Mgr Bartolucci, maître émérite de la chapelle Sixtine

Gandulf
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Mgr Bartolucci, maître émérite de la chapelle Sixtine

Message non lu par Gandulf » lun. 24 août 2009, 16:31

Lu ici: http://disputationes.over-blog.com/arti ... 46658.html.

Rencontre avec Mons. Domenico BARTOLUCCI,
maître émérite de la chapelle Sixtine,
grand ami et collaborateur de Benoît XVI.
(Interview Pucci Cipriani, Stefano Carusi - Traduction française Matthieu Raffray)



Né en 1917 à Borgo San Lorenzo (Florence), toscan par sa naissance puis romain par l’appel du Pape, il est nommé en 1952 substitut de la Chapelle Sixtine, aux côtés de Lorenzo Perosi, puis maître de cette chapelle papale à partir de 1956, où il a eu l’honneur de travailler avec cinq papes. Le 24 juin 2006, le Pontife régnant a tenu à organiser une cérémonie spéciale (photo) afin de sceller « à perpétuité » sa proximité et son admiration pour le grand musicien, auquel il adressait les mots suivants : « la polyphonie sacrée, en particulier celle de l’école romaine, est un héritage à conserver avec soin (…) un authentique aggiornamento de la musique sacrée ne peut advenir que sur le socle de la grande tradition héritée du passé, celle du chant grégorien et de la polyphonie sacrée ».

Maître, la publication récente du Motu proprio Summorum Pontificum a apporté un vent d’air frais dans le panorama liturgique désolant qui nous entoure… en avez-vous profité vous-même pour célébrer la « messe de toujours » ?

A vrai dire, j’ai toujours célébré cette messe, de façon ininterrompue depuis mon ordination… En fait j’aurais même des difficultés à célébrer la messe du rite moderne, puisque je ne l’ai jamais dite…

Pour vous, elle n’a donc jamais été abolie ?

Ce sont les paroles mêmes du Saint Père, même si certains font mine de ne pas le comprendre, et même si beaucoup ont soutenu le contraire dans le passé.

Pensez-vous que les fidèles soient moins enthousiasmés par la forme traditionnelle du rite, à cause de son aspect peu « participatif » ?

Allez, il ne faut pas dire de bêtises ! Moi j’ai connu la participation des fidèles autrefois, aussi bien à Rome, dans les basiliques, qu’à travers le Monde, et ici-même dans le « Mugello », dans cette paroisse, dans cette belle campagne autrefois peuplée de gens pleins de foi et de piété. Le dimanche à vêpres, le prêtre aurait pu se contenter d’entonner le « Deus in adjutorium meum intende », et puis se mettre à dormir sur la banquette jusqu’au capitule : les fidèles auraient continué tout seuls et les pères de famille auraient entonné, un par un, les antiennes !

C’est donc pour vous une vaine polémique, par rapport à l’actuel style liturgique ?

Hélas, je ne sais pas si vous avez déjà assisté à des funérailles : Alléluias, applaudissements, des phrases loufoques, au point de se demander si ces gens ont déjà lu l’évangile : Notre-Seigneur lui-même pleure sur Lazare et sur la mort… Avec ce fade sentimentalisme, on ne respecte même pas la douleur d’une mère. J’aurais voulu vous montrer comment autrefois le peuple assistait à une messe des morts, avec quelle componction et quelle dévotion on entonnait le magnifique et terrible Dies Irae !

Mais la réforme n’a-t-elle pas été faite par des gens conscients et bien formés doctrinalement ?

Je m’excuse, mais la réforme a été faite par des hommes arides, arides, je vous le répète. Moi, je les ai connus. Et quant à la doctrine, je me souviens que le cardinal Ferdinando Antonelli, de vénérable mémoire, disait souvent : « Qu’est-ce que nous pouvons faire de ces liturgistes qui ne connaissent pas la théologie ? »

Nous sommes bien d’accord avec vous, Monseigneur, mais il est vrai aussi qu’autrefois les gens n’y comprenaient rien…

Chers amis, n’avez-vous jamais lu saint Paul : « il n’est pas nécessaire de savoir plus que ce qui est nécessaire » : il faut aimer la connaissance ad sobrietatem. Avec cet état d’esprit, dans quelques années on prétendra comprendre la transsubstantiation comme on explique un théorème de mathématiques… Mais le prêtre lui-même ne peut comprendre entièrement un tel mystère !

Alors comment en est-on parvenu à un tel effondrement de la liturgie ?

Ça a été une mode, tout le monde parlait, tout le monde « rénovait », tout le monde pontifiait, sur la base d’un sentimentalisme qui prétendait tout réformer, et on faisait taire habilement les voix qui s’élevaient en défense de la tradition bimillénaire de l’Église. On a inventé une sorte de « liturgie du peuple »… lorsque j’entendais ces ritournelles, je me souvenais des paroles de l’un de mes professeurs de séminaire, qui nous enseignait que « la liturgie est l’œuvre du clergé, mais elle est pour le peuple ». Il voulait dire par là qu’elle doit descendre de Dieu et non pas monter à partir de la base. Je dois pourtant reconnaître que cet air corrompu s’est maintenant raréfié : les nouvelles générations de prêtres sont peut-être meilleures que celles qui ont précédé ; les jeunes prêtres ne sont plus ces idéologues furieux doublés de modernistes iconoclastes : ils sont plein de bons sentiments, mais ils manquent de formation…

Que voulez-vous dire par « ils manquent de formation » ?

Je veux dire qu’il faut de vrais séminaires ! Je parle de ces structures que la sagesse de l’Église avait finement ciselées à travers les siècles. Vous ne vous rendez pas compte de l’importance d’un séminaire : une liturgie vécue… les différents moments de l’année y sont vécus socialement avec les confrères du séminaire, l’Avent, le Carême, les grandes fêtes de Pâques : tout cela éduque à un point que vous n’imaginez pas. Une rhétorique insensée a fait passer l’image que le séminaire déforme les prêtres, que les séminaristes, éloignés du monde, resteraient fermés sur eux-mêmes et distants du monde. Ce ne sont que des fantaisies pour gaspiller une formation riche de plusieurs siècles d’expérience, et pour ne la remplacer que par du vide.

Pour revenir sur la crise liturgique, vous, Monseigneur, êtes-vous favorable à un retour en arrière ?

Regardez : défendre le rite antique ne consiste pas à être passéiste, mais à être « de toujours ». Par exemple, c’est une erreur d’appeler la messe traditionnelle « messe de saint Pie V » ou « messe Tridentine », comme s’il s’agissait de la messe d’une époque particulière. Notre messe romaine est au contraire universelle, dans le temps et dans le lieu : une unique langue de l’Océanie à l’Arctique. En ce qui concerne la continuité dans le temps, je peux vous raconter un épisode significatif : une fois nous étions en compagnie d’un évêque, dont je ne vous donnerai pas le nom, dans une petite église de la région ; nous apprenons alors subitement le décès d’un ami commun qui nous était cher, et nous décidons alors de célébrer sur le champ la messe pour lui. En cherchant dans la sacristie, on se rend compte qu’il n’y avait là que des missels antiques. Et bien l’évêque a refusé catégoriquement de célébrer. Je ne l’oublierai jamais… et je répète que la continuité de la liturgie implique que, sauf cas particuliers, je puisse célébrer aujourd’hui avec le vieux missel poussiéreux pris sur une étagère, et qui il y a quatre siècles a servi à l’un de mes prédécesseurs dans le sacerdoce.

On parle actuellement d’une « réforme de la réforme », qui devrait limer les irrégularités introduites dans les années 70…

La question est assez complexe… Que le nouveau rite ait des déficiences est désormais une évidence pour tout le monde, et le Pape a dit et il a écrit plusieurs fois que celui-ci devrait « regarder vers l’ancien ». Mais que Dieu nous garde de la tentation des pastiches hybrides. La Liturgie avec un L majuscule est celle qui nous vient des siècles passés : c’est elle qui est la référence. Qu’on ne l’abâtardisse pas avec des compromis « déplaisant à Dieu et à ses ennemis »…

Que voulez-vous dire par là ?

Prenons par exemple les innovations des années 70 : des chansonnettes laides et pourtant tellement en vogue dans les églises en 1968 sont aujourd’hui déjà des pièces de musée. Lorsqu’on renonce à la pérennité de la Tradition pour s’immerger dans le temps, on est aussi condamné à suivre les changements de modes. A propos de la réforme de la semaine sainte dans les années cinquante, je vous raconte une histoire : cette réforme avait été entreprise avec une certaine hâte, sous un Pie XII déjà affaibli et fatigué. Si bien que quelques années plus tard, sous le pontificat de Jean XXIII – car quoiqu’on en dise, en matière de liturgie il était d’un traditionalisme convaincu et émouvant – m’arrive un coup de fil de Mgr. Dante, le cérémoniaire du Pape, qui me demande de préparer le Vexilla Regis pour l’imminente célébration du Vendredi Saint. Interloqué, je lui réponds : « mais vous l’avez aboli ! ». Alors il m’a dit : « Le Pape le veut » ; et en quelques heures j’ai organisé les répétitions de chant, et nous avons chanté à nouveau, avec une grande joie, ce que l’Église chantait ce jour-là depuis des siècles. Tout cela pour dire que lorsqu’on a fait des déchirures dans le tissu de la liturgie, ces trous restent difficiles à recoudre, et ils se voient. Face à notre liturgie multiséculaire, nous devons contempler avec vénération, et nous souvenir qu’avec cette manie de toujours vouloir « améliorer », nous risquons de ne faire que des dégâts.

Maître, quel a donc été le rôle de la musique dans ce processus ?

La musique a joué un rôle incroyable pour plusieurs raisons : le « cécilianisme » maniéré – auquel Perosi ne fut pas étranger – avait introduit avec ses mélodies chantantes un sentimentalisme romantique nouveau, qui n’avait rien à voir, par exemple, avec la corpulence éloquente et solide de Palestrina. Certaines extravagances mal placées de Solesmes avaient cultivé un grégorien susurré, fruit lui aussi de cette pseudo restauration médiévalisante qui a eu tant de succès au XIXème siècle. C’était l’idée de l’opportunité d’une récupération archéologique, aussi bien en musique qu’en liturgie, d’un passé lointain dont nous auraient éloigné les « siècles obscurs » du Concile de Trente… De l’archéologisme, en somme, qui n’a rien à voir, absolument rien à voir avec la Tradition, car il veut récupérer ce qui finalement n’a peut-être jamais existé. Un peu comme certaines églises restaurées dans le style « pseudo roman » de Viollet-le-Duc. Ainsi donc, entre un archéologisme qui prétend se rattacher à l’époque apostolique, mais en se séparant des siècles qui nous relient à ce passé, et un romantisme sentimental qui méprise la théologie et la doctrine pour exalter les « états d’âme », s’est préparé le terrain qui a abouti à cette attitude de suffisance vis-à-vis de ce que l’Église et nos Pères nous avaient transmis.

Que voulez-vous dire, Monseigneur, lorsque dans le domaine musical vous attaquez Solesmes ?

Je veux dire que le chant grégorien est modal et non pas tonal. Il est libre, et non pas rythmé. Ce n’est pas « un, deux, un, deux, trois ». Il ne fallait pas dénigrer la façon de chanter dans nos cathédrales pour lui substituer un chuchotement pseudo monastique et affecté. On n’interprète pas le chant du Moyen-âge avec des théories d’aujourd'hui, mais il faut le prendre comme il nous est parvenu. De plus, le grégorien d’autrefois savait être aussi un chant populaire, chanté avec force et vigueur, comme le peuple exprimait sa foi avec force et vigueur. Et c’est cela que Solesmes n’a pas compris. Cela étant dit, il faut bien sûr reconnaître l’immense et savant travail philologique qui y a été fait en ce qui concerne l’étude des manuscrits antiques.

Maître, alors où en sommes-nous dans la restauration de la musique sacrée et de la liturgie ?

Je ne nie pas qu’il y ait quelque signes de reprise… mais je vois tout de même persister une sorte d’aveuglement, comme une certaine complaisance pour tout ce qui est vulgaire, grossier, de mauvais goût, et aussi pour ce qui est doctrinalement téméraire… Ne me demandez pas, je vous en prie, mon avis sur les « guitarades » et les chansonnettes qu’ils nous chantent encore pendant l’offertoire. Le problème liturgique est sérieux : il faut cesser d’écouter la voix de ceux qui n’aiment pas l’Église et qui s’opposent au Pape. Si on veut guérir un malade, il faut d’abord se souvenir que « le médecin timoré laisse la plaie s’infecter (il medico pietoso fa la piaga purulenta) »…

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Re: Mgr. Bartolucci, maître émérite de la chapelle Sixtine

Message non lu par AdoramusTe » lun. 24 août 2009, 22:45

Beaucoup d'âneries dans cette entrevue :

- il traite la forme ordinaire de liturgie déficiente mais il ne l'a lui-même jamais célébrée ! Forcément il sait de quoi il parle !
- il n'a rien compris à ce que fait Solesmes à priori, y a-t-il déjà mis les pieds ?

En tout cas, le tradiland doit être en train de s'en gargariser, c'est une promotion de la "messe de toujours" !
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Gandulf
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Re: Mgr. Bartolucci, maître émérite de la chapelle Sixtine

Message non lu par Gandulf » mar. 25 août 2009, 23:06

Je ne connais pas particulièrement Mgr. Bartolucci, mais cependant, j'imagine qu'en tant que maître de musique de la chapelle Sixtine sous les règnes de Paul VI, Jean-Paul I et Jean-Paul II, il connait certainement plus la forme ordinaire que vous ne le croyez.

En ce qui concerne la musique , Mgr. Bartolucci est reconnu comme un très grand musicien
(voir ici:
http://www.scholasaintmaur.net/Actualit ... _Rome.html
http://news.catholique.org/10857-un-ren ... la-musique). Il est donc qualifié (en tout cas plus que vous et moi) pour avoir un avis musical sur l'interprétation du chant grégorien de l'école de Solesmes qui n'est quand même pas propriétaire du chant grégorien. C'est son avis de musicien, on peut ne pas être d'accord.
Par ailleurs, la polyphonie sacrée qu'il promeut est également digne de la célébration des Saints Mystères en complément du chant grégorien "chant propre de la liturgie romaine".

Il me semble qu'il fait mouche quand il condamne l'archéologisme qui a conduit au bricolage liturgique actuel. Il est ainsi interdit de regretter aucune innovation liturgique. On vous répondra toujours (surtout en France) que malgré les apparences, toutes les innovations sont de la plus haute antiquité et donc plus vénérables que le missel ancien lui-même (offertoire issu des prières de bénédiction juive, prière eucharistique 2 de saint Hippolyte etc etc). A ce titre, tout est toujours parfait et Traditionnel dans le meilleur des mondes. Je vous conseille d'ailleurs de répéter au moins 3 fois par jour : "il n'y a pas de problème liturgique en France". Sauf que l'archéologisme, ce n'est pas le mode de développement de la liturgie romaine qui est toujours organique. On n'aurait dû toucher à la liturgie romaine qu'avec tremblements au lieu de quoi l'ingénierie liturgique a débouché sur une liturgie Patchwork, à la carte, à la fois fade et cérébrale.

Gandulf

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Re: Mgr. Bartolucci, maître émérite de la chapelle Sixtine

Message non lu par AdoramusTe » mar. 25 août 2009, 23:25

Gandulf a écrit :Je ne connais pas particulièrement Mgr. Bartolucci, mais cependant, j'imagine qu'en tant que maître de musique de la chapelle Sixtine sous les règnes de Paul VI, Jean-Paul I et Jean-Paul II, il connait certainement plus la forme ordinaire que vous ne le croyez.
Notez, il est maître de musique et non cérémoniaire, mais soit.
En ce qui concerne la musique , Mgr. Bartolucci est reconnu comme un très grand musicien
(voir ici:
http://www.scholasaintmaur.net/Actualit ... _Rome.html
http://news.catholique.org/10857-un-ren ... la-musique). Il est donc qualifié (en tout cas plus que vous et moi) pour avoir un avis musical sur l'interprétation du chant grégorien de l'école de Solesmes qui n'est quand même pas propriétaire du chant grégorien. C'est son avis de musicien, on peut ne pas être d'accord.
Il a beau être très grand musicien, ce qu'il dit sur Solesmes sont des sotises. Cette méthode de comptage n'a jamais été utilisée à Solesmes et d'aileurs même pas encouragée. Ce qui se fait à Solesmes est bien le contraire de ce qu'il dit.
Le titre de Monseigneur n'est pas une garantie contre les âneries.
Il me semble qu'il fait mouche quand il critique l'archéologisme qui a conduit au bricolage liturgique actuel. Il est ainsi interdit de regretter aucune novation liturgique. On vous répondra toujours (surtout en France) que malgré les apparences, toutes les novations sont de la plus haute antiquité et donc plus vénérables que le missel ancien lui-même (offertoire issu des prières de bénédiction juive, prière eucharistique 2 de saint Hippolyte etc etc). A ce titre, tout est toujours parfait et Traditionnel; vous savez: "il n'y a pas de problème liturgique en France". Sauf que l'archéologisme, ce n'est pas le mode de développement de la liturgie romaine qui est toujours organique. L'ingénierie liturgique rationnaliste a débouché sur une liturgie Patchwork, à la carte, à la fois fade et cérébrale.
Vous pouvez répéter ça autant de fois que vous voulez si ça vous défoule.
On en a déjà discuté des milliers de fois, les problèmes sont connus, des erreurs furent commises, mais de toute façon, il y a une norme dans l'Eglise, qu'on le veuille où non. Il faut qu'elle soit appliquée correctement, comme elles le sont au Vatican (dont je ne reconnais aucun bricolage).
En tout cas, rien ne changera en pleurant sur un passé glorieux, parce que de toute façon, il est illusoire de croire à une amélioration magique par retour au passé.
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Re: Mgr. Bartolucci, maître émérite de la chapelle Sixtine

Message non lu par Gandulf » mer. 26 août 2009, 20:34

Vous pouvez répéter ça autant de fois que vous voulez si ça vous défoule.
On en a déjà discuté des milliers de fois, les problèmes sont connus, des erreurs furent commises, mais de toute façon, il y a une norme dans l'Eglise, qu'on le veuille où non. Il faut qu'elle soit appliquée correctement, comme elles le sont au Vatican (dont je ne reconnais aucun bricolage).
En tout cas, rien ne changera en pleurant sur un passé glorieux, parce que de toute façon, il est illusoire de croire à une amélioration magique par retour au passé.
Je vous accorde tout à fait que la liturgie n'appartient nullement aux fidèles et que ce n'est pas à nous de décréter des nouvelles normes. Cependant, je ne suis pas d'accord sur le bricolage: tant qu'il sera possible de bricoler la liturgie en toute bonne conscience et en toute conformité à la lettre des rubriques de la PGMR, il y aura un problème liturgique en France (n'en déplaise à Mgr. Le Gall).

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Re: Mgr. Bartolucci, maître émérite de la chapelle Sixtine

Message non lu par François-Xavier » jeu. 27 août 2009, 15:31

Gandulf a écrit : En ce qui concerne la musique , Mgr. Bartolucci est reconnu comme un très grand musicien
(voir ici:
http://www.scholasaintmaur.net/Actualit ... _Rome.html
http://news.catholique.org/10857-un-ren ... la-musique). Il est donc qualifié (en tout cas plus que vous et moi) pour avoir un avis musical sur l'interprétation du chant grégorien de l'école de Solesmes qui n'est quand même pas propriétaire du chant grégorien.
Ce que dénonce Bartolucci, c'est un grégorien éthéré et mécanique, désincarné, tel qu'il est enseigné, il est vrai, dans un certain nombre de monastères, notamment de la congrégation de Solesmes, en se réclamant de la "méthode de Solesmes".
La "méthode de Solesmes" doit son appellation à un opuscule et / ou à un article des Etudes grégoriennes qui, sous la signature de Dom Gajard, prétendait faire une espèce de synthèse du rythme grégorien tiré du "Nombre musical de Dom Mocquereau". C'était, de l'aveu même de l'auteur, une compilation de raccourcis à l'usage de débutants, ne prétendant nullement résumer l'art grégorien.
http://cgi.ebay.fr/La-M%E9thode-de-Sole ... 6001r19609
Or parler d'une "méthode de Solesmes", ça pose plusieurs problèmes :
- Solesmes est un monastère qui a toujours lutté contre les "méthodes" : les méthodes d'oraison, notamment. On voit mal Solesmes en tant que monastère constitué se mettre à promouvoir une méthode pour le prière liturgique....
- Solesmes n'a jamais appliqué cette méthode : Dom Gajard le disait lui même ; il y a un "style" de Solesmes dont aucune méthode n'a jamais rendu compte. et le problème c'est que ce style là est explicitement partie prenante de l'interprétation solesmienne.
- Depuis dom Gajard, il y a eu un "monument" du chant grégorien, Dom Cardine, qui a influencé l'interprétation solesmienne ; c'est lui qui a permis à l'art grégorien d'avancer le plus depuis les 50 dernières années, et de donner une cohérence d'interprétation aux signes neumatiques (connus de ses prédécesseurs). Il n'est plus envisageable aujourd'hui à Solesmes, pour le maître de choeur, de se passer d'un graduale triplex.
- à l'atelier de paléographie comme à la schola de Solesmes, la voix elle même est quelquechose qui est essentiel : il ne s'agit plus seulement de forcer la voix à se fondre, mais pour chacun des chantres, de trouver et de valoriser une voix, qui est personnelle et le siège de l'âme. Le maître de choeur prend en individuel chacun des chantres ais aussi les novices pour que cette voix "sorte" et soit naturelle, pour qu'on parvienne à une "incarnation" liturgique. Et c'est fondamental.

La critique de Bartolucci est juste.... Mais datée. On ne peut plus critiquer aujourd'hui Solesmes pour sa (soit-disant) "méthode", qu'elle n'a jamais appliqué. Par contre cette critique est souvent valable pour un certain nombre de monastères ou d'autres ensembles grégoriens qui appliquent servilement et bêtement cette "méthode" sans forcément en comprendre ses limites (même si elle a son intérêt), parfois de façon excessivement doctrinale. Les tenants de cette "méthode" (que critique Bartolucci) se comptent d'ailleurs entre eux : http://gregorian.soft.free.fr/sites.html
Et c'est à eux que s'adresse cette critique.
Par ailleurs la frontière entre les "gajardiens" et ceux qui "n'en sont pas" n'est pas aussi précise qu'on le pense généralement.....

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Alain Cassagnau
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Re: Mgr. Bartolucci, maître émérite de la chapelle Sixtine

Message non lu par Alain Cassagnau » jeu. 17 sept. 2009, 17:42

Il est un fait que Mgr Bartolucci est un grand musicien et compositeur. De ceux affirment le contraire, lesquels on chanté ses œuvres ? Quant au débat sur la "méthode de Solesmes", et quitte à faire des vagues, je rapporte ce que m'avait dit un moine de Solesmes bien placé pour parler de pédagogie : "La méthode de Solesmes, ça n'existe pas ; la preuve, nous on n'y est jamais arrivé". Autrement dit : la perfection poursuivie n'a jamais été atteinte.
La recherche et l'aboutissement sont tous les deux en perpétuel mouvement. Quand je lis parfois que les enregistrements de chant grégorien par les bénédictins se ressemblent à plusieurs dizaines d'années d'écart, je m'étonne ! Car j'ai un enregistrement de 1930 qui montre que Dom Gajard possédait les principes, mais pour l'éxécution... désolé, mais il y a des choses qui sont à s'arracher les cheveux ! Eh oui... Dom Gajard lui-même n'obtenait pas cette perfection dont on a fait un vrai mythe, mais qui pourtant n'existe pas.
Si Solesmes a retrouvé les bases nécessaires, pour autant, ce chant grégorien étouffé et précieux, s'il est très pieux, me dérange pourtant. Le plain-chant, ce n'est pas ça. Un chantre, ce n'est pas ça non plus. On oublie un peu vite que le modèle de "chœur grégorien" "à la XXe s." est une aberration. On a voulu copier les moines, et on s'est trompé. La vraie tradition, c'est une chœur de chantres qui se monte à 4 ou 5 hommes et 3 ou 4 jeunes garçons. Pas plus ! Je regrette, mais il n'y a jamais eu, en dehors des communautés religieuses, de chant grégorien à 30 ou 40 choristes. Et c'est précisément ce nombre excessif, érigé en pseudo-tradition, qui a tué la vérité du plain chant, qui reste basée sur une voix suffisamment charpentée. Je ne parle pas de voix excessivement sonores, mais de la "voix ecclésiastique" tels que les auteurs anciens la décrivent, et que d'autres appellent la "voix de poitrine". Voix qui, sans effort, "remplit" l'édifice, et n'empêche absolument pas d'exécuter toutes les nuances retrouvées par Solesmes. Voilà la vraie tradition des chantres.

Mgr Bartolucci y va certainement un peu fort. Mais il n'a pas tort. Quand à certaines positions de "grégorianistes expérimentés", elles peuvent elles aussi être invraisemblable. Je me souviens d'une formatrice qui estimait quasiment hérétique de ne pas compter les temps dans les neumes. Elle me disait aussi qu'après Dom Jean Claire, le "diable était entré à Solesmes". Etc, etc. Mais sa pédagogie et sa technique vocale rebutaient même les séminaristes les plus classiques... alors voilà. Que chacun regarde la poutre qu'il a dans l'oeil.

Pour ma part, je crois qu'un vrai bon chanteur, parce qu'il possède bien sa voix, est capable d'entrer dans l'âme même du chant grégorien et de comprendre ce qu'il doit faire pour être dans le vrai. L'oreille humaine n'a pas changé en 1000 ans, comme le prouvent certaines annotations de manuscrits médiévaux, qui préviennent de pièges dans lesquels les chantres actuels tombent également, comme leurs prédécesseurs ! Ainsi il est parfaitement possible de reconnaître lorsqu'une méthode de chant grégorien est bonne ou mauvaise. A l'exécution d'une mauvaise méthode, il y a une insatisfaction, une atonie permanente, un essoufflement, une attende d'un mieux être qui ne vient pas. A l'exécution d'une bonne méthode, il y a une plénitude, une homogénité, une puissance intérieure, un sentiment d'aboutissement, on se dit "C'est ça !". J'ai cru à une époque que la sémiologie me permettrait de trouver la voie ; je me suis étouffé par cette approche scientiste. Je suis revenu à la technique vocale et à la trame spirituelle en tant qu'âme de l'exécution. Tout le reste vient avec. Et le plus étonnant c'est que le résultat ne froisse pas les bénédictins.

Alain Cassagnau
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François-Xavier
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Re: Mgr. Bartolucci, maître émérite de la chapelle Sixtine

Message non lu par François-Xavier » jeu. 17 sept. 2009, 19:13

Excellent. Merci beaucoup pour ce message, Alain... Ce que vous dites de la sémiologie, c'est d'ailleurs en substance ce qu'a pu exprimer, à sa manière, dom Cardine lui même...

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Mort de Domenico Bartolluci

Message non lu par AdoramusTe » lun. 11 nov. 2013, 21:29

Mgr Domenico Bartolucci est décédé à l'âge de 96 ans.

Image

Il a été le maître de chapelle de la Chapelle Sixtine de 1956 à 1997.
Malgré le poste de «directeur perpétuel» du Chœur de la Chapelle Sixtine, il fut remercié par Mgr Piero Marini en 1997.
Il fut créé cardinal par Benoit XVI en 2010.

Article d'Yves Daoudal : http://yvesdaoudal.hautetfort.com/archi ... .html#more

Le blog Benoit et moi : http://benoit-et-moi.fr/2013-III/actual ... lucci.html
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