Reconstitution historique d'une messe au XVème siècle
Publié : mar. 13 sept. 2016, 13:13
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Une vidéo montre une “reconstitution” d’une messe au XVe siècle. Cliquer ici.
Tous les historiens et les spécialistes de la liturgie qui ont un tant soit peu étudié les livres liturgiques des XIVe et XVe siècles - passablement disparates - verront qu’il s’agit là d’une “reconstitution” (c’est d’ailleurs ce que précise le présentateur) faite d’éléments variés pour arriver à présenter une messe qui n’a jamais été célébrée de cette façon.
Mais la question essentielle qu’on peut se poser est la suivante : pourquoi avoir choisi de présenter une messe du XVe siècle alors qu’on sait qu’à cette époque la liturgie romaine était si dénaturée et si délabrée dans les paroisses dévastées par la guerre de Cent Ans, qu’un siècle plus tard, S. Pie V publiera un missel plénier (une grande nouveauté !) dans le but d’unifier le rite que l’Eglise considère comme “romain” et qui, en réalité, est romano-franc (1).
On remarque aussi que la vidéo fait entendre du chant grégorien alors que ce répertoire musical n’existe plus guère au XIVe siècle ; il ne sera redécouvert qu’au XIXe siècle grâce aux travaux des bénédictins de Solesmes.
D’où cette question : pourquoi n’avoir pas essayé de montrer une messe romaine restituée à partir de manuscrits fiables du XIe ou du XIIe siècle?
Note.
(1) Beaucoup ignorent que le missel de S. Pie V était prévu par les messes lues (aussi appelées messes basses). Par la suite, quand on a voulu l’utiliser pour les messes chantées, il a fallu trouver comment ajouter les pièces du propre et de l’ordinaire. Et l’on a abouti au résultat que l’on sait : le prêtre continue à célébrer une messe basse au cours de laquelle il chante toutefois les oraisons. Pendant cette messe qu’on peut alors qualifier de “semi- basse”, la schola chante les pièces du propre et de l’ordinaire. Ce qui fait que tous les textes du propre et de l’ordinaire sont doublés : lus par le célébrant et chantés par la schola seule (propre) ou par la schola alternant avec l’assemblée (ordinaire). Une messe dans une messe en quelque sorte... Il s’agit là d’une pratique étrangère à tous les rites, rite romain y compris. Comme disait un jeune fidèle à l’issue d’une messe selon la forme extraordinaire : « Quand on ne connaît pas autre chose, on s’habitue ; mais quand on y réfléchit, c’est étrange... » Ce que disait aussi Benoît XVI et avec lui de nombreux théologiens ayant étudié les liturgies anciennes.
En fait, il faut nuancer : saint Pie V n'a pas inventé de rite. Il n'a fait que codifier ce qui se pratiquait déjà. De même, les missels pléniers devaient exister de part la nécessité de célébrer des messes basses.Héraclius a écrit :Petie note un peu HS : je trouve assez fascinant la note de D. Crouan, ça m'apprend un truc. D'autant qu'on dit souvent que liturgiquement, la messe a son origine dans la solennité des rites pontificaux, que l'on simplifie avec la messe solennelle presbytérale, et jusqu'à l'humble messe basse, qui faute de "moyen" est lue, ce qui est en un sens ne sorte d'abus. Finalement, le rite de Saint Pie V aurait quelque part pris le chemin inverse, à contre-courant du développement organique de la liturgique dans la primitive Eglise, en repartant de la messe basse pour constituer la messe solennelle.