Liberté théiste

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Héraclius
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Liberté théiste

Message non lu par Héraclius » lun. 04 mai 2015, 19:18

Bonjour à tous,


J'aimerais vous soumettre un question qui m'est apparue dans ma réflexion sur le rapport entre le libre-arbitre et les grands courants métaphysiques, du matérialisme au spiritualisme et de l'athéisme au théisme.

Comment Dieu peut-il créer la liberté ?

En effet, si la Liberté de Dieu est évidente, puisqu'il est par nature indéterminé en tant que cause première, je vois mal comment il pourrait créer un libre-arbitre dont la définition elle-même implique un auto-déterminisme. Je ne sais pas si c'est très clair...

La simple définition de la liberté est déjà bien difficile. Mais la liberté n'est pas causée, cela est certain. Or si Dieu l'a créée, n'est-ce pas déjà une causalité ? Peut-être est-ce une confusion de ma part entre faculté et usage d'une faculté...

En soi, l'acte libre est-il incréé ? Est-il tout simplement envisageable comme tel ?


Ce n'est pas très clair, ni dans ces quelques phrases, ni dans ma tête... Mais la liberté est un thème si étrange, paradoxal, et même... improbable.


A l'aide ! :p


Héraclius -
''Christus Iesus, cum in forma Dei esset, non rapínam arbitrátus est esse se æquálem Deo, sed semetípsum exinanívit formam servi accípiens, in similitúdinem hóminum factus ; et hábitu invéntus ut homo, humiliávit semetípsum factus oboediens usque ad mortem, mortem autem crucis. Propter quod et Deus illum exaltávit et donávit illi nomen, quod est super omne nomen, ut in nómine Iesu omne genu flectátur cæléstium et terréstrium et infernórum.'' (Epître de Saint Paul aux Philippiens, 2, 7-10)

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prodigal
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Re: Liberté théiste

Message non lu par prodigal » mar. 05 mai 2015, 10:26

Je vous suggère juste une piste, sans garantir qu'elle soit la meilleure.
Vous pensez que l'idée d'une liberté créée répugne à l'esprit en raison de la définition de la liberté. Mais peut-être que le problème n'est pas là où vous le voyez, mais dans la conception de la création. Si créer voulait dire exactement la même chose que fabriquer, il est probable en effet qu'on ne peut pas fabriquer la liberté.
Mais si créer signifie une relation de dépendance - la créature dépend du créateur - alors je ne vois plus de contradiction. En effet, la liberté de penser, par exemple, dépend de la relation au vrai. Nous pensons librement lorsque nous nous soumettons à la norme du vrai, nous ne pensons pas librement lorsque nous voulons aller contre la vérité. Ainsi celui qui trouve 6 quand il additionne 2 et 3 n'est pas libre, il est ignorant, et incapable de compter.
"Dieu n'a pas besoin de nos mensonges" (Léon XIII)

Cinci
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Re: Liberté théiste

Message non lu par Cinci » ven. 18 déc. 2015, 2:33

La liberté du Christ

La vérité vous rendra libre, dit l'Évangile de Jean. Phrase lapidaire, phrase profonde dont on n'arrive jamais au bout. Essayons de voir de quelle liberté il s'agit.

On pourrait penser d'emblée, en bons modernes que nous sommes, à un feu vert qui nous permettrait de faire à peu près tout ce que l'on veut, et que cette liberté est un blanc-seing pour passer outre aux interdits de convenances, aux coutumes. On mettrait ainsi dans le même sac : liberté, sincérité, spontanéité, transparence, exigence d'être soi et autres professions de foi que de nombreux docteurs de la réalisation personnelle proclament. On oublie cependant un petit détail : si la liberté se situe en apparence dans la capacité de choisir un objet parmi d'autres, elle trouve sa racine essentiellement chez le sujet, qui est le siège où cette faculté se manifeste et s'exerce. Autrement dit, si je choisis une possibilité parmi tant d'autres, le fondement de ma liberté se trouve en fait en moi plutôt que dans l'objet de mon choix.

Je serais certes libre d'aller au cinéma, de voyager, de faire la sieste ou du popcorn, d'étudier le sanskrit ou de tondre mon gazon. [...] De façon radicale, la liberté réside tout simplement dans la possibilité qui est donné au sujet, non pas de choisir de tel ou tel objet en-dehors de lui, mais d'acquiescer à ce qu'il porte au plus profond de lui-même, son intimior intimo suo, ou de le refuser. Le sujet répond en fait à un appel qui le précède; il est, le mot le dit bien, littéralement subjectus, c'est à dire soumis, assujéti à une réalité qui lui pré-existe. Il n'a qu'à agir selon sa définition profonde et essentielle, c'est à dire de se comporter tout simplement en sujet.

On peut penser à la Vierge Marie, qui n'a fait que dire «oui» à ce que le Seigneur s'incarne en elle, tout comme on peut songer à Jésus dans le jardin de Gethsémani qui, après avoir supplié son père de lui épargner la coupe de la passion, a fini par vouloir que la volonté de celui-ci soit faite et non la sienne propre. On peut également comprendre la devise «Fais ce que dois, advienne que pourra» de la même façon. Elle illustre non pas l'obligation d'accomplir un devoir imposé de l'extérieur, mais la nécéssité d'obéir à une voix intérieur irrésistible, peu importe les conséquences («advienne que pourra»). Voix intérieur irrésistible, Père ou Seigneur sont synonymes ici. Curieusement, le verbe obéir vient du latin oboedire qui signifie «prêter l'oreille à quelqu'un» ou encore être soumis. L'étymologie permet donc de comprendre que le sujet, subjectus, obéit. Mais il fait toujours face à un vivant doté de liberté. Une liberté obéit donc à une autre liberté.

Jésus Christ est donc l'exemple par excellence de la liberté définie comme faculté d'un sujet d'acquiescier à ce qui gît profondément en lui. On le comprend aisément si on songe à l'union totale qui existe entre lui et le Père dans la communion de l'Esprit Saint.

Or la liberté du sujet d'acquiescer à l'appel de ce qui l'habite au plus profond peut fort bien se muer en esclavage si cet intimior intimo suo a des visées égoïstes ou destructrices. Autrement dit, si cet être primordial n'est pas l'amour d'autrui qui caractérise l'être même du Père, de qui tout procède. Cette nature du Père nous permet ainsi d'éviter de céder à l'anthropomorphisme qui ferait de celui-ci un super-gendarme, une espèce de satrape dont les caprices tiendraient lieu de mode d'emploi de l'ordre des choses universel et de l'agir humain. On imagine mal du reste, un Jésus Christ obéissant jusqu'à la croix à une espèce de reine des coeurs égoïste et infantile telle qu'on la trouve illustrée dans Alice au pays des merveilles.

Le Père, celui sur qui repose et qui justifie toute liberté, est effectivement cette réalité ultime que les chrétiens appellent amour. Non pas amour sentimental mais amour dynamique, mouvement vers, appétence, sollicitude allant jusqu'à se vider. [...]

Transposons alors ces remarques à la réalité humaine. C'est du reste légitime car, si Dieu s'est fait homme, ce n'est pas parce qu'il s'ennuyait dans son ciel et voulait s'amuser un peu, c'est pour une raison précise : pour que l'homme partage sa liberté, et qu'il le fasse en tant que créature et non en tant que nouveau Dieu.

(A suivre)

Cinci
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Re: Liberté théiste

Message non lu par Cinci » ven. 18 déc. 2015, 3:25

(Suite)

La vraie liberté se situe du côté du sujet [...] sa volonté propre prend appui sur ce qu'il porte en lui de plus profond. En tant que sujet, il est appelé par une réalité aussi impérieuse qu'invisible et tenace, même s'il peut toujours se dérober par des subterfuges qui dureront le temps qu'ils doivent durer.

Ces subterfuges se déploient globalement dans le monde, au sens où Jésus parlait du prince de ce monde ou selon la formule «je ne donne pas à la façon du monde». Le monde c'est vaste. C'est le domaine de toutes les possibilités humaines, mais sans Dieu. L'homme ne s'y trouve finalisé que vers lui-même ou vers de faux dieux et des idoles (qui passent évidemment pour de vrais dieux). Plus fondamentalement, le monde est le théâtre par excellence où il est donné à l'homme d'éprouver sa fausse liberté et l'irréalité des faux dieux, afin d'y découvrir, tapi en filigrane, le vrai, qui l'attend et l'appelle de toute éternité.

Simone Weil, selon son habitude et sa fulgurance, a un mot aussi simple que profond :«Le faux dieu change la souffrance en violence, le vrai dieu change la violence en souffrance».

Le faux, c'est celui qui, derrière des promesses de lendemains qui chantent et une gamme enivrante de possibilités à choisir, confirme l'homme dans son enfermement en lui-même et, le privant ainsi de sa qualité de sujet, le rend prédateur d'autrui transformé en objet. [...]

Le vrai interpelle l'homme à partir d'une région obscure, innommable. La liberté de l'homme consiste, comme chez Abraham, à entendre la voix profonde, à s'arracher aux attachements familiers et aliénants, et à se mettre en marche. Ce détachement ne peut pas ne pas être douloureux. Car qui accepterait de gaîté de coeur d'abandonner ce qu'il tenait pour désirable et de dévoiler ainsi la violence qu'il occasionne à lui-même ainsi qu'à autrui. Vue sous cet angle, la liberté n'est pas une mince affaire et il n'est pas sûr que beaucoup continuent à la réclamer à cor et à cri comme ils le font d'ordinnaire en invoquant leurs droits.

L'enjeu dépasse en effet ce que l'homme est capable de concevoir : celui-ci est appelé à surmonter, à dépasser le monde, ce domaine qui offre non seulement toutes sortes de gratifications, mais également les critères d'appréciation et de légitimation de ce qui est souhaitable ou désirable (la gloire, la richesse parce qu'alors je pourrai, j'aurai ...) Le vrai dieu, en revanche, celui «par qui» l'homme marche, n'offre pour ainsi dire aucune balise tangible ni aucun résultat socialement mesurable ou gratifiant.

[...]

Dépasser le monde consisterait donc à osciller entre le retrait et le retour, à mettre chaque fois un peu plus de surnaturel dans la nature, à aider à faire en sorte que Dieu s'incarne toujours davantage afin que le monde se spiritualise à la mesure de cette incarnation. A terme, il s'agirait de vaincre la mort qui y règne; mais limitons-nous ici au dépassement.

Et c'est alors que le vrai dieu, celui de l'exercice de la liberté, transforme la violence en souffrance. La violence inconsciente du monde en souffrance consciente de l'homme. Ainsi de toute relation que l'amour a délaissée et qui s'est figée en domination, de toute convoitise qui fait de l'homme un esclave qui s'épuise inutilement et s'immole à ses propres dépends devant des idoles. L'irruption de la liberté du Christ révèle les ténèbres dénaturantes qui s'y cachent et les amène à la conscience. C'est là que ça fait mal.

La violence révélée est le prix à payer pour l'exercice de cette liberté profonde. On ne peut pas faire autrement car, une fois qu'on a goûté à cette liberté qui n'est rappelons-le, que la réponse à l'amour que Dieu nous porte (ou, pour les intelligences non religieuses, réponse à la vérité qui nous traverse), il est impossible de faire comme si celle-ci n'existait pas.

L'amour, la vérité et la liberté donnent ainsi vie à une violence qui, démasquée, provoque alors une souffrance. Car celui à travers qui se manifestent ces attributs divins, ne peut faire autrement que révéler des ténèbres dont le souci premier est de passer inaperçues. C'est plus fort que lui, il ne peut pas ne pas leur dire :
  • «Je vous vois et suis incapable de me conformer à ce que vous demandez de moi, je suis incapable de vous vendre mon âme, dût-il m'en coûter la vie. Je sais bien que je n'y trouve aucun avantage, que je risque ma santé mentale et physique, que ce qui m'est essentiel comme l'amour convenu des autres me sera refusé pour prix de mon refus. Mais je n'y peux rien : acquiescer au mensonge serait pire que mourir.»
Source : Jean Philippe Trottier, La profondeur divine de l'existence, 2014, pp. 59-68

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Re: Liberté théiste

Message non lu par Cgs » ven. 18 déc. 2015, 9:50

Héraclius a écrit :Bonjour à tous,


J'aimerais vous soumettre un question qui m'est apparue dans ma réflexion sur le rapport entre le libre-arbitre et les grands courants métaphysiques, du matérialisme au spiritualisme et de l'athéisme au théisme.

Comment Dieu peut-il créer la liberté ?

En effet, si la Liberté de Dieu est évidente, puisqu'il est par nature indéterminé en tant que cause première, je vois mal comment il pourrait créer un libre-arbitre dont la définition elle-même implique un auto-déterminisme. Je ne sais pas si c'est très clair...

La simple définition de la liberté est déjà bien difficile. Mais la liberté n'est pas causée, cela est certain. Or si Dieu l'a créée, n'est-ce pas déjà une causalité ? Peut-être est-ce une confusion de ma part entre faculté et usage d'une faculté...

En soi, l'acte libre est-il incréé ? Est-il tout simplement envisageable comme tel ?


Ce n'est pas très clair, ni dans ces quelques phrases, ni dans ma tête... Mais la liberté est un thème si étrange, paradoxal, et même... improbable.


A l'aide ! :p


Héraclius -
Bonjour,

Pour ma part, je vois les choses comme ceci.

Il faut déjà définir la liberté. La définition issue des Lumières au XVIIIème siècle - la liberté s'arrête là où celle d'autrui commence - ne convient guère. Elle provient d'une conception relativiste de la condition humaine. La définition naïve - la liberté signifie faire ce que l'on veut - ne convient pas mieux, étant purement idéaliste (puisque l'on sait que l'on ne peut pas faire tout ce que l'on veut, étant des êtres limités).

Le catéchisme et la doctrine sociale définissent la liberté comme la faculté à agir selon ce pour quoi on a été créé. En conséquence, la liberté ne se fabrique pas, elle s'accueille, elle se reçoit. Pourquoi est-on libre ? Parce que Celui qui nous a créé l'est, parfaitement, et parce qu'Il nous a créés libres - même si notre liberté est entravée par le péché.

L'acte libre est-il incréé ? Oui, puisque l'acte de Dieu est parfaitement libre, Il agit selon sa Divine Nature, celle de l'Amour. Notre liberté, avec toute son imperfection liée au péché, est un prolongement de la liberté de Dieu.

J'espère que ces quelques réflexions sauront vous éclairer sur ces questions difficiles.

Bien à vous,
Cgs
Mes propos qui apparaissent en vert comme ceci indiquent que j'agis au nom de la modération du forum.

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Re: Liberté théiste

Message non lu par gerardh » ven. 18 déc. 2015, 12:02

______

Bonjour,

Il y a la liberté en général et il y a la liberté chrétienne. Cette dernière est décrite notamment en 1 Cor 9 et en Romains 8 (ici souvent traduite par "affranchissement" ou "libération").

En tout cas la liberté n'est pas la licence, qui consiste à s'arroger le droit de faire ce que l'on veut. Il paraît qu'en chinois le mot liberté n'existe pas et que la traduction la plus proche est "licence totale", ce qui est incorrect.

N'oublions pas non plus ou en plus que le chrétien est esclave du Christ et devrait se comporter en conséquence.


______

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Re: Liberté théiste

Message non lu par Cinci » sam. 19 déc. 2015, 22:51

La confiance est peut-être la chose la plus difficile pour un chrétien. Il s'agit d'engager une foi, l'éthymologie le dit bien. Et qui dit foi dit deux choses. Si d'une part, elle implique d'être confiant, elle suppose d'autre part d'être fidèle et fiable( pistos en grec) Car elle est avant tout relation, la foi ne pouvant se déployer dans le vide. Ce qui implique un aspect actif (un sujet confiant) et un autre passif (un sujet fiable). Autrement dit, pour que j'aie la foi, il faut bien que mon vis à vis, l'autre sujet de la relation, soit digne de confiance et que je réponde en étant fiable moi aussi. Dieu est certes un être confiant et fiable, la Bible le dit à tout bout de champ, mais cela est de peu d'utilité tant que je ne l'ai pas éprouvé. C'est là l'objet du combat spirituel.

On a trop moralisé ou légalisé ces luttes en les lestant de pratiques extérieures telles que le jeûne, la pénitence, l'administration de sacrements, en les noircissant de dolorisme, d'une vision de l'homme irrémédiablement déchu mais miraculeusement sauvé de sa déréliction par un Dieu dont on ne comprend pas trop les raisons de nous sauver si ce n'est qu'il est amour (une autre notion qui mériterait d'être dépoussiérée). [...] Suivre Jésus, ce n,est pas se mettre en marche derrière un sherpa qui nous en fera voir de toutes les couleurs et nous donnera des sensations fortes pour notre argent. Car Jésus Christ n'est pas le docteur de la loi qui donne la bonne recette de la vie, ni l'informaticien qui répare un ordinateur défaillant. Suivre Jésus Christ, c'est répondre à un écho lointain que l'on porte en soi, c'est oser accorder crédit à cet appel languissant du plus profond de l'être.

En termes simples, être chrétien, c'est se mettre en route vers ce monde magnifique dont on porte une trace, ne serait-ce qu'infime, et que Jésus Christ vient rappeler et ranimer. Il le dit d'ailleurs tellement souvent :«Ta foi t'a sauvé», une formule qui a perdu sa saveur à force d'être ânonnée.

Mais ce retour à la maison du Père, pour irrésistible qu'il soit en principe, n'en est pas moins semé d'embûches, et c'est alors que l'on assume le message chrétien avec ses difficultés, ses combats et ses doutes. Ces obstacles ne doivent pas être surmontés, mais être vus pour ce qu'ils sont, acceptés et, peu à peu, dissous. Car la confiance, puisque c'est de cela dont il s'agit, n'est pas affaire de conquête mais d'abandon à ce climat. On ne peut faire confiance à un système, par définition total, contraignant et dénué de miséricorde. Mais on peut acquiescer à une atmosphère, on peut affirmer que la façon chrétienne est entraînante, en deça des justifications rationnelles a posteriori, aussi convaincantes soient-elles.

Dieu nous a aimé en premier; nous, créatures, venons en second. Il suffit de reconnaître ce fait pour comprendre la gratuité de l'amour et l'accepter. Or comment dire oui à cette gratuité si on ne la comprend pas? Comment l'accepter si elle dépasse l'entendement? Tout le problème de la confiance, de la foi, est là.

  • Marie dit à l'ange :«Comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais pas d'homme?»
    Et, répondant, l'ange lui dit :«L'Esprit Saint surviendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendras sous son ombre; et c'est pourquoi l'être saint qui naîtra sera appelé Fils de Dieu.
    [...]
    Marie dit :«Je suis l'esclave du Seigneur; qu'il m'advienne selon ta parole!»

    - Luc 1,34
L'essentiel est que l'homme fasse le premier pas («Ta foi t'a sauvé»). Et c'est là l'enjeu de la confiance, intimement lié à celui de la liberté. Non pas une liberté de choisir une option parmi tant d'autres, mais simplement accepter ou refuser. Encore une fois, c'est loin d'être facile.

[...]

Partant du constat d'impureté qui fonde l'authenticité de l'homme, rares sont les conversions immédiates, entières et pures. Plus fréquentes sont celles qui partent de besoins bien humains et qui avancent cahin-caha, un pas en avant, deux pas en arrière. Ainsi, celle du fils prodigue. Du fond de sa porcherie où il mangeait des glands avec les cochons,s'imaginait-il que son père était bon, lui pardonnerait et irait plus loin en lui enfilant sa plus belle robe ainsi qu'une bague, et en tuant le veau gras? Que non! Le pauvre bougre avait seulement faim, d'une faim bien humaine. La première étape de sa confiance a été très prosaïque : il a écouté son besoin le plus immédiat, il avait tout bonnement le ventre vide. Le reste a suivi. Mais l'essentiel était cette ouverture, de même que la disponibilité de l'être et le repentir d'avoir fait l'idiot.

La profondeur divine de l'existence
, pp. 110-116

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