L'unité de l'action eucharistique

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Evrard Deleau
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L'unité de l'action eucharistique

Message non lu par Evrard Deleau » mer. 07 sept. 2016, 16:47

Unité de l’action eucharistique

Bien souvent dans notre vie, notre pensée, nous sommes « compartimentés », il y a d’invisibles tiroirs bien étanches. Il ne devrait pas en être ainsi pour notre foi, notre vie spirituelle et donc pas non plus dans la liturgie. Essayons de re-découvrir l’unité de l’action eucharistique qui nous donne de communier au Christ Vivant, présent au milieu de nous.

Présence du Ressuscité
Déjà avant même que nous nous mettions en route vers l’église, le Ressuscité nous précède, c’est lui qui nous convoque. Les cloches de nos églises, sonnant à toute volée, transmettent l’invitation du Seigneur à venir le rencontrer, célébrer sa mort et sa Résurrection.

Lors de la procession d’entrée, le Christ manifeste encore sa présence. En effet, s’avancent la Croix, l’évangéliaire, le prêtre, autant de signes du Ressuscité. Le prêtre baise l’autel qui représente le Christ, prêtre et victime. Il encense l’autel, la Croix, le cierge pascal, autre manière de rendre hommage au Christ ressuscité, présent au cœur de son peuple convoqué, l’assemblée.

La liturgie pénitentielle s’adresse au Christ : Kyrie eleison. On ne parle pas du Christ comme d’un absent, mais on lui parle, on lui demande pardon, on confesse son amour miséricordieux. Toute notre attitude, nos gestes, nos rites, dès la première minute de notre célébration manifestent notre foi en la présence du Christ ressuscité.

Comme le rappelle la Constitution sur la liturgie du concile Vatican II, le Christ est présent quand on lit les Écritures, mais tout particulièrement dans l’évangile. Tout un rite entoure sa proclamation : l’assemblée se lève (comme lorsqu’on accueille un personnage important), le diacre (ou le prêtre) va chercher l’évangéliaire (souvent de belle facture) sur l’autel où il l’avait déposé lors de la procession d’entrée, le porte solennellement à l’ambon au chant de l’alléluia (l’assemblée acclame par ce chant – ce cri ? – pascal l’arrivée solennelle du Ressuscité au lieu de la Parole), il l’encense, annonce « Évangile de Jésus Christ selon … », il proclame (peut même cantiler) l’évangile. En finale, le diacre dit : « Acclamons la Parole de Dieu » et le peuple répond : « Louange à toi, Seigneur Jésus ! ». Cette sorte de mise en scène attire notre attention. On a changé de registre par rapport aux autres lectures (qu’on écoute en position assise, proclamées par un lecteur laïc issu de l’assemblée). Non que la première lecture, tirée de l’Ancien Testament, le psaume et la lecture du Nouveau Testament (souvent extraite des lettres de saint Paul, mais pas seulement), n’aient pas beaucoup d’importance. Ces trois lectures nous aident à faire mémoire des merveilles que Dieu a faites pour son peuple. Mais l’évangile est d’un autre ordre. Notre réponse à la fin de sa proclamation l’exprime clairement, nous sommes bien conscients que le Seigneur Jésus en personne nous a parlé. Nous ne disons pas notre assentiment au passage qui vient d’être lu. Le prêtre ou le diacre ne dit pas : acclamons cette parole de Dieu, mais La Parole de Dieu. Nous acclamons le Christ, Verbe fait chair, Jésus, Parole vivante de Dieu.

Pour la partie proprement eucharistique, il nous est plus familier de discerner la présence du Christ. Mais là encore, il faut faire attention à ne pas réduire cette présence, à ne pas enfermer le Christ de manière étroite. Le prêtre ne transforme pas le pain et le vin en corps et sang du Christ comme d’un coup de baguette magique avec la formule de consécration qui fait que ça marche ! La consécration est intégrée à toute une longue et solennelle prière prononcée par celui qui préside (prêtre ou évêque), priée par tous, la prière eucharistique. Le but de l’eucharistie n’est pas de consacrer le pain et le vin en vue de la communion et de l’adoration. Il y a une unité dans toute cette longue action liturgique, un grand mouvement.

Jésus a dit lors de la dernière cène : faites ceci en mémoire de moi. Que représente « ceci » ? Quatre verbes qu’on retrouve dans les quatre récits de l’institution de l’eucharistie : Il prit le pain, il prit le vin, il rendit grâce (action de grâce, eucharistein en grec a donné notre terme eucharistie), il le rompit (la fraction du pain fut la première manière de désigner l’eucharistie dans l’Église des premiers temps) et le donna à ses disciples… Faire mémoire de Jésus en son mystère pascal implique les quatre verbes. Il ne suffit donc pas de communier comme si c’était l’unique point essentiel de la messe. Nous faisons mémoire – au sens fort de rendre actuel – de Jésus en sa mort et sa résurrection. Aujourd’hui, le Ressuscité, présent au milieu de nous, prend le pain, le vin, rend grâce au Père, rompt le pain en signe de son corps livré, donne sa vie, signifiée sous les espèces du pain (son Corps, tout son être) et du vin (son Sang, principe vital, sang de l’Alliance éternelle).

Communion
Le terme communion est bien plus large que ce que nous pensons souvent à propos de l’eucharistie. Bien sûr, il y a le moment appelé communion où nous sommes invités à recevoir et manger le Corps du Christ, boire son sang. Il ne s’agit bien sûr pas de rites anthropophages. Communier est une action symbolique au sens fort : par ces gestes (manger, boire, donc assimiler nourriture et boisson), Jésus nous donne de vivre de sa vie, de devenir ce que nous recevons, le Corps et le Sang du Seigneur. Ce n’est pas peu. Ce geste nous engage, il signifie que nous entrons dans l’alliance éternelle que Dieu veut sceller avec nous. Nous voulons vivre de la Vie du Seigneur, vivre comme lui, continuer sa mission, porter au monde la Présence du Ressuscité, être témoins (même mot que martyr en grec !) du Christ jusqu’à donner notre vie pour lui.

« Puisqu’il y a un seul pain, la multitude que nous sommes est un seul corps, car nous avons tous part à un seul pain », nous rappelle saint Paul (1 Co 10, 17). La communion au Christ n’est pas un acte privé, mais un geste communautaire. Nous nous rendons d’ailleurs à la communion en « procession », ensemble. Cet acte particulièrement intime est également particulièrement communautaire. Communier au Christ nous met en communion profonde les uns avec les autres. Un adage ancien dit : « l’Église fait l’eucharistie et l’eucharistie fait l’Église » !

Déjà l’écoute de la Parole nous avait constitué comme peuple. Se nourrir de l’écoute d’une même Parole de Dieu est aussi source de communion. D’ailleurs le concile, dans sa constitution Dei Verbum, sur la Révélation, a eu l’audace de parler d’une seule table, un seul pain, mettant sur le même pied la Parole de Dieu et le Pain eucharistique.

Mais c’est depuis l’entrée que la liturgie commence à nous mettre en communion les uns avec les autres. Dans le chant, chaque baptisé exerce son sacerdoce baptismal (même s’il chante faux !). Nous ne formons plus qu’une seule voix s’élevant vers Dieu pour le louer d’un seul cœur. Les cloches nous ont invités, nous sommes venus seuls, en famille… Par le chant, les éléments juxtaposés que nous étions deviennent un peuple, une communauté de croyants unie dans la prière, la foi. La communion se noue déjà là, se fortifie et se nourrit de la Parole pour aboutir à ce grand geste de communion unique, la communion sacramentelle au corps et au sang du Seigneur. Il y a une extraordinaire unité de toute l’action eucharistique.

Emmaüs

Pour conclure, je voudrais relire rapidement le passage bien connu des disciples d’Emmaüs (Luc 24, 13-35), sorte de modèle de nos eucharisties. Les disciples sont en chemin, bien tristes, quittant Jérusalem. Un inconnu se joint à eux. Ils font connaissance. Un peu de communion commence à naître. Le Ressuscité est présent, mais ils ne le savent pas, ne le reconnaissent pas. En chemin, Jésus leur ouvre les Écritures. « Partant de Moïse et de tous les Prophètes, il leur interpréta, dans toute l’Écriture, ce qui le concernait ». Le soir venant, arrivés à l’auberge, les disciples invitent leur compagnon. Ils désirent prolonger, approfondir, leur communion par le partage du pain et du gîte. Mais ils sont entraînés bien plus loin qu’ils ne le pensaient. C’est Jésus qui, après les avoir nourris de la Parole, rompt le pain pour eux, comme il le fait en chacune de nos eucharisties. « Quand il fut à table avec eux, ayant pris le pain, il prononça la bénédiction et, l’ayant rompu, il le leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent, mais il disparut à leurs regards. » Mais le récit en s’arrête pas là, à l’instant même ils se lèvent, se remettent en route vers Jérusalem pour annoncer le Christ ressuscité. Tel est l’enjeu de nos eucharisties et l’unité de cette action liturgique.

Marie-Paule Somville

Extrait de la revue Feu Nouveau (http://www.feunouveau.eu)

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Re: L'unité de l'action eucharistique

Message non lu par Mac » ven. 09 sept. 2016, 14:12

Bonjour :)
Evrard Deleau a écrit :Pour conclure, je voudrais relire rapidement le passage bien connu des disciples d’Emmaüs (Luc 24, 13-35), sorte de modèle de nos eucharisties. Les disciples sont en chemin, bien tristes, quittant Jérusalem. Un inconnu se joint à eux. Ils font connaissance. Un peu de communion commence à naître. Le Ressuscité est présent, mais ils ne le savent pas, ne le reconnaissent pas. En chemin, Jésus leur ouvre les Écritures. « Partant de Moïse et de tous les Prophètes, il leur interpréta, dans toute l’Écriture, ce qui le concernait ». Le soir venant, arrivés à l’auberge, les disciples invitent leur compagnon. Ils désirent prolonger, approfondir, leur communion par le partage du pain et du gîte. Mais ils sont entraînés bien plus loin qu’ils ne le pensaient. C’est Jésus qui, après les avoir nourris de la Parole, rompt le pain pour eux, comme il le fait en chacune de nos eucharisties. « Quand il fut à table avec eux, ayant pris le pain, il prononça la bénédiction et, l’ayant rompu, il le leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent, mais il disparut à leurs regards. » Mais le récit en s’arrête pas là, à l’instant même ils se lèvent, se remettent en route vers Jérusalem pour annoncer le Christ ressuscité. Tel est l’enjeu de nos eucharisties et l’unité de cette action liturgique.
Ce qui est étonnant c'est que Jésus leur explique l'écriture mais ils ne le reconnaissent pas. Ils le reconnaissent juste à la fraction du pain ("leurs yeux s'ouvrirent"; pourtant ce sont pas des aveugles selon le texte!) . Pourquoi?

Fraternellement. :coeur:

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Evrard Deleau
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Re: L'unité de l'action eucharistique

Message non lu par Evrard Deleau » mar. 13 sept. 2016, 16:01

L'évangéliste saint Luc nous invite sans doute à lire ce passage à deux niveaux. Le premier niveau est historique. Les deux disciples ont vu Jésus mais dans son corps de Gloire. Les apôtres, eux aussi, lors des apparitions post-pascales ne reconnaitront pas directement Jésus. C'est bien lui et pourtant il est mystérieusement différent.
Le deuxième niveau de lecture est celui de la foi. Nous aussi, nous sommes invités à "reconnaitre" Jésus dans notre vie mais nos yeux sont aveuglés. La fraction du pain, c'est à dire, la participation à l'eucharistie, peut nous aider à voir cette présence active de Jésus au coeur de notre monde. L'eucharistie nous aide à percevoir ce qui est invisible pour nos yeux de chair mais perceptible par la foi.

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