Réflexions sur les Rubriques de 1960

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Sapin
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Réflexions sur les Rubriques de 1960

Message non lu par Sapin » mar. 29 mai 2012, 2:14

J'ai commencé à lire les rubriques de 1960 concernant le Bréviaire et le Missel romain, ce que je n'avais jamais fait jusqu'à présent. À première vue, il est évident que la promulgation des ces rubriques en 1960 dont l'effet prenait cours le 1er janvier 1961, avaient pour but déjà de réformer la liturgie. Beaucoup de changements ont été signalés et nous sommes déjà devant une réforme liturgique importante mais qui respectait la tradition courante de la liturgie. Il ne semble pas que ces rubriques furent la base des réformes liturgiques du concile, du moins après la mort de Jean XXIII, puisque Paul VI et les Pères du concile iront beaucoup plus loin dans ces réformes jusqu'à ne plus reconnaître la continuité de l'action liturgique dans les décrets officiels de 1970. Nous sommes à ce moment dans quelque chose de tout autre, et qui de fait, et en écrivant cela je ne m'est pas en cause la réforme liturgique de 1970 avec Paul VI, mais nous sommes bel et bien en face d'une coupure et une coupure assez radicale et qui ne se rattache en rien avec la tradition liturgique de l'Église, car très souvent nous sommes face à de la pure spéculation lorsqu'on affirme que la liturgie de Paul VI est retournée aux sources de la liturgie des premiers chrétiens. Objectivement parlant, on n'en sait rien de cette liturgie, car les textes sont plutôt rares voire même inexistants.

Je continuerai ma réflexion après une lecture plus approfondie des rubriques de 1960.

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Re: Réflexions sur les Rubriques de 1960

Message non lu par jeanbaptiste » jeu. 31 mai 2012, 23:19

Actuellement, autant que possible, je lis les messes quotidiennes des deux formes, et je passe successivement de l'Office selon la forme ordinaire (Heures Grégoriennes) à celui selon la forme extraordinaire (Diurnal monastique du Barroux).

Et je crois être assez d'accord avec vous. La Présentation de l'Office des Heures dans le PTP parle d'une restauration, mais il est bien difficile de voir en quoi il y a restauration puisque des pratiques multiséculaires (psaumes sur une semaine) sont brisées (psaumes sur 4), que l'on se retrouve avec des psaumes "abrogés" (si l'on peut dire) etc.

Cependant, il y a aussi une continuité réelle (si on compare le latin au latin), c'est indéniable. Mais des ruptures nombreuses, aussi.

En fait, très sincèrement, la nouvelle liturgie est très "intellectuelle", fait très "liturgie conçue par des spécialistes". Car il y a plein d'idées ingénieuses et qui peuvent se justifier (répartition sur 4 semaines, lectures sur 3 ans).

Malheureusement c'est un peu trop "intellectuel" : Dimanches sur 3 ans ; Semaine divisée en années paire / impaire ; Office des heures sur 4 semaines. Du choix et encore du choix (Prières eucharistiques ; oraisons du temps ordinaire ; préfaces démultipliées etc.). Des lectures partout (lecture brève, très intéressantes, dans l'Office) ; la prière universelle, déjà étendue à tous les dimanches, trouve une sœur dans les prières d'intercessions de l'Office etc.

À côté de ça on "épure" le reste de l'Office : plus de Fratres: Sóbrii estóte, et vigiláte par exemple.

Plein de choses sont simplifiées, mais ça va dans le sens de la réforme tridentine. Il est intéressant de comparer le foisonnement du rite monastique avec le rite romain selon la forme extraordinaire, plus sobre et moins "communautaire" par nature.

Globalement, je trouve que la réforme des grandes heures n'est pas surprenante (exceptées la répartition sur 4 semaines), en revanche les Complies ont, me semble-t-il, vraiment souffert. Vraiment, je trouve les complies de la forme ordinaire très pauvres (en comparaison, pas en soi).

J'ai jeté un peu mes idées à chaud et sans ordre. Alors que dire ?

La forme ordinaire me semble marqué par un esprit de la crainte de la "redite" : "nettoyage" de tout ce qui peut ressembler à une redite et multiplication des possibilités de changer et de choisir (langues, oraisons, hymnes : tout cela est en "kit"). Dès lors tout ce qui relève de la conservation d'une tradition existante semble disparaître au profit de ce qui est "fonctionnel".

La disparition des rogations et des quatre-temps, ainsi que la quasi mise au second plan du sanctoral avec le lectionnaire "complet" (qui double les vigiles de l'Office ... qui n'existent quasiment plus), donne l'impression que l'on a affaire à un missel très "intellectuel".

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steph
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Re: Réflexions sur les Rubriques de 1960

Message non lu par steph » ven. 01 juin 2012, 0:29

Bonjour!
jeanbaptiste a écrit :la réforme des grandes heures n'est pas surprenante (exceptées la répartition sur 4 semaines)
Et le changement de la place de l'hymne (qui n'est pas un chant d'entrée)!

Je confirme par ailleurs que l'on a beaucoup réformé pendant la première moitié du XXe s. Je n'ai pas fait l'inventaire de tous les changements ni de leurs implications, mais ça a beaucoup changé^^
En 1910, on avait encore un bréviaire plus "lourd" (en terme de nombre de mots) que l'office monastique bénédictin!
en 1912, on pouvait avoir des offices avec pleins d'oraisons (via les commémoraisons): cf. l'octave de Noël où chaque jour on en rajoutait une: je trouve la chose assez plaisante et l'idée d'associer mon saint Patron à la célébration de ces jours fait pour moi que ces commémoraisons sont une évidence.
Par la suite, on a limité les commémoraisons à trois grand maximum...

Ce n'est ici que quelque chose de mineur...

Les lectures brèves des Heures sont vraiment un grand avantage, ainsi que la multiplication des hymnes (mais pourquoi autant de Lentini?), le fait de ne moins recourir aux explications de St Jérôme qui n'apportent pas toujours grand chose à la méditation de l'office de lecture et ainsi de mettre en avant plusieurs autres Pères (et les Actes du Concile Vatican II: tiens, tiens).
Cela est vraiment positif: rechanger la structure de l'office n'était pas vraiment nécessaire: on aurait pu (puisqu'on le fait de toute façon) "laisser le choix" entre une récitation hebdomadaire ou plurihebdomadaire...

Comme le dit très bien Guy: on sait fort peu de chose sur la prière des premiers chrétiens... On a sans doute plus instauré que restauré... (clin d'oeil à St Pie X!)
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Re: Réflexions sur les Rubriques de 1960

Message non lu par jeanbaptiste » sam. 09 juin 2012, 21:13

suite du fil :

http://www.cite-catholique.org/viewtopi ... 41#p222041
Guy : Quand je dis que le missel et la réforme de Paul VI s'est écarté passablement de cette tradition dont certaines sources remontent au IVe et Ve siècle, nous en avons un bon exemple avec les Quatre-Temps. On les les mentionne dans le sacramentaire du pape Léon, on les retrouve dans le missel de Trente mais supprimés dans celui de Paul VI. (C'était aux conférences épiscopales de décider, je crois), enfin ce qui est certain c'est que nous ne les retrouvons plus dans le calendrier de Paul VI.
J'avais écris il y a quelques temps un petit article sur ce sujet, le voici :
Avec le missel de Paul VI nous avons vu disparaître les fêtes des quatre-temps et des rogations du calendrier liturgique. Je dois avouer que cette disparition m’attriste un peu. Ces fêtes donnaient au missel romain un ancrage solide dans la terre et l’ordonnait au rythme des saisons.

Mais, à la réflexion, il faut reconnaître que les fêtes des quatre-temps n’ont pas beaucoup de sens dans des pays qui ne connaissent pas nos saisons (printemps – été – automne – hiver). La réforme liturgique ne pouvait pas ne pas en prendre compte.

C’est tellement vrai, qu’en réalité, si nous regardons de plus prêt les documents relatifs au missel de Paul VI, nous apercevons que les rogations et les quatre-temps n’ont pas disparus !
VII. Les Rogations et les Quatre-temps

45. Aux Rogations et aux Quatre-temps, l’Église a coutume de prier le Seigneur pour les divers besoins des hommes, en particulier pour les fruits de la terre et les travaux des hommes, et de lui rendre grâce publiquement.

46. Afin que les Rogations et les Quatre-temps puissent être adaptés aux divers besoins des lieux et des fidèles, il incombe aux Conférences des Évêques de régler leur ordonnance pour ce qui concerne le temps et la manière de les célébrer.

De même, pour ce qui concerne la durée de leur célébration, qui peut se poursuivre pendant un ou plusieurs jours, et la périodicité de leur réitération au cours de l’année, il faut que des normes soient fixées par l’autorité compétente, eu égard aux nécessités locales.

47. Pour chaque jour de ces célébrations, on choisit, parmi les Missæ pro variis necessitatibus, la messe la mieux adaptée au but des supplications.

Normes universelles de l’année liturgique
Très logiquement, l’établissement est réservé aux Conférences des Évêques des pays concernés afin de les adapter aux particularités du lieu.

On peut penser qu’il existe un quatre-temps de la mousson !

C’est une bonne nouvelle, la mauvaise c’est que notre Conférence des Évêques, au moment de la promulgation du missel romain en pays francophones, ne semble pas avoir considéré que les rogations et les quatre-temps avaient un quelconque intérêt pour nous autres modernes.

Et ça, c’est bien triste.
Pour résumer :

Il n'est pas dit que les rogations et les Quatre-Temps sont optionnels, mais que la période et la manière de les célébrer doivent être adaptés aux lieux et aux fidèles par les évêques.

Je crois que cette réforme prend assez justement en compte "l'universalisation" du message évangélique.

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Re: Réflexions sur les Rubriques de 1960

Message non lu par Sapin » lun. 11 juin 2012, 16:49

v.j.m.j.

Soit cette question de steph:
steph a écrit : Bonjour Père Guy!

Je me pose, à vous lire, la question de savoir comment le prêtre que vous êtes vit intérieurement cette déchirure entre la forme extraordinaire et la forme ordinaire (si j'ai bien suivi, vous célébrez les deux)?
La seule réponse que j'entrevois, c'est la confiance en la divine Providence, croire que l'Esprit n'a pas abandonné complètement ceux qui ont fait les réformes (puisque ce n'est même pas leur application qui est rupture).
De fait, peut-on parler de déchirure, je ne crois pas. Mais il est évident que les deux formes du rite Romain sont diamétralement opposées: l'un fait appel véritablement à un rite, l'autre plutôt à une animation d'assemblée. Il est vrai que j'ai beaucoup de difficulté à trouver les notions de rite et de rituel dans la forme ordinaire et aujourd'hui on plus le souci de tout expliquer tout ''intellectualiser'' dans la forme ordinaire, plus que de vouloir faire entrer les fidèle dans le mystère du Christ, à mon avis. J'ai remarqué à la messe que les gens sont beaucoup plus attentif lorsqu'un rite se déploie avec beaucoup de détail à l'avant que lorsqu'il y a constamment et interminablement quelqu'un qui parle en avant. Pour moi le grand abus de la forme ordinaire est d'avoir décentraliser du mystère du Christ et de l'acte d'offrande pour tout centrer sur la personnalité du prêtre à l'avant. Chez nous, plus un prêtre est du style ''vedette'', ''humoriste'', plus il est populaire et plus il passe pour un bon prêtre qui comprend les gens. De fait, ces prêtres passent pour très sympathiques aux yeux des fidèles, mais opèrent-ils chez les fidèle un désir profond de rencontrer Dieu, le Christ, de se convertir pour approfondir les vertus chrétiennes et le mystère Pascal. C'est la raison pour laquelle je parle plus d'animation que de rite pour la forme ordinaire.

L'idée du concile, en matière de liturgie, était de revenir aux sources de la célébration de l'eucharistie. Pourtant, à l'époque de l'antiquité tardive, où se situe les débuts du christianisme, les rites et rituels sont énormément déployés et avec un souci du détail. La raison est bien simple, on était en présence du Divin, d'une divinité et les rites et rituels déployaient des gestes qui sortaient de l'ordinaire pour se lier ou relier (religio) ou faire le pont (pontifex) avec le divin, l'absolu.

Pour moi, il est évident que le mouvement de renouveau de la liturgie a été fortement influencé par le courant de changement des soixante-huitards, on voulait changer! J'ai toujours trouvé étonnant, d'ailleurs dans cette idée de vouloir faire du changement que Paul VI serait très souple, très ouvert face à la liturgie, mais sera d'une très grande rigidité concernant la rédaction d'Humanae Vitae!!! Il y a pour moi quelque chose qui cloche ici, car de plus, Paul VI avait retirer des débats du concile cette question concernant la morale sexuelle, erreur fondamentale selon moi.

Je m'étais fait à l'idée que la réforme liturgique des années '60 était la volonté d'une grande majorité et que le reste relevait de groupuscule sectaire. Pourtant, des décisions surprenant de la part de Jean-Paul II (Ecclesia Dei), et encore plus de la part de Benoît XVI (motu proprio), m'ont démontrer qu'il y avait réellement quelque chose qui n'allait pas dans cette réforme liturgique des années '60. De plus, un membres du forum avait, sur un autre fil, apporter toute la polémique entre le cardinal Ottaviani et Paul VI, lors de l'édition du missel en 1973. On doit, en toute objectivité, admettre que le cardinal Ottaviani apportait des points plus que pertinents pour remettre en question cette réforme. Alors, étions-nous devant un consensus de tous concernant cette réforme ou bien Paul VI a voulu ménager la chèvre et le choux pour produire ce missel qui devenait le moindre mal. Le problème est que présentement nous changeons de génération, et la génération du concile est âgée et disparaît de plus en plus. Un mouvement vers un retour de la liturgie d'avant 1962 se manifestent de plus en plus, le plus souvent porté par ''the new generation'' donc des jeunes, et le pape ne semble pas y manifester de l'opposition, bien au contraire.

Donc, déchirure: non pour ma part. Grandes interrogations de ma part concernant la liturgie de Paul VI telle qu'elle est en ce moment: oui. Je trouve cela plutôt motivant de faire de la recherche, de confronter les différentes sources, les différents auteurs avec leur interprétation des sources.

Je crois cela important, car les rites et rituels sont important pour l'être humain et le chrétien de surcroît. Les anthropologues eux-mêmes le disent: l'homme ne peut se passer de rites qui rythment les moments importants de sa vie et lui rappelle qu'il existe un absolu au dessus de lui!

J'espère que cela répond à vos interrogations, sinon, posez-moi encore des questions.

Bien à vous,

G
Père Guy

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