Bonsoir,
Pour le tabernacle sur l’autel, il est vrai que j’ai généralisé, car les églises en France, ont pratiquement toutes un axe Est-Ouest avec l’autel majeur au fond de l’abside. Mais la France n'est pas toute la chrétienté et dans d’autres pays où l’orientation Est-Ouest n’est pas nécessairement respectée, cette décision en fixera la manière d’y célébrer la messe. Puisque nous parlons ici du rite romain, ce n’est certes pas en France où origine ce rite mais bien à Rome et à Rome, nous le verrons, l’orientation de la prière vers l’orient et des églises suivant ce même axe n’est ni une coutume, ni une règle, ne l'a jamais été et même fut strictement interdite et nous verrons pourquoi.
«Il est certain que les temples du paganisme ont été constamment dirigés de l’Occident à l’Orient, Vitruve, dans ses traités d’architecture, en fait une loi. Cette règle ne fut pas néanmoins sans exception. Lorsque le christianisme vint s’asseoir sur les ruines de l’idolâtrie, on tourna au profit de la religion chrétienne le symbolisme païen, en attribuant au vrai soleil du monde, Jésus-Christ, l’honneur que le paganisme rendait à Phoebus. Le poète africain Corippus s’exprime, à ce sujet, d’une manière fort élégante, dans les vers suivants :
«Hunc veterum primi Ritum non rite colebant, Esse Deum solem recta non mente putantes, Sed factor solis postquam sub sole videri, Se voluit, formanque Deus de virgine sumpsit, Est Christo delatus honor. (Les païens n’observaient point, par un louable motif, l’antique coutume de se tourner vers l’Orient, lorsqu’ils priaient, car ils croyaient follement que le soleil était Dieu. Mais lorsque le Créateur du soleil voulut bien se rendre visible sous le soeil, et que Dieu lui-même eut pris chair dans le sein de la Vierge, c’est à Jésus-Christ que se rapporta cette adoration.»
Néanmoins, selon la remarque de plusieurs liturgistes, dès les premiers siècles, plusieurs églises avaient leur portail en face de l’orient, et par conséquent leur abside vers l’occident. C’est ainsi que sont disposées les églises et basiliques de Rome dites constantiniennes, et surtout les deux principales, Saint-Jean-de-Latran et Saint-Pierre. Ainsi les partisans de l’opinion selon laquelle il aurait été de règle absolue qu’on se tournât vers l’orient pour prier, nous font observer que le célébrant, dans ces églises romaine où s’est développé le rite romain, disait la messe en regardant l’orient et se plaçait en face du peuple. Cela se pratique encore aujourd’hui à Saint-Jean-de-Latran, à Saint-Pierre, Sainte-Sabine etc. Mais il n’en est pas moins vrai que le peuple qui est dans la nef de ces églises prie en se tournant vers l’occident. Il n’est pas moins vrai non plus que les autres autels de ces églises n’étant pas disposés comme l’autel principal où le saint Sacrifice est célébré fort rarement, le prêtre qui y dit la messe ne se tourne pas vers l’orient, mais vers l’occident, le nord, ou le midi. » (Origine et Raison de la liturgie catholique, J.B.E Pascal, 1911, p. 519).
Donc nous ne pouvons conclure que pour le rite romain, la règle était de célébrer la messe ou d’orienter la prière vers l’orient puisque cette coutume ne fait pas loi à Rome et dans l’Italie. En plus cette coutume n'a pas d'assise proprement chrétienne et est empruntée au paganisme auquel on lui a trouvé un sens chrétien. On sait de plus que les temple du paganisme ne seront pas converties pour la plupart en église chrétienne, mais plutôt démolies. On recontruira des édifice mais sur les plan des basilique de la Rome impériale qui étaient des marchés publique, en plus de les orienter selon l'axe Ouest-Est, c'est à dire la façade de l'église regardant vers l'Est, l'orientation contraire des temples païens. Le christianisme à Rome voulait tout simplement prendre ses distance par rapport aux coutumes païennes. En dehors de l’Italie, où se développent d'autres rites, l'orientation vers l'Est, nous pouvons l’admettre était même une coutume fortement ancrée pour toutes les églises, monastères, et cathédrales en France en particulier. Et le rite qui est exercé en France jusqu’à Charlemagne n’est pas le rite romain, mais gallican ou rite de la Gaule. (tout comme il existait, à l’époque d’autres rites propre pour des pays ou des villes, on pense en particulier à l’Espagne, Lyon ou Milan etc).
Regardons maintenant ce qu’il dit sur la position du prêtre à l’autel :
«Il est pourtant impossible de considérer comme règle sévère, invariable, strictement liturgique, soit la position du prêtre à l’autel tourné à l’orient, soit la direction de l’église elle-même vers ce point cardinal. Walafride Strabon, au VIIIe siècle, après avoir parlé de l’ancien usage, ne fait pas difficulté de dire : «Nunc oramus ad monem partem, quia Deus ubique est. «Nous prions et célébrons maintenant en regardans tous les points de l’horizon, parce que Dieu est partout. ». Au surplus, la règle en vertu de laquelle les églises devaient être tournées vers l’orient a été si peu constante et invariable qu’il existe des decrets pontificaux qui le défendent expressément. L’auteur du Dictionnaire d’érudition historico-ecclésiastique compilé sous les yeux du pape Grégoire XVI, par Gaëtano Moroni, nous fournit un document précieux. Il dit que jusque vers le milieu du Ve siècle on se montra fidèle à se tourner vers l’orient pour prier, mais qu’à cette époque le pape saint Léon défendit aux catholiques de prier dans cette posture afin de ne pas ressembler au manichéens qui adoraient le soleil et jeûnaient même, le dimanche, en son honneur, parce qu’ils croyaient que Jésus-Christ, après l’Ascension, avait fixé sa demeure dans cet astre, en interprétant mal ces paroles du Psaume 18 : «In sole posuit tabernaculum suum. » . ibidem.
En plus, il est à remarquer que la participation du peuple à la liturgie romaine était davantage facilitée non seulement par les dispositions des églises et basiliques romaines mais également par le rite romain lui-même. A Rome, faut-il le marquer, ce rite romain se développera d’une manière unique à travers la messe stationnale de l’évêque. Le mot statio y désignant une assemblée convoquée à l’avance pour un jour et une église déterminés; tous les fidèles et le clergé de Rome entourent son évêque. Et le mot entouré n’est pas à prendre comme figure de style, c’était le point autour duquel se déploie le rite romain. Les stations les plus anciennes et les plus essentielles ont lieu au Latran, mais de nombreuses basiliques urbaines ou cimétériales en viennent à recevoir tour à tour cette pérégrination de l’Évêque et de son clergé, ne serait-ce que Ste-Anastasie le jour de Noël où le pape s’y rend pour célébrer l’antique messe de l’aurore : Le pape préside la messe entouré de son clergé, assisté des diacres et sous-diacres, des autres ministres et des fidèles romains. La messe stationnale est le modèle que remettra en valeur Vatican II dans son projet de restauration du rite romain.
(Liturgie et basiliques de Rome au milieu du VIIe siècle, 1911, pp. 296-330)
La prière tournée vers l’Orient a eu une grande importance dans la liturgie antique en dehors de Rome, donc ce n’est certes pas une caractéristique du rite romain. Elle a commandé l’orientation des églises et, dans une certaine mesure, la place du célébrant à l’autel, lorsqu’on a estimé qu’il devait, comme les fidèles, se tourner vers le Levant. Elle remplaçait, pour les chrétiens, l’usage juif de prier en direction de Jérusalem. L’Église romaine ne l’a pas observée dans la construction de ses basiliques, elle semble même l’avoir trouvée suspecte, comme une survivance du paganisme chez les fidèles : il est probable que les rubriques des Ordines romani qui la prescrivaient aient été toutes des additions opérées en Gaule.
bibliographie:
Tertullien, Ad nationes 1, 13, 1-5 et Apologeticum 16, 9-10, CCL 1, pp. 32 et 116;
Origène, De oratione 32, PG 11, col. 556-5567 : Didascalie des Apôtres 12, Éd. R. H. Connoly, pp. 119-120; S. Basile , Traité du Saint Esprit 27, éd. B. Pruche SC 17, pp. 233-236. Au sujet de l’expression «Conversi ad Dominum» par laquelle se terminent un certain nombre de sermons de saint Augustin, voir P. De Clerck, La prière universelle dans les liturgies latines anciennes, Münster, Aschendorff, 1977 (LQF16-17), pp. 98-108,
F. Dölger, Sol salutis…, Münster, Aschendorff, 1920 (LQF 16-17, pp. 98-108, 115-193, 245-258;
C. Vogel, Versus ad orientem, in Studi medievali (Spolet), 3e ser., 1,2,1960, pp. 447-569 ( Problème technique de l’orientation dans le culte Chrétien.
RevSR36, 1962, pp. 175-211; ID, l’orientation vers l’Est du célébrant et des fidèles pendant la célébration eucharistique, OS 9, 1964, pp. 3-37;
S. Léon, In Nativitate Domini Sermo 7, nn. 4-5, Ed. J. Leclercq et R. Dolle, Eéd. Du Carf, pp. 156-161.
Andieu OR 2, p. 7
Pour les prières au bas de l’autel, en relisant les autres commentaires plus haut, je ne vois pas en quoi ceci a été sujet de litige, mais ce n'est pas l'unique endroit de la messe où nous pouvons parler de messe dialoguée mais je vous remercie quand même de ce commentaire. Pour les chasubles, comme on dit si souvent : tous les goûts sont dans la nature!!! Ce qui peut plaire à l’un ne l’est pas forcément pour d’autres. Mais encore là c’est un choix personnel qui revient au prêtre seul.
Je n'ai malheureusement pas lu L'esprit de la liturgie du cardinal Ratzinger, mais je me promets bien de le lire afin de savoir sur quels éléments il se base pour affirmer ses dires si par contre des liturgistes, impliquant ceux de Saint-Anselme, affirment de leur côté, que la messe «versus populum» est une restauration du rite romain.
Si dans son affirmation, et c'est à vérifier, le cardinal Ratzinger, veut nous faire comprendre que la disposition de l'autel et la célébration eucharistique dans les églises et basiliques romaines n'avaient pas pour but premier de célébrer devant le peuple mais que les dispositions de l'autel et des lieux en faisait ainsi, était-ce pour autant un manque de sens liturgique et une nouveauté même si les fidèles voyaient de face le pape célébrer la messe?
In Xto
Sapin