Les deux formes de la liturgie romaine vues par un metteur en scène

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AdoramusTe
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Les deux formes de la liturgie romaine vues par un metteur en scène

Message non lu par AdoramusTe » jeu. 31 mars 2016, 15:22

Luigi Martinelli est un jeune metteur en scène de théâtre italien. Né en 1987, il a obtenu en 2011 un master en Sciences et techniques des arts et du théâtre grâce à un mémoire intitulé Les formes du sacré : la performance dans le rite romain. En 2014, ce mémoire est devenu un livre « Le forme del sacro. La performance nel rito romano » (Cavinato Editor, Brescia, 2015), préfacé par don Nicola Bux, qui fera l’objet d’une conférence à l’issue d’une messe célébrée selon la forme extraordinaire du rite romain, ce 31 mars 2016, à Brescia, la ville de Paul VI...

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Tempi : Après avoir mis en évidence aussi bien les forces que les faiblesses de l’une comme l’autre forme du rite romain, vous vous arrêtez longuement sur la forme extraordinaire du rite romain que vous indiquez comme l’exemple à suivre. Mais que peut communiquer à l’homme contemporain un rite aussi ancien que le Vetus Ordo Missæ ?

Luigi Martinelli : Si je m’arrête sur la liturgie romaine traditionnelle, c’est bien parce que la performance corporelle et sensorielle y tient un rôle fondamental. Celle-ci communique efficacement à l’homme l’essence du contenu de la foi qui est célébrée. Elle manifeste le sens du sacré en faisant appel à la sensibilité physique de l’homme par des sollicitations extérieures aussi efficaces que la distribution intelligente du silence « actif » aux moments clés du rite ; l’importance accordée à une certaine typologie de chant, le grégorien, et à la seule musique de l’orgue pour accompagner le recueillement ; la parole vivante de la langue sacrée qui émancipe les mots de l’urgence de devoir signifier en remettant à l’honneur la valeur de la vocalité ; l’importance réservée aux actions, aux gestes, aux postures ; l’orientation dans l’espace et la verticalité. Tout est construit autour d’éléments performants susceptibles de générer réalité et expérience. Le rite romain traditionnel est un agrégat d’éléments rituels « ésotériques », dans la mesure où ils ne s’adressent pas prioritairement à notre sphère rationnelle mais à notre perception sensible qui transcende notre raison humaine. Il ne s’agit pas d’une simple liturgie de mots, conceptuelle, pas plus qu’il ne s’agit d’une commémoration ou d’une observation distante pour satisfaire ses préférences esthétiques, mais d’une expérience concrète de la réalité, une liturgie qui interpelle nos sens en engageant d’un même coup notre corps, notre esprit, notre âme dans la célébration des Saints Mystères.

Tempi : Pourquoi, selon vous, la forme ordinaire du rite romain ne parvient-elle pas à exprimer pleinement le sens du sacré ?

Luigi Martinelli : La réforme liturgique a porté quasi exclusivement sur le legomenon : les mots, les textes, les traductions, les simplifications linguistiques et sémantiques, dans le but d’éduquer et d’instruire les consciences des fidèles en favorisant leur compréhension intellectuelle du rite. La logique suivie est éminemment moderne. C’est celle de la dévaluation du rituel, qui consiste à détourner l’attention de sa puissance émotive vers sa signification, dans l’illusion que comprendre le rite c’est le vivre. Cette dérive rationaliste et logocentrique de la liturgie a restreint l’importance du corps et de la corporéité, comme la valeur des sens et de la sensibilité, dans l’action de communiquer et d’exprimer. En fait, la forme ordinaire se caractérise par son usage de la langue commune qui a créé un espace pour la verbosité ; par sa réduction du silence ; par sa limitation de la performance physique, de la formalité et de la répétitivité des gestes ; par l’émergence de la communauté comme sujet de la célébration, phénomène favorisé par le recours abondant au chant communautaire ; par un agencement différent de l’espace pour faciliter la conversation horizontale des humains. Ainsi, d’une liturgie du corps, on est passé à une liturgie de la tête. De fait, dans la forme ordinaire, les textes récités ou proclamés sont prédominants au détriment de la performance corporelle, de la puissance de l’action, du geste, du mouvement, du son, en d’autres termes, la re-présentation performantielle a été mise de côté. L’ensemble de ces facteurs a conduit à la prédominance du contenu sur la forme, avec pour conséquence l’affaiblissement de la liturgie et la perte du sens du sacré qui en découle.

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L'intégralité ici : http://www.paixliturgique.fr/aff_lettre ... _N_ID=2459
Ignoratio enim Scripturarum ignoratio Christi est

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Re: Les deux formes de la liturgie romaine vues par un metteur en scène

Message non lu par hussard » lun. 11 avr. 2016, 10:24

Merci pour ce texte très intéressant :)
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Re: Les deux formes de la liturgie romaine vues par un metteur en scène

Message non lu par saperlipopette » lun. 20 juin 2016, 23:09

Bonsoir,

Ce monsieur Martilleni dit des choses fort pertinentes... mais la liturgie n'est selon moi pas seulement une mise en scène, ou un rituel à ambiance soit proche du peuple, soit proche de Dieu! si des gens aujourd'hui assistent à une messe Pie V, ce n'est pas seulement pour la beauté du rite, mais aussi pour la plus grande facilité de recueillement (que favorise ce plus grand sens du sacré dont parle Martinelli) ou le texte un peu plus clair du déroulement du Saint Sacrement ( avec un offertoire, une prière aux martyrs, etc.)
Ad Majorem Dei Gloriam

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