] Pour les « communautaristes chrétiens », l’homme est un être spirituel, naturellement sociable, mais c’est un être-pour-Dieu, car il fait partie de la création et que toute la création est ordonnée au bien universel, c’est-à-dire à la volonté de Dieu. Dans l’ordre naturel, l’homme est ordonné à Dieu ; mais la société est ordonnée à l’homme. Le Bien Commun est proprement le « bien » de la société, au sens où le « bien » d’une chose se situe dans l’accomplissement de sa vocation naturelle. Le Bien Commun est ici encore le développement intégral de la personne humaine. Mais la personne individuelle ne sert pas la société pour elle-même ou pour soi-même, mais parce que cela fait partie du dessein divin. Il ne le fait pas par intérêt (bien ou mal compris), mais, comme chez les holistes, par devoir.

Dans tous les cas, l’Etat, institution du politique a pour rôle de promouvoir le Bien Commun, soit en luttant contre les intérêts individuels, soit en défendant les intérêts individuels, soit en mettant la société au service de la personne humaine, soit en se portant garant de l’ordre naturel transcendant.
Après les longs discours de mes interventions précédentes, et pour reprendre ta classification ci-dessus, mon cher Christophe, je dirai ceci :

Certaines communautés sont holistes/totalitaires
Ma famille possède une ‘existence substantielle’. Elle est un être pour-soi ; en la fondant, je suis devenu un ‘être-pour-elle’. Elle a une primauté sur l’individu que je suis, je lui sacrifie mes intérêts personnels, et peut-être, dans certaines circonstances, qui sait, lui sacrifierais-je ma vie. L’Eglise, pour ceux et celles qui y sont consacrés, est aussi une communauté de cet ordre ; l’Armée, pour les professionnels, etc.

Certaines communautés sont établies par des êtres humains (individualistes libéraux) pour des raisons d’intérêt personnel : entreprises, syndicats, associations sportives, culturelles, etc. Cette sociabilité ne demeure que tant que le projet personnel des individus (gagner de l’argent, monter une représentation théâtrale..) se réalise à travers la communauté.

Certaines communautés sont personnalistes. Elles visent le développement intégral de la personne humaine. Mes amis forment typiquement pour moi une communauté de ce genre (et je retrouve certains d’entre eux dans les associations diverses mentionnées ci-dessus). Une autre communauté de cet ordre est celle que je forme avec mes maîtres, vivants ou morts, qui m’ont appris à penser, qui m’ont légué une langue et une culture, et m’ont appris à voir le Beau, le Vrai et le Bien (ces majuscules sont furieusement ringardes, je sais). Les communautés New Age, l’Abbaye rabelaisienne de Thélème, etc., sont des exemples, me semble-t-il, de telles communautés.

Et enfin le communautarisme chrétien, exemple d’une communauté qui vise au développement intégral de l’être humain, que l’être humain cependant ne sert pas pour elle-même ni pour lui-même, mais parce qu’il reconnaît dans cette communauté le dessein divin. D’autres communautés de croyants, chrétiens ou pas, sont de cet ordre.

Dans tous les cas, l’Etat (si Etat il y a), n’a pas à intervenir dans le fonctionnement de ces communautés, qui poursuivent chacune leur bien commun, SAUF pour y faire respecter le Bien commun à tous les êtres humains, le Droit de propriété de chaque être humain sur son corps et sur ses biens, qu’une de ces communautés transgresserait. Ce serait le cas si l’une instituait le travail forcé, séquestrait un individu qui souhaiterait quitter la communauté, pratiquait la mutilation des enfants (qui par définition ne peuvent avoir donné leur consentement), etc.

En d’autres termes, chacune de ces communautés est légitime, quel que soit le but poursuivi, tant qu’elle ne viole pas le Droit, et donc ne se constitue pas en société politique.

Et pour cette raison qu’elles ne sont pas politiques, et donc ne réclament pas un monopole sur notre personne, nous pouvons appartenir en même temps à des communautés relevant de chacune de ces classifications. Chacun de nous s'en trouve spirituellement et matériellement enrichi.

Bien à toi

Christian