EGALITE, EQUITE & DISCRIMINATION
[/color][/size]L'ÉGALITÉ
Voici, après la liberté, le second terme de la devise franc-maçonne adoptée par la République française. En philosophie, l'égalité signifie une identité stricte sous le rapport envisagé (et non pas nécessairement sous tous rapports). On ne doit donc parler d'égalité, entre deux ou plusieurs termes, que sous un certain rapport : des individus ne sont pas égaux dans l'absolu, ils sont (ou peuvent être) égaux en droit, en dignité, devant la loi, etc.
La passion française pour l'égalité, d'inspiration socialiste, considère plus précisément l'égalité "sociale", par opposition aux disparités sociales - en particulier sous le rapport des revenus. L'égalitarisme se propose, par l'action dirigiste des pouvoirs publics, de réduire les inégalités sociales qui tendent à apparaitre spontanément (voir "naturellement") pour réaliser ce que ses promoteurs appellent la "justice sociale". Puisque l'égalité consiste à donner à chacun la même chose, sans égard à sa situation particulière, les égalitaristes sont amènés à nier toute légitimité aux facteurs de différentiation sociale. Cette conception correspond très approximativement à la "justice commutative" d'Aristote.
L'ÉQUITÉ
Symétriquement, l'équité consiste à donner à chacun ce qui lui revient de droit, en supposant que ce droit est personnel et non pas égal pour tous. Cette conception de la justice suppose qu'il puisse légitimement exister des critères de différenciation des individus (l'identité individuelle, le mérite, la situation personnelle, le statut social, etc.) devant une situation donnée. Cette conception correspond très approximativement à la "justice distributive" d'Aristote. C'est à cette seconde conception de la justice que l'Église - à la différence du marxisme - rattache la "justice sociale".
LA DISCRIMINATION
On parle de "discrimination" quand il y a une inégalité injuste. Or, nous venons de le voir, le concept de "justice sociale" peut avoir un sens très différent si l'on se place dans une conception "égalitariste" ou dans une conception "équitariste". Pour les égalitaristes, toute différentiation est par essence discriminatoire. Pour les "équitaristes", une différentiation n'est discriminatoire que si elle n'est pas fondée en justice ; si elle est fondée en justice, il convient mieux de parler de "distinction".
Sur la passion égalitariste du peuple français est venu récemment se greffer une seconde passion : la passion "anti-discriminante" qui se traduit juridiquement par l'interdiction d'opérer des distinctions, qu'elles soient ou non fondées en justice, sur certains critères : sexe, âge, ethnie, religion, orientation sexuelle, handicap, nationalité, niveau d'éducation, etc.
Il est louable que les pouvoirs publics cherchent à rationaliser et à rendre plus juste leurs propres décisions en évinçant la prise en considération de critères non-pertinents sur lesquels reposent les discriminations : c'est là poser les bases d'une saine déontologie de la décision publique. Encore faut-il que, par excès de zèle, ils ne s'interdisent pas de considérer certains critères pertinents... ce serait donner dans l'égalitarisme.
Inquiétante est par contre la volonté de ces mêmes pouvoirs publics de faire de l'ingérence dans les processus de décision des corps sociaux, car cela consiste - ni plus ni moins - à empiéter sur la liberté de choix et donc sur l'autonomie de ces corps sociaux et à vouloir substituer à leur propre déontologie la déontologie des décisions publiques. Si l'on estime qu'un propriétaire a le droit de choisir ses locataires, si l'on estime qu'un employeur a le droit de choisir ses salariés, si l'on estime qu'un électeur a le droit de choisir ses représentants, pourquoi vouloir à tout prix contrôler ces choix en définissant légalement quels sont les seuls critères pertinents ou imposer des quotas ?
Des décisions injustes, il y en aura tant qu'il existera des décisions libres. Mais vouloir supprimer toute décision libre sous prétexte de vouloir éradiquer les décisions injustes est le fantasme du totalitarisme, lequel constitue finalement la plus grande des injustices. Avec la "légitimité démocratique", les pouvoirs publics ont acquis aux yeux de beaucoup une légitimité illimitée... c'est là le drame et le danger de la démocratie républicaine.
Pax vobiscum
Christophe