Henriette a écrit : Ce que je dit, c'est juste que l'homme n'est pas si à part en soi... disons biologiquement, physiologiquement ou génétiquement si vous préférez.
Bonjour Henriette,
L'homme biologiquement, et physiologiquement est complètement à part, vous nous dites une erreur. Pour la génétique je suis sur que ti'hamo vous répondra.
La physiologie humaine se distingue des animaux et en particulier de ces grands singes auxquels nous aimons parfois nous comparer. Voici cinq grandes différences, qui montrent combien l'homme est à part. Je reprends ici les éléments d'un cours d'histoire auquel j'ai participé.
Premier point essentiel : la lenteur du développement du nourrisson, qui impose aux parents un sevrage et une garde particulièrement prolongés. Il faut plus d’un an à un petit d’homme pour marcher contre quelques quarts d’heures pour tout autre mammifère. Dans ce simple fait réside l’embryon d’un partage des tâches et d’une organisation sociale. Le trait le plus universel de celle-ci consiste en une division fondamentale entre un ensemble large et plus ou moins hiérarchisé, la société en général, et une association plus restreinte, la famille, ordonnée à la procréation et à l’éducation des plus petits. Bien des animaux doivent protéger longtemps leur petit me direz vous sans doute; ainsi la femelle orang-outang passe pas moins de six années avec son petit. Mais celui-ci a presque immédiatement une force et une autonomie suffisante pour que la mère seule suffise à s’en occuper. D’autres animaux composent des embryons de sociétés qui annoncent de manière saisissante la famille humaine : ainsi des loups par exemple. Mais jamais leur progéniture n’est aussi faible et fragile que le petit d’homme à sa naissance.
Deuxième point, bien plus décisif : la physiologie féminine présente une sexualité absolument unique dans le règne animal. Morphologiquement, la femme est la seule créature à posséder un hymen. Mais surtout, elle est le seul mammifère privée d’
oestrus : elle n’entre pas « en chaleur » au moment de l’ovulation. Comme l'écrit C. MASSET, « Préhistoire de la famille »,
Histoire de la famille , p. 114-115. « Depuis au moins quatre millions d’années – date à laquelle la biologie moléculaire situe la séparation entre les Hominiens et le Chimpanzé – elle a perdu la faculté, si répandue chez les mammifères, de n’attirer les mâles qu’au moment opportun pour la reproduction. Attractive en permanence, elle reste réceptive même une fois fécondée, ce qui est une anomalie dans le monde vivant. De ce fait, dans notre espèce, les préoccupations sexuelles sont rarement tout à fait absentes : nous ne connaissons que dans l’enfance et dans l’extrême vieillesse les longues périodes de calme sexuel qui sont le lot habituel des autres mammifères. A une rivalité entre mâles ainsi attisée en permanence s’ajoute chez nous une rivalité tout aussi vigoureuse entre les femelles. Chacune s’efforce de n’être pas moins attractive que ses voisines, et recourt volontiers à des artifices destinés, en quelque sorte, à remplacer l’appel impérieux qu’était jadis l’
oestrus . La culture succède ainsi à la nature. »
Cette double violence les animaux l'ignore. Mais elle ouvre l'homme à ne liberté et une responsabilité par rapport à lui-même et à autrui et à la vie, sans aucune comparaison possible avec l'animal. Cette caractéristique physiologique est un des éléments fondateurs de la famille. Pour reprendre votre exemple, si le couple survie, s'accouple alors la génération d'un enfant fera automatiquement prendre conscience à l'homme de sa spécificité.
Troisième point : le contrôle des naissances, bien qu'apparaissant chez les animaux, qui sont parfois capables de restreindre l’accès aux femelles ou de tuer les petits de leurs concurrents. Avec l’homme et à la différence des animaux, le contrôle des naissances atteint un degré de conscience inédit. La crainte de manquer, le désir de conserver un équilibre entre les ressources et les consommateurs expliquent l’infanticide, l’avortement, un bon nombre de tabous sexuels limitant la fécondité, et certainement la contraception, déjà pratiquée dans un bon nombre de sociétés dites "primitives". Principe que nous appliquons encore dans nos sociétés dites "évolué".
Quatrième point qui est typiquement humain: la division sexuée des tâches. C'est une caractéristique humaine universelle. Ce qui ne signifie pas que ce sont toujours les mêmes tâches qui sont réservées aux hommes ou aux femmes. Cependant, il semble en particulier que la chasse et l’entretien du feu soient deux responsabilités bien séparées. Il me semble que tous les animaux craignent le feu.
Dernier point, vers la fin du cinquième millénaire, se répand l’usage des sépultures. Celles que nous connaissons sont souvent collectives et renferment parfois des familles entières. La tombe signifie plusieurs choses. D’une part, la mise à distance de la mort, qui commence à être symbolisée et dite : ceci est d’une grande importance dans la constitution de la psychologie humaine. La mort entre ainsi dans un réseau de significations, dans un récit. Par ailleurs, la tombe signale la fondation d’une mémoire et d’un lignage : les hommes auront désormais des ancêtres dont la trace reste présente dans le monde. C'est également un point très important, en effet dans l'ordre de l'être l'auto conscience qui se creuse en l'homme est inséparable de sa généalogie. Je reçois mon existence d'un autre qui me donne un nom.
Bien à vous,